Topologie générale/Compacité
La compacité en topologie apporte une notion de finitude topologique. On ajoute également une condition de séparabilité à la définition : un espace topologique séparé est dit compact lorsque de tout recouvrement de cet espace par des ouverts on peut extraire un recouvrement fini. Un espace métrisable est compact si et seulement s'il est séquentiellement compact, c'est-à-dire si dans cet espace, toute suite admet une sous-suite convergente. Une partie d'un espace topologique est dite compacte si elle est compacte pour sa topologie induite.
Exemples :
- les compacts de R sont ses fermés bornés ;
- R lui-même n'est donc pas compact, tandis que R achevé (muni de la topologie étendue à R auquel ont été adjointes deux bornes infinies) est homéomorphe à [–1, 1] donc compact ;
- en ajoutant un seul point à un espace localement compact et en étendant convenablement sa topologie, on construit un espace compact : son compactifié d'Alexandrov. Par exemple, le compactifié d'Alexandrov de R est un cercle.
Définitions
[modifier | modifier le wikicode]Un recouvrement ouvert d'un espace topologique est une famille d'ouverts de telle que .
Un sous-recouvrement fini de est une sous-famille finie ( fini ) qui est encore un recouvrement (ouvert) de .
- Un espace topologique X est dit compact s'il est séparé et si pour tout recouvrement ouvert de X, il existe un sous-recouvrement fini.
- Une partie A de X est dite compacte si l'espace topologique A (muni de la topologie induite) est compact.
- Une partie de X est dite relativement compacte si elle est incluse dans une partie compacte de X.
- La propriété des recouvrements dans la définition de la compacité s'appelle la propriété de Borel-Lebesgue. Un espace non nécessairement séparé qui la vérifie est dit quasi-compact.
- Par contraposition et passage aux complémentaires, un espace X est quasi-compact si et seulement si toute famille de fermés de X dont les intersections finies sont non vides (c'est-à-dire telle que pour toute partie finie de , ), a une intersection non vide. En particulier, dans un espace quasi-compact, toute suite décroissante de fermés non vides a une intersection non vide.
- Par définition de la topologie induite, une partie d'un espace X est quasi-compacte si et seulement si pour toute famille d'ouverts de X telle que , il existe une partie finie de telle que .
Premières propriétés
[modifier | modifier le wikicode]Soit une partie compacte d'un espace séparé ; montrons que est fermé, c'est-à-dire que est un voisinage de tout point .
Puisque est séparé, sa diagonale est un fermé de donc dans le sous-espace , la trace de cette diagonale, , est fermée, et son complémentaire est un ouvert. Or contient (car ) donc d'après le lemme du tube, il existe dans un ouvert contenant et tel que , c'est-à-dire tel que .
Ceci achève de montrer que est un voisinage de .
Il suffit d'appliquer la caractérisation de la compacité en termes de fermés (deuxième remarque ci-dessus), en remarquant que si A est fermé dans un espace X, tout ensemble fermé dans A est fermé dans X.
Dans un espace séparé, une partie est relativement compacte (si et) seulement si son adhérence est compacte.
- Si : immédiat (et encore vrai dans un espace non séparé).
- Seulement si : dans un espace séparé X, soit A une partie incluse dans un compact K. Puisque (d'après la proposition 1) K est fermé dans X, il contient l'adhérence de A. Celle-ci est donc compacte d'après la proposition 2.
Dans un espace séparé :
- toute union finie de parties compactes est compacte ;
- toute intersection d'une famille non vide de parties compactes est compacte.
Soit un espace topologique.
- Soient des parties quasi-compactes de et leur réunion.
Soit une famille d'ouverts de dont la réunion contient . Alors, pour tout , donc il existe une partie finie de telle que .
L'ensemble est alors fini, et , ce qui prouve que est quasi-compact. - Supposons séparé. Soient une famille non vide de parties compactes de , et . Dans , tous les sont fermés (d'après la proposition 1) donc est fermé.
Or . C'est donc un compact (d'après la proposition 2).
Compacité et applications continues
[modifier | modifier le wikicode]Le théorème suivant généralise le théorème des bornes, selon lequel l'image d'un segment [a, b], par une application continue à valeurs dans R, est bornée et contient ses deux bornes.
L'image d'un compact, par une application continue à valeurs dans un espace séparé, est compacte.
Montrons que plus généralement, l'image d'un quasi-compact C par une application continue f : C → Y (avec Y non nécessairement séparé) est quasi-compacte[1]. Considérons un recouvrement de f(C) par des ouverts de f(C) (pour la topologie induite) ; son image réciproque par f est un recouvrement ouvert de C, dont on peut extraire un sous-recouvrement fini. L'image par f de ce sous-recouvrement est un sous-recouvrement fini de f(C) extrait du recouvrement initial.
Espaces métriques compacts
[modifier | modifier le wikicode]D'après la remarque ci-dessus sur les intersections de fermés, dans un espace métrique compact, l'ensemble des valeurs d'adhérence d'une suite est toujours non vide donc a au moins une sous-suite convergente. On résume cela en disant que tout espace métrique compact est séquentiellement compact (ce qui prouve au passage qu'il est complet). La réciproque, moins évidente, est aussi vraie :
Un espace métrique E est compact si (et seulement si) toute suite dans E admet une sous-suite convergente.
Pour démontrer ce théorème, nous utiliserons deux lemmes :
Si un espace métrique E est séquentiellement compact alors il est précompact, c'est-à-dire que pour tout réel ε > 0, E est réunion d'une famille finie de boules de rayon ε.
Par contraposition : si, pour un certain ε > 0, aucune union finie de boules ouvertes de rayon ε ne remplit E, alors on peut construire par récurrence une suite telle que
- .
Une telle suite vérifie :
donc elle n'admet pas de sous-suite de Cauchy ni, a fortiori, de sous-suite convergente, ce qui prouve que E n'est pas séquentiellement compact.
Remarquons au passage que tout espace métrique compact est donc borné.
Si un espace métrique E est séquentiellement compact alors, pour tout recouvrement ouvert de E, il existe un réel r > 0 (appelé nombre de Lebesgue du recouvrement) tel que toute boule ouverte de rayon r soit incluse dans au moins l'un des .
Par l'absurde. On suppose en particulier .
E est séquentiellement compact donc admet une sous-suite convergente . Sa limite, notée , appartient à l'un des , disons . Cet ouvert contient alors une boule ouverte de centre , dont nous noterons le rayon.
Pour assez grand, . On a alors , ce qui est absurde.
Il reste à démontrer que tout espace métrique séquentiellement compact est compact.
Soient E un espace métrique séquentiellement compact et un recouvrement ouvert de E. Soit (par le lemme 2) un nombre de Lebesgue de ce recouvrement :
- .
D'après le lemme 1, il existe une partie finie F de E telle que
- .
On en déduit que la sous-famille finie recouvre E.
Produit d'espaces compacts
[modifier | modifier le wikicode]Plus précisément, tout espace produit d'une famille (non nécessairement finie) d'espaces quasi-compacts est quasi-compact. Pour le démontrer, nous nous servirons du théorème suivant :
Nous dirons qu'une famille d'ouverts est :
- non couvrante (NC) si elle ne recouvre pas X ;
- non finiment couvrante (NFC) si ses sous-familles finies sont non couvrantes.
On suppose donc que toute famille NFC d'ouverts de A est NC, et il s'agit de montrer qu'il en est de même pour les familles d'ouverts quelconques.
Soit F une famille NFC d'ouverts. Soit E l'ensemble des familles NFC d'ouverts dont F est une sous-famille. Alors, (E, ⊂) est inductif, c'est-à-dire que tout sous-ensemble C de E sur lequel l'ordre ⊂ est total admet un majorant (un élément de E dans lequel tous les éléments de C sont inclus) : il suffit de prendre la réunion des éléments de C (elle est bien NFC, car toute sous-famille finie de cette réunion est une sous-famille de l'un des éléments de C). D'après le lemme de Zorn, (E, ⊂) admet donc un élément maximal G. Nous allons montrer que G est NC (a fortiori, F sera NC).
Remarquons que par maximalité de G, un ouvert U n'appartient pas à G (si et) seulement si X est recouvert par U et une réunion finie d'ouverts de G. Par conséquent, l'ensemble des ouverts n'appartenant pas à G est stable par intersections finies et par « sur-ouverts » (ouverts contenant un ouvert donné).
A∩G est NFC (car G ∈ E) donc est NC (par hypothèse sur A) :
- .
Pour conclure que G est NC, il ne reste plus qu'à vérifier que
- .
Soient et . Comme A est une prébase, il existe tels que . D'après la remarque précédente, l'un des appartient alors à G, ce qui achève la preuve.
Soit une famille d'espaces quasi-compacts et leur produit. Une prébase de la topologie sur X est :
- .
Il s'agit (en utilisant le théorème d'Alexander et le vocabulaire de sa preuve) de montrer que toute sous-famille R ⊂ A qui est NFC est NC.
Pour tout , la sous-famille est NFC sur X donc sa i-ème projection,
- ,
est NFC sur , et même NC puisque est quasi-compact.
En invoquant l'axiome du choix, on en déduit l'existence d'un tel que
- ,
c'est-à-dire
- ,
donc R est bien NC.
Note
[modifier | modifier le wikicode]- ↑ Même le graphe de f est donc quasi-compact, comme image de C par l'application continue x ↦ (x, f(x)), et ces propriétés s'étendent aux fonctions multivaluées.