Fonctions d'une variable réelle/Développements limités
Dans tout ce chapitre, est une fonction définie sur un intervalle et continue en un point et est un entier naturel.
Définition
[modifier | modifier le wikicode]On dit que admet un développement limité d'ordre au point s'il existe un polynôme tel que (avec la notation o de Landau) :
Dans ce cas, il existe un unique polynôme de degré inférieur ou égal à vérifiant cette propriété ; on l'appelle la partie régulière du développement limité de à l'ordre en .
Remarquons d'abord que tout polynôme peut s'écrire avec et qu'alors, , donc si et seulement si , c'est-à-dire si est divisible par .
Par conséquent, s'il existe un polynôme tel que alors, pour tout polynôme :
et l'unique solution de degré inférieur ou égal à est le reste de la division euclidienne de par .
L'idée à retenir est qu'un développement limité est une approximation polynomiale au voisinage du point où il est effectué : l'image le montre bien.
Formules de Taylor
[modifier | modifier le wikicode]Nous exposons ici trois formules de Taylor :
Si admet une dérivée -ième au point , alors elle admet un développement limité à l'ordre en , donné par ou, sous forme plus compacte :
. |
- Remarque
- Pour démontrer ce théorème, on utilise celui d'intégration terme à terme (voir infra). Ces deux théorèmes se généralisent aux fonctions d'un espace vectoriel normé dans un autre : voir Calcul différentiel/Théorèmes utiles#Développement limité.
La formule se démontre par récurrence.
Pour , c'est la définition de la continuité de en et pour , c'est la définition de .
Soient et dérivable fois en , ce qui sous-entend que les dérivées précédentes, en particulier , sont définies au voisinage de . Supposons vraie la formule à l'ordre et appliquons-la à :
Le théorème d'intégration terme à terme donne alors :
ce qui prouve la formule à l'ordre .
La formule de Taylor-Young est à usage local (du fait de la présence du ).
Les autres formules de Taylor sont à usage global.
Elles permettent notamment de préciser la valeur du « reste » de la formule de Taylor-Young :
On procède par récurrence sur :
- Initialisation : Pour , la formule à montrer devient , ce qui est évident d’après le théorème fondamental de l'analyse.
- Hérédité : On suppose que la formule est vraie au rang . Soit une fonction de classe . Alors elle est de classe donc, par hypothèse de récurrence,
, avec .
Comme est de classe , une intégration par parties permet de transformer le reste :
Par conséquent,
et la formule est également vraie au rang .
La formule de Taylor-Lagrange et son corollaire immédiat, l'inégalité de Taylor-Lagrange, sont des généralisations respectives du théorème des accroissements finis et de l'inégalité des accroissements finis (voir Fonctions d'une variable réelle/Dérivabilité).
Si est de classe sur et fois dérivable sur (avec ), alors il existe tel que :
. |
(Si , on a un énoncé analogue en remplaçant par et par .)
La formule de Taylor-Lagrange est une conséquence directe du théorème de Rolle.
On introduit la fonction continue définie par
où est choisi de sorte que .
Comme la fonction est continue sur , dérivable sur et vérifie , le théorème de Rolle affirme qu’il existe tel que .
En simplifiant la somme télescopique
l'égalité devient
- ,
qui implique
- .
C'est précisément la formule à montrer.
Développements limités des fonctions usuelles en zéro
[modifier | modifier le wikicode]On a alors les développements limités des fonctions usuelles, directement (ou presque) avec la formule de Taylor-Young :
- le développement limité à l’ordre d'une fonction polynomiale est la troncature de cette fonction à l’ordre ;
avec et (si , c’est un polynôme…) ;- Cas particulier : :
et .
- Cas particulier : :
Remarque : On trouvera parfois dans d'autres sources des listes (beaucoup) plus longues de développements limités à connaître. Cependant, ceux présentés ci-dessus suffisent dans la pratique ; les exemples ci-dessous montrent comment obtenir d'autres développements limités à partir de ceux-ci.
Propriétés des développements limités
[modifier | modifier le wikicode]Somme et produit
[modifier | modifier le wikicode]Soient et deux fonctions sur un intervalle . Si leurs développements limités en un point à l’ordre sont
- et
alors :
- le développement limité de la somme est donné par :
- ;
- le développement limité du produit est donné par
- ,
- où est le reste de la division euclidienne de par .
Par définition, et avec et .
- Pour la somme : on a bien avec et .
- Pour le produit : avec
- donc .
- La conclusion s'ensuit, par le procédé d'extraction de la partie régulière (voir supra).
Dérivation et intégration terme à terme
[modifier | modifier le wikicode]Si a un développement limité à l'ordre en :
alors :
- toute primitive de a un développement limité à l'ordre en , qui est la primitive terme à terme du développement limité de :
- ;
- par conséquent, si est dérivable alors le développement limité de à l'ordre en , s'il existe, est la dérivée terme à terme du développement limité de :
- .
- Remarque
- Ce théorème d'« intégration » (plus exactement : de primitivation) terme à terme s'étend aux fonctions d'un espace vectoriel normé dans un autre : voir Calcul différentiel/Théorèmes utiles#Développement limité.
Définissons sur la fonction (nulle en ) par :
Par hypothèse,
D'après la règle de L'Hôpital, on a donc bien :
Pourquoi ne peut-on pas dériver un développement limité terme à terme comme on peut le faire pour une primitive ?
Pour comprendre, on peut prendre l'exemple classique de , prolongée par . Cette fonction admet un développement limité d'ordre en mais n'a pas de limite en donc pas de développement limité en (même à l'ordre ).
L'idée est qu'en dérivant, on « perd (au moins un peu) la régularité » de la fonction (si est de classe , alors est de classe ) et rien n'assure que si admet un développement limité à l'ordre alors en admet un, même à l'ordre .
Par contre, on « gagne en régularité » en intégrant donc on peut être sûr de l’existence du développement limité de .
Composition
[modifier | modifier le wikicode]Soit une seconde fonction, définie sur un intervalle contenant . Si et admettent chacune un développement limité à l'ordre , respectivement en et , alors admet un développement limité à l'ordre en , obtenu en composant ces deux développements limités.
Développement limité à l'ordre 2, en , de :
Développement limité à l'ordre 2, en , de donc en 0 de :
Développement limité à l'ordre 2 en 0 de :
Parité
[modifier | modifier le wikicode]Si admet un développement limité à l'ordre en , et si est paire (resp. impaire) alors le polynôme est pair (resp. impair).
Exemples
[modifier | modifier le wikicode]Les exemples qui suivent illustrent quelques méthodes de calcul des développements limités souvent utilisées et montrent comment, grâce à ces propriétés, on peut obtenir de nouveaux développements limités.
Il suffit de remarquer que et d’utiliser le développement limité de et l'intégration des développements limités.
On a alors :
- (on se contente de l’ordre : l'intégration permettra d'obtenir l’ordre )
puis :
- .
Remarque : Dans cet exemple comme dans tous les autres, on pourrait aussi utiliser la formule de Taylor-Young. Elle a cependant le défaut de nécessiter des calculs de dérivées parfois fastidieux (dans cet exemple, il faudrait dériver la fonction jusqu'à l’ordre ).
On peut par exemple remarquer que . Mais se pose alors un problème : comment faire le quotient des développements limités ?
Formons d’abord les développements limités de et en à l’ordre :
- .
L'astuce consiste alors à poser et à composer avec le développement limité de au point .
On obtiendra alors le développement limité de en , qu'on multipliera avec celui de (faites les calculs : c’est un bon exercice).
On obtient, tous calculs faits, le développement limité de en :
- car en ;
- .
La méthode à retenir pour effectuer un développement limité au voisinage d'un réel non nul (ici ) consiste à effectuer un changement de variable pour « se ramener en zéro » : on pose donc ici .
On obtient alors :
Voyez aussi les exercices sur les développements limités.
Applications : calculs de limites et étude locale d'une fonction
[modifier | modifier le wikicode]La limite d'une fonction en un point est égale à celle de son développement limité en .
Mais il y a nettement mieux : le développement limité donne une « vision » du comportement de la fonction au voisinage du point . En particulier, pour trouver une équation de tangente (ou d'asymptote, voir le paragraphe suivant) en à la courbe de la fonction, il suffit de prendre les termes de degré et du développement limité.
Le signe des termes d'ordre supérieur donne la position de la courbe par rapport à cette tangente (ou asymptote).
On reprend l'exemple 3 ci-dessus. On peut en déduire que l'équation de la tangente à la courbe de en est :
Développements limités généralisés
[modifier | modifier le wikicode]Ce sont des développements limités en ou en . On les déduit de ceux en par un changement de variable .