Théorie des groupes/Intermède : groupes simples d'ordre 360
L'objet de ce chapitre est de prouver que tous les groupes simples d'ordre 360 sont isomorphes entre eux. Ils sont donc isomorphes au groupe alterné A6 et au groupe (groupe linéaire spécial projectif d'un espace vectoriel de dimension 2 sur un corps à 9 éléments), puisque ces deux groupes sont simples et d'ordre 360. Ce n'est pas une matière classique, le lecteur peut donc omettre ce chapitre. La démonstration donnée ici est une variante de la démonstration originale de F.N. Cole[1], légèrement renforcée de façon à nous permettre de prouver dans les exercices qu'il n'y a pas de groupe simple d'ordre 720. La longueur du chapitre ne doit pas effrayer : on a voulu expliciter certaines parties relativement faciles que les auteurs laissent d'habitude au lecteur.
Notation
[modifier | modifier le wikicode]Pour un nombre naturel , on notera la permutation identique de l'ensemble
Préliminaires
[modifier | modifier le wikicode]Soient G un groupe fini, p un nombre premier, P un p-sous-groupe de Sylow de G. Si P est cyclique, l'indice divise p-1.
Soient G un groupe fini, p un nombre premier, P un p-sous-groupe de Sylow de G, g un élément de G dont l'ordre est une puissance de p. On suppose que g normalise P. Alors g appartient à P. Si P1 et P2 sont des p-sous-groupes de Sylow de G, si P1 normalise P2, alors P1 = P2.
Soit G un groupe simple fini d'ordre non premier, soit p un diviseur premier de l’ordre de G, soit n le nombre des p-sous-groupes de Sylow de G. Alors l'opération de G par conjugaison sur l’ensemble de ses p-sous-groupes de Sylow est équivalente à l'opération naturelle d'un sous-groupe de An. En particulier, G est isomorphe à un sous-groupe de An (et l’ordre de G divise donc n!/2).
Soient G un groupe simple et H un sous-groupe propre de G, d'indice fini n. Alors G est isomorphe à un sous-groupe de Sn (et est donc fini). Si, de plus, l'ordre de G est au moins égal à 3 (ce qui est forcément le cas si n est au moins égal à 3), G est isomorphe à un sous-groupe de An.
Soit G un groupe simple fini d'ordre non premier, soit p un facteur premier de . Notons l'ensemble des p-sous-groupes de Sylow de G. L'opération de G par conjugaison sur l'ensemble possède les propriétés suivantes :
a) pour tout p-sous-groupe de Sylow P du groupe opérant G, il existe un et un seul point de qui est fixé par tout élément de P;
b) pour tout point x de , il existe un et un seul p-sous-groupe de Sylow P du groupe opérant G tel que tout élément de P fixe x;
c) si P est un p-sous-groupe de Sylow du groupe opérant G, si x désigne l'unique point de fixé par tout élément de P (voir propriété a)), le stabilisateur de x dans le groupe opérant G est NG(P);
d) si on suppose de plus que deux différents p-sous-groupes de G se coupent toujours trivialement, alors tout élément de G \ {1} dont l'ordre est une puissance de p fixe un et un seul point de .
Cela se déduit facilement du préliminaire 2. (Dans les énoncés du présent Préliminaire 5, les « points » sont évidemment les mêmes objets que les « p-sous-groupes de Sylow du groupe opérant », mais il n'en sera plus de même dans une certaine opération équivalente à celle qui est considérée ici.)
Soient G un groupe opérant sur un ensemble X et H un groupe opérant sur un ensemble Y. Supposons que ces opérations soient équivalentes par une bijection f de X sur Y et un isomorphisme de groupes de G sur H. Alors un élément g de G fixe un élément x de X pour la première opération si et seulement fixe f(x) pour la seconde opération.
Soit G un groupe simple fini d'ordre non premier, soit p un facteur premier de , soit le nombre des -sous-groupes de Sylow de G. On désignera par la permutation identique de l'ensemble . Alors G est isomorphe à un sous-groupe de possédant les propriétés suivantes :
a) pour tout p-sous-groupe de Sylow P de , il existe un et un seul point de qui est fixé par tout élément de P;
b) pour tout point x de , il existe un et un seul p-sous-groupe de Sylow P de tel que tout élément de P fixe x;
c) si P est un p-sous-groupe de Sylow de G, si x désigne l'unique point de fixé par tout élément de P (voir propriété a)), le stabilisateur de x dans le groupe G est NG(P);
d) si on suppose de plus que deux différents p-sous-groupes de G se coupent toujours trivialement, alors tout élément de dont l'ordre est une puissance de p fixe un et un seul point de
Démonstration. Utiliser les préliminaires 3, 5 et 6.
Soit G un groupe simple fini d'ordre non premier, soit p un diviseur premier de , soit P un p-sous-groupe de Sylow de G. Alors le groupe n'est pas commutatif.
Tout groupe d'ordre 36 a un sous-groupe normal d'ordre 4 ou un sous-groupe normal d'ordre 9. (Autrement dit, tout groupe d'ordre 36 est 2-clos ou 3-clos.)
Soit H un groupe fini, soit p un nombre premier distinct de 2. On suppose que H contient un et un seul p-sous-groupe de Sylow, soit P, et que P est commutatif. On suppose aussi que H n'a pas d'élément d'ordre 2p. Alors, pour tout élément t d'ordre 2 de H et tout élément a de H dont l'ordre est une puissance de p,
Soit une permutation paire d'ordre 6 d'un ensemble à 10 éléments. Alors a plusieurs points fixes.
Puisque est d'ordre 6, une au moins des deux conditions suivantes doit être satisfaite : 1° la décomposition canonique de en cycles comporte un cycle de longueur 6; 2° la décomposition canonique de en cycles comporte au moins un cycle de longueur 3 et au moins un cycle de longueur 2. Puisque, par hypothèse, est une permutation paire, sa structure cyclique complète doit donc être d'un des types 6-2-1-1, 3-3-2-2 ou 3-2-2-1-1-1, donc a plusieurs points fixes (4 dans les deux premiers cas et 7 dans le troisième).
Soit P un sous-groupe d'ordre 9 de possédant les propriétés suivantes :
- (i) chaque élément de (où désigne la permutation identique de l'ensemble ) a pour structure cyclique complète 3-3-3-1 (autrement dit est d'ordre 3 et a un unique point fixe);
- (ii) tous les éléments de ont le même point fixe. (On pourrait prouver que la condition (ii) est entraînée par la condition (i), mais cela ne nous servira pas.)
Soient et deux éléments de qui ne soient ni égaux ni inverses l'un de l'autre. (Autrement dit, )
Alors le support d'un 3-cycle entrant dans la décomposition canonique de et le support d'un 3-cycle entrant dans la décomposition canonique de ne peuvent pas avoir plus d'un élément commun.
Supposons que l'énoncé soit faux. Il existe alors des éléments k, l, m, n de {1, 2, ... , 10}, avec , , , tels que
- (1) ait dans sa décomposition canonique le cycle (k, l, m)
et que
- ait dans sa décomposition canonique ou bien le cycle (k l n) ou bien le cycle (l k n). (On ne dit pas que m et n soient distincts.)
Dans le premier cas, fixe k; dans le second cas, fixe k. D'après les hypothèses de l'énoncé, et sont tous deux distincts de l'identité. Nous avons donc prouvé qu'il existe un élément de (à savoir ou ) qui fixe k. D'après l'hypothèse (ii) de l'énoncé, il en résulte que tout élément de P fixe k. En particulier, fixe k, ce qui contredit (1). La contradiction obtenue prouve l'énoncé.
Soit P un sous-groupe d'ordre 9 de possédant les propriétés suivantes (les mêmes qu'au préliminaire 12) :
- (i) chaque élément de (où désigne la permutation identique de l'ensemble ) a pour structure cyclique complète 3-3-3-1 (autrement dit est d'ordre 3 et a un unique point fixe);
- (ii) tous les éléments de ont le même point fixe.
Soient et deux éléments de qui ne soient ni égaux ni inverses l'un de l'autre.
Soit j l'unique élément de {1, 2, ... , 10} fixé par tous les éléments de P. (L'existence et l'unicité de j résulte des hypothèses de l'énoncé.)
Soit a un élément de {1, 2, ... , 10} \ {j}. (D'après les hypothèses de l'énoncé, a n'est fixé par aucun élément de .)
Désignons par (a b c) le 3-cycle déplaçant a qui apparaît dans la décomposition canonique de et par (a e i) le 3-cycle déplaçant a apparaissant dans la décomposition de .
Alors
- 1° ;
- 2° il existe une énumération {d, f, g, h} de {1, 2, ... , 10} \ {a, b, c, e, i, j} telle que
- = (a b c) (d e f) (g h i)
et
- = (a e i) (b f g) (c d h);
(La seconde décomposition s'obtient à partir de la première de la façon suivante : pour former le n-ième 3-cycle de la seconde écriture (), on écrit d'abord l'élément qui est en n-ième position dans le premier cycle de la première écriture, puis l'élément qui est en (n+1)-ième position dans le second cycle, puis l'élément qui est en (n+2)-ième position dans le troisième cycle, n+1 et n+2 étant calculés modulo 3.)
- 3° les huit éléments de sont alors (avec et )
- = (a b c) (d e f) (g h i)
- = (a e i) (b f g) (c d h)
- = (a f h) (e g c) (i b d)
- = (a g d) (f c i) (h e b)
- = (a c b) (g i h) (d f e)
- = (a i e) (c h d) (b g f)
- = (a h f) (i d b) (e c g)
- = (a d g) (h b e) (f i c)
On peut noter que chaque décomposition s'obtient à partir de la précédente, et la première à partir de la dernière, comme la seconde s'obtient à partir de la première. On peut dire aussi que si désigne le 8-cycle , alors, pour tout (effet d'une conjugaison sur la structure cyclique). En examinant les « colonnes » formées par les membres droits, on peut également noter que, toujours si désigne le 8-cycle , alors le sous-groupe de engendré par agit librement et transitivement sur par conjugaison.
La décomposition canonique de en cycles est de la forme
- (1)
pour une certaine énumération de De même, la décomposition canonique de en cycles est de la forme
- (2)
pour une certaine énumération de
(Les 9 éléments de apparaissent dans chacune des deux décompositions.)
D'après (1), et appartiennent au support du 3-cycle , qui apparaît dans la décomposition canonique de en cycles. Donc, d'après le préliminaire 12 et le fait que, d'après (2), la décomposition canonique de en cycles comporte le cycle (a, e, i),
- (3) et sont distincts de et de ,
ce qui démontre le point 1° de l'énoncé.
D'autre part, d'après (1),
- (4) et sont distincts de
D'après les hypothèses de l'énoncé, et ont le même support, donc et , qui appartiennent au support de , appartiennent au support de
Dès lors, d'après (2), (3) et (4), appartient à un des deux ensembles , et appartient lui aussi à un de ces deux ensembles.
Si et appartenaient tous deux à un même de ces deux ensembles, il y aurait un cycle apparaissant dans la décomposition de dont le support aurait deux éléments communs avec le support du cycle apparaissant dans la décomposition canonique de , ce qui est contraire au préliminaire 12. Donc appartient à un des deux ensembles , et appartient à l'autre. Quitte à changer les notations, nous pouvons mettre (2) sous la forme
- (5)
En échangeant les rôles de et de dans les raisonnements qui précèdent, nous voyons que la relation (1) peut s'écrire
- (6)
Le groupe P, étant d'ordre 9, est abélien, donc et commutent. Or, d'après (5) et (6), applique sur et applique sur . Donc v = f, donc (5) peut s'écrire
- (7)
D'après (6) et (7), applique sur et applique sur , donc et (7) peut être mise sous la forme
- (8)
D'après (6) et (8), applique sur et applique sur , donc , donc (8) peut s'écrire
- (9)
Comme et ont le même support, la comparaison de (6) et de (9) donne , donc (9) peut s'écrire
- (10)
Les relations (6) et (10, à savoir
et
prouvent le point 2° de l'énoncé.
Pour démontrer le point 3° de l'énoncé, on pourrait calculer les permutations , avec , et non tous deux nuls, et voir que ce sont les permutations énumérées au point 3° de l'énoncé. Voici une autre façon de procéder.
La façon dont sont définis dans le point 3° de l'énoncé montre qu'il existe huit 9-uplets
tels que
- 1° pour chaque dans ,
- (11)
- 2° pour chaque dans
- (12)
Pour tout , l'écriture de se déduit de celle de comme celle de se déduit de celle de , donc
- (13).
De (11), (12) et (13) résulte, pour tout ,
- ,
Par récurrence sur , on en tire que les permutations appartiennent toutes à P. Comme elles sont distinctes (par exemple parce qu'elles appliquent sur des éléments distincts), ce sont donc les 8 éléments de , ce qui démontre l'assertion 3° de l'énoncé.
Démonstration du théorème de Cole
[modifier | modifier le wikicode]Après ces préliminaires qui ne concernent pas directement les groupes simples d'ordre 360, nous allons maintenant démontrer, par étapes numérotées, le théorème annoncé au début du chapitre.
On conviendra de définir ici un groupe coléen comme un groupe G possédant les propriétés suivantes :
a) G est un groupe simple fini dont les 3-sous-groupes de Sylow sont isomorphes à ; en particulier, l'ordre de G est divisible par 9 et non par 27;
b) les 3-sous-groupes de Sylow de G sont en nombre 10;
c) les 3-sous-groupes de Sylow de G se coupent trivialement deux à deux.
Nous ne savons pas encore si les groupes coléens existent. Nous verrons plus loin que c'est bien le cas, mais nous allons d'abord démontrer des propriétés que les groupes coléens, s'ils existent, doivent nécessairement posséder.
Soit G un groupe coléen. Alors G est un groupe simple fini d'ordre composé et est divisible par 4 (et même par 180).
Par définition d'un groupe coléen, les 3-sous-groupes de Sylow de G sont en nombre 10, donc
- (1) est divisible par 10.
En particulier,
- (2) G est d'ordre composé (ce qui, G étant supposé simple, revient à dire que G est non abélien).
D'après (1), est d'ordre pair. Or, par exemple d'après un théorème démontré dans le chapitre Transfert, théorème du complément normal de Burnside, un groupe simple fini non abélien d'ordre pair est toujours d'ordre divisible par 4, donc
- (3) est divisible par 4.
L'énoncé est donc démontré. On peut ajouter que, comme déjà noté dans la définition d'un groupe coléen, l'ordre de G est divisible par 9, ce qui, joint à (1) et à (3), montre que l'ordre de G est divisible par 180.
Soit G un groupe coléen. Le seul sous-groupe de G ayant plus d'un sous-groupe d'ordre 9 est G. (Autrement dit, deux différents sous-groupes d'ordre 9 de G engendrent toujours G.)
Soit H un sous-groupe de G tel que
- (hyp. 1)H ait plusieurs sous-groupes d'ordre 9.
Il s'agit de prouver que H est égal à G.
Puisque G est un groupe coléen, la plus grande puissance de 3 divisant est 9, donc
- (2)les sous-groupes de Sylow d'ordre 9 de H sont les 3-sous-groupes de Sylow de H.
Donc l'hypothèse (1) revient à dire que
- (3) a plusieurs 3-sous-groupes de Sylow.
D'autre part, puisque, par définition d'un groupe coléen, les sous-groupes d'ordre 9 de G se coupent trivialement deux à deux, il résulte de (2) que les 3-sous-groupes de Sylow de H se coupent trivialement deux à deux. Dès lors, d'après un théorème qu'on a appelé « congruence de Sylow à module renforcé » dans les exercices sur le chapitre Théorèmes de Sylow,
- le nombre des 3-sous-groupes de Sylow de H est congru à 1 modulo 9.
Donc, d'après (3),
- (4)H a au moins dix 3-sous-groupes de Sylow.
Mais les 3-sous-groupes de Sylow de H sont d'ordre 9 et sont donc des 3-sous-groupes de Sylow de G, donc, puisque G n'a que dix 3-sous-groupes de Sylow (par définition d'un groupe coléen), il résulte de (4) que
- (5)H contient tous les 3-sous-groupes de Sylow de G.
Puisque G est simple, il est engendré par ses 3-sous-groupes de Sylow (car le sous-groupe de G engendré par les 3-sous-groupes de Sylow de G est un sous-groupe normal non trivial de G), donc, d'après (5), H = G, ce qui démontre l'énoncé.
On conviendra de définir ici un groupe coléen propre comme un sous-groupe coléen G de possédant les propriétés suivantes :
- 1° pour tout 3-sous-groupe de Sylow P de G (autrement dit pour tout sous-groupe P d'ordre 9 de G), il existe un et un seul élément de qui est fixé par tout élément de P;
- 2° pour tout élément de , il existe un et un seul 3-sous-groupe de Sylow P de G dont tous les éléments fixent ;
- 3° si P est un 3-sous-groupe de Sylow de G, si désigne l'unique élément de fixé par tout élément de P (voir point 1°), le stabilisateur de pour l'opération naturelle de G sur est ;
- 4° tout élément d'ordre 3 de G fixe un et un seul élément de , autrement dit tout élément d'ordre 3 de G a pour structure cyclique complète 3-3-3-1.
Tout groupe isomorphe à un groupe coléen est coléen, donc l'énoncé se déduit immédiatement du préliminaire 7, où on fait p = 3. (Noter que, dans le point d) du préliminaire 7, l'hypothèse selon laquelle deux différents p-sous-groupes de Sylow de G se coupent toujours trivialement est satisfaite, puisqu'on suppose que G est un groupe coléen.)
D'après l'étape 3, il suffit de le prouver dans le cas où G est un groupe coléen propre. Soit alors, par absurde, un élément d'ordre 6 de G. Puisque G est contenu dans A10, est une permutation paire d'ordre 6 de {1, 2, ... , 10}, donc, d'après le préliminaire 11, a plusieurs points fixes. Puisque est un élément d'ordre 3 de G, cela contredit la définition d'un groupe coléen propre (condition 4°)).
Soit G un groupe coléen propre, soient deux différents éléments de {1, 2, ... , 10}. Il y a un et un seul élément d'ordre 2 de G qui fixe et , soit . La décomposition canonique de en cycles est formée de 4 transpositions. Si désigne l'unique 3-sous-groupe de Sylow de G dont tous les éléments fixent , alors les supports des quatre transpositions apparaissant dans la décomposition canonique de en cycles sont les ensembles X \ {a}, où X parcourt les supports des 3-cycles déplaçant qui interviennent dans la décomposition canonique des éléments de
Si les éléments de sont énumérés comme dans l'énoncé du préliminaire 13, alors
- = (b c) (d g) (e i) (f h).
On obtient un énoncé analogue en échangeant les rôles de et de .
Puisque G est un groupe coléen propre, le stabilisateur de dans G est , donc transforme l'ensemble en lui-même et on peut parler, dans un sens évident, de l'opération naturelle de sur . Puisque G est un groupe coléen propre, les hypothèses sur P du préliminaire 13 sont satisfaites par , donc
- (0)les huit éléments de peuvent être énumérés comme suit :
- = (a b c) (d e f) (g h i)
- = (a e i) (b f g) (c d h)
- = (a f h) (e g c) (i b d)
- = (a g d) (f c i) (h e b)
- = (a c b) (g i h) (d f e)
- = (a i e) (c h d) (b g f)
- = (a h f) (i d b) (e c g)
- = (a d g) (h b e) (f i c)
Cette énumération montre que l'opération naturelle de sur {1, 2, ... , 10} \ {j} est transitive. (Chaque élément de est dans la même orbite que .) A fortiori,
- (1)l'opération naturelle de sur est transitive.
(D'après un exercice de la série Opérations transitives, plusieurs fois transitives et primitives, il en résulte que l'action de G sur est doublement transitive, mais cela ne nous servira pas.)
Puisque l'indice du stabilisateur d'un point dans le groupe opérant est toujours égal au cardinal de l'orbite de ce point (voir chapitre Action de groupe), il résulte de (1) que
- (2) le stabilisateur du point pour l'opération naturelle de sur est d'indice 9 dans .
D'autre part, par définition d'un groupe coléen, les 3-sous-groupes de Sylow de G sont en nombre 10, donc
- (3) est d'indice 10 dans G.
De plus, d'après l'étape 1, est divisible par 4. Donc, d'après (3), est pair, donc, d'après (2),
- (4)le stabilisateur du point pour l'opération naturelle de sur est d'ordre pair et comprend donc (au moins) un élément d'ordre 2.
On va prouver que
- (thèse 5)cet élément d'ordre 2 est unique,
ce qui revient à dire qu'il y a un et un seul élément d'ordre 2 de G qui fixe à la fois et
Soit un élément d'ordre 2 de fixant , autrement dit un élément d'ordre 2 de G fixant à la fois et .
Soit un des 8 éléments de Prouvons que si on note (a r s) le 3-cycle déplaçant qui apparaît dans la décomposition canonique de en cycles, alors
- (thèse 6)la transposition (r s) apparaît dans la décomposition canonique de en cycles.
Pj (étant normal dans ) est le seul 3-sous-groupe de Sylow de ; de plus, d'après l'étape 4, n'a pas d'élément d'ordre 6. Donc, d'après le préliminaire 10,
Cette relation peut s'écrire (avec dans chaque membre un produit de 3-cycles à supports disjoints)
d'où, puisque est supposée fixer ,
- , d'où
- et
Donc la décomposition canonique de en cycles comprend la transposition (r, s), ce qui prouve notre thèse (6).
Ainsi, dans la notation (0) des éléments de , les transpositions et apparaissent dans la décomposition canonique de en cycles. Puisque est supposée fixer et , on doit donc avoir
- (b c) (d g) (e i) (f h).
Ceci démontre la thèse (5). Vu le résultat (4) et l'expression précise que nous avons trouvée pour , l'énoncé est démontré.
Soit G un groupe coléen propre. Alors
- 1° tout élément d'ordre 3 de G fixe un seul élément de ;
- 2° tout élément d'ordre 2 de G fixe exactement deux points de
Le point 1° résulte de la définition d'un groupe coléen propre.
Soit maintenant un élément d'ordre 2 de G. Puisque est une permutation paire d'ordre 2 d'un ensemble à 10 éléments, fixe au moins deux points. Choisissons deux points distincts et fixés par Dans les notations de l'étape 5, , donc, d'après l'étape 5, et sont les deux seuls points fixes de , ce qui prouve le point 2° de l'énoncé.
Soit G un groupe coléen propre, soient P et Q deux différents 3-sous-groupes de Sylow de G. Il existe une énumération de telle que P soit engendré par
et
et que Q soit engendré par
et
- .
Soit l'élément de {1, 2, ... , 10} fixé par tout élément de Q, soit l'élément de {1, 2, ... , 10} fixé par tout élément de P. Alors P est l'unique 3-sous-groupe de Sylow de G dont tout élément fixe (définition d'un groupe coléen propre), donc
- (0)
D'après le préliminaire 13, il existe une énumération des éléments de telle que
- (1) les huit éléments de soient
D'après l'étape 5,
- (2) le seul élément d'ordre 2 de G qui fixe et est
En appliquant de nouveau le préliminaire 13 et l'étape 5, mais en échangeant les rôles de et , nous trouvons, compte tenu de (2), que
- (3)les décompositions canoniques des éléments de en produits de 3-cycles sont de la forme
Les cycles et ne sont ni égaux ni inverses l'un de l'autre, donc d'après le préliminaire 13 (où on remplace par , par et par ), il existe une énumération de telle que
et
Toujours d'après le préliminaire (13),
- (4) les éléments de sont
et leurs inverses.
Dès lors, et figurent parmi les huit permutations énumérées en (3). On a donc
- (5)ou bien ( {s, u} = {f, h} et {r, t} = {d, g} )
- ou bien ( {s, u} = {d, g} et {r, t} = {f, h} ).
Cas 1 : {s, u} = {f, h} et {r, t} = {d, g}.
Cas 1-1 : s = f, d'où u = h.
Alors, d'après (4),
- (6)
Cas 1-1-1 : s = f, u = h et r = d, d'où t = g.
Alors (6) s'écrit
donc, d'après (1), la décomposition canonique de en cycles est
- ,
ce qui est impossible puisque, comme rappelé à l'étape 6, un élément d'ordre 3 de G n'a qu'un point fixe.
Cas 1-1-2 : s = f, u = h et r = g, d'où t = d.
Alors (6) s'écrit
donc, d'après (1), la décomposition canonique de en cycles est
- ,
donc est d'ordre 6, ce qui contredit l'étape 4.
Nous avons donc prouvé que le cas 1-1 est impossible.
Cas 1-2 : s = h, d'où u = f, et toujours {r, t} = {d, g}.
Alors, d'après (4),
- (7)
Cas 1-2-1 : s = h, u = f, r = d, d'où t = g.
Alors (7) s'écrit
donc, d'après (1), la décomposition canonique de en cycles est
- ,
donc est d'ordre 6, ce qui contredit l'étape 4.
Nous avons donc prouvé que dans le cas 1-2, il faut
Cas 1-2-2 : s = h, u = f, r = g, d'où t = d.
Alors (7) s'écrit
- (8)
et, d'autre part, (4) donne
- (9)
Il en résulte que l'énoncé est vrai avec
En effet, on a alors
- d'après (1),
- d'après (1),
- d'après (9),
- d'après (8)
et de plus, et engendrent P (puisqu'ils ne sont ni égaux ni inverses l'un de l'autre) et, de même, et engendrent Q. L'énoncé est donc démontré dans le cas 1. D'après (5),
- il reste à démontrer l'énoncé dans le
- Cas 2 :
- (10) {s, u} = {d, g} et {t, r} = {f, h}.
Examinons d'abord le
- Cas 2 - 1 : s = d, d'où u = g.
Alors, d'après (4)
- (11)
- (12)
Rappelons que dans les hypothèses (10) du cas 2,
- (13)
Si r = f, d'où t = h, alors (11) donne
donc, d'après (1), la décomposition canonique de en cycles est
- ,
donc est un élément d'ordre 2 de G qui fixe 6 points, ce qui contredit l'étape 6.
Donc (dans le cas 2-1), , donc, d'après (13),
- r = h et t = f, d'où, d'après (11),
- (14)
et, d'après (12)
- (15)
L'énoncé est alors vrai avec
En effet, on a alors
- d'après (1),
- d'après (1),
- d'après (14),
- d'après (15)
et de plus, et engendrent P (puisqu'ils ne sont ni égaux ni inverses l'un de l'autre) et, de même, et engendrent Q. L'énoncé est donc vrai dans le cas 2-1. D'après (10), il reste à le démontrer dans le
- Cas 2-2 : s = g et u = d.
Alors, d'après (4)
- (16)
et
- (17)
Rappelons que d'après les hypothèses du cas (2),
- (18)
Si t = f, d'où r = h, alors, d'après (16),
- ,
donc, d'après (1), la décomposition canonique de
donc est un élément d'ordre 6 de G, ce qui contredit l'étape 4.
Donc donc, d'après (18), t = h et r = f, d'où, d'après (16),
- (19)
et, d'après (17)
- (20)
Il en résulte que l'énoncé est vrai dans ce cas avec
En effet, on a alors
- d'après (1),
- d'après (1),
- d'après (19),
- d'après (20)
et de plus, et engendrent P (puisqu'ils ne sont ni égaux ni inverses l'un de l'autre) et, de même, et engendrent Q.
Soit G un groupe coléen propre. Il existe une énumération de telle que G soit engendré par
et
Choisissons deux différents 3-sous-groupes de Sylow P et Q de G (c'est possible puisque, par définition, un groupe coléen a dix 3-sous-groupes de Sylow.)
D'après l'étape 7, il existe une énumération de telle que P soit engendré par
et
et que Q soit engendré par
et
- .
D'autre part, d'après l'étape 2, P et Q engendrent G, d'où l'énoncé.
Soit G un groupe coléen. G est isomorphe au sous-groupe de A10 engendré par
- (1)
- (2)
- (3)
et
- (4) .
Tous les groupes coléens sont isomorphes entre eux.
D'après l'étape 3, G est isomorphe à un groupe coléen propre. Il suffit donc de prouver que
- (thèse 1) tout groupe coléen propre est isomorphe au sous-groupe de A10 engendré par les permutations (1) à (4) de l'énoncé.
Soit donc G un groupe coléen propre. D'après l'étape 8, il existe une énumération de telle que G soit engendré par
- (5)
- (6)
- (7)
et
- (8) .
Il en résulte que G est un conjugué dans du sous-groupe de dont question dans l'énoncé. En voici une justification détaillée.
Considérons la permutation de l'ensemble . Alors est un automorphisme du groupe S10 qui applique respectivement les permutations (1) à (4) de l'énoncé sur les permutations (5) à (8). L'image par L du sous-groupe de S10 engendré par les permutations (1) à (4) de l'énoncé est donc égale à G. Donc G est isomorphe au sous-groupe de S10 engendré par les permutations (1) à (4) de l'énoncé. Comme ces permutations appartiennent à A10, cela revient à la thèse (10). La première assertion de l'énoncé est donc démontrée et la seconde assertion résulte évidemment de la seconde.
Soit k l'indice de H dans G. D'après le préliminaire 4, 360 divise . Si k était diviserait donc 360 diviserait 60, ce qui est faux. Donc l'indice de H est au moins égal à 6, d'où l'énoncé.
Puisque G est simple et que 1 < K < G, K n'est pas normal dans G, donc Donc, d'après l'étape 10,
Soient G un groupe simple d'ordre 360 et p un diviseur premier de = 360. Alors le nombre des p-sous-groupes de Sylow de G est (On peut même dire mais cela ne nous servira pas.)
Choisissons un p-sous-groupe de Sylow de G, soit P. Alors 1 < P < G, donc, d'après l'étape 11,
On sait que le nombre des p-sous-groupes de Sylow de G est égal à d'où l'énoncé.
Soit G un groupe simple d'ordre 360. Alors le nombre des 3-sous-groupes de Sylow de G est égal à 10. Si P est un 3-sous-groupe de Sylow de G, alors
Soit n le nombre des 3-sous-groupes de Sylow de G. D'après l'étape 12, D'autre part, d'après les théorèmes de Sylow, n est congru à 1 modulo 3 et divise 40. Donc n est égal à 10 ou à 40. S'il était égal à 40, alors le normalisateur d'un 3-sous-groupe de Sylow P de G serait d'indice 40 dans G, autrement dit serait d'ordre 9. Comme un groupe dont l'ordre est le carré d'un nombre premier est commutatif, serait donc commutatif, ce qui contredit le préliminaire 8. Donc n est égal à 10, ce qui prouve la première assertion de l'énoncé. La seconde assertion de l'énoncé résulte de la première.
Soient G un groupe simple d'ordre 360, P et Q deux différents 3-sous-groupes de Sylow de G. Alors .
Supposons que, par absurde, (Puisque P et Q sont d'ordre 9, on doit avoir )
Puisque l'ordre de P et de Q est le carré d'un nombre premier, ces deux groupes sont commutatifs, donc ils sont tous deux contenus dans A fortiori,
- (1) P et Q sont tous deux contenus dans
Donc
- (2) contient au moins deux sous-groupes d'ordre 9.
Désignons par n le nombre des 3-sous-groupes de Sylow de Puisque 9 est la plus grande puissance de 3 qui divise et que, d'après 2, l'ordre de est divisible par 9, les 3-sous-groupes de Sylow de sont ses sous-groupes d'ordre 9. Donc notre résultat (2) signifie que n > 1. D'autre part, d'après les théorèmes de Sylow, n est congru à 1 modulo 3 et divise , lequel divise . Étant congru à 1 modulo 3, n est premier avec 3, donc, divisant 360, il divise 40.
Donc n est > 1, est congru à 1 modulo 3 et divise 40, ce qui n'est possible qu'avec n = 4, 10 ou 40. Si n est égal à 10 ou à 40, alors (puisqu'on a noté que n divise ) est divisible par 10. On a vu qu'il est également divisible par 9, donc il est divisible par 90, ce qui contredit l'étape 11 (compte tenu que ).
Donc n = 4, donc est divisible par 36. S'il n'est pas égal à 36, il est , ce qui contredit l'étape 11. Donc
- (3)
Puisque, d'après(2) a plus d'un 3-sous-groupe de Sylow, il n'a pas de 3-sous-groupe de Sylow normal, donc, d'après (3) et le préliminaire 9, il a un sous-groupe normal d'ordre 4, soit A. Puisque A est normal dans , est contenu dans , donc, d'après (3),
- (4) est divisible par 36.
D'autre part, A, étant d'ordre 4, est contenu dans un 2-sous-groupe de Sylow de G, c'est-à-dire dans un sous-groupe B d'ordre 8 de G. Puisque A est d'indice 2 dans B, il est normal dans B, donc B est contenu dans , donc est divisible par 8. Joint à (4), cela entraîne que est divisible par 72. Puisque 1 < A < G, cela contredit l'étape 11. La contradiction obtenue prouve l'énoncé.
Prouvons d'abord que
- (thèse 1) G n'a pas d'élément d'ordre 6.
On va refaire des raisonnements déjà tenus dans la démonstration de l'étape 4.
Soit, par absurde,
- (hyp. 2) un élément d'ordre 6 de G.
Désignons par X l'ensemble des 3-sous-groupes de Sylow de G. D'après l'étape 13,
Puisque G est simple, l'homomorphisme de G dans qui applique l'élément de G sur la permutation est injectif et prend ses valeurs dans (voir le chapitre Premiers résultats sur les groupes simples), donc
- la permutation de X
est paire et d'ordre 6. Donc, d'après le préliminaire 11, la permutation a plusieurs points fixes, ce qui revient à dire que normalise plusieurs 3-sous-groupes de Sylow de G. Mais est d'ordre 3 et un élément d'ordre 3 qui normalise un 3-sous-groupe de Sylow appartient à ce sous-groupe (voir préliminaire 2), donc est un élément d'ordre 3 de G qui appartient à plusieurs 3-sous-groupes de Sylow de G, ce qui contredit l'étape 14.
Soient G un groupe simple d'ordre 360. Chaque 3-sous-groupe de Sylow de G est le produit direct de deux sous-groupes d'ordre 3.
Les 3- sous-groupes de Sylow de G sont d'ordre 9 et tout groupe d'ordre 9 est cyclique ou produit direct de deux sous-groupes d'ordre 3, donc il suffit de prouver que les 3- sous-groupes de Sylow de G ne sont pas cycliques, ce qui revient à dire que G n'a pas d'élément d'ordre 9.
Soit P un 3-sous-groupe de Sylow de G.
Supposons que, par absurde,
- (hyp. 1) P soit cyclique.
Alors, d'après le préliminaire 1,
- (2) divise 2.
D'autre part, d'après l'étape 13,
Donc, d'après (2), est pair, donc, d'après le théorème de Cauchy,
- comprend au moins un élément d'ordre 2, soit .
Choisissons un élément d'ordre 3 dans P. Alors est un élément d'ordre 6 de G, ce qui contredit l'étape 15. Donc notre hypothèse (1) est absurde, donc P n'est pas cyclique. Comme nous l'avons noté au début de la démonstration, cela prouve l'énoncé.
1° Tout groupe simple d'ordre 360 est un groupe coléen;
2° tout groupe coléen est isomorphe à ;
3° tout groupe simple d'ordre 360 est isomorphe à
Le point 1° résulte des étapes 13, 14 et 16.
Puisque est un groupe simple d'ordre 360, il résulte du point 1° que est un groupe coléen, donc, d'après l'étape 9, tout groupe coléen est isomorphe à , ce qui démontre le point 2° de l'énoncé.
Le point 3° de l'énoncé résulte évidemment des points 1° et 2°.
Le point 3° de l'étape 17 est le théorème de Cole annoncé au début du chapitre. Le point 2° nous permettra de prouver dans les exercices qu'il n'y a pas de groupe simple d'ordre 720.
Remarque. Il existe une autre démonstration du théorème de Cole, reposant sur la théorie des caractère des groupes finis[2].
Notes et références
[modifier | modifier le wikicode]- ↑ F.N. Cole, « Simple Groups as far as Order 660 », American Journal of Mathematics, vol. 15, n° 4 (octobre 1893), p. 303-315, consultable en ligne sur le site Jstor.
- ↑ Cette démonstration à l'aide des caractères est donnée dans I. Martin Isaacs, Character Theory of Finite Groups, réimpression corrigée, Dover, 1994, théorème 5.20, p. 70-72.