Théorie des groupes/Sous-groupe de Frattini

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Rappels sur les bases d'un espace vectoriel

On ne s'intéressera ici qu'aux espaces vectoriels sur un corps commutatif. (En évitant les corps non commutatifs, on se dispense de distinguer entre espaces vectoriels à gauche et à droite.) Par « base » d'un espace vectoriel, on entend, selon le cas, deux choses légèrement différentes.

Dans le premier sens du mot, une base d'un espace vectoriel V est une famille ${(v_{i})}_{i\in I}$ d'éléments de V telle que

1° pour chaque partie finie J de I et chaque famille ${(a_{j})}_{j\in J}$ de scalaires, la relation $\sum _{j\in J}a_{j}v_{j}=0$ entraîne $a_{j}=0$ pour tout $j\in J$;

2° pour chaque élément $v$ de V, il existe une partie finie J de I et une famille ${(a_{j})}_{j\in J}$ telles que $v=\sum _{j\in J}a_{j}v_{j}.$

(La condition 1° exprime que la famille $(v_{i})_{i\in I}$ est libre; la condition 2° exprime que cette famille engendre V.)

Dans le second sens du mot « base », une base d'un espace vectoriel V est une partie B de V telle que

1° si $(b_{i})_{i\in I}$ est une famille d'index fini d'éléments de B telle que, pour tous $i,j$ distincts dans I, $b_{i}$ et $b_{j}$ soient distincts, alors la famille $(b_{i})_{i\in I}$ est libre, c'est-à-dire que si $(a_{i})_{i\in I}$ est une famille de scalaires telle que $\sum _{i\in I}a_{i}b_{i}=0$, alors $a_{i}=0$ pour tout $i\in I$;

2° pour chaque élément $v$ de V, il existe une famille d'index fini $(b_{i})_{i\in I}$ d'éléments de B telle que $v=\sum _{i\in I}a_{i}b_{i}.$

Une partie B de V est une base de V au second sens si et seulement la famille $(b)_{b\in B}$ (assimilable à l'application identique de B dans lui-même) est une base de V au premier sens. Une famille $(v_{i})_{i\in I}$ d'éléments de V est une base de V au premier sens si et seulement si les deux conditions suivantes sont satisfaites :

a) pour tous $i,j$ distincts dans $I$, $v_{i}\not =v_{j};$

b) l'ensemble des valeurs de la famille $(v_{i})_{i\in I}$, autrement dit l'ensemble $\{v_{i}\vert i\in I\}$, est une base de V au second sens.

Nous dirons parfois qu'une base de V dans le premier sens est une famille basique de V et qu'une base de V dans le second sens est une partie basique de V.

Si $(v_{i})_{i\in I}$ est une famille basique de V et B une partie basique de V, $I$ et B ont le même cardinal (qui est aussi le cardinal de l'ensemble des valeurs de la famille $(v_{i})_{i\in I}$). Deux parties basiques d'un même espace vectoriel ont toujours le même cardinal. Deux familles basiques d'un même espace vectoriel ont toujours des index (ensembles d'indices) de même cardinal.

Si V est un espace vectoriel, le cardinal de toute partie basique de V (qui est aussi le cardinal de l'index de toute famille basique de V et qui est aussi le cardinal de l'ensemble des valeurs de toute famille basique de V) est appelé la dimension de V. Tout espace vectoriel a au moins une base (dans les deux sens du mot).

Sous-groupe de Frattini

Définition

Soit G un groupe. Les éléments de G qui appartiennent à tout sous-groupe maximal de G forment évidemment un sous-groupe de G, qu'on appelle le sous-groupe de Frattini de G et qu'on note Frat G ou $\Phi (G).$ Dans le présent cours, on le notera Frat G ou Frat(G).

Si G a au moins un sous-groupe maximal, on peut parler de l'intersection des sous-groupes maximaux de G et Frat(G) est alors cette intersection. Si G n'a pas de sous-groupe maximal, Frat(G) est G tout entier.

Début d’un théorème

Énoncé 1

Soit G un groupe. Frat(G) = G si et seulement si G n'a pas de sous-groupe maximal.

Fin du théorème

Démonstration

Si G n'a pas de sous-groupe maximal, alors Frat(G) = G, comme on l'a vu. Si maintenant G a au moins un sous-groupe maximal M, alors Frat(G) est contenu dans M ; comme M, par définition d'un sous-groupe maximal, est un sous-groupe propre de G, Frat(G) est donc un sous-groupe propre de G.

 

Remarques.

1. Un groupe fini non trivial a toujours au moins un sous-groupe maximal, par exemple un sous-groupe du plus grand ordre possible parmi les sous-groupes propres de G. (On peut dire aussi que tout ensemble ordonné fini non vide a au moins un élément maximal.) Donc le sous-groupe de Frattini d'un groupe fini G non trivial est toujours un sous-groupe propre de G.
2. D'après les exercices sur le chapitre Sous-groupes monogènes, ordre d'un élément il existe des groupes infinis (par exemple le groupe additif $\mathbb {Q}$) qui n'ont pas de sous-groupe maximal et qui sont donc leur propre sous-groupe de Frattini.

Début d’un théorème

Énoncé 2

(i) Soient G et H deux groupes isomorphes, soit $\sigma$ un isomorphisme de G sur H. Alors $Frat(H)=\sigma (Frat(G)).$

(ii) Pour tout groupe G, Frat(G) est un sous-groupe caractéristique de G.

Fin du théorème

Démonstration

Du fait que $\sigma$ est un isomorphisme de G sur H, on tire facilement que les sous-groupes maximaux de H sont exactement les images par $\sigma$ des sous-groupes maximaux de G. Il en résulte qu'un élément $h$ de H appartient à chaque sous-groupe maximal de H si et seulement si $\sigma ^{-1}(h)$ à chaque sous-groupe maximal de G, donc $Frat(H)=\sigma (Frat(G))$, ce qui démontre le point (i) de l'énoncé.

Soit $\lambda$ un automorphisme d'un groupe G. En faisant H = G et $\sigma =\lambda$ dans le point i), nous trouvons $Frat(\lambda (G))=\lambda (Frat(G))$, où $\lambda (G)$ peut être écrit G. Donc $\lambda (Frat(G))=Frat(G)$. Ceci étant démontré pour tout automorphisme $\lambda$ de G, Frat(G) est donc caractéristique dans G, ce qui prouve le point ii) de l'énoncé.

 

Début d’un théorème

Énoncé 3 (Exemple)

Soit G un groupe cyclique d'ordre $p^{n}$, où $p$ est un nombre premier et $n$ un nombre naturel non nul. Alors Frat(G) est égal à l'unique sous-groupe d'ordre $p^{n-1}$ de G. En particulier, le sous-groupe de Frattini d'un groupe (fini) d'ordre premier est trivial (ce qu'on peut évidemment démontrer plus directement).

Fin du théorème

Démonstration

Puisque G est cyclique, il a un et un seul sous-groupe d'ordre $d$ pour tout diviseur naturel $d$ de $p^{n}$. D'autre part, d'après un exercice de la série Groupes monogènes, ordre d'un élément, l'ensemble des sous-groupes de G est totalement ordonné par inclusion. Il est donc clair que G a pour unique sous-groupe maximal son (unique) sous-groupe d'ordre $p^{n-1}$, ce qui démontre l'énoncé.

 

Définition

Soit G un groupe. Un élément $x$ de G est appelé un élément superflu de G, ou encore un non-générateur de G, si pour toute partie génératrice X de G comprenant $x$, $X\setminus \{x\}$ est elle aussi une partie génératrice de G.

Début d’un théorème

Énoncé 4

Soit G un groupe, soit Y un ensemble fini d'éléments superflus de G ; alors, pour toute partie génératrice X de G contenant Y, $X\setminus Y$ est elle aussi une partie génératrice de G.

Fin du théorème

Démonstration facile par récurrence sur le nombre d'éléments de Y.

Début d’un théorème

Énoncé 5 (Lemme)

Soient G un groupe, H un sous-groupe de G et $g$ un élément de $G\setminus H.$

i) Si l'on ordonne par inclusion l'ensemble E des sous-groupes de G contenant H et ne comprenant pas $g$, l'ensemble ordonné E a au moins un élément maximal.

ii) Si H et $g$ engendrent G, tout élément maximal de E est un sous-groupe maximal de G.

Fin du théorème

Démonstration

L'ensemble E n'est pas vide, puisqu'il comprend H. La réunion de toute partie totalement ordonnée non vide de E est un élément de E (c'est un sous-groupe de G qui contient H et ne comprend pas $g$, donc l'ensemble ordonné E est inductif donc, d'après le théorème de Zorn, E a au moins un élément maximal, ce qui prouve le point i) de l'énoncé.

Prouvons maintenant le point ii). Supposons que H et $g$ engendrent G ; soit M un ensemble maximal de l'ensemble E; il s'agit de prouver que M est un sous-groupe maximal de G.

Puisque M appartient à E, il ne comprend pas $g$, donc

(1)$\qquad$M < G.

Soit K un sous-groupe de G tel que

(hyp. 2)$\qquad M<K\leq G.$

Compte tenu de (1), tout revient à prouver que

(thèse 3)$\qquad K=G.$

Puisque M est un élément maximal de E, il résulte de l'hypothèse (2) que K n'appartient pas à E, donc

(4)$\qquad$ K ne possède pas à la fois la propriété de contenir H et de ne pas comprendre $g.$

Mais, d'après l'hypothèse (2), K contient M et M, appartenant à E, contient H. Donc K contient H, donc, d'après (4), K comprend $g.$ Puisque H et $g$ sont supposés engendrer G, K est donc égal à G, ce qui prouve notre thèse (3).

Remarque. La démonstration peut évidemment se simplfier si on suppose que G est fini, ce qui est le cas le plus important dans les limites du présent chapitre.

 

Début d’un théorème

Énoncé 6

Soit G un groupe. Les éléments de Frat(G) sont exactement les éléments superflus de G.

Fin du théorème

Démonstration

Soit $x$ un élément superflu de G, soit M un sous-groupe maximal de G ; prouvons que $x$ appartient à M.

Par maximalité de M,

(1)$\qquad$<M, x> est égal à M ou à G.

Si <M, x> était égal à G, $M\cup \{x\}$ serait une partie génératrice de G, donc, puisque $x$ est un élément superflu de G, M serait une partie génératrice de G ; puisque M est un sous-groupe de G, cela revient à dire que M serait égal à G, ce qui est faux puisque, par définition d'un sous-groupe maximal, M est un sous-groupe propre de G. Donc <M, x> n'est pas égal à G, donc, d'après (1), <M, x> = M, donc $x$ appartient à M. Nous avons ainsi prouvé, comme annoncé, que tout élément superflu de G appartient à tout sous-groupe maximal de G, ce qui revient à dire que tout élément superflu de G appartient à Frat(G).

Pour démontrer l'énoncé, il reste à prouver que tout élément de Frat(G) est un élément superflu de G. Soit donc $y$ un élément de Frat(G). Il s'agit de prouver que

(thèse 2) $\qquad y$ est un élément superflu de G.

Supposons que, par absurde,

(hyp. 3) $\qquad y$ ne soit pas un élément superflu de G.

Alors il existe une partie X de G telle que

$G=<y,X>$ et $G\not =<y,X>.$

Il est clair que

(4)$\qquad y$ n'appartient pas au sous-groupe <X> de G

et que

(5)$\qquad y$ et le sous-groupe <X> de G engendrent G.

De (4), (5) et de l'énoncé 5, il résulte qu'il existe un sous-groupe maximal de G qui (contient <X> et) ne comprend pas $y.$ Cela contredit l'hypothèse selon laquelle $y$ appartient à Frat(G). Donc notre hypothèse (3) est absurde, donc $y$ est un élément superflu de G, ce qui prouve notre thèse (2). Comme nous l'avons vu, cela achève la démonstration.

 

Début d’un théorème

Énoncé 7

i) Soient G un groupe, H un sous-groupe de type fini de Frat(G) et K un sous-groupe de G tel que G = <H, K> ; alors K = G.

ii) Soient G un groupe fini, H un sous-groupe de Frat(G) et K un sous-groupe de G tel que G = <H, K> ; alors K = G.

Fin du théorème

Démonstration

Par hypothèse du point i), H est engendré par des éléments $x_{1},\ldots ,x_{n}$ de Frat(G). Donc, puisque H et K engendrent G,

(1)$\qquad K\cup \{x_{1},\ldots ,x_{n}\}$ est une partie génératrice de G.

Puisque $x_{1},\ldots ,x_{n}$ sont des éléments de Frat(G), ce sont des éléments superflus de G (énoncé 6), don, d'après (1) et l'énoncé 4,

K est une partie génératrice de G.

Puisque K est un sous-groupe de G, cela revient à dire que K est égal à G, ce qui prouve le point i) de l'énoncé.

Si G est fini, Frat(G) est fini, donc tout sous-groupe de Frat(G) est engendré par des éléments en nombre fini, donc le point ii) de l'énoncé est un cas particuler du point i).

 

Début d’un théorème

Énoncé 8 (Argument de Frattini, forme particulière originale)

Soient G un groupe fini, H un sous-groupe normal de G et P un sous-groupe de Sylow de H. Alors $G=N_{G}(P)H.$

Fin du théorème

Démonstration

Soit $p$ un nombre premier. Du fait que H est normal dans G, on tire facilement que G opère par conjugaison sur l'ensemble X des p-sous-groupes de Sylow de H. Puisque deux p-sous-groupes de Sylow de H sont toujours conjugués dans H, l'opération de H sur X induite par celle de G est transitive.

Soit P un p-sous-groupe de Sylow de H ; donc P est un « point » de X et le stabilisateur de ce point pour l'opération de G sur X est $N_{G}(P).$ D'après ce qui précède et la forme générale de l'argument de Frattini,

$G=N_{G}(P)H$,

ce qui démontre l'énoncé.

 

Début d’un théorème

Énoncé 9

Soit G un groupe fini. Frat(G) est nilpotent.

Fin du théorème

Démonstration

Soit P un sous-groupe de Sylow de Frat(G). D'après l'énoncé 2, Frat(G) est caractéristique et donc normal dans G, donc, d'après l'énoncé 8,

$G=N_{G}(P)Frat(G).$

D'après l'énoncé 7, point ii), on a donc $G=N_{G}(P)$, donc P est normal dans G. Puisqu'il est contenu dans Frat(G), il est donc normal dans Frat(G). Cela étant démontré pour tout sous-groupe de Sylow P de Frat(G), Frat(G) est donc nilpotent.

 

Début d’un théorème

Énoncé 10

Soit G un groupe fini.

i) Si N est un sous-groupe normal de G, si H est un sous-groupe de G tel que $N\leq Frat(H)$, alors $N\leq Frat(G).$

ii) Si K est un sous-groupe normal de G, alors $Frat(K)\leq Frat(G).$

Fin du théorème

Démonstration

Dans les hypothèses du point i), supposons que, par absurde,

(hyp. 1)$\qquad$N ne soit pas contenu dans Frat(G).

Alors,

(2)$\qquad$il existe un sous-groupe maximal M de G qui ne contient pas M.

Par maximalité de M, on a donc

(3)$\qquad$<M, N> = G.

Puisque N est normal dans G, le sous-groupe <M, N> de G est égal à MN, donc (3) peut s'écrire

(4)$\qquad$M N> = G.

D'après l'identité de Dedekind et compte tenu que notre hypothèse $N\leq Frat(H)$ entraîne $N\leq H$, nous avons

$H\cap (MN)=(H\cap M)N$,

ce qui, d'après (4), peut s'écrire

(5)$\qquad H=(H\cap M)N$

Puisque N est contenu dans Frat(H), il résulte de (5) et de l'énoncé 7, ii) que

$H\cap M=H$,

c'est-à-dire que H est contenu dans M. Puisque $N\leq Frat(H)\leq H$, N est donc contenu dans M, ce qui contredit (2). Donc notre hypothèse (1) est absurde, c'est-à-dire que N est contenu dans Frat(G), ce qui prouve le point i) de l'énoncé.

Prouvons maintenant le point ii). Soit K un sous-groupe normal de G ; d'après l'énoncé 2, ii), Frat(K) est caractéristique dans K, donc (puisque K est normal dans G) Frat(K) est normal dans G ; dès lors, en faisant N = Frat(K) et H = K dans le point i), nous trouvons que Frat(K) est contenu dans Frat(G), ce qui prouve le point ii) de l'énoncé.

 

Début d’un théorème

Énoncé 11

Soit G un groupe fini, soit N un sous-groupe normal de G.

i) Frat(G/N) contient (FratG) N/ N ;

ii) si N est contenu dans Frat(G), alors

Frat(G/N) = Frat(G) N/ N = Frat(G) / N.

Fin du théorème

Démonstration

D'après le théorème de correspondance,

(1)$\qquad$les sous-groupes maximaux de G/N sont les sous-groupes de G/N de la forme M/N, où M est un sous-groupe maximal de G contenant N.

D'autre part, puisque Frat(G) est contenu dans chaque sous-groupe maximal de G, Frat(G) N/N est contenu dans MN/N pour chaque sous-groupe maximal M de G. En particulier,

Frat(G) N/N est contenu dans M/N pour chaque sous-groupe maximal M de G contenant N

Compte tenu de (1), il en résulte que

Frat(G)N/N est contenu danschaque sous-groupe maximal de G/N,

ce qui revient à dire que Frat(G)N/N est contenu dans Frat(G/N), d'où le point i) de l'énoncé.

D'après (1),

(2)$\qquad$Frat(G/N) est l'ensemble des éléments de G/N qui appartiennent à M/N pour tout sous-groupe maximal M de G contenant N.

Dans les hypothèses du point ii) de l'énoncé, N est contenu dans Frat(G), donc tout sous-groupe maximal de G contient N, donc (2) revient à dire que

Frat(G/N) est l'ensemble des éléments de G/N qui appartiennent à M/N pour tout sous-groupe maximal M de G.

On en tire facilement que Frat(G/N) est l'ensemble des éléments de G/N de la forme $gN$, où $g$ appartient à chaque sous-groupe maximal de G, autrement dit où $g$ appartient à Frat(G). Donc Frat(G/N) = Frat(G) N / N = Frat(G) / N, ce qui prouve le point ii) de l'énoncé.

 

Début d’un théorème

Énoncé 12

Soit G un groupe fini. Le groupe G/Frat(G) a pour sous-groupe de Frattini son sous-groupe trivial.

Fin du théorème

Démonstration

En faisant N = Frat(G) dans l'énoncé 11, ii), on trouve

Frat(G/Frat(G) ) = Frat(G) / Frat(G),

où le membre droit est égal au sous-groupe trivial de G/Frat(G).

 

Début d’un théorème

Énoncé 13

(i) Pour tout groupe nilpotent $G,G'\leq Frat(G).$

(ii) Un groupe fini G est nilpotent si et seulement si $G'\leq Frat(G).$

Fin du théorème

Démonstration

Soient G un groupe nilpotent et M un sous-groupe maximal de G. D'après le chapitre Groupes nilpotents, énoncé 21, M est normal dans G et G/M est un groupe d'ordre (fini) premier, donc un groupe abélien, donc G' est contenu dans M. Ceci étant vrai pour tout sous-groupe maximal M de G, G' est donc contenu dans Frat(G), ce qui prouve le point (i) de l'énoncé.

Soit maintenant G un groupe fini (qu'on ne suppose plus nilpotent).

Si G est nilpotent, alors $G'\leq Frat(G)$ d'après le point i) ; donc pour prouver le point ii), il reste à prouver que

(hyp. 1)$\qquad$si $G'\leq Frat(G)$

alors

(thèse 2)$\qquad$G est nilpotent.

D'après notre hypothèse (1), G' est contenu dans tout sous-groupe maximal de G, donc

(3)$\qquad$tout sous-groupe maximal de G est normal dans G.

Soit P un sous-groupe de Sylow de G. Supposons que, par absurde,

(hyp. 4)$\qquad$P ne soit pas normal dans G.

Alors $N_{G}(P)<G$ ; puisque G est fini, il en résulte que $N_{G}(P)$ est contenu dans un sous-groupe maximal M de G. Pour un tel M, nous avons, d'après le chapitre Groupes nilpotents, $N_{G}(M)=M$, d'où $N_{G}(M)<G$, donc M n'est pas normal dans G, ce qui contredit (3). Donc notre hypothèse (4) est absurde, donc tout sous-groupe de Sylow de G est normal dans G, donc G est nilpotent. Cela montre que dans notre hypothèse (1), la thèse (2) est vraie, ce qui prouve le point (ii) de l'énoncé.

 

Remarque. Soit G un groupe nilpotent fini, soit X une partie de G telle que $X\cup G'$ engendre G. D'après le point (i), $G'\leq Frat(G)$, donc $X\cup Frat(G)$ engendre G. Puisque Frat(G) est fini, il en résulte, d'après l'énoncé 4, que X engendre G. Nous avons ainsi prouvé que si G est un groupe nilpotent fini, si X est une partie de G telle que $X\cup G'$ engendre G, alors X engendre G. Nous avons déjà démontré ce fait dans le chapitre Groupes nilpotents, énoncé 20, mais sans supposer G fini.

Début d’un théorème

Énoncé 14

Soit G un groupe fini, produit direct interne

$G=H_{1}\times \cdots \times H_{n}$

de sous-groupes $H_{1},\ldots H_{n}$ de G.

Alors $Frat(G)=Frat(H_{1})\times \cdots \times Frat(H_{n})$ (produit direct interne).

Fin du théorème

Démonstration

On peut supposer $n=2$, le cas général se déduisant facilement du cas particulier par récurrence sur $n.$ Nous supposons donc que $G=H_{1}\times H_{2}.$

(hyp. 1)$\qquad$Soit M un sous-groupe maximal de $H_{1}.$

Prouvons que

(thèse 2)$\qquad M\times H_{2}$ est un sous-groupe maximal de $G=H_{1}\times H_{2}.$

Soit K un sous-groupe de G tel que

(hyp. 3)$\qquad M\times H_{2}<K\leq G.$

Puisque $M\times H_{2}$ est clairement un sous-groupe propre de G, la thèse (2) revient à dire que

(thèse 4)$\qquad K=G.$

Puisque K et $H_{1}$ contiennent M,

(5)$\qquad M\leq K\cap H_{1}.$

D'autre part, d'après l'identité de Dedekind, il résulte de $H_{2}\leq K$ et de $G=H_{1}H_{2}$ que

$K=(K\cap H_{1})H_{2}$,

donc si $K\cap H_{1}$ était contenu dans M, on aurait

$K\leq MH_{2}$,

ce qui contredit notre hypothès (3). Donc $K\cap H_{1}$ n'est pas contenu dans M, donc, d'après (5),

$M<K\cap H_{1}.$

Puisque M est supposé être un sous-groupe maximal de $H_{1}$, on a donc $M<K\cap H_{1}=H_{1}$, autrement dit K contient $H_{1}.$ D'après l'hypothèse (3), K contient également $H_{2}$, donc K contient $H_{1}H_{2}=G$, donc K = G, ce qui prouve notre thèse (4). Comme nous l'avons vu, la thèse (2) en résulte, à savoir que pour tout sous-groupe maximal M de $H_{1}$, $M\times H_{2}$ est un sous-groupe maximal de $G=H_{1}\times H_{2}.$ Donc pour tout sous-groupe maximal M de $H_{1}$,

$Frat(G)\leq M\times H_{2}.$

Dès lors, si on désigne par $pr_{1}$ la projection $G\to H_{1}$ correspondant à la décomposition $G=H_{1}\times H_{2}$ en produit direct,

$pr_{1}(Frat(G))$ est contenu dans chaque sous-groupe maximal de $H_{1}$, autrement dit

$pr_{1}(Frat(G))$ est contenu dans $Frat(H_{1}).$

De même,

$pr_{2}(Frat(G))$ est contenu dans $Frat(H_{2}).$

Puisque Frat(G) est contenu dans $pr_{1}(Frat(G))pr_{2}(Frat(G))$, nos deux derniers résultats donnent

$Frat(G)\leq Frat(H_{1})Frat(H_{2})$,

ce qu'on peut écrire

(6)$\qquad Frat(G)\leq Frat(H_{1})\times Frat(H_{2}).$

(Jusqu'ici, nous n'avons pas utilisé l'hypothèse selon laquelle G est fini.)

Prouvons l'inclusion réciproque de (6), à savoir

(thèse 7)$\qquad Frat(H_{1})\times Frat(H_{2})\leq Frat(G).$

Puisque $H_{1}$ est normal dans G et G fini, il résulte de l'énoncé 10, (ii), que

$Frat(H_{1})\leq Frat(G)$

et, de même,

$Frat(H_{2})\leq Frat(G)$, donc

$Frat(H_{1})Frat(H_{2})\leq Frat(G)$,

ce qui peut encore s'écrire

$Frat(H_{1})\times Frat(H_{2})\leq Frat(G)$,

donc notre thèse (7) est vraie. Joint à (6), cela prouve que

$Frat(G)=Frat(H_{1})\times Frat(H_{2}).$

Comme nous l'avons noté, l'énoncé général en résulte.

 

Début d’un théorème

Énoncé 15

Soit G un groupe nilpotent fini. Les deux conditions suivantes sont équivalentes :

a) Frat(G) = 1 ;

b) G est produit direct de groupes d'ordres premiers (et, en particulier, G est abélien).

Fin du théorème

Démonstration

Prouvons que b) entraîne a). Dans l'hypothèse b),

$G=H_{1}\times \cdots \times H_{n}$ (produit direct),

où chaque $H_{i}$ est un sous-groupe d'ordre premier de G.

D'après l'énoncé 14,

(1)$\qquad Frat(G)=Frat(H_{1})\times \cdots \times Frat(H_{n}).$

D'autre part, puisque chaque $H_{i}$ est d'ordre premier, nous avons, d'après l'énoncé 3,

$Frat(H_{1})=1$ pour chaque $i.$

En portant cela dans (1), nous obtenons Frat(G) = 1, ce qui prouve que la condition b) de l'énoncé entraîne la condition a).

Réciproquement, prouvons que la condition a) entraîne la condition b). Dans l'hypothèse a), nous avons

(1)$\qquad Frat(G)=1.$

D'autre part, puisque G est supposé nilpotent, nous avons, d'après l'énoncé 13,

$G'\leq Frat(G)$,

donc, d'après (2), G' = 1, donc G est abélien. Dès lors, d'après le chapitre Groupes commutatifs finis, 1, G est produit direct

(3)$\qquad G=K_{1}\times \cdots \times K_{r}$, où chaque $K_{i}$ est un groupe cyclique d'ordre $p_{i}^{n_{i}}$, $p_{i}$ étant un nombre premier et $n_{i}$ un nombre naturel $\geq 1.$

D'après l'énoncé (14), on a alors

$Frat(G)=Frat(K_{1})\times \cdots \times Frat(K_{r})$,

donc, puisqu'on suppose Frat(G) = 1,

(4)$\quad Frat(K_{1})=\cdots Frat(K_{r})=1.$

D'autre part, puisque, d'après (3), $K_{i}$ est un groupe cyclique d'ordre $p_{i}^{n_{i}}$, il résulte de l'énoncé 3 que $Frat(K_{i})$ est d'ordre $p_{i}^{n_{i}-1}$, donc d'après (4), $n_{i}=1$ pour chaque $i$, donc chaque $K_{i}$ est d'ordre $p_{i}$ premier, donc, d'après (3), G est produit direct de groupes d'ordres premiers, ce qui prouve bien que la condition a) de l'énoncé entraîne la condition b).

 

Début d’un théorème

Énoncé 16

Soit $p$ un nombre premier, soit G un p-groupe fini. Les deux conditions suivantes sont équivalentes :

a) Frat(G) = 1 ;

b) G est un p-groupe abélien élémentaire.

Fin du théorème

Démonstration

Puisque G est un p-groupe fini, il est nilpotent. Donc, d'après l'énoncé 15, la condition a) équivaut à ce que G soit un produit direct de groupes d'ordres premiers. Puisque G est un p-groupe, cela revient à ce que G soit un p-groupe abélien élémentaire.

 

Début d’un théorème

Énoncé 17

Soit $p$ un nombre premier, soit G un p-groupe fini. Alors G/Frat(G) est un p-groupe abélien élémentaire.

Fin du théorème

Démonstration

G/Frat(G) est un p-groupe fini et, d'après l'énoncé 12, son sous-groupe de Frattini est trivial. D'après l'énoncé 16 (appliqué au groupe G/Frat(G)), il en résulte que G/Frat(G) est un p-groupe abélien élémentaire.

 

Définition

Soit G un groupe. Une partie génératrice minimale de G est par définition une partie génératrice de G dont aucune partie propre n'engendre G.

Début d’un théorème

Énoncé 18

Soit G un groupe fini, soit X une partie génératrice de G. Alors X contient au moins une partie génératrice minimale de G. (En particulier, puisque tout groupe est une partie génératrice de lui-même, tout groupe fini a au moins une partie génératrice minimale.)

Fin du théorème

Démonstration

L'ensemble des parties génératrices de G n'est pas vide (puisqu'il comprend X). Donc, puisque G est fini, on peut choisir, parmi les parties génératrices de G contenues dans X, une partie Y du plus petit cardinal possible. Il est clair que Y est alors une partie génératrice minimale de G contenue dans X, ce qui prouve l'énoncé. (On peut dire aussi que si on ordonne par inclusion l'ensemble des parties génératrices de G contenues dans X, cet ensemble ordonné est un ensemble ordonné fini non vide et que tout ensemble ordonné fini non vide a au moins un élément minimal.)

 

Remarque. Un groupe fini peut avoir deux parties génératrices minimales non équipotentes. Par exemple, si G est un groupe cyclique d'ordre 6, nous pouvons choisir dans G des éléments $a,b,c$ d'ordres respectifs 2, 3 et 6. Alors $\{a,b\}$ et $\{c\}$ sont clairement des parties génératrices minimales de G et ne sont pas équipotentes. Nous allons cependant voir que si G est un groupe fini dont l'ordre est une puissance de nombre premier, toutes les parties génératrices minimales de G sont équipotentes.

Début d’un théorème

Énoncé 19 (Théorème de la base de Burnside)

Soit $p$ un nombre premier, soit G un p-groupe fini, soit $d$ la dimension de G/Frat(G) comme $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel (voir énoncé 17) ; on a donc $\vert G/Frat(G)\vert =p^{d}.$ Pour tout élément $x$ de G, désignons par ${\overline {x}}$ l'image canonique de $x$ dans G/Frat(G) ; pour toute partie X de G, désignons par ${\overline {X}}$ l'ensemble des ${\overline {x}}$, où $x$ parcourt X.

a) Si X est une partie génératrice minimale de G, alors ${\overline {X}}$ est une base (partie basique) du $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel G/Frat(G) et $\vert X\vert =d$.

b) Réciproquement, si X est une partie de G telle que $\vert X\vert =d$ et que ${\overline {X}}$ soit une base (partie basique) du $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel G/Frat(G) (autrement dit, si X s'obtient en choisissant une partie basique du $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel G/Frat(G) et en choisissant un et un seul élément dans chaque classe modulo Frat(G) appartenant à cette partie basique) , alors X est une partie génératrice minimale de G. c) Les parties génératrices minimales de G ont toutes le même cardinal ; ce cardinal est égal à la dimension $d$ du $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel G/Frat(G). d) Chaque élément de $G\setminus Frat(G$ appartient à au moins une partie génératrice minimale de G.

Fin du théorème

Démonstration

Prouvons le point a). Soit X une partie génératrice minimale de G ; il s'agit de prouver que ${\overline {X}}$ est une base (partie basique) du $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel G/Frat(G) et que $\vert X\vert =d$.

Puisque X est une partie génératrice de G,

${\overline {X}}$ est une partie génératrice de G/Frat(G),

ce qui revient à dire que

(1)$\qquad {\overline {X}}$ est une partie génératrice du $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel G/Frat(G).

Posons $\vert X\vert =n$ et notons $x_{1},\ldots ,x_{n}$ les différents éléments de X ; prouvons que $n=d.$

D'après (1),

(2)$\qquad$la famille $({\overline {x_{1}}},\ldots ,{\overline {x_{n}}})$ est une famille génératrice du $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel G/Frat(G).

Supposons que, par absurde,

(hyp. 3)$\qquad$la famille $({\overline {x_{1}}},\ldots ,{\overline {x_{n}}})$ ne soit pas libre dans cet espace vectoriel.

Il existe alors un $i$ dans $\{1,\ldots ,n\}$ tel que

${\overline {x_{i}}}$ appartienne au sous-espace de G/Frat(G) engendré par les ${\overline {x_{j}}},j$ parcourant $\{1,\ldots ,n\}\setminus \{i\}.$

Quitte à changer la numérotation $x_{1},\ldots ,x_{n}$, nous pouvons supposer que

${\overline {x_{1}}}$ appartient au sous-espace de G/Frat(G) engendré par ${\overline {x_{2}}},\ldots ,{\overline {x_{n}}}.$

Si nous notons G multiplicativement, cela revient à dire qu'il existe un élément $y$ de Frat(G) tel que $x_{1}y^{-1}$ appartienne au sous-groupe $\langle x_{2},\ldots ,x_{n}\rangle$ de G. Alors $x_{1}$ appartient au sous-groupe de G engendré par $y\cup \{x_{2},\ldots ,x_{n}\}$, donc (puisque X, égale à $x_{1},\ldots ,x_{n}$, est une partie génératrice de G)

(4)$\qquad \{y\}\cup \{x_{2},\ldots ,x_{n}\}$ est une partie génératrice de G.

Mais $y$, appartenant à Frat(G), est un élément superflu de G, donc, d'après (4), $\{x_{2},\ldots ,x_{n}\}$ est une partie génératrice de G, ce qui contredit le fait que $\{x_{1},\ldots ,x_{n}\}$ (égale à X) est une partie génératrice minimale de G. Donc notre hypothèse (3) est absurde, donc

la famille $({\overline {x_{1}}},\ldots ,{\overline {x_{n}}})$ est libre dans le $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel G/Frat(G).

Joint à (2), cela montre que

(5)$\qquad$la famille $({\overline {x_{1}}},\ldots ,{\overline {x_{n}}})$ est une famille basique du $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel G/Frat(G),

donc $n$ est égal à la dimension $d$ de cet espace vectoriel, autrement dit (6)$\vert X\vert =d.$ Nous avons vu en (5) que la famille $({\overline {x_{1}}},\ldots ,{\overline {x_{n}}})$ est une famille basique du $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel G/Frat(G), donc $\{{\overline {x_{1}}},\ldots ,{\overline {x_{n}}}\}$ est une partie basique de cet espace, c'est-à-dire que

${\overline {X}}$ est une partie basique de cet espace.

Joint à (6), cela prouve le point a) de l'énoncé.

Prouvons maintenant le point b) de l'énoncé.

Soit X une partie de G telle que $\vert X\vert =d$ et que ${\overline {X}}$ soit une partie basique du $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel G/Frat(G). Il s'agit de prouver que

(thèse 7)$\qquad$X est une partie génératrice minimale de G.

Notons $x_{1},\ldots x_{d}$ les différents éléments de X,

Soit $g$ un élément de G. Puisque ${\overline {X}}$ engendre le $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel G/Frat(G), il existe un élément $y$ de Frat(G) tel que

$g$ appartienne à $y\langle x_{1},\ldots ,x_{1}\rangle .$

Ceci étant vrai pour tout élément $g$ de G,

$Frat(G)\cup \{x_{1},\ldots x_{d}\}$ est une partie génératrice de G.

Puisque G est fini, il résulte donc de l'énoncé 4 (ou de l'énoncé 7, ii) que $\{x_{1},\ldots x_{d}\}$, c'est-à-dire X, est une partie génératrice de G.

Si X n'était pas une partie génératrice minimale de G, on pourrait extraire de X une partie génératrice de G de cardinal < $d$ ; alors le $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel G/Frat(G) aurait une partie génératrice de cardinal < $d$, ce qui est impossible, puisque $d$ est la dimension de cet espace. Nous avons donc prouvé notre thèse (7), à savoir que X est une partie génératrice minimale de G. Comme nous l'avons vu, cela prouve le point b) de l'énoncé.

Le point c) est une conséquence immédiate du point a). Prouvons le point d).

Soit $x$ un élément de $G\setminus Frat(G).$ Il s'agit de prouver que

(thèse 8)$\qquad x$ appartient à au moins une partie génératrice minimale de G.

Le vecteur ${\overline {x}}$ n'est pas le vecteur nul du $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel G/Frat(G), donc il appartient à une partie basique $\{{\overline {x_{1}}},\ldots {\overline {x_{d}}}\}$ de cet espace, où $x_{1}=x$ et où ${\overline {x_{1}}},\ldots ,{\overline {x_{d}}}$ sont $d$ différents éléments de G/Frat(G). Alors $x_{1},\ldots x_{d}$ sont $d$ différents éléments de G. Donc si nous posons $X=\{x_{1},\ldots x_{d}\}$, alors $\vert X\vert =d$ et ${\overline {X}}$ est une partie basique de l'espace G/Frat(G). Donc, d'après le point b) de l'énoncé, X est une partie génératrice minimale de G. Puisque X comprend $x$, cela prouve notre thèse (8) et donc le point d) de l'énoncé.

 

Début d’un théorème

Énoncé 20

Soient $p$ un nombre premier et G un p-groupe fini. Notons $d$ le nombre naturel tel que $[G:Frat(G)]=p^{d}$ ($d$ est donc la dimension du $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel G/Frat(G) ), notons $m$ le nombre naturel tel que $\vert Frat(G)\vert =p^{m}.$ Pour tout élément $x$ de G, notons ${\overline {x}}$ l'image de $x$ par l'homomorphisme canonique de G sur Frat(G).

(i) Pour tout automorphisme $\sigma$ de G, il existe un et un seul automorphisme ${\overline {\sigma }}$ de G/Frat(G) tel que, pour tout élément $x$ de G, ${\overline {\sigma }}({\overline {x}})={\overline {\sigma (x)}}$ ; l'application $\varphi :\alpha \mapsto {\overline {\alpha }}$ de Aut(G) dans Aut(G/Frat(G)) est un homomorphisme de groupes.

(ii) $\vert Ker\varphi \vert$ divise $p^{dm}$ et le groupe $Aut(G)/Ker\varphi$ peut être plongé dans le groupe $GL(d,\mathbb {Z} /p\mathbb {Z} )$ (groupe des automorphismes d'un espace vectoriel de dimension $d$ sur le corps $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z} )$).

(iii) $\vert Aut(G)\vert$ divise

$p^{dm}(p^{d}-1)(p^{d}-p)(p^{d}-p^{2})\cdots (p^{d}-p^{d-1})=p^{dm+d(d-1)/2}(p^{d}-1)(p^{d-1}-1)(p^{d-2}-1)\cdots (p-1).$

(iv) Tout facteur premier de $\vert Aut(G)\vert$ autre que $p$ (s'il y en a) divise $(p^{d}-1)(p^{d-1}-1)(p^{d-2}-1)\cdots (p-1).$

Fin du théorème

Démonstration

Compte tenu que Frat(G) est un sous-groupe caractéristique de G, le point (i) résulte d'un exercice sur le chapitre Sous-groupes caractéristiques.

Ker $\varphi$ est l'ensemble des automorphismes $\sigma$ de G tels que, pour tout élément $x$ de G, ${\overline {\sigma }}({\overline {x}})={\overline {x}}$ ; la relation ${\overline {\sigma }}({\overline {x}})={\overline {x}}$ revient à ${\overline {\sigma (x)}}={\overline {x}}$, autrement dit $\sigma (x)\equiv x{\pmod {Frat(G)}}$, donc

(1)$\qquad Ker\varphi$ est l'ensemble des automorphismes $\sigma$ de G tels que, pour tout élément $x$ de G, $\sigma (x)\equiv x{\pmod {Frat(G)}}.$

Prouvons que $\vert Ker\varphi \vert$ divise $p^{dm}$

Pour toute partie T de G, on notera ${\overline {T}}$ l'ensemble des ${\overline {t}}$, où $t$ parcourt T.

Choisissons une partie génératrice minimale X de G. D'après l'énoncé 19, a),

(2)$\qquad \vert X\vert =d$

et

(3)$\qquad {\overline {X}}$ est une partie basique du $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel G/Frat(G).

d'où

(4)$\qquad \vert {\overline {X}}=d.$

D'après (2), nous pouvons numéroter

$x_{1},\ldots ,x_{d}$ les différents éléments de X

Pour tout d-uplet $u_{1},\ldots ,u_{d}$ d'éléments de Frat(G),

(5)$\qquad \{{\overline {x_{1}u_{1}}},\ldots ,{\overline {x_{d}u_{d}}}\}=\{{\overline {x_{1}}},\ldots ,{\overline {x_{d}}}\}={\overline {X}}.$

Puisqu'on a vu en (4) que $\vert {\overline {X}}=d$, le résultat (5) entraîne en particulier que $x_{1}u_{1},\ldots ,x_{d}u_{d}$ sont $d$ différents éléments de G, donc

(6)$\qquad$la partie $Y=\{x_{1}u_{1},\ldots ,x_{d}u_{d}\}$ de G est de cardinal $d.$

D'après (5), nous avons

${\overline {Y}}={\overline {X}}$,

donc, d'après (3),

(7)$\qquad {\overline {Y}}$ est une partie basique du $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel G/Frat(G).

De (6), (7) et de l'énoncé 19, b), il résulte que

(8)$\qquad$pour tout d-uplet $u_{1},\ldots ,u_{d}$ d'éléments de Frat(G), $\{x_{1}u_{1},\ldots ,x_{d}u_{d}\}$ est une partie génératrice minimale de G.

(En fait, il nous suffira de savoir que c'est une partie génératrice de G.)

La numérotation $x_{1},\ldots ,x_{d}$ des éléments de X étant fixée, considérons l'ensemble E des d-uplets d'éléments de G de la forme

$(x_{1}u_{1},\ldots ,x_{d}u_{d})$,

où $u_{1},\ldots ,u_{d}$ parcourent Frat(G).

D'après (8),

(9)$\qquad$les éléments de E sont des familles génératrices de G.

E est équipotent à l'ensemble des d-uplets $(u_{1},\ldots ,u_{d})$ d'éléments de Frat(G), donc

$\vert E\vert =\vert Frat(G)\vert ^{d}$

(10)$\qquad \vert E\vert =p^{dm}.$

D'autre part, si $y_{1},\ldots ,y_{d}$ sont des éléments de G,

(11)$\qquad$le d-uplet $(y_{1},\ldots ,y_{d})$ appartient à E si et seulement si ${\overline {y_{i}}}={\overline {x_{i}}}$ pour chaque $i.$

Soient $\sigma$ un élément de Ker $\varphi$ et $(y_{1},\ldots ,y_{d})$ un élément de E. Puisque $\sigma$ appartient à Ker $\varphi$, nous avons, d'après (1),

${\overline {\sigma (y_{i})}}={\overline {y_{i}}}$ pour chaque $i$,

d'où, d'après (11),

${\overline {\sigma (y_{i})}}={\overline {x_{i}}}$ pour chaque $i$,

donc, toujours d'après (11),

$\qquad$le d-uplet $(\sigma (y_{1}),\ldots ,\sigma (y_{d}))$ appartient à E.

Ceci montre que pour tout élément $\sigma$ de $Ker\varphi$ et tout élément $(y_{1},\ldots ,y_{d})$ de E,

$(\sigma (y_{1}),\ldots ,\sigma (y_{d}))$ appartient à E.

Cela définit clairement une action

$Ker\varphi \times E\to E:(\sigma ,(y_{1},\ldots ,y_{d}))\mapsto (\sigma (y_{1}),\ldots ,\sigma (y_{d}))$

du groupe $Ker\varphi$ sur l'ensemble E.

Soit $(y_{1},\ldots ,y_{d})$ un élément de E, soit $\sigma$ un élément du stabilisateur du point $(y_{1},\ldots ,y_{d})$ pour l'action considérée de $Ker\varphi$ sur E. Alors $\sigma (y_{i}=y_{i}$ pour chaque $i$. Puisque, d'après (9), $(y_{1},\ldots ,y_{d})$ est une famille génératrice de G, on a donc $\sigma =id_{G}$. Cela montre que

(12)$\qquad$pour tout élément $(y_{1},\ldots ,y_{d})$ de E, le stabilisateur de $(y_{1},\ldots ,y_{d})$ pour l'action considérée de $Ker\varphi$ sur E est réduit à l'élément neutre de $Ker\varphi .$

Cela revient à dire que l'action de $Ker\varphi$ sur E est libre, donc, d'après le chapitre Action de groupe, chaque orbite est de cardinal $\vert Ker\varphi \vert$, donc

$\vert E\vert$ est divisible par $\vert Ker\varphi \vert$,

ce qui, d'après (10, revient à dire que

(13)$\qquad \vert Ker\varphi \vert$ divise $p^{dm}.$

D'autre part, puisque $\varphi$ est un automorphisme de Aut(G) dans Aut(G/Frat(G)), il résulte du premier théorème d'isomorphisme que

(14)$\qquad Aut(G)/Ker\varphi$ est isomorphe à un sous-groupe de Aut(G/Frat(G)).

Mais, puisque G/Frat(G) est un p-groupe abélien élémentaire (voir énoncé 17),

Aut(G/Frat(G) est le groupe des automorphismes du $\mathbb {Z} /p\mathbb {Z}$-espace vectoriel G/Frat(G).

Puisque cet espace vectoriel est de dimension $d$, Aut(G/Frat(G)) est donc isomorphe à $GL(d,\mathbb {Z} /p\mathbb {Z} )$ (voir chapitre Groupes linéaires), donc, d'après (14)

(15)$\qquad Aut(G)/Ker\varphi$ est isomorphe à un sous-groupe de $GL(d,\mathbb {Z} /p\mathbb {Z} )$.

Donc

$\vert Aut(G)/Ker\varphi \vert$ divise $\vert GL(d,\mathbb {Z} /p\mathbb {Z} )\vert$,

(16)$\qquad \vert Aut(G)\vert$ divise $\vert Ker\varphi \vert \cdots \vert GL(d,\mathbb {Z} /p\mathbb {Z} )\vert .$

On a vu en (13) que $\vert Ker\varphi \vert$ divise $p^{dm}$, donc, d'après (16),

(17)$\qquad \vert Aut(G)\vert$ divise $p^{dm}\vert GL(d,\mathbb {Z} /p\mathbb {Z} )\vert .$

Mais, d'après le chapitre Groupes linéaires),

$\vert GL(d,\mathbb {Z} /p\mathbb {Z} )\vert =(p^{d}-1)(p^{d}-p)(p^{d}-p^{2})\cdots (p^{d}-p^{d-1})$,

ce qui peut s'écrire

$\vert GL(d,\mathbb {Z} /p\mathbb {Z} )\vert =p^{d(d-1)/2}(p^{d}-1)(p^{d-1}-1)(p^{d-2}-1)\cdots (p-1)$,

donc (17) revient à dire que

$\qquad \vert Aut(G)\vert$ divise $p^{dm+d(d-1)/2}(p^{d}-1)(p^{d-1}-1)(p^{d-2}-1)\cdots (p-1)$,

ce qui prouve le point (iii) de l'énoncé.

Le point (iv) se déduit immédiatement du point (iii).

 

Remarque. Si le p-groupe fini G est abélien, l'ordre de Aut(G) peut être entièrement explicité en fonction de la suite de diviseurs élémentaires de G. Voir par exemple Adolf Mader, « The Automorphism Group of Finite Abelian p-Groups », Ann. Sci. Math. Québec 36, No 2, (2012), 559–575, théorème 3.2, (3), p. 562, en ligne.