Théorie des groupes/Exercices/Groupes résolubles
Problème 1
[modifier | modifier le wikicode]Soit un nombre naturel . Prouver que et sont résolubles.
D'après le chapitre Commutateurs, groupe dérivé, le dérivé de est . D'après un exercice de la série Commutateurs, groupe dérivé, le dérivé de est un groupe de Klein, donc un groupe abélien, et est donc résoluble. Il en résulte que est résoluble. Pour tout nombre naturel , est isomorphe à un sous-groupe de (voir un problème de la série Groupes symétriques finis) et est donc résoluble. Puisque est un sous-groupe de , est donc résoluble lui aussi.
Problème 2
[modifier | modifier le wikicode]Prouver que les deux propositions suivantes sont équivalentes :
a) Tout groupe fini d'ordre impair est résoluble;
b) Tout groupe fini simple non commutatif est d'ordre pair.
(Remarque : ces propositions ont été démontrées par Feit et Thompson, mais la démonstration dépasse la portée du présent cours et même de toute introduction à la théorie des groupes finis.)
Supposons a) et prouvons b). Soit G un groupe fini simple non commutatif. Il s'agit de prouver que l’ordre de G est pair. D'après une remarque faite dans la théorie, G n’est pas résoluble. Vu notre hypothèse a), il est donc d'ordre pair.
Réciproquement, supposons b) et prouvons a). Supposons que, par absurde, a) ne soit pas satisfaite. Il existe donc au moins un groupe fini d'ordre impair non résoluble. Choisissons-en un d'ordre minimal, soit G, et prouvons que G est simple. Dans le cas contraire, G admet un sous-groupe distingué H distinct de 1 et de G. Alors H et G/H sont deux groupes finis dont les ordres sont impairs et strictement inférieurs à celui de G. Par minimalité de l’ordre de G, les groupes H et G/H sont donc résolubles, donc (théorie) G est résoluble, ce qui contredit les hypothèses. La contradiction obtenue prouve que G est simple. Ainsi, G est un groupe fini simple d'ordre impair et non résoluble, et donc non commutatif. Ceci contredit l'hypothèse b). La contradiction obtenue prouve a).
Problème 3
[modifier | modifier le wikicode]a) Soit une famille finie de groupes. Prouver que, pour tout nombre naturel n,
Récurrence facile sur n. L'énoncé est banal pour n = 0. Supposons-le vrai pour un nombre naturel n et prouvons qu’il reste vrai si on y remplace n par n + 1. Par hypothèse de récurrence, nous avons donc
En égalant les dérivés des deux membres, nous trouvons
Nous avons vu dans les exercices que le dérivé d'un produit fini de groupes est le produit des dérivés des facteurs, donc l'égalité que nous avons obtenue peut s 'écrire
ce qui prouve la thèse par récurrence.
b) Soit une famille finie de groupes. On suppose que pour tout i, le groupe Gi est résoluble de classe ci. Prouver que le groupe est résoluble de classe c, où c désigne le plus grand des ci.
Soit n un nombre naturel. D'après le point a), la condition
équivaut à
ce qui équivaut à ce que, pour tout i, , ce qui équivaut à ce que, pour tout i, on ait n ≥ ci, ce qui équivaut à n ≥ c. Ainsi, la relation
a lieu si et seulement n ≥ c, ce qui prouve bien que le groupe est résoluble de classe c.
Problème 4
[modifier | modifier le wikicode]a) Soit G un groupe commutatif. On suppose que G est engendré par une famille finie d'éléments d'ordres finis. Prouver que G est fini. (Cette partie du problème n’est pas une application du chapitre théorique sur les groupes résolubles. Nous l’utiliserons encore dans l'étude des groupes nilpotents.)
G est engendré par une famille finie G1, ... , Gn de sous-groupes cycliques. Par exemple parce que tout sous-groupe de G est normal, G = G1 ... Gn. Puisque tous les Gi sont finis, ceci entraîne que G est fini.
b) Soit G un groupe résoluble. On suppose que G est de type fini (c'est-à-dire que G admet une partie génératrice finie) et que tout élément de G est d'ordre fini. Prouver que G est fini[1]. (Indication : raisonner par récurrence sur la classe de résolubilité de G.)
D'après le point a), l'énoncé est vrai dans le cas particulier où G est commutatif. Passons au cas général en raisonnant par récurrence sur la classe de résolubilité n de G. Si n = 0, G = 1, donc l'énoncé est vrai dans ce cas. Supposons que n soit un nombre naturel ≥ 0 tel que l'énoncé soit vrai pour tout groupe résoluble de classe n et prouvons que l'énoncé est vrai pour tout groupe résoluble de classe n + 1. Soit G un groupe résoluble de classe n + 1. Le groupe G/D(G) est commutatif. De plus, il est clair que ce groupe admet lui aussi une partie génératrice finie (par exemple l'image canonique d'une partie génératrice finie de G) et que tout élément de G/D(G) est d'ordre fini. (D'après le chapitre Groupes monogènes, ordre d'un élément, l’ordre de l'image canonique d'un élément x de G divise l’ordre de x.) D'après la première partie de la démonstration, G/D(G) est donc fini. D'après un théorème démontré au chapitre Classes modulo un sous-groupe, tout sous-groupe d'indice fini d'un groupe de type fini est lui-même de type fini, donc D(G) est de type fini. En outre, puisque D(G) est un sous-groupe de G, tout élément de D(G) est d'ordre fini. Enfin, puisque G est de classe de résolubilité n + 1 > 0, D(G) est résoluble de classe n. Par hypothèse de récurrence, D(G) est donc fini. Puisque nous avons vu que G/D(G) est fini, G est fini, ce qui prouve l'énoncé.
Remarque. Si nous remplaçons l'hypothèse « G est résoluble » par l'hypothèse plus forte « G est nilpotent » (les groupes nilpotents seront définis au chapitre suivant), nous pouvons remplacer l'énoncé b) par cet énoncé plus fort : si G admet une partie génératrice finie dont tout élément est d'ordre fini, G est fini[2]
Problème 5
[modifier | modifier le wikicode]Soit G un groupe fini non commutatif dont tout sous-groupe propre est commutatif. Le but de ce problème est de prouver que G est résoluble de classe 2[3].
a) Supposons que (par absurde) G soit simple. Prouver que le centre de G est réduit à l'élément neutre.
Solution. Il suffit de prouver que dans un groupe simple non commutatif S, le centre Z(S) est réduit à l'élément neutre. Puisque S est simple et que Z(S) est sous-groupe normal de S, Z(S) est égal à 1 ou à S. Si Z(S) était égal à S tout entier, S serait commutatif, ce qui est contraire aux hypothèses. Donc Z(S) = 1.
b) Toujours dans l'hypothèse (absurde) où G est simple, montrer que deux différents sous-groupes maximaux de G ont toujours une intersection réduite à l'élément neutre. (Indication : si x est un élément appartenant à deux différents sous-groupes maximaux de G, raisonner sur le centralisateur de x dans G et appliquer le point a).)
Soient M et N deux différents sous-groupes maximaux de G, soit x un élément de Il s'agit de prouver que x = 1.
Par hypothèse, tous les sous-groupes propres de G sont commutatifs, donc M et N sont commutatifs, donc ils centralisent tous deux leur élément x. Le centralisateur de x contient donc <M, N>. Puisque M et N sont deux différents sous-groupes maximaux de G, il est clair que <M, N> = G, donc le centralisateur de x est G tout entier, autrement dit, x appartient au centre de G. D'après le point a), il en résulte que x = 1, ce qui, comme on l'a vu, prouve le point b).
c) Déduire de b) que l'hypothèse de la simplicité de G est contradictoire. (Indication : à l'aide d'un problème de la série Exercices/Conjugaison, centralisateur, normalisateur, montrer qu'un au moins des sous-groupes maximaux de G est un sous-groupe normal M de G tel que 1 < M < G.)
D'après un problème de la série Exercice/Conjugaison, centralisateur, normalisateur, il résulte de b) qu’il y a au moins un sous-groupe maximal de G, soit M, qui est normal dans G. Par définition d'un sous-groupe maximal, M < G. Prouvons que 1 < M. Dans le cas contraire, 1 est sous-groupe maximal de G. Choisissons un élément a de G distinct de 1. Alors 1 < <a>, donc, puisque 1 est sous-groupe maximal de G, <a> = G, donc G est cyclique, ce qui contredit l'hypothèse selon laquelle G n’est pas commutatif. Donc M est un sous-groupe normal M de G tel que 1 < M < G, ce qui est absurde si G est simple.
d) Déduire de c) que G est résoluble de classe 2. (Indication : considérer un sous-groupe propre normal N de G du plus grand ordre possible, noter que G/N est simple et appliquer c) à G/N au lieu de G.)
Puisque G n’est pas commutatif, il est > 1, donc il admet au moins un sous-groupe normal propre (par exemple 1). Parmi les sous-groupes normaux propres de G, choisissons-en un, soit N du plus grand ordre possible. Alors N est maximal (pour la relation d'inclusion) parmi les sous-groupes normaux propres de G. On en tire facilement, à l'aide du théorème de correspondance (chapitre Sous-groupe distingué et groupe quotient; voir aussi certains raisonnements du chapitre Théorème de Jordan-Hölder) que
- le groupe G/N est simple.
D'autre part, toujours d’après le théorème de correspondance, tout sous-groupe propre de G/N est de la forme H/N, où H est un sous-groupe propre de G. D'après les hypothèses de l'énoncé, H est commutatif, donc H/N l'est aussi, donc
- tout sous-groupe propre de G/N est commutatif.
De (1) et (2) et du point c) appliqué à G/N au lieu de G, il résulte que
- G/N est commutatif.
D'autre part, puisque N est un sous-groupe propre de G, il est commutatif par hypothèse. Joint à (3), ceci montre que G est résoluble de classe 2.
Remarque. Nous avons montré que G/N est simple et commutatif, donc, puisque les seuls groupes simples commutatifs sont les groupes d'ordre premier, N est d'indice premier dans G.
- ↑ Voir par exemple J. Fresnel, Groupes, Paris, Hermann, 2001, p. 41.
- ↑ N. Bourbaki, Algèbre, ch. I, § 6, exerc. 12, a); Paris, Hermann, 1970, p. 137.
- ↑ Énoncé dans Klaus Doerk et Trevor Hawkes, Finite Soluble Groups, Walter de Gruyter, 1992, A, 10.7, p. 37, qui renvoie à Huppert, Endliche Gruppen, III, 5.4, pour la démonstration.