Théorie des groupes/Exercices/Caractères irréductibles de quelques groupes
Problème 1 (très facile)
[modifier | modifier le wikicode]Soit G un groupe fini. Prouver qu'une ligne (resp. une colonne) de la table des -caractères de G n'est jamais nulle (c'est-à-dire formée exclusivement de zéros).
Soit un -caractère irréductible de G. La ligne de la table correspondant à comprend la valeur , qui est égale au degré de et est donc > 0. La ligne n'est donc pas nulle.
Aucune colonne n'est nulle, puisqu'il existe une ligne dont tous les coefficients sont égaux à 1 (la ligne correspondant au caractère constant de valeur 1).
Problème 2
[modifier | modifier le wikicode]Soit G un groupe fini. Prouver que dans la table des -caractères de G, la colonne correspondant à la classe de conjugaison {1} est la seule colonne formée uniquement de nombres naturels.
La colonne correspondant à la classe de conjugaison {1} est formée des degrés des différents -caractères irréductibles de G et est donc formée uniquement de nombres naturels.
Supposons que, par absurde, la colonne correspondant à une classe de conjugaison soit formée uniquement de nombres naturels, soient . En appliquant la seconde relation d'orthogonalité à la colonne correspondant à la classe {1} et à la colonne correspondant à la classe K, nous trouvons
- .
Comme les sont tous des nombres réels , cela entraîne pour tout i. Puisque , on a donc pour tout i. La table comporte donc une colonne nulle, ce qui est impossible d'après un problème ci-dessus.
Remarque. Le même raisonnement prouve que la colonne correspondant à la classe de conjugaison {1} est la seule colonne formée uniquement de nombres réels .
Problème 3
[modifier | modifier le wikicode]Soit la table des -caractères proprement dite d'un groupe fini G. On sait donc que G a exactement h classes de conjugaison. On sait aussi qu'il existe une énumération des -caractères irréductibles de G et une énumération des classes de conjugaison de G telles que, pour tous i, j dans {1, ... , h},
- .
On ne fait aucune autre hypothèse : on ne suppose pas que la première colonne de la table correspond à la classe de conjugaison {1} et on ne suppose pas que les caractères de degré 1 sont numérotés avant les autres.
a) Prouver que la table des -caractères proprement dite de G permet de connaître l'ordre de G, ainsi que la deuxième et la troisième ligne de titre de la table.
D'après un problème ci-dessus, la colonne correspondant à la classe de conjugaison {1} est la seule colonne de la table comprenant uniquement des nombres naturels. Comme les coefficients de cette colonne sont les degrés, soient , des -caractères irréductibles de G, on connaît ces degrés. D'après un théorème du chapitre Caractères complexes des groupes finis, 2 : théorèmes sur les degrés,
- ,
donc on connaît .
D'autre part, en appliquant la seconde relation d'orthogonalité à la j-ième colonne et à elle-même (), on trouve la valeur de . Puisqu'on connaît , on connaît donc , donc on connaît la deuxième et la troisième ligne de titre de la table.
b) Prouver que G est abélien si et seulement si sa table de -caractères comporte une colonne ne comprenant que des 1.
On utilisera le fait qu'un groupe fini est abélien si et seulement tous ses -caractères irréductibles sont de degré 1 (chapitre Caractères complexes des groupes finis, 2 : théorèmes sur les degrés).
Supposons G abélien. Alors tous ses -caractères irréductibles sont de degré 1, donc la colonne de la table correspondant à la classe de conjugaison {1} est formée uniquement de 1.
Réciproquement, supposons que, pour un certain j, la j-ième colonne de la table comprenne uniquement des 1. Cette colonne est formée uniquement de nombres naturels, donc, d'après un problème ci-dessus, c'est la colonne correspondant à la classe de conjugaison {1}. Comme les coefficients de la colonne correspondant à la classe de conjugaison {1} sont les degrés des différents -caractères irréductibles de G, ces degrés sont tous égaux à 1, donc G est abélien.
c) Prouver que la table de -caractères proprement dite de G permet de connaître l'ordre du dérivé G' de G.
D'après le chapitre théorique, le nombre des -caractères de degré 1 de G est égal à . Le nombre des -caractères de degré 1 est le nombre des coefficients égaux à 1 dans la colonne correspondant à la classe de conjugaison {1} et on a vu dans un problème précédent que la seule connaissance de la table proprement dite permet de repérer cette colonne. Donc la table permet de connaître . On a vu au point a) que la table proprement dite permet de connaître , donc elle permet de connaître .
Remarque. Ce problème montre qu'à partir de la table des -caractères proprement dite d'un groupe fini G, on peut connaître certaines propriétés de la structure de G (mais non forcément la structure elle-même, car on verra dans un des problèmes suivants que deux groupes non isomorphes peuvent avoir la même table de -caractères). On s'est limité à des résultats très simples. Une analyse un peu plus fine montre que, par exemple, la table des -caractères proprement dite de G permet de savoir si G est nilpotent.
Problème 4
[modifier | modifier le wikicode]Soit G un groupe fini. Il est clair que la table des -caractères de G n'a pas deux lignes identiques (puisque deux différents caractères de G ne peuvent pas coïncider en tout point). Prouver que cette table n'a pas deux colonnes identiques. (Indication. On peut utiliser le fait que les -caractères irréductibles de G engendrent le -espace vectoriel formé par les applications centrales de G dans .)
Soient a et b des éléments de G tels que pour tout -caractère irréductible de G. Tout revient à prouver que a et b sont conjugués dans G.
On a vu au chapitre Caractères complexes des groupes finis, 1 : relations d'orthogonalité que les -caractères irréductibles de G forment une base du -espace vectoriel formé par les applications centrales de G dans . En particulier, les -caractères irréductibles de G engendrent cet espace vectoriel. Puisque nous supposons que pour tout -caractère irréductible de G, il en résulte que
- (1) pour toute application centrale f de G dans , f(a) = f(b).
Désignons par K la classe de conjugaison de b dans G et considérons l'application f de G dans définie par f(x) = 1 si x appartient à K, f(x) = 0 sinon. Alors f est une application centrale de G dans (que nous avons déjà rencontrée au chapitre Caractères complexes des groupes finis, 1 : relations d'orthogonalité, dans la démonstration de la seconde relation d'orthogonalité). Donc, d'après (1), nous avons
- f(a) = f(b).
Par définition de f, le second membre égale 1, donc f(a) = 1. Par définition de f, cela signifie que a appartient à K, autrement dit, a et b sont conjugués dans G, ce qu'il fallait démontrer.
Remarque. On aurait pu aussi utiliser la seconde relation d'orthogonalité (et le fait qu'une somme de nombres réels tous ne peut être nulle que si tous ses termes sont nuls), mais la démonstration donnée a l'avantage de ne pas reposer sur la structure d'ordre entre nombre réels et de pouvoir ainsi s'étendre à certains caractères plus généraux que les -caractères.
Problème 5
[modifier | modifier le wikicode]a) Soient G un groupe fini et g un élément de G. Prouver que les trois conditions suivantes sont équivalentes :
- (i) g et g-1 sont conjugués;
- (ii) pour tout -caractère de G, est réel;
- (iii) pour tout -caractère irréductible de G, est réel.
Supposons (i) satisfaite et prouvons (ii). Soit un -caractère de G; il s'agit de prouver que est réel. Puisque nous supposons (i) satisfaite, g et g-1 sont conjugués, donc, puisque les caractères sont des fonctions centrales,
- (1) .
D'après le chapitre Caractères complexes des groupes finis, 1 : relations d'orthogonalité, , donc (1) peut s'écrire
- ,
donc est réel. Nous avons donc prouvé que (i) entraîne (ii).
L'implication (ii) (iii) est banale.
Supposons (iii) et prouvons (i).
L'hypothèse (iii) revient à dire que pour tout -caractère irréductible de G, , ce qui revient encore à dire que pour tout -caractère irréductible de G,
- .
D'après le problème 1, il en résulte que g et g-1 sont conjugués.
b) On a vu dans le chapitre théorique que toutes les valeurs de la table des -caractères d'un groupe diédral sont réelles. Donc, d'après le point a), tout élément d'un groupe diédral est conjugué à son inverse. Démontrer ce dernier fait sans utiliser la théorie des caractères.
On pourrait examiner la liste des classes de conjugaison d'un groupe diédral qu'on a utilisée dans le chapitre théorique. Sans dresser cette liste, on peut dire ce qui suit. Soit D2n le groupe diédral d'ordre 2n. D'après le chapitre Groupes diédraux, D2n contient un sous-groupe cyclique A d'ordre n tel que tout élément b de soit d'ordre 2 et que pour tout élément a de A et tout élément b de , on ait . Cette dernière relation montre que tout élément de A est conjugué à son inverse. D'autre part, tout élément de , étant d'ordre 2, est égal à son inverse et a fortiori conjugué à son inverse.
c) Un élément g d'un groupe fini G tel que les conditions équivalentes (i), (ii) et (iii) du point a) soient satisfaites est appelé (abusivement) un élément réel de G. Prouver que si un groupe fini G comprend un élément réel distinct de 1, G est d'ordre pair.
Soit G un groupe fini, soit g un élément réel de G distinct de 1; il s'agit de prouver que G est d'ordre pair.
Si , alors (puisque g est supposé distinct de 1), g est d'ordre 2, donc G est d'ordre pair (il contient un sous-groupe d'ordre pair).
Supposons maintenant que . Désignons par K la classe de conjugaison de (qui est aussi la classe de conjugaison de ). Pour tout élément h de K, il résulte de que (car h est l'image de g par un automorphisme intérieur de G). De plus, appartient à K (par exemple parce que h étant conjugué à g, est conjugué à et donc, puisque g est réel, à g). Donc la classe de conjugaison K se partitionne en ensembles de cardinal 2 de la forme , donc cette classe est de cardinal pair. On sait que le cardinal de cette classe est l'indice du stabilisateur de g, donc G contient un sous-groupe d'indice pair, donc G est d'ordre pair.
Problème 6 (Caractères complexes des groupes dicycliques)
[modifier | modifier le wikicode]Soit G un groupe dicyclique d'ordre 4m (m nombre naturel non nul).
Il existe donc des éléments a et b de G tels que a soit d'ordre 2m, et .
On va déterminer les -caractères irréductibles de G. (La méthode sera très semblable à celle qu'on a suivie dans le chapitre théorique pour déterminer les -caractères irréductibles d'un groupe diédral.)
a) Déterminer les -caractères de degré 1 de G. (Indication : G' désignant le dérivé de G, on a déterminé G' et G/G' dans un exercice de la série Groupes dicycliques. Il faut distinguer les cas m pair et m impair.)
Pour déterminer les -caractères de degré 1 de G (ce qui revient à déterminer les homomorphismes de G dans le groupe multiplicatif des nombres complexes non nuls), on pourrait utiliser un exercice de la série Groupes dicycliques intitulé « Homomorphismes partant d'un groupe dicyclique », mais on va suivre la méthode plus générale de détermination des caractères de degré 1 qui a été exposée dans le chapitre théorique.
D'après un exercice de la série Groupes dicycliques, nous savons que , que les éléments de G/G' sont les quatre éléments et , que si m est pair, G/G' est un groupe de Klein et que si m est impair, G/G' est un groupe cyclique d'ordre 4 admettant pour générateur.
Par la méthode indiquée au chapitre théorique, on en déduit que si m est pair (auquel cas G/G' est le produit direct du sous-groupe de G/G' engendré par l'élément et du sous-groupe de G/G' engendré par l'élément , les -caractères de degré 1 de G sont les quatre caractères et définis de la façon suivante :
- est constant de valeur 1;
- si , 1 si , -1 si , -1 si ;
- si , -1 si , 1 si , -1 si ;
- si , -1 si , -1 si , 1 si .
De même, si m est impair, les -caractères de degré 1 de G sont les quatre caractères et définis de la façon suivante :
- est constant de valeur 1;
- si , -1 si , i si , -i si ;
- si , 1 si , -1 si , -1 si ;
- si , -1 si , -i si , i si .
b) Posons (avec dans ). Donc est une racine primitive 2m-ième de l'unité.
Désignons par A la matrice
et, pour tout entier rationnel j, posons
- .
Prouver que pour tout , il existe une et une seule -représentation de G, soit Tj, qui applique a sur Aj et b sur Bj. (Indication : on peut utiliser un exercice de la série Groupes dicycliques intitulé « Homomorphismes partant d'un groupe dicyclique ».)
Posons Aj = Aj. D'après un exercice de la série Groupes dicycliques intitulé « Homomorphismes partant d'un groupe dicyclique », il suffit de prouver que
- (thèse 1) ,
- (thèse 2)
et
- (thèse 3) .
Nous avons
- ,
d'où, d'après les propriétés des matrices diagonales,
- .
Puisque est une racine 2m-ième de l'unité, cela peut s'écrire
- ,
ce qui est la thèse (1).
De même,
- ;
puisque est une racine primitive 2m-ième de l'unité, , donc notre résultat peut s'écrire
- ,
- (4) .
D'autre part, le calcul donne
- (5) .
La comparaison avec (4) donne
- ,
ce qui est la thèse (2).
La relation (5) entraîne , donc
- ,
- (6) ;
d'après (5), est la matrice scalaire , donc (6) peut sécrire
- ,
- ,
donc
- ,
, ce qui est la thèse (3).
Remarque. On a déjà rencontré les deux matrices T1(a) = A et T1(b) = B1 dans le chapitre Groupes dicycliques, où on a donné une preuve de l'existence d'un groupe dicyclique d'ordre 4m en montrant que le sous-groupe de engendré par ces deux matrices est un tel groupe. De ce dernier fait, on tire facilement que la représentation T1 est fidèle.
c) Les -représentations Tj étant définies comme au point b), prouver que T1, ... , Tm-1 sont irréductibles. (Indication : on peut imiter la façon dont on a prouvé un énoncé analogue relatif aux groupes diédraux dans le chapitre théorique.)
Soit V un -espace vectoriel de dimension 2, soit une base de V.
Pour tout , notons (resp. ) l'automorphisme de V ayant
- (resp. )
pour matrice dans la base .
Prouver que Tj est irréductible revient à prouver que si v est un élément de V tel que et appartiennent tous deux à , alors v = 0.
Soit , avec .
Tout d'abord, l'hypothèse signifie que
- ,
d'où
- ,
- ,
- (1) .
Si était nul, on aurait avec , ce qui est impossible puisque est d'ordre 2m dans le groupe multiplicatif des nombres complexes non nuls. Donc , donc (1) donne
- ,
donc
- (2) ou est nul.
Ensuite, l'hypothèse signifie que
d'où
- ,
- (3) .
On a vu en (2) que ou est nul, donc, d'après (3), et sont tous deux nuls, donc v = 0. Comme on l'a vu, cela prouve que Tj est irréductible.
d) Prouver que les -représentations T1, ... , Tm-1 de G sont deux à deux non équivalentes. (Indication : utiliser la démonstration de l'énoncé analogue relatif aux groupes diédraux qui a été donnée dans le chapitre théorique.)
Pour , désignons par le caractère de la représentation Tj.
Il suffit de prouver que les caractères sont deux à deux distincts et, pour cela, il suffit de prouver que les nombres sont deux à deux distincts.
Pour tout j, nous avons
- .
Il suffit donc de prouver que pour tout nombre naturel n non nul, si désigne , si j, j' sont deux différents nombres naturels tels que et , alors
(faire alors n = 2m et ). Or on l'a démontré dans le chapitre théorique en déterminant les -caractères irréductibles des groupes diédraux.
e) Dresser la table des -caractères de G (en distinguant selon que m est pair ou impair).
Nous avons trouvé quatre -représentations (irréductibles) de degré 1 et m-1 -représentations irréductibles de degré 2, deux à deux non équivalentes, de G. D'après le problème « Classes de conjugaison d'un groupe dicyclique » de la série Groupes dicycliques, G admet exactement m+3 classes de conjugaison, donc les caractères des m+3 représentations que nous avons trouvées sont les m+3 différents -caractères irréductibles de G.
(On pourrait aussi noter que
et appliquer un des théorèmes sur les degrés des caractères.)
Toujours d'après le problème « Classes de conjugaison d'un groupe dicyclique » de la série Groupes dicycliques, et dans les notations de ce problèmee, les classes de conjugaison de G sont
- et .
Pour chacun des m+3 caractères irréductibles trouvés, soit , les résultats du point a) et les définitions du point b) permettent d'expliciter facilement et . Voici dès lors une façon de présenter la table des caractères.
Les trois lignes de titre sont
Dans le cas m pair, les quatre premières lignes de la table proprement dite sont (voir point a)
Dans le cas m impair, ces quatre lignes deviennent
Les lignes suivantes sont, dans le cas m pair comme dans le cas m impair (et étant défini comme au point b)
f) Montrer que le groupe des quaternions (groupe dicyclique d'ordre 8) a la même table de caractères que le groupe diédral d'ordre 8 (abstraction faite de la première ligne de titre). En conclure que deux groupes finis peuvent avoir la même table des caractères sans être isomorphes.
En faisant m = 2 dans le point e) (cas m pair), on obtient la table des caractères du groupe des quaternions :
En comparant avec la table des caractères de D8 qui a été trouvée dans le chapitre théorique, on voit que le groupe des quaternions et le groupe diédral d'ordre 8 ont la même table de caractères. On a démontré au chapitre Groupes dicycliques que ces deux groupes ne sont pas isomorphes, ce qui achève de prouver l'énoncé.