Théorie des groupes/Théorème de Gaschütz
Complément d'un sous-groupe
[modifier | modifier le wikicode]Rappelons la définition d'un complément, qui a été donnée au chapitre Produit semi-direct :
Soient H et K des sous-groupes d'un groupe G. On dit que K est un complément de H (dans G) si et .
Si G = HK, on a aussi G = KH (passer aux inverses, ou encore utiliser le fait, démontré dans la série Groupes, premières notions, que si H et K sont deux sous-groupes d'un groupe G, alors HK = KH si et seulement si HK est un sous-groupe de G). Donc si K est un complément de H, H est un complément de K.
On vérifie facilement que K est un complément de H dans G si et seulement si K est une transversale droite (resp. gauche) de H dans G.
Démonstration. Voir exercices.
Argument de Frattini
[modifier | modifier le wikicode]Soient G un groupe opérant (à gauche ou à droite) sur un ensemble X et H un sous-groupe de G tel que l'opération de H sur X induite par celle de G soit transitive. Alors, pour tout élément x de X, (où désigne le stabilisateur de x dans G). Si de plus , est un complément de H dans G.
La première assertion de l'énoncé a été démontrée dans Théorie des groupes/Action de groupe#Argument de Frattini.
La seconde est claire, puisque
Théorème de Gaschütz
[modifier | modifier le wikicode]Énoncé
[modifier | modifier le wikicode]Soient G un groupe fini, K un sous-groupe normal et commutatif de G, U un sous-groupe de G tel que et
(a) Si K admet un complément dans U, il admet un complément dans G.
(b) Si et sont deux compléments de K dans G tels que , alors et sont conjugués dans G.
Démonstration
[modifier | modifier le wikicode]La démonstration qui suit est essentiellement celle que donnent Kurzweil et Stellmacher, qui en créditent G. Glauberman[1].
Notons tout d’abord que, puisque K est normal dans G, il n'y a pas à distinguer entre classes à gauche et classes à droite modulo K. On peut donc parler d'éléments congrus entre eux modulo K. En revanche, puisque U n’est pas supposé normal dans G, il faut dire explicitement si on considère une classe à gauche ou à droite modulo U.
Démontrons la partie (a) de l'énoncé.
Par hypothèse, nous pouvons choisir un complément A de K dans U. Alors :
et
Soit W une transversale droite de U dans G.
- Deux éléments de KW appartiennent à la même classe à droite modulo U si et seulement s'ils sont congrus modulo K.
Puisque K est contenu dans U, deux éléments de G congrus modulo K appartiennent évidemment à la même classe à droite modulo U.
Réciproquement, soient r, s deux éléments de KW appartenant à la même classe à droite modulo U. Puisque r et s sont supposés appartenir à KW, nous avons et , avec et
Alors l'hypothèse Ur = Us peut s'écrire
Puisque , , donc
Puisque et appartiennent tous deux à la même transversale droite W de U dan G, on a donc
Dès lors, les relations et ci-dessus donnent , ce qui achève de prouver (3).
Tout élément x de G peut se mettre d'une et une seule façon sous la forme :
avec
et peut aussi se mettre d'une et une seule façon sous la forme
avec
Puisque A et K sont compléments l'un de l'autre dans U, K est une transversale droite de A dans U. D'autre part, W est par hypothèse une transversale droite de U dans G. Donc (voir un exercice de la série Classes modulo un sous-groupe) KW est une transversale droite de A dans G, ce qui prouve (4). L'élément de (4) peut se mettre sous la forme avec ; cette écriture est unique, puisque W est une transversale droite de U dans G. Ceci prouve (5).
Nous prenons (4) et (5) comme définitions de symboles et . On a donc
(Remarque : et dépendent tous de A, de K et de W. Les notations ne sont donc pas explicites.)
D'après (4), est le seul élément de KW tel que
Puisque , cette relation entraîne
Par exemple de l'assertion d'unicité de (8), il résulte que
Pour tous
D'après (5), nous avons et , avec
Si , alors
Puisque , et appartiennent donc à une même classe à droite modulo U. Puisque , il en résulte que et appartiennent à une même classe à droite modulo U. Puisque et appartiennent à la même transversale droite W de U dans G, on a donc Dès lors, (12) donne d'où, d’après (2),
Nous avons donc prouvé que si , alors et
Réciproquement, supposons que et . D'après les égalités et , il est clair que .
Il résulte de (11) que pour tous
En effet, si alors, d’après (11), nous avons d'où , c'est-à-dire, d’après (6),
Pour tous
- et l'implication réciproque est vraie si
En effet, si , alors , d'où, d’après (13), , ce qui prouve (14).
Réciproquement, supposons et
- .
Puisque , ceci entraîne
d'où, d’après (9),
Puisque r et s sont supposés appartenir à KW, (3) donne , ce qui prouve (15).
Soient x un élément de G et r, s des éléments de G tels que ; alors
En effet, d’après (7), nous avons
et
avec
D'autre part, puisque , (14) donne
ce qui, d’après (17) et (18), peut s'écrire
Toujours parce que , ceci donne d'où, d’après (2),
Dès lors, d’après (17) et (18),
ce qui prouve (16).
Pour tous
En effet, d’après la définition (4) ou (8),
- avec
d'où
D'autre part, toujours d’après la définition (4) ou (8),
- avec
En portant ceci dans (20), nous obtenons
- avec et
d'où, d’après l'assertion d'unicité de (4),
ce qui prouve (19).
Soient R et S deux transversales droites de U dans G. On vérifie facilement que
- les conditions suivantes sont équivalentes :
- 1°
- 2°
- 3°
- 4° il existe une numérotation des éléments de R et une numérotation des éléments de S telles que, pour tout
- 5° un élément de R et un élément de S appartiennent à la même classe à droite modulo U si et seulement si ces deux éléments sont congrus modulo K.
Les conditions 1° à 5° définissent une relation d'équivalence entre transversales droites de U dans G (voir par exemple 3°). Désignons par la classe de W selon cette relation d'équivalence. Autrement dit,
- est l’ensemble des transversales droites de U dans G contenues dans KW.
Pour toute transversale droite D de U dans G, posons
où est défini comme en (4) en (8).
Alors
En effet, d’après (4) ou (8), appartient à la même classe à droite modulo U que d. Or il est clair que si, dans une transversale droite de U dans G, on remplace chaque élément x par un élément qui appartient à la même classe à droite modulo U que x, on obtient encore une transversale droite de U dans G. Donc est une transversale droite de U dans G.
Par exemple d’après la définition (4), appartient à KW, donc est contenue dans KW, ce qui achève de prouver que
D'après (8), il est clair que
- est le seul élément de tel que
D'autre part,
- L'application de sur est une bijection.
En effet, c’est évidemment une surjection et si si , alors, d’après (9), , d'où, puisque est une transversale droite de dans
Il résulte de (10) que
Soient x un élément de G et D une transversale droite de U dans G.
- L'ensemble Dx est lui aussi une transversale droite de U dans G.
Donc, d’après (24),
Il résulte de (19) que, pour toute transversale droite D de U dans G et pour tout élément x de G,
Pour tout élément S de et pour tout élément x de G, posons
D'après (28),
Pour tous
d'où, d’après (29),
De plus, puisque (26) donne donc
De ceci et de (32), il résulte que (30) définit une opération à droite de sur
Si et alors
En effet, d’après la définition (30), donc, d’après (26), il suffit de prouver que Puisque est normal dans donc de résulte d'où ce qui prouve notre argument.
Nous allons maintenant définir une relation d'équivalence dans qui nous permettra de passer de l'opération (30) de G sur à une opération de G sur le quotient de par la relation d'équivalence en question.
Pour toute classe à droite X de G modulo U et pour tout élément T de , désignons par repr(X, T) le représentant de X dans T, c'est-à-dire l'unique élément de T qui appartient à X.
Si T1 et T2 sont deux éléments de , repr(X, T1) et repr(X, T2) sont congrus modulo K. (Voir (21), 5°.)
Donc
Puisque K est supposé commutatif, nous pouvons définir le produit de n’importe quelle famille finie d'éléments de K. Compte tenu de (34), nous pouvons poser, pour tout couple (T1, T2) d'éléments de (et en désignant par G/U l’ensemble des classes à droite modulo U)
ce qui peut encore s'écrire
Il résulte de (35) que, pour tous éléments T1, T2, T3 de ,
En faisant nous trouvons
pour toute En faisant maintenant dans (37), nous trouvons, compte tenu de (38),
(On pourrait évidemment démontrer (38) et (39) plus directement.)
Les résultats (37) à (39) entraînent que
- la relation est une relation d'équivalence dans
Pour tout et toutes
En effet, d’après (33),
(Note : désigne On donne la priorité à l'opérateur juxtaposition sur l'opérateur .)
Il est clair que, dans (42),
De plus, En effet, X est une classe à droite modulo U et est donc de la forme Ux avec Alors Puisque K est normal dans G, est de la forme avec Alors Puisque donc autrement dit comme annoncé.
La relation (43) peut donc s'écrire
donc (42) donne
- ,
ce qui revient à (41).
Pour tout et toutes
En effet, d’après la définition (30),
Puisque définit une bijection de R sur Rx, il résulte de (25) que définit une bijection de sur De même, définit une bijection de sur
Donc, compte tenu de la définition (36), (45) peut s'écrire
D'après (14) et (15), la condition équivaut à Donc, d’après (16), (46) peut s'écrire
ce qui revient à (44).
Il résulte de (44) que, pour tout et toutes
Utilisons maintenant (ce que nous n'avons pas encore fait) l'hypothèse selon laquelle et sont premiers entre eux. D'après un exercice de la série Groupes monogènes, ordre d'un élément,
- l’application est une permutation de K.
(Puisque K est commutatif, cette permutation est même un automorphisme, mais cela ne nous servira pas.)
Soient R, S deux éléments de
D'après (48), il existe un (et un seul) élément de K tel que
Alors (41) donne
La relation (41) montre aussi que si , si , si on a à la fois et , alors , d'où, d’après (48),
En particulier, si si
Nous avons vu en (40) que la relation est une relation d'équivalence dans Notons cette relation d'équivalence, le quotient de par et la classe d'un élément de selon .
La relation (47) revient à dire que si si si alors
Il existe donc une (et une seule) application de dans qui envoie sur et
- cette application définit une opération à droite de sur
Soient D'après (49),
donc
- K opère transitivement sur
Soient et ; d’après (50),
ce qui montre que
- le stabilisateur de dans est réduit à l'élément neutre.
De (52) et de (53), il résulte, compte tenu de la forme générale de l'argument de Frattini, que
- le stabilisateur dans G de n’importe quel élément de est un complément de K dans G.
Ceci est démontré pour toute transversale droite W de U dans G. Puisqu’il existe au moins une telle transversale, la partie (a) de l'énoncé est démontrée.
Démontrons maintenant la partie (b) de l'énoncé.
Soient donc et deux compléments de K dans G tels que
Il s'agit de prouver que et sont conjugués dans G.
Posons
Alors
- A est un complément de K dans U.
Pour le prouver, montrons que, de façon générale,
- si G est un groupe, K et U des sous-groupes de G tels que si T est une transversale droite de K dans G, alors est une transversale droite de K dans U.
De G = KT résulte d'où (puisque ) :
- ,
- .
D'autre part, la relation entraîne évidemment ; donc est une transversale droite de K dans U, ce qui prouve (56).
En appliquant les résultats précédents pour on obtient (55).
Les hypothèses faites dans la démonstration de la partie (a) de l'énoncé sont donc satisfaites.
Une transversale droite de A dans (resp. ) est aussi une transversale droite de U dans G.
Puisque et que nous avons
De façon générale, prouvons que si H et U sont des sous-groupes d'un groupe G, si G = UH, si T est une transversale droite de dans H, alors T est une transversale droite de U dans G. Puisque T est une transversale droite de dans ,
- ;
l'hypothèse G = UH peut donc s'écrire
- ;
comme ceci peut s'écrire
- .
D'autre part, puisque
Puisque T est une transversale droite de dans H, le second membre est égal à 1, donc , ce qui achève de prouver que T est une transversale droite de U dans G.
Choisissons une transversale droite de dans .
D'après ce qu'on vient de noter, est une transversale droite de U dans G et satisfait donc aux hypothèses faites sur W dans la démonstration du point (a) de l'énoncé.
Conformément à la définition (22), désignons par l’ensemble des transversales droites de U dans G contenues dans .
Soit un élément de . Puisque est un complément de K dans G, il existe un et un seul tel que
Posons
autrement dit
Alors
- est une transversale droite de A dans
D'après (55), est une transversale droite de A dans U. D'autre part, , comme on l'a noté, est une transversale droite de U dans G.
D'après un exercice de la série Classes modulo un sous-groupe qui nous a déjà servi à démontrer (5), est une transversale droite de A dans G.
Donc, d’après (56), est une transversale droite de dans .
Il est clair, d’après (59), ou encore d’après (57) et (61), que est une transversale droite de U dans G.
D'après (60), , donc
D'autre part, d’après (58) et la définition (59) de , il est clair que
- est le seul élément de qui est contenu dans
De même,
- est le seul élément de qui est contenu dans
Un élément de est de la forme
où est une famille telle que pour tout . Si R est contenu dans , alors pour tout . Puisque , on doit avoir ; puisque est un complément de K dans G, on doit donc avoir pour tout , d'où , ce qui prouve (63).
Soit soit une transversale droite de U dans G contenue dans
Si nous définissons comme en (23), alors, par définition, et, d’après (24),
- d'où, puisque
Donc les relations (62) et (63) donnent
Soit x un élément de D'après (27), est une transversale droite de U dans G. Cette transversale est contenue dans , donc nous pouvons faire dans (64). Nous trouvons
Donc, pour l'opération de G sur définie comme en (51),
donc fixe l'élément , donc
D'après (54), est un complément de K dans G. Puisque par hypothèse, est lui-même un complément de K dans G, (65) montre que et sont deux compléments de K dans G en relation d'inclusion, donc, d’après un lemme ci-dessus,
D'après (52), l'action de K, et a fortiori l'action de G, sur est transitive, donc (voir le chapitre Action de groupe) le stabilisateur de et le stabilisateur de dans G sont conjugués dans G, c'est-à-dire, d’après (66), que et sont conjugués dans G, ce qui démontre la partie (b) de l'énoncé.
Forme faible du théorème de Schur-Zassenhaus
[modifier | modifier le wikicode]Soient G un groupe fini et K un sous-groupe normal et commutatif de G tels que et soient premiers entre eux. Alors K admet un complément dans G et tous les compléments de K dans G sont conjugués entre eux dans G.
Dans le chapitre suivant, on verra que le théorème de Schur-Zassenhaus reste vrai si on ne suppose pas K commutatif.
On trouvera dans les exercices du présent chapitre une autre démonstration de la forme faible (K commutatif) du théorème de Schur-Zassenhaus.
Notes et références
[modifier | modifier le wikicode]- ↑ H. Kurzweil et B. Stellmacher, The Theory of Finite Groups, An Introduction, Springer, 2004, p. 71, n. 13, et pp. 71-76.