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En raison de limitations techniques, la typographie souhaitable du titre, «
Théorie des groupes : Représentations complexes des groupes finis, 1
Théorie des groupes/Représentations complexes des groupes finis, 1 », n'a pu être restituée correctement ci-dessus.
Dans ce chapitre, on va donner les premiers éléments sur les représentations complexes des groupes finis.
Le chapitre est un peu long pour son contenu, car on a voulu expliciter des choses sur lesquelles les auteurs passent rapidement. On a donné très peu de démonstrations, car elles ne sont pas difficiles, même si une rédaction rigoureuse demande parfois un effort de concentration. On ne conseille d'ailleurs pas au lecteur de s'astreindre à rédiger les démonstrations de tous les énoncés, mais plutôt de réserver son attention aux énoncés qualifiés de théorèmes.
On utilisera parfois une notation inhabituelle de la somme d'une famille finie d'éléments d'un monoïde commutatif (noté additivement) :
par
, on désignera la somme de la famille
, où E désigne l'ensemble (supposé fini) des u possédant la propriété P(u). Cette notation a sur la notation courante

l'avantage de montrer clairement que la variable de sommation est u.
En ce qui concerne les matrices, on suivra les mêmes conventions qu'au chapitre Groupes linéaires. Au lieu de « matrice à coefficients dans
» (où
désigne le corps des nombres complexes), on dira parfois «
-matrice ».
On désignera par
le corps des nombres complexes.
Si V est un
-espace vectoriel, on désignera par GL(V) le groupe formé par les
-automorphismes de V, la loi de groupe étant la composition de droite à gauche
(Cette composition est dite de droite à gauche parce qu'on prend d'abord la valeur par g, qui est écrit à droite, puis la valeur du résultat par f, qui est écrit à gauche.)
Pour un nombre naturel n, on désignera par GL(n,
) le groupe multiplicatif formé par les matrices
inversibles à coefficients dans
, le produit de deux matrices étant défini comme au chapitre Groupes linéaires.
Définition. Représentation vectorielle complexe d'un groupe fini.
Soit G un groupe fini. Une représentation vectorielle complexe de G, ou

-représentation vectorielle de G, est la donnée (V,T) d'un

-espace vectoriel V de dimension finie et d'un homomorphisme de groupes T de G dans GL(V). On dit alors que (V, T) est une

-représentation de G dans V. Nous appellerons V l'espace de la

-représentation (vectorielle) (V, T) et nous définirons le degré de la représentation (V, T) comme la

-dimension de V.
Remarques.
- Si on convient d'incorporer les
espaces vectoriels de départ et d'arrivée dans la notion d'un homomorphisme de
-espaces vectoriels, autrement dit si on convient par exemple de définir un homomorphisme de
-espaces vectoriels comme un triple (V,f,W), où V et W sont des
espaces vectoriels et f une application de V dans W possédant les propriétés voulues, alors V est déterminé par n'importe quel élément de GL(V) et est donc déterminé par T, de sorte que parler de (V,T) est redondant. Donc, si on adopte la convention en question, on peut se contenter de définir une
-représentation vectorielle de G comme un homomorphisme de groupes T de G dans GL(V) pour un certain
-espace vectoriel V de dimension finie.
- Même sans adopter cette convention, on identifie couramment la représentation (V,T) et l'homomorphisme T.
- Une
-représentation (vectorielle) de G dans V peut être considérée comme un cas particulier d'action (à gauche) du groupe G sur l'ensemble (sous-jacent de) V, et même comme un cas particulier d'action de G sur le groupe additif V, + par automorphismes (voir chapitre Produit semi-direct).
Définition. Représentation matricielle complexe d'un groupe fini.
Soit G un groupe fini. Une représentation matricielle complexe de G, ou

-représentation matricielle de G, est un homomorphisme de groupes de G dans GL(n,

) pour un certain nombre naturel
n. On dit alors que
n est le degré de cette représentation matricielle.
Remarques.
- On peut définir une F-représentation (vectorielle ou matricielle) de G pour tout corps commutatif F, ce qui donne lieu à des développements théoriques importants, mais on ne s'intéressera dans ce cours qu'au cas où
.
- Comme le groupe GL(1,
) est canoniquement isomorphe au groupe multiplicatif
du corps
, une
-représentation matricielle de degré 1 d'un groupe fini G peut être assimilée à un homomorphisme de G dans
.
Définition. Représentation triviale.
Soit G un groupe fini, soit T une

-représentation vectorielle de G, d'espace V; on dit que T est triviale si l'homomorphisme

est trivial, c'est-à-dire applique tout élément de G sur l'automorphisme identité de V. Cela revient à dire que pour tout
g dans G et tout
v dans V, T(g) (v) = v.
Soit G un groupe fini, soit U une
-représentation matricielle de G, de degré d; on dit que U est triviale si l'homomorphisme
est trivial, c'est-à dire applique tout élément de G sur la matrice unité
.
La

-représentation matricielle triviale de degré 1 d'un groupe fini G est parfois appelée la

-représentation unité de G et notée

.
Définition. Représentation fidèle.
Soit G un groupe fini, soit T une

-représentation vectorielle de G, d'espace V; on dit que T est fidèle si l'homomorphisme

est injectif. Cela revient à dire que T, considérée comme action de G sur l'ensemble V, est fidèle.
Soit G un groupe fini, soit U une

-représentation matricielle de G, de degré
d; on dit que U est fidèle si l'homomorphisme

est injectif.
Définition. Représentation vectorielle et représentation matricielle se correspondant.
Soit G un groupe fini. Nous dirons que deux

-représentations de G, l'une vectorielle,

, et l'autre matricielle,

, se correspondent, s'il existe une base numérotée B de l'espace V de T (c'est-à-dire une famille basique de V indexée par l'ensemble {1, 2, ..., n}) telle que :
- pour tout élément g de G, U(g) est la matrice de T(g) dans la base B.
Deux représentations qui se correspondent ont évidemment même degré.
Étant donné un espace vectoriel V de dimension finie n, muni d'une base numérotée B, désignons par
l'isomorphisme de groupes qui à tout élément de GL(V) fait correspondre sa matrice dans la base B, et par
l'isomorphisme réciproque. Alors, l'application
est une bijection (dépendant de B), de l'ensemble des
-représentations vectorielles de G dans V sur l'ensemble des
-représentations matricielles de degré n de G, sa bijection réciproque étant
.
Il est alors clair que deux représentations qui se correspondent sont toutes deux fidèles ou toutes deux non fidèles, et sont toutes deux triviales ou toutes deux non triviales.
1. Les représentations triviales, dont il a été question, fournissent un premier exemple (trivial) de
-représentations vectorielles et matricielles.
2. Soit G un groupe cyclique d'ordre n, noté multiplicativement, soit x un élément de G qui engendre G, soit
une racine primitive n-ième de 1, c'est-à-dire un élément d'ordre n du groupe multiplicatif de
. Soit U l'unique homomorphisme de G dans GL(1,
) qui applique x sur la matrice
dont l'unique coefficient est
. Pour tout entier rationnel r,
est donc la matrice
dont l'unique coefficient est
. Alors U est une
-représentation fidèle de degré 1 du groupe cyclique G.
3. Rappelons cette définition[1] :
Définition. Matrice d'une permutation.
Soient A un anneau,
n un nombre naturel et

une permutation de l'ensemble {1, ... , n}. On appelle (abusivement)
matrice de la permutation 
(relativement à l'anneau A) la matrice

où
est
Autrement dit,
, symbole de Kronecker à valeurs dans A.
Si l'anneau A est non nul, toute ligne et toute colonne d'une matrice de permutation (relativement à l'anneau A) a donc un et un seul coefficient non nul et ce coefficient est égal à 1. Réciproquement, on vérifie facilement que toute matrice carrée de taille n à coefficients dans A possédant cette propriété est la matrice d'une certaine permutation de {1, ... , n}.
Le lecteur vérifiera facilement les faits suivants :
Début d’un théorème
Rappel.
Soient A un anneau et
n un nombre naturel. Pour toute permutation

de {1, ... , n}, notons

la matrice de la permutation

relativement à l'anneau A.
Si
et
sont des permutations de {1, ... , n}, on a

Si
désigne la permutation identique de {1, ... , n}, si
désigne la matrice unité de
, on a

Toute matrice de permutation est inversible, l'inverse de
étant
.
Si l'anneau A n'est pas nul,

définit un isomorphisme du groupe symétrique

sur un sous-groupe de GL(n, A).
Fin du théorème
Soit G un sous-groupe du groupe symétrique
. Donc tout élément de G est une permutation de l'ensemble {1, 2, ... , n}. Si à l'élément
de G, on fait correspondre la
-matrice de la permutation
, on définit, d'après les énoncés du rappel, une
-représentation matricielle fidèle de degré n de G.
4. Représentation régulière gauche. Soit G un groupe fini. Rappelons que le
-espace vectoriel libre construit sur l'ensemble G est par définition l'ensemble des applications de G dans
, muni d'une addition et d'une loi externe définies « point par point ».
Cet espace vectoriel est noté
.
Si, pour tout élément g de G, on désigne par
l'application de G dans
qui vaut 1 en g et 0 partout ailleurs, les éléments de
de la forme
forment une base de
.
L'application
de G dans
est injective, ce qui amène à identifier l'élément
de
à l'élément g de G et donc à écrire g au lieu de
. Avec cette identification, G est une base de
. (En faisant des remplacements convenables dans
, on pourrait d'ailleurs obtenir un
-espace vectoriel ayant l'ensemble G pour base en toute rigueur des termes, mais cela n'en vaut pas la peine.) En particulier, la dimension de
est égale à
.
La structure de monoïde de G permet de munir le
-espace vectoriel
d'une structure de
-algèbre associative unifère. (Pour la définition d'une telle algèbre, voir le chapitre Théorème de Maschke.) Pour cela, on définit une multiplication dans
en posant, pour toute famille
et toute famille
de nombres complexes,
,
ce qui peut encore s'écrire
,
où
.
Cette multiplication dans
coïncide dans la partie G de
avec la loi de groupe de G.
La
-algèbre ainsi définie est notée
ou
. On notera de même l'espace vectoriel sous-jacent de cette algèbre, c'est-à-dire l'espace vectoriel qu'on a noté juqu'ici
.
Pour tout élément g de G, désignons par
la transformation
de
, où gx est calculé selon la multiplication qu'on vient de définir dans
. On vérifie facilement que
est un automorphisme du
-espace vectoriel
et que
définit un homomorphisme de groupes de G dans
, autrement dit une
-représentation (vectorielle) de G dans l'espace
. Cette représentation, qui joue un rôle dans la théorie, est appelée la
-représentation régulière gauche de G.
En considérant la transformation
de
, on définira de même une
-représentation de G, dite
-représentation régulière droite de G. (Noter qu'ici, il faut inverser g pour obtenir une représentation conforme à notre définition des représentations.)
Il nous arrivera de dire « représentation régulière » tout court pour « représentation régulière gauche ».
Définition. Représentations vectorielles équivalentes.
Soient

et

deux

-représentations vectorielles d'un groupe fini G.
On dit que
et
sont équivalentes (ou encore isomorphes) s'il existe un
-isomorphisme
de V1 sur V2 tel que, pour tout élément g de G, on ait
.
(Cette condition revient à dire que,

désignant l'isomorphisme

de

sur

, on a

.)
Remarques.
- (V1) Deux représentations vectorielles équivalentes ont même degré, puisque deux espaces vectoriels isomorphes ont même dimension.
- (V2) On vérifie facilement que l'équivalence entre
-représentations vectorielles de G est une relation d'équivalence.
- (V3) L'équivalence définie ici est évidemment plus forte que l'équivalence entre les actions de G sur les ensembles V1 et V2, puisqu'on demande que
soit non seulement une bijection mais un isomorphisme de
-espaces vectoriels.
- (V4) Deux
-représentations de G de degré n, l'une vectorielle,
, et l'autre matricielle,
, se correspondent, si et seulement si T est équivalente à la représentation vectorielle T' définie par :
- pour tout élément g de G, T'(g) est l'automorphisme de
de matrice U(g) dans la base canonique.
Pour une démonstration de la remarque V4, voir les exercices.
Définition. Représentations matricielles équivalentes.
Soient U
1 et U
2 deux

-représentations matricielles d'un groupe fini G.
On dit que U1 et U2 sont équivalentes s'il existe une matrice à coefficients complexes M inversible telle que, pour tout élément g de G,
.
Remarques.
- (M1) Deux représentations matricielles équivalentes ont même degré, puisqu'une matrice inversible est nécessairement carrée.
- (M2) Ici encore, on vérifie facilement que l'équivalence entre
-représentations matricielles de G est une relation d'équivalence.
- (M3) Deux
-représentations matricielles de G de degré n, U1 et U2, sont équivalentes si et seulement si les
-représentations vectorielles T1 et T2 définies comme suit sont équivalentes :
- pour tout élément g de G, Ti(g) est l'automorphisme de
de matrice Ui(g) dans la base canonique.
Pour une démonstration de la remarque M3, voir les exercices.
Les matrices carrées à coefficients dans
forment un ensemble, donc, pour tout groupe fini G, les
-représentations matricielles de G forment un ensemble. Donc l'équivalence entre
-représentations matricielles de G est une relation d'équivalence dans un ensemble. Il en résulte d'une part que pour toute
-représentation matricielle U de G, les
-représentations matricielles de G équivalentes à U forment un ensemble, que nous appellerons la classe d'équivalence de U, et d'autre part que les classes d'équivalence de
-représentations matricielles de G forment elles aussi un ensemble. De même que pour toute relation d'équivalence dans un ensemble, deux
-représentations matricielles de G sont équivalentes si et seulement elles appartiennent à la même classe d'équivalence.
En revanche, si n est un nombre naturel, les
-espaces vectoriels de dimension n ne forment pas un ensemble, donc, si G est un groupe fini et T une représentation vectorielle de G, les
-représentations vectorielles de G équivalentes à T ne forment pas un ensemble. Donc, si on voulait parler de la « classe d'équivalence » d'une
-représentation vectorielle de G (ce que nous ne ferons pas dans ce cours), certaines précautions d'ordre logique seraient nécessaires.
L'énoncé suivant résulte immédiatement des remarques V2, V4 et M3 ci-dessus.
Début d’un théorème
Énoncé 1
Soient G un groupe fini, T
1 et T
2 deux

-représentations vectorielles de G, U
1 et U
2 deux

-représentations matricielles de G.
Si trois des quatre assertions suivantes sont vérifiées alors la quatrième l'est aussi :
- T1 et U1 se correspondent ;
- T2 et U2 se correspondent ;
- T1 et T2 sont équivalentes ;
- U1 et U2 sont équivalentes.
En particulier :
- si deux
-représentations vectorielles de G correspondent à une même
-représentation matricielle de G, elles sont équivalentes ;
- si deux
-représentations matricielles de G correspondent à une même
-représentation vectorielle de G, elles sont équivalentes ;
- deux
-représentations matricielles de G équivalentes correspondent aux mêmes
-représentations vectorielles de G ;
- deux
-représentations représentations vectorielles de G équivalentes correspondent aux mêmes
-représentations matricielles de G.
Fin du théorème
Définition. Représentation vectorielle irréductible.
Soient G un groupe fini et T une

-représentation vectorielle de G. On dit que T est irréductible si le groupe linéaire T(G) est irréductible, au sens qu'on a donné à cette expression dans le chapitre
Théorème de Maschke.
Dire qu'une
-représentation vectorielle
est irréductible revient donc à dire que les conditions suivantes sont satisfaites : l'espace V de T n'est pas nul et il n'existe pas de sous-
-espace vectoriel W de V tel que 0 < W < V et que, pour tout g dans G et tout w dans W, (T(g)) (w) appartienne à W, ce qui équivaut à : pour tout g dans G, (T(g))(W) = W.
Exemples. 1° Il est clair que toute
-représentation vectorielle de degré 1 est irréductible.
2° Si une
-représentation vectorielle triviale (c'est-à-dire dont l'image est réduite au
-automorphisme identité de son espace) est irréductible, elle est de degré 1. Cela résulte du fait, noté dans les exemples de groupes linéaires réductibles (chapitre Théorème de Maschke), que le sous-groupe de GL(V) réduit à l'élément neutre (V étant un espace vectoriel) n'est irréductible que si V est de dimension 1.
3° On trouvera dans les exercices un exemple de
-représentation vectorielle irréductible de degré 2.
Début d’un théorème
Énoncé 2
Soit G un groupe fini, soient T
1 et T
2 des

-représentations vectorielles équivalentes de G. Alors T
1 est irréductible si et seulement T
2 l'est.
Fin du théorème
Démonstration. Laissée au lecteur.
Soient G un groupe fini et U une
-représentation matricielle de G. D'après les énoncés 1 et 2, les deux conditions suivantes sont équivalentes :
- il existe une
-représentation vectorielle de G qui correspond à U et qui est irréductible ;
- toute
-représentation vectorielle de G qui correspond à U est irréductible.
Définition. Représentation matricielle irréductible.
Soit U une

-représentation matricielle d'un groupe fini G. On dit que U est irréductible si les deux conditions équivalentes qui précèdent sont satisfaites.
Remarque. Pour définir une représentation matricielle irréductible, on a dû passer par une représentation vectorielle. Il y a donc une certaine dissymétrie entre représentations vectorielles et représentations matricielles.
Exemples. Les exemples donnés plus haut de
-représentations vectorielles irréductibles se traduisent facilement en exemples de
-représentations matricielles irréductibles. Ainsi, la seule
-représentation matricielle triviale de G qui soit irréductible est la
-représentation matricielle triviale de degré 1.
Il résulte immédiatement de l'énoncé 2 et de la remarque M3 que :
Début d’un théorème
Énoncé 3
Soit G un groupe fini, soient U
1 et U
2 des

-représentations matricielles équivalentes de G. Alors U
1 est irréductible si et seulement U
2 l'est.
Fin du théorème
Si
est une famille finie de
-espaces vectoriels, si
est une famille telle que pour tout élément i de I,
soit un
-endomorphisme de
, alors
définit un
-endomorphisme de l'espace
(somme directe des espaces
). Nous désignerons (abusivement) cet endomorphisme comme la somme directe des
et nous le noterons (abusivement)
. Si les
sont des
-automorphismes,
est lui aussi un
-automorphisme.
Soit G un groupe fini, soit
une famille finie de
-représentations vectorielles de G. Pour chaque i dans I, notons
l'espace de la représentation
. Soit g un élément de G. Dans la terminologie et les notations de l'alinéa précédent,
est un
-automorphisme de
et
définit un homomorphisme de groupes de G dans
, autrement dit une
-représentation (vectorielle) de G dans
.
Définition. Somme directe d'une famille finie de représentations vectorielles d'un groupe fini.
Soit G un groupe fini, soit

une famille finie de

-représentations vectorielles de G. Pour chaque
i dans I, notons

l'espace de la représentation

. Alors la

-représentation (vectorielle)

de G dans

est appelée la somme directe (externe) de la famille de

-représentations vectorielles

. On notera cette somme directe

.
Si R et S sont deux

-représentations vectorielles de G, on appellera somme directe de R et S et on notera

la

-représentation vectorielle

de G, où I = {1, 2},

.
Début d’un théorème
Énoncé 4. (Quasi-associativité de la somme directe des représentations vectorielles)
Soit G un groupe fini, soient

des

-représentations vectorielles de G. Alors les

-représentations vectorielles de G
et 
sont équivalentes.
Fin du théorème
Démonstration. Laissée au lecteur.
Début d’un théorème
Énoncé 5. (Quasi-commutativité de la somme directe des représentations vectorielles)
Soit G un groupe fini, soient I, J deux ensembles finis, soit

une bijection de I sur J; pour tout
j dans J, soit

une

-représentation vectorielle de G. Alors les

-représentations vectorielles de G
et 
sont équivalentes.
Fin du théorème
Démonstration. Laissée au lecteur.
Pour définir sans ambiguïté la somme directe d'un multiplet de
-représentations matricielles d'un groupe fini et pour mettre cette définition en rapport avec celle de la somme directe de représentations vectorielles, on aura besoin de quelques notions sur les matrices. Comme il s'agit de théorie des matrices plutôt que de théorie des groupes, on sera avare de démonstrations.
Rappelons que, A étant un anneau,
désigne l'anneau des matrices carrées
à coefficients dans A.
M et N étant deux matrices (non forcément carrées) à coefficients dans un anneau A, définissons de façon informelle la somme directe de M et N comme la matrice obtenue en plaçant diagonalement le tableau de N à droite et en dessous du tableau de M et en complétant le nouveau tableau en mettant à chaque place libre le zéro de l'anneau A. (La somme directe ainsi définie dépend donc de la structure d'anneau de A, puisque c'est cette structure qui détermine le zéro de A.)
Dans la terminologie des blocs, la somme directe de M et N (par rapport à l'anneau A) est la matrice diagonale par blocs dont les blocs diagonaux sont respectivement M et N[2].
Par exemple, si

- et
,
alors la somme directe de M et N est
.
De façon formelle :
Définition. Somme directe de deux matrices.
Soit A un anneau, soient M et M' deux matrices à coefficients dans A. Nous définirons la somme directe de M et M' (relativement à l'anneau A) de la façon suivante :
- si

- si

alors la somme directe de M et M' est la matrice

où

Nous noterons
la somme directe des matrices M et M'. Comme déjà noté,
dépend de A, ce que la notation ne montre pas.
Début d’un théorème
Énoncé 6 (Associativité de la somme directe des matrices)
Soient



des matrices à coefficients dans un anneau A. Alors

(pour la somme directe correspondant à l'anneau A).
Fin du théorème
Démonstration. La définition informelle de la somme directe de deux matrices comme mise bout à bout diagonalement de ces deux matrices rend l'énoncé évident. De façon formelle, on peut dire que les matrices
et
sont toutes deux égales à la matrice

où

Soient
des matrices à coefficients dans l'anneau A. Puisque la somme directe des matrices à coefficients dans l'anneau A est associative, on peut écrire

sans parenthèses.
On peut d'ailleurs expliciter
de la façon suivante :
Début d’un théorème
Énoncé 7 (Somme directe d'un multiplet de matrices)
Soient

des matrices à coefficients dans l'anneau A. Pour tout
i dans {1, ..., n}, désignons par r
i (resp. s
i) le nombre de lignes (resp. de colonnes) de M
i et posons

(Il n'y a pas d'inconvénient à utiliser la même notation (j,k) dans des sens différents, puisque ces variables sont muettes.)
Alors

où

Autrement dit : pour tout
dans
, désignons par
le nombre naturel t tel que

pour tout m dans
désignons par
le nombre naturel v tel que

si
et qu'on pose 
- alors

si
,
- alors

Fin du théorème
Début d’un théorème
Énoncé 8 (Propriétés de la somme directe d'un multiplet de matrices carrées)
Soit A un anneau. Pour tout nombre naturel
n, désignons par

la matrice unité de

. Soient

des nombres naturels. Alors

Si

sont des matrices carrées, alors

est une matrice carrée. Si de plus l'anneau A est commutatif, il résulte de théorèmes sur les matrices « diagonales par blocs » que le déterminant de la matrice

est égal au produit des déterminants des matrices

et que la trace de la matrice

est égale à la somme des traces des matrices

.
Fin du théorème
Début d’un théorème
Énoncé 9. (Lemme)
Soit
n un nombre naturel, soit

une permutation de l'ensemble {1, ... , n}. Soit
une matrice
à coefficients dans un anneau A.
Alors la matrice

est égale à

où
désigne la matrice de la permutation
(relativement à A).
En particulier, les matrices

et

sont semblables.
Fin du théorème
Remarque. La première partie de l'énoncé est plus forte que la seconde, car elle montre qu'on obtient la matrice
en conjuguant M par une matrice indépendante des coefficients de M. Cela servira dans la suite.
Début d’un théorème
Énoncé 10. (Quasi-commutativité de la somme directe des matrices carrées.)
Soient
r,
s deux nombres naturels; désignons par

la permutation de l'ensemble {1, ... , r + s} telle que, pour tout
i dans {1, ... , r + s},

soit l'élément de {1, ... , r + s} qui est congru à i + r modulo r + s. (Donc

dépend de
r et de
s.)
Soit A un anneau, soit
la matrice de la permutation
(relativement à l'anneau A); donc

avec

Soit M (resp. N) une matrice carrée
(resp.
) à coefficients dans A; alors

En particulier, les matrices

et

sont semblables.
Fin du théorème
Remarque. La première partie de l'énoncé est plus forte que la seconde, car elle montre qu'on obtient la matrice
en conjuguant
par une matrice indépendante des coefficients de M et de N. Cela servira dans la suite.
Début d’un théorème
Énoncé 11. (Produit de deux matrices « diagonales par blocs ».)
Soit A un anneau, soient

des matrices à coefficients dans A. On suppose que, pour tout
i dans {1, ... , n}, le produit

est défini, c'est-à-dire que le nombre de colonnes de

est égal au nombre de lignes de

. Alors le produit

est défini et égal à

Fin du théorème
Début d’un théorème
Énoncé 12. (Corollaire de l'énoncé 11.)
Soient

des matrices carrées à coefficients dans un anneau A. On suppose que pour tout
i dans {1, ... , n},

et

ont la même taille, soit

, que

est inversible et que

(La matrice
et la matrice
sont donc semblables.)
Alors la matrice
est inversible et

(Les matrices

et

sont donc semblables, mais nous aurons besoin de l'énoncé plus précis qui précède.)
Fin du théorème
Définition. Somme directe d'un multiplet de représentations matricielles d'un groupe fini.
Soit G un groupe fini, soit

un n-uplet de

-représentations matricielles de G; notons

le degré de la représentation

.
Si pour tout élément g de G, on désigne par U(g) la somme directe

des matrices
, on définit une
-représentation matricielle U de G, de degré
On appellera cette représentation la somme directe des représentations
et on la notera
.
Remarque. Pour le fait que U est un homomorphisme de groupes de G dans
voir l'énoncé 11.
Début d’un théorème
Énoncé 13.
Soit G un groupe fini, soit

un n-uplet de

-représentations vectorielles de G, soit

un n-uplet de

-représentations matricielles de G. On suppose que pour tout
i dans {1, ... , n},

et

se correspondent. Alors la

-représentation vectorielle

et la
-représentation matricielle

de G se correspondent.
Fin du théorème
Esquisse de démonstration. Pour tout i dans {1, ... , n}, désignons par
l'espace de la représentation vectorielle
et par
le degré de
, autrement dit la dimension de
. Puisque, pour chaque i,
et
se correspondent, il existe pour tout i une base (numérotée)
de
telle que
et
se correspondent via cette base.
Pour tout r dans {1, ... , n}, désignons par
la r-ième injection canonique
.
Désignons par B le
-uplet
.
De façon plus précise,la s-ième composante du
-uplet B est
,
où
désigne l'élément de {1, 2, ... , n} défini par
.
Alors B est une base (numérotée) de
et on vérifie que la
-représentation matricielle de G correspondant à la
-représentations vectorielle
via la base B est
.
Début d’un théorème
Énoncé 14. (Associativité de la somme directe des représentations matricielles.)
Soient

des

-représentations matricielles d'un même groupe fini. Alors
.
Fin du théorème
Démonstration. Conséquence immédiate de l'associativité de la somme directe des matrices.
Début d’un théorème
Énoncé 15. (Quasi-commutativité de la somme directe des représentations matricielles.)
Soit G un groupe fini, soient

et

des

-représentations matricielles de G. Les

-représentations matricielles

et

sont équivalentes.
Fin du théorème
Démonstration. Soient
et
les degrés respectifs de
et
. L'énoncé 10 fournit une certaine matrice (de permutation)
, ne dépendant que de
et de
, telle que, pour tout élément g de G,
.
D'après la définition de la somme directe de deux représentations matricielles, cela peut s'écrire
.
Puisque P ne dépend pas de g, cela prouve que les
-représentations matricielles
et
sont équivalentes.
Début d’un théorème
Énoncé 16.
Soit G un groupe fini, soient

des

-représentations matricielles de G. On suppose que pour tout
i dans {1, ... , n},

et

sont équivalentes. Alors
et
sont équivalentes.
Fin du théorème
Démonstration. Pour tout i dans {1, ... , n}, désignons par
le degré de
et de
. Puisque la représentation
et la représentation
sont équivalentes, il existe pour chaque i une matrice
telle que, pour tout g dans G,
.
D'après l'énoncé 12, nous avons, pour tout g dans G,
,
où
désigne la somme directe de deux matrices.
D'après la définition de la somme directe de représentations matricielles, cela peut s'écrire
,
où
et
désignent des sommes directes de représentations.
Puisque la matrice
ne dépend pas de g, cela prouve que les représentations matricielles
et
sont équivalentes.
Début d’un théorème
Énoncé 17.
Soit G un groupe fini, soit
n un nombre naturel, soit

une permutation de l'ensemble {1, ... , n}. Pour tout
i dans {1, ... , n}, soit

une

-représentation matricielle de G.
Alors les
-représentations matricielles
et 
de G sont équivalentes.
Fin du théorème
Démonstration. D'après l'énoncé 16, on peut définir correctement la somme directe de deux classes d'équivalence de
-représentations matricielles de G en prenant la somme directe de deux représentantes respectives de ces deux classes et en passant à la classe d'équivalence.
D'après les énoncés 14 et 15, la somme directe ainsi définie est une loi de composition associative et commutative dans l'ensemble des classes d'équivalence de
-représentations matricielles de G. L'énoncé traduit dès lors une propriété connue des lois de composition à la fois associatives et commutatives.
Début d’un théorème
Théorème 18.
Soit G un groupe fini, soit T une

-représentation vectorielle de G.
Alors T est équivalente à une somme directe

de

-représentations vectorielles irréductibles de G.
Fin du théorème
Démonstration. Soit V l'espace de la représentation T. Puisque la caractéristique du corps
est nulle, elle ne divise pas l'ordre du sous-groupe T(G) de GL(V), donc, d'après le Théorème de Maschke, il existe des sous-
-espaces
de V invariants par le groupe linéaire T(G) tels que V soit somme directe interne de la famille
et que, pour tout i dans {1, ... , n}, le sous-groupe de GL(Vi) formé par les birestrictions à
des éléments de T(G) soit irréductible.
Pour tout i dans {1, ... , n}, pour tout g dans G, pour tout v dans
, posons
.
On vérifie que cela définit une représentation vectorielle irréductible
de G dans
.
Prouvons que la représentation T est équivalente à la somme directe S =
.
Notons
la somme directe externe de la famille
de
-espaces vectoriels.
Puisque V est somme directe interne des
, il existe un (et un seul)
-isomorphisme
de
sur V qui, pour tout élément
de
, applique cet élément sur
.
On vérifie que, pour tout g dans G,
,
ce qui prouve que T est équivalente à S, d'où l'énoncé.
Début d’un théorème
Théorème 19.
Soit G un groupe fini, soit U une

-représentation matricielle de G.
Alors U est équivalente à une somme directe

de

-représentations matricielles irréductibles de G.
Fin du théorème
Démonstration. Soit d le degré de U. Choisissons un
-espace vectoriel V de dimension d et une base numérotée B de V. (On peut par exemple prendre pour V l'espace
et pour B la base canonique de
.)
Désignons par T la
-représentation vectorielle de G dans V correspondant à U via la base B de V.
D'après le théorème 18, T est équivalente à une somme directe

de
-représentations vectorielles irréductibles de G.
D'après la définition des
-représentations matricielles irréductibles,
correspond, pour tout i, à une
-représentation matricielle irréductible
de G.
D'après l'énoncé 13, la
-représentation vectorielle
correspond à la
-représentation matricielle
.
Récapitulons : U correspond à T, T est équivalente à
et
correspond à
.
D'après l'énoncé 1, il en résulte que U est équivalente à
, d'où la thèse.
- ↑ Conforme à N. Bourbaki, Algèbre, Chapitres 1 à 3, Paris, 1970, p. II.151.
- ↑ Cette définition est conforme à Jean Dazord, « Une propriété extrémale de la diagonale d'une matrice », Linear Algebra and its Applications 254, 67-77 (1997), p. 67, consultable en ligne.