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En raison de limitations techniques, la typographie souhaitable du titre, «
Théorie des groupes : Représentations complexes des groupes finis, 2
Théorie des groupes/Représentations complexes des groupes finis, 2 », n'a pu être restituée correctement ci-dessus.
Rappelons que si A est un anneau et X une partie de A, on définit le commutant de X (dans A) comme l'ensemble des éléments de A qui commutent avec tout élément de X pour la multiplication dans A. Le commutant de X dans A est un sous-anneau de A.
Rappelons aussi que si V est un
-espace vectoriel, l'ensemble End(V) des
-endomorphismes de V, muni de l'addition point par point et de la composition des endomorphismes, est un anneau. Si V est de dimension finie d, End(V) est isomorphe à l'anneau de matrices
. Plus précisément, si B désigne une base numérotée de V, l'application de End(V) sur
qui à tout élément u de End(V) fait correspondre la matrice de u dans la base B est un isomorphisme d'anneaux.
Définition. Commutant d'une

-représentation vectorielle.
Soit T une

-représentation vectorielle d'un groupe fini G. Le commutant de T, qu'on notera

, est par définition le commutant de T(G) dans l'anneau End(V), où V désigne l'espace de la représentation T.
Définition. Commutant d'une

-représentation matricielle.
Soit U une

-représentation matricielle d'un groupe fini G. Le commutant de U, qu'on notera

, est par définition le commutant de U(G) dans l'anneau

, où
d désigne le degré de la représentation U.
Remarque. Soit G un groupe fini, soit T une
-représentation vectorielle de G, d'espace V, soit U une
-représentation matricielle de G. On suppose que T et U se correspondent via une base numérotée B de V. Désignons par d le degré de T et de U, autrement dit la dimension de V. Si
désigne l'isomorphisme d'anneaux de End(V) sur
qui à tout élément u de End(V) fait correspondre la matrice de u dans la base B, on montre facilement que le commutant
de U est égal à
.
Début d’un théorème
Théorème 1. (Cas particulier du Lemme de Schur.)
Soit G un groupe fini, soient S et T des

-représentations vectorielles
irréductibles de G dans des

-espaces V et W respectivement, soit

un homomorphisme de

-espaces (autrement dit une application linéaire) tel que pour tout
g dans G, on ait
.
Alors
f est nul ou est un isomorphisme d'espaces vectoriels (et dans le second cas, les représentations S et T sont équivalentes).
Fin du théorème
Démonstration. Supposons f non nul. Il s'agit donc de prouver que
- (thèse 1) f est un isomorphisme d'espaces vectoriels.
Pour tout élément v de Ker(f) (noyau de f) et tout élément g de G,
- f(S(g)(v)) = T(g) (f(v)) = T(g) (0) = 0,
donc S(g)(v) appartient à ker(f), ce qui montre que ker(f) est un sous-espace de V invariant par S(G). Ce sous-espace n'est pas V tout entier (puisque f est supposé non nul), donc, puisque S est supposée irréductible, ker(f) est nul, c'est-à-dire que
- (2) f est injectif.
Prouvons maintenant que f est surjectif.
Soit w un élément de Im(f) (image de f). Il existe donc un élément u de V tel que w = f(u). Pour tout élément g de G, nous avons
,
donc
appartient à Im(f), ce qui montre que le sous-espace Im(f) de W est invariant par T(G). Puisque la représentation T est supposée irréductible, Im(f) est donc nul ou égal à W tout entier. Mais il n'est pas nul (puisque f est supposé non nul), donc il est égal à W, ce qui signifie que f est surjectif. Joint à (2), cela prouve la thèse (1).
Pour un
espace vectoriel V, on définira une homothétie de V comme un
-endomorphisme f de V possédant la propriété suivante : il existe un scalaire
tel que, pour tout v dans V,
. On n'exclut pas la valeur
, donc l'endomorphisme nul est une homothétie. Les homothéties de V forment un sous-anneau de End(V). Si V est non nul, ce sous-anneau est un corps isomorphe à
.
Début d’un théorème
Théorème 1 bis. (Forme matricielle du théorème 1.)
Soit G un groupe fini, soient

et

des

-représentations matricielles
irréductibles de G, de degré
s et
t respectivement, soit

une

-matrice à
t lignes et
s colonnes; on suppose que, pour tout
g dans G,
.
Alors

est nulle ou est une matrice carrée inversible; dans le second cas, les

-représentations matricielles

et

sont équivalentes.
Fin du théorème
Démonstration (de routine). Choisissons des
-espaces vectoriels V et W de dimensions s et t respectivement, choisissons des bases
et
de V et W respectivement.
Désignons par S la
-représentation vectorielle de G dans V correspondant à la
-représentation matricielle
via la base
de V. Donc S fait correspondre à l'élément g de G le
-automorphisme de V ayant
pour matrice dans la base
de V.
De même, désignons par T la
-représentation vectorielle de G dans W correspondant à la
-représentation matricielle
via la base
de W. Donc T fait correspondre à l'élément g de G le
-automorphisme de W ayant
pour matrice dans la base
de W.
Désignons par A le
-homomorphisme de V dans W qui admet
pour matrice dans les bases
et
de V et W.
De l'hypothèse
,
on tire, en passant aux matrices dans les bases
et
,
- A S(g) = T(g) A
pour tout g dans G.
Donc, d'après le théorème 1, le
-homomorphisme A de V dans W est nul ou est un isomorphisme. Donc la matrice
est nulle ou est une matrice carrée inversible; dans le second cas, la relation
,
vraie pour tout g dans G, montre que les
-représentations matricielles
et
sont équivalentes.
Début d’un théorème
Théorème 2.
Soit G un groupe fini, soit T une

-représentation vectorielle
irréductible de G dans un

-espace V. Alors le commutant de T est formé par les homothéties de V (et est donc un corps isomorphe à

).
Fin du théorème
Démonstration. On vérifie facilement que toute homothétie de V commute (pour la composition) avec tout élément de End(V) et en particulier avec tout élément de T(G), donc toute homothétie de V appartient au commutant de T.
Réciproquement, soit f un élément du commutant de T et prouvons que f est une homothétie.
Puisque la représentation T est supposée irréductible, V est non nul, ce qui nous dispensera de certaines précautions de langage. Puisque le corps
est algébriquement clos, f admet au moins une valeur propre. Choisissons-en une, soit
. Puisque f et
(où I désigne l'endomorphisme identité de V) appartiennent au commutant de T,
appartient lui aussi au commutant de T. Mais en appliquant le théorème 1 au cas où S et T sont une même
-représentation vectorielle irréductible de G, nous trouvons que tout élément du commutant de T est nul ou inversible, donc
est nul ou inversible. Il n'est pas inversible, puisque
est une valeur propre de f, donc il est nul, ce qui revient à dire que f est égal à l'homothétie
.
Début d’un théorème
Théorème 2 bis. (Forme matricielle du théorème 2.)
Soit G un groupe fini, soit U une

-représentation matricielle
irréductible de G, de degré
d. Alors le commutant de U est formé par les matrices scalaires appartenant à

.
Fin du théorème
Considérer une représentation vectorielle correspondant à U. Les détails sont laissés au lecteur.
Début d’un théorème
Théorème 3.
Soit G un groupe fini
abélien, soit T une

-représentation (vectorielle ou matricielle)
irréductible de G. Alors T est de degré 1.
Fin du théorème
Démonstration. Il suffit de le démontrer dans le cas où T est une représentation vectorielle (puisqu'une représentation matricielle et une représentation vectorielle qui se correspondent ont le même degré et sont ensemble irréductibles ou non). Soit alors V l'espace de la représentation T. Puisque G est abélien, T(G) l'est aussi, donc T(G) est contenu dans son commutant (dans End(V)), c'est-à-dire dans le commutant de T. Compte tenu du théorème 2, ce commutant est formé des homothéties, donc pour tout élément g de G, T(g) est une homothétie. Il en résulte que tout sous-espace W de V est invariant par T(G). Puisque T est irréductible, ce n'est possible que si V est de dimension 1, donc T est de degré 1.
Remarque. Nous démontrerons dans la suite du cours, à l'aide de la théorie des caractères, que le théorème 3 admet cette réciproque : si G est un groupe fini dont toute
-représentation irréductible est de degré 1, G est abélien.
Les théorèmes faisant l'objet de la présente section serviront dans la théorie des caractères, qui sera exposée dans un chapitre ultérieur.
Début d’un théorème
Théorème 4. (Schur)
Soit G un groupe fini.
Pour toute
-représentation matricielle
de G, désignons par
le degré de
et pour tout couple (i, j) d'indices tels que
, désignons par
l'application de G dans
qui à l'élément g de G fait correspondre le (i, j)-ième coefficient de la matrice
.
(On a donc
.)
(i) Soient
et
des représentations matricielles irréductibles et non équivalentes de G.
Alors, pour tous i, j tels que
et pour tous r, s tels que
,

(ii) Soit
une représentation matricielle irréductible de G. Si on pose
, on a, pour tous i, j, r, s tels que
,
,
où

est le symbole de Kronecker dans

.
Fin du théorème
Démonstration. Prouvons d'abord le point (i).
Posons
et
.
Pour toute matrice M à m lignes et n colonnes à coefficients dans
, posons
- (1)

Pour tout élément h de G, nous avons



.
Comme
définit une permutation de G, cela peut s'écrire

pour tout h dans G.
Puisque
et
sont supposées irréductibles et non équivalentes, il résulte donc du cas particulier du lemme de Schur (théorème 1 ci-dessus) que
,
c'est-à-dire, d'après la définition (1) de
, que
- (2)

pour toute matrice M à m lignes et n colonnes à coefficients dans
.
Appliquons cela à la matrice
à m lignes et n colonnes dont le (j, r)-ième coefficient est 1 et dont tous les autres coefficients sont nuls.
Autrement dit,

avec

Alors (détails des calculs laissés au lecteur)
est la matrice à m lignes et n colonnes

avec
.
La relation (2) peut donc s'écrire

pour tous t, t'', ce qui revient à l'assertion (i) de l'énoncé.
Prouvons maintenant le point (ii) de l'énoncé.
Pour toute matrice M à m lignes et m colonnes à coefficients dans
, posons

Comme dans la démonstration du point (ii), nous avons
pour tout h dans G,
ce qui revient à dire que
appartient au commutant de la représentation matricielle
.
Puisque cette représentation est supposée irréductible, la matrice
est donc scalaire (voir théorème 2 bis ci-dessus).
Appliquons ceci au cas où M est la matrice
à m lignes et m colonnes dont le (j, r)-ième coefficient est 1 et dont tous les autres coefficients sont nuls.
Il existe donc un scalaire
tel que (
désignant la matrice unité
)
,
c'est-à-dire, par définition de
,
- (3)

Comme dans la démonstration du point (i),
est la matrice

avec
La relation (3) peut donc s'écrire

Cela revient à dire que, pour tous t, t'' dans {1, ... , m},
- (4)

Puisque
définit une permutation de G, cela peut encore s'écrire

ou encore (puisque le corps \mathbb{C} est commutatif)
- (5)

Par un changement de variables dans (4), on trouve que le premier membre de (5) égale

donc (5) donne

En faisant
, nous trouvons
- (6)

pour tous r, j, t.
Donc
- (7)
si
.
D'autre part, en faisant r = j dans (6), nous trouvons
pour tout t.
Il existe donc un scalaire
tel que, pour tout t,
- (8)
.
Les relations (7) et (8) donnent
,
que j et r soient égaux ou distincts.
La relation (4) peut donc s'écrire
- (9)

En faisant r = j et t'' = t, nous trouvons
,
d'où, en sommant sur j,

- (10)
.
Or
est le (t,t)-ième coefficient de la matrice
,
autrement dit

La relation (10) peut donc s'écrire
,
,

En tenant compte de ceci, on met (9) sous la forme

ce qui revient à l'assertion (ii) de l'énoncé.
Rappelons qu'on note
le
-espace vectoriel libre construit sur l'ensemble G (autrement dit, puisque G est fini, le
-espace vectoriel formé par les applications de G dans
) et que cet espace vectoriel est de dimension
(voir Représentations complexes des groupes finis, 1).
Début d’un théorème
Théorème 5. (Frobenius et Schur)
Soit G un groupe fini, soient

des

-représentations matricielles de G, irréductibles et deux à deux non équivalentes, de degrés

respectivement.
Pour tout s dans {1, ..., k}, pour tous i, j dans {1, ... , ns}, désignons par
l'application de G dans
qui à l'élément g de G fait correspondre le (i, j)-ième coefficient de la matrice
. Autrement dit

Alors la famille (triple)

est linéairement indépendante dans le

-espace vectoriel

.
Fin du théorème
Démonstration. Soit

une famille de scalaires telle que
- (1)
dans
.
Il s'agit de prouver que
- (thèse 2)
pour tout s dans
et tous i, j dans
.
L'hypothèse (1) signifie que, pour tout g dans G,
dans
.
Donc, pour tout
dans
, pour tous
dans
et pour tout g dans G, nous avons
,
d'où, en sommant sur
,
- (3)

Si
est distinct de
, alors, par hypothèse de l'énoncé,
et
ne sont pas équivalentes, donc, d'après le point (i) du théorème 4, nous avons dans ce cas

Donc, dans (3), nous pouvons limiter la sommation sur s à l'indice s'. Nous trouvons ainsi

D'après le point (ii) du théorème 4, cela peut s'écrire


d'où

Ceci étant vrai pour tout
dans
et pour tous
dans
, notre thèse (2) est démontrée.
Début d’un théorème
Théorème 6. (Énoncé provisoire, qui sera précisé dans un chapitre sur les caractères.)
Soit G un groupe fini. Les classes d'équivalence de

-représentations matricielles
irréductibles de G sont en nombre fini. Si

désignent ces différentes classes, si pour tout
s dans

,

désigne le degré des représentations appartenant à la classe

, alors
.
En particulier, le nombre
k des classes d'équivalence de

-représentations matricielles irréductibles de G est

.
Fin du théorème
Démonstration. Soit
un nombre naturel, soient
différentes classes d'équivalence de
-représentations matricielles irréductibles de G. Pour tout s dans
, choisissons une représentation
appartenant à la classe
.
Les applications
considérées au théorème 5 (où s parcourt
et où i, j parcourent
) sont en nombre
.
Puisque, d'après le théorème 5, ces applications sont linéairement indépendantes dans le
-espace vectoriel
et que, comme rappelé, cet espace vectoriel est de dimension
, on a donc
,
d'où (puisque les
sont non nuls)
.
Ceci est prouvé pour tout nombre naturel
tel qu'on puisse trouver
différentes classes de
-représentations matricielles irréductibles de G. L'énoncé en résulte.
Remarque. La théorie des caractères nous permettra de préciser que k est le nombre des classes de conjugaison d'éléments de G et que
.
Pour obtenir un énoncé analogue au théorème précédent en termes de représentations vectorielles, on ne pourrait pas remplacer simplement le mot « matricielles » par « vectorielles », puisqu'on a évité de définir la classe d'équivalence d'une représentation vectorielle. On pourrait par exemple énoncer :
Début d’un théorème
Théorème 7. (Traduction du théorème 6 en termes de représentations vectorielles.)
Soit G un groupe fini. Il existe (au moins) un ensemble fini E de

-représentations vectorielles irréductibles de G tel que toute

-représentation vectorielle irréductible de G soit équivalente à une et une seule représentation appartenant à E. Si E' est un autre ensemble de

-représentations vectorielles irréductibles de G possédant la même propriété que E, E' est équipotent à E.
Si k désigne le cardinal d'un tel ensemble E, si
est une énumération des éléments de E, si pour tout s dans
,
désigne le degré de la représentation
alors
.
En particulier,

.
Fin du théorème
Le nombre k dont question ici est évidemment égal au nombre des classes d'équivalence de
-représentations matricielles irréductibles de G. On désigne encore k comme « le nombre de
-représentations irréductibles non équivalentes de G», sans qu'il soit nécessaire de préciser si on parle de représentations vectorielles ou matricielles.