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Après avoir vu la méthode de Ferrari, nous allons étudier une seconde méthode de résolution des équations du quatrième degré, due à René Descartes.
Un polynôme est dit unitaire si son coefficient de plus haut degré est égal à 1.
La méthode de Descartes utilise la propriété suivante :
Propriété
Le produit de deux polynômes unitaires du second degré donne un polynôme (unitaire du quatrième degré) sans monôme de degré 3 si et seulement si les coefficients de degré 1 des deux polynômes du second degré sont opposés.
Démonstration
Développons un produit quelconque de deux polynômes unitaires du second degré :
.
Le produit est sans monôme de degré 3 si et seulement si .
Commençons par développer deux polynômes unitaires irréductibles du second degré dont les coefficients du premier degré sont opposés. Nous avons par exemple :
.
Nous allons maintenant essayer de refactoriser le polynôme x4 – 20x2 – 5x + 6 de manière à retrouver les deux polynômes du second degré, à coefficients du premier degré opposés, dont nous étions partis.
Pour cela, nous poserons a priori :
.
En développant le second membre, nous obtenons :
.
Par identification des coefficients, nous obtenons le système :
Nous voyons alors que ce système peut s'écrire :
Par addition et soustraction membre à membre des deux premières équations, on obtient :
En portant les valeurs trouvées de b et c des deux premières équations dans la troisième, on obtient :
La troisième équation peut alors s'écrire, en utilisant l'identité remarquable (a + b)(a – b) = a2 – b2 :
.
En multipliant les deux membres par a2, en développant et en mettant tous les termes dans le premier membre, on obtient :
.
Nous voyons alors que a2 est racine de l'équation :
.
Cette équation admet 25 comme racine évidente. Par conséquent, on peut poser :
et l'on peut choisir a = 5.
On en déduit ensuite :
;
.
En reportant les valeurs trouvées de dans :
,
nous voyons que la factorisation recherchée de x4 – 20x2 – 5x + 6 est donc :
et nous avons bien retrouvé le produit de deux polynômes du second degré dont nous étions partis au début.
Nous allons dans ce paragraphe généraliser ce qui a été vu dans un cas particulier au paragraphe précédent.
Soit donc à résoudre une équation de la forme :
(nous savons que toute équation de degré 4 s'y ramène).
Nous supposerons de plus que (car lorsque , l'équation est bicarrée donc facile à résoudre).
Nous allons essayer de factoriser le premier membre comme produit de deux polynômes unitaires du second degré, dont les coefficients de degré 1 sont alors nécessairement opposés. Nous écrirons donc :
.
En développant le second membre, nous obtenons :
.
Par identification des coefficients, nous obtenons le système :
Nous voyons alors que est nécessairement non nul (puisque ) et ce système peut s'écrire :
Par addition et soustraction membre à membre des deux premières équations, on obtient :
En portant les valeurs trouvées de b et c des deux premières équations dans la troisième, on obtient :
La troisième équation peut alors s'écrire, en utilisant l'identité remarquable (a + b)(a – b) = a2 – b2 :
.
En multipliant les deux membres par , en développant et en mettant tous les termes dans le premier membre, on obtient :
.
Nous voyons alors que est racine de l'équation :
.
Soit y0, y1, y2 les trois racines de cette dernière équation. Laquelle de ces trois racines allons-nous choisir ? D'un point de vue théorique, cela n'a aucune importance. D'un point de vue pratique, nous choisirons, bien sûr, celle qui nous parait la plus sympa. Par exemple, s'il y a une racine réelle et deux racines complexes conjuguées, nous choisirons, sauf cas particulier, la racine réelle.
Supposons, pour fixer les idées, que la racine que nous choisissons est y0. Comme a2 = y0, nous choisirons pour a l'une des deux racines carrées de y0, que nous noterons :
.
En reportant cette valeur de a dans les deux premières équations du système, nous en déduisons :
L'équation à résoudre :
,
que nous cherchions à factoriser sous la forme :
,
s'écrira par conséquent :
.
Nous nous sommes ramenés à résoudre les deux équations suivantes :
;
.
Ces deux équations du second degré sont les mêmes que dans la méthode de Ferrari, via le changement de paramètre . Les expressions obtenues dans la suite de cette résolution sont donc identiques à celles du chapitre précédent :
On suppose que l'équation ne se ramène pas à une équation bicarrée, c'est-à-dire (cf. chapitre 3) que , et l'on cherche tels que
,
c'est-à-dire
Ceci implique
(sinon, l'équation donnerait d'où, d'après les équations et : , ce qui est exclu par l'hypothèse ).
Le système est donc équivalent à
et l'on peut le résoudre en réduisant le nombre d'équations et d'inconnues par substitutions successives : il suffit de reporter dans les expressions de et données par et , et de trouver une solution des équations et (la nouvelle équation après ce report), puis d'en déduire et grâce à et .
Plus explicitement :
devient, en posant
et en tenant compte de :
,
qui est une équation de degré 3 en (la résolvante) :
.
Soit l'une des trois racines de cette équation. Les solutions de
sont :
et les valeurs correspondantes de sont donc :
.
Finalement, les quatre solutions de
sont les deux solutions de et les deux solutions de , c'est-à-dire :
avec
,
ce qui donne
.
Remarque 1
Les deux équations et sont exactement les mêmes que dans la méthode de Ferrari, via le changement de paramètre , et par ce changement, l'équation cubique résolvante de Descartes équivaut à celle de Ferrari.
Remarque 2
Par construction, et puisqu'on a des expressions analogues des en fonction des deux autres racines de la résolvante, celles-ci sont nécessairement égales à et .
Cette remarque préfigure la méthode de Lagrange, que nous étudierons au prochain chapitre.