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Quelle vie pour l'humanité ?
[modifier | modifier le wikicode]Les difficultés et les déceptions ne doivent pas nous faire oublier nos rêves les plus chers. Ne renonçons pas à croire en la possibilité d’une vie vraiment belle pour l’ensemble de l’humanité. Toutefois, pour qu’un tel objectif ait une chance de se réaliser, il ne doit pas rester un vœu pieux mais devenir la priorité pour les institutions et pour tous ceux qui se sentent concernés.
Chaque être humain est semblable à nous. Il gère son héritage biologique du mieux qu’il peut. Il se dirige en grande partie en fonction de ses tendances et des repères culturels qui sont à sa portée. Comme nous il a été un tout petit enfant. Comme nous il aimerait trouver le Bonheur ou tout au moins sentir que sa vie a un sens. Tout doit être mis en œuvre pour que chacun puisse aller aussi loin que possible dans cette direction. De nombreuses initiatives individuelles peuvent y contribuer mais pour qu’elles s’harmonisent, une vision d’ensemble est nécessaire.
L’humanité peut être comparée à un organisme vivant. Pour que la vie atteigne une certaine plénitude, les cellules doivent se trouver dans des conditions qui leur permettent de bien se nourrir physiquement et psychologiquement. Si une partie d’entre elles est négligée, c’est finalement l’ensemble qui en souffrira. À cause des réactions en chaîne, même les toutes petites causes peuvent produire des effets importants. Rien ni personne ne doit être laissé de côté. Ici bien sûr, malgré une certaine communauté de destin, les cellules sont dispersées et en partie autonomes. Les êtres humains sont avant tout des individus : le rythmes, la sensibilité et les aspirations de chacun doivent être respectés. Le sens de l’unité est primordial, mais la diversité est précieuse. Nous devons donc élaborer un cadre qui coordonne et unisse mais où d’innombrables aventures individuelles puissent se dérouler.
Un objectif peut être atteint de multiples manières. Pour qu’un équilibre satisfaisant s’instaure malgré les volontés divergentes, une idée simple me semble pouvoir être d’une grande utilité. Chaque fois qu’une décision doit être prise, choisissons les solutions qui semblent aller dans le sens d’une harmonie aussi grande que possible. Nous avancerons ainsi pas à pas en tenant compte de tous les éléments en présence. Au niveau individuel, cela consiste à respecter toutes les composantes de notre personnalité et à les organiser autour d’un fil conducteur. À une échelle plus vaste, cela passe par la prise en considération de toutes les sensibilités, par l’examen de tous les points de vue afin de voir dans quelle mesure chacun peut contribuer à faire évoluer favorablement la situation. Les relations avec le milieu naturel sont évidemment à prendre en considération. Tous les domaines de l’existence pourront ainsi évoluer de concert. Nous ne serons pas à l’abri des vicissitudes et des erreurs mais nous éviterons ainsi beaucoup de désastres et les conflits les plus graves.
Est-il nécessaire de le préciser, comme tous les principes, ceux que je présente ne doivent pas être appliqués de manière trop systématique. Pour accéder à une harmonie plus vaste, il faut souvent passer par des phases de déconstruction plus ou moins chaotiques. Les confrontations elles-mêmes ne doivent pas être évitées lorsque nous avons l’intime conviction qu’il s’agit de la meilleure solution accessible pour l’instant. Toutefois, quelle que soit l’ampleur de ces tribulations, le meilleur état d’esprit possible reste d’actualité et l’unité sous-jacente ne doit pas être perdue de vue. L’important est de maintenir le cap en nous appuyant sur ce qui a pu résister et en suivant les lignes de forces qui préparent l’avenir que nous appelons de nos vœux.
Un écueil doit cependant être évité. Un idéal peut à tout moment devenir tyrannique et nous couper de notre spontanéité et de la simple joie de vivre. Malgré l’importance des enjeux, nous ne devons pas avoir l’impression qu’une responsabilité écrasante pèse sur nos épaules. L’harmonie recherchée n’a rien à voir avec une perfection intimidante. Elle ressemble plutôt à un jeu sans prétention, entre amis. Chacun essaie de donner le meilleur de lui-même, mais, en attendant mieux, il rit de bon cœur des limites actuelles de la condition humaine : la sienne comme celle des autres.
L’harmonie repose sur le sens de l’unité, sur l’équilibre entre les différentes parties et le respect de leur identité. Chacune se trouve ainsi dans les meilleures conditions pour contribuer au bien de l’ensemble. C’est un état dynamique qui est source de joie. Nous ouvrir à toutes les résonances qu’elle éveille est le premier pas vers sa réalisation. Si nous mettons l’accent sur les problèmes à résoudre, nous considérerons certaines situations comme quelque chose de gênant dont il faut se débarrasser. Nous ne prendrons pas le temps de défaire les nœuds qui empêchent la libre circulation des énergies. Nous serons ainsi privés d’un précieux apport pouvant être utilisé de manière créative. Et si nous raisonnons secteur par secteur, il risque d’y avoir incompatibilité entre les différentes solutions adoptées. De ce fait, malgré les succès ponctuels parfois spectaculaires, la qualité globale de l’existence progressera finalement peu. Le manque de concertation est à l’origine de la plupart des incohérences et des impasses. Si nous avons le sentiment d’avoir quelque chose à construire ensemble, nous trouverons plus facilement un terrain d’entente. Si notre vie s’inscrit dans une plus vaste perspective, si un projet de grande envergure nous habite, nos actions prendront davantage de valeur. De plus, comme nous ne battrons plus pour nous seuls, nous céderons moins facilement au découragement.
Le pessimisme est démobilisateur. Même au niveau purement physiologique, il est pénalisant. Croire qu’on ne peut rien faire ou qu’il est dangereux de changer incite à se conformer à l’ordre établi. Démoraliser fait d’ailleurs partie des stratégies utilisées par ceux qui n’ont pas envie que les choses changent. De nombreuses objections méritent d’être prises en considération. L’égoïsme humain et les atrocités du passé sont des données avec lesquelles il faut compter. Certaines idées apparemment excellentes peuvent une fois mises en pratique se révéler catastrophiques. Mais devons-nous pour autant nous résigner à demeurer les témoins impuissants de tout ce qui heurte notre sensibilité ? Pouvons-nous, sans dommage, continuer à nous contenter de faux semblants et de mesquines ambitions qui nous laisseront au soir de notre vie avec le sentiment d’avoir vécu pour presque rien, sans grande authenticité et sans relever le défi des appels plus essentiels ?
L’humanité a sans doute pour vocation de transmuter la loi de la jungle. La coexistence pacifique n’exclut pas les confrontations loyales où chacun essaie de faire triompher les solutions qui lui semblent les meilleures pour atteindre le bien commun et faire respecter la diversité. Malheureusement, la plupart des conflits ne sont pas de cette nature. La lutte pour la survie nous enferme dans les automatismes. Elle laisse peu de place pour les actes librement choisis. Nous devons essayer d’élaborer une vie sociale qui atténue au maximum les déséquilibres, la peur du lendemain, la crainte du regard de l’autre et toutes les luttes fratricides qui en découlent. Nous découvrons de plus en plus à quel point, dans une assez large mesure, tout ce qui existe est interdépendant. Le sens de l’unité mériterait d’être l’assise sur laquelle reposent les relations. Nous pourrions agir en conséquence : en famille, à l’école, dans l’entreprise, entre les nations et les cultures. L’ensemble de l’existence pourrait être abordé de la même manière.
La pensée actuellement dominante mise sur l’équilibrage naturel des égoïsmes. À cause des expériences désastreuses du vingtième siècle, beaucoup considèrent que cette posture est moins dangereuse et plus féconde que les diverses formes d’idéalisme. Certains ont même la naïveté de croire que des lois intelligentes pourraient nous dispenser du courage éthique. Le sens du bien commun et l’héroïsme changent de forme, mais ils sont toujours aussi nécessaires. De plus, par delà leur utilité sociale, ces vertus favorisent la croissance de ceux qui les pratiquent. Les instruments que nous forgeons sont parfois contre-productifs. Si la nécessité des lois n’est pas pleinement comprise et ressentie, le civisme et le sens moral peuvent être assimilés au conformisme ou à la simple peur des sanctions. Ils perdent alors toute valeur aux yeux d’un grand nombre de personnes.
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Nous disposons désormais des moyens permettant de créer des conditions où les Hommes n’auraient plus besoin de lutter les uns contre les autres, mais où ils affronteraient ensemble les difficultés de l’existence et partageraient tout ce qui peut l’être. La concurrence stimule l’inventivité en secouant notre inertie et en nous obligeant à nous surpasser malgré notre égoïsme et nos peurs. Mais, poussée à l’extrême comme c’est aujourd’hui le cas, elle instaure un climat d’insécurité permanente qui accule au désespoir et incite à tricher. L’égalitarisme forcené est lui aussi particulièrement redoutable. Les différences de niveaux de vie ne sont pas un mal en soi, mais elles doivent résulter de choix personnels et non être imposées par des rapports sociaux qui favorisent certains au détriment d’autres. Chacun doit pouvoir bénéficier de la joie que procure le fait d’entreprendre, de se révéler à lui-même, de courir des risques et de se mesurer à ses semblables. Il mérite même d’y être encouragé s’il respecte effectivement ceux que cela implique et s’il accepte d’assumer pleinement les conséquences de ses choix. La concurrence peut être au service de l’harmonie si on la considère comme un jeu où de temps à autre les cartes sont redistribuées et où la majeure partie des gains est quelquefois rassemblée afin que tous puissent passer d’agréables moments.
Il nous faut impérativement trouver un équilibre entre la liberté d’entreprendre et la nécessité d’offrir des services publics permettant à chacun d’être moins dépendant des aléas de l’existence. Quelles que soient les capacités d’un être humain et la situation dans laquelle il se trouve, tout doit être mis en œuvre pour qu’il puisse disposer du minimum requis pour mener une existence matérielle convenable, développer harmonieusement son potentiel et rester en contact avec ses semblables. Mais ceci n’est réalisable que si chacun joue effectivement le jeu : il doit y avoir un équilibre entre les droits et les devoirs. Une saine émulation sur fond d’entraide me semble une formule acceptable. Actuellement, la solidarité arrive plutôt en fin de parcours pour réparer les dégâts causés par le choc des égoïsmes. L’aide ne doit pas affaiblir ni se substituer à ce qui résulte normalement des mérites personnels. Ce doit être un geste ayant pour but l’autonomie de la personne. L’idéal étant qu’il se limite à amorcer la pompe de l’énergie créatrice de celui qui en bénéficie.
Si nous avons une ambition commune, il nous sera plus facile de mettre en place, des instances de régulation véritablement démocratiques et respectueuses de l’être humain et de la planète où il est apparu. Une fois mises en place, elles peuvent cependant devenir tyranniques. Il en va d’ailleurs de même pour les instruments et, d’une façon générale, pour tout ce qui a une fonction de médiation. Les principes, les valeurs, les idéaux et les sentiments élevés eux-mêmes ne font pas exception. N’oublions pas que les institutions sont nécessairement provisoires et arbitraires et qu’il est souhaitable qu’elles soient aussi souples et discrètes que possible. Elles doivent d’ailleurs être partout repensées pour s’adapter aux configurations locales. Les structures peuvent favoriser l’émergence d’un certain art de vivre mais tout dépend finalement de la façon dont les Hommes les utilisent. L’éducation sous toutes ses formes est donc d’une importance considérable. Nous avons de la peine à admettre ce qui remet en question nos convictions ou risque de bouleverser nos comportements
habituels. Les problèmes qui nous dérangent sont donc souvent classés sans suite, dans le domaine des choses indécidables. Et il en va de même pour les perspectives trop floues ou trop abstraites. Ainsi mises à l’écart, elles n’ont plus la moindre chance de nous toucher dans notre sensibilité profonde, et donc de pouvoir déboucher sur une action. Ne nions pas les problèmes lorsqu’ils nous semblent insolubles. Ne nous protégeons pas trop émotionnellement contre eux. Nous sommes beaucoup moins impuissants que nous le pensons. Cultiver et encourager ce qui va dans le sens de l’harmonie est une condition nécessaire mais elle est loin d’être suffisante. Il nous faut également devenir conscients de tout ce qui s’y oppose aussi bien en nous que dans le monde, et agir en conséquence. Pour sortir des enchaînements dévastateurs qui nous empêchent de vivre vraiment, nous devons nous libérer des illusions, des fausses certitudes et apprendre à déjouer les supercheries qui font diversion ou les trompe-l’œil qui servent de paravent. Les cercles vicieux les plus puissants ont aussi leurs points faibles. Si nous parvenons à les détecter, nous pourrons y insuffler un état d’esprit qui provoquera en eux une ouverture. Ils se transformeront alors en spirales, devenant peu à peu des cercles vertueux qui pourront jouer pleinement leur rôle au sein de l’ensemble. C’est ce que nous tenterons de faire au cours des prochains chapitres.
La publicité et ses alternatives
[modifier | modifier le wikicode]Nous sommes généralement convaincus de la nécessité de résister à l’endoctrinement politique ou religieux et, d’une façon générale, à tout ce qui peut restreindre la possibilité de choisir librement. Il existe cependant une exception : la publicité. Bien qu’il soit évident qu’elle tente d’orienter nos choix, cette activité bénéficie d’une indulgence surprenante. La plupart des êtres humains se croient peu influençables et pensent qu’ils peuvent goûter aux appâts qu’elle offre sans se faire prendre à l’hameçon qu’elle y a inséré. Quelle illusion ! Même si nous savons qu’il s’agit d’un stratagème, nous ne sommes pas immunisés pour autant. Notre affectivité est souvent touchée plus profondément que nous le pensons et, à notre insu, les parties les plus instinctives de notre personnalité nous incitent à agir dans le sens voulu par les publicitaires. Ces habiles artisans ne lésinent pas sur les moyens : le budget consacré à la publicité représente 20% des dépenses mondiales. Il est le second, devancé uniquement par celui de l’armement. Pour les cosmétiques, il atteint 90 % du prix total. – Les sommes allouées ne le sont sans doute pas en pure perte.
Les techniques utilisées s’appuient sur les découvertes des sciences humaines. Elles s’emploient tout d’abord à retenir l’attention et à laisser une trace dans le psychisme. Elles y parviennent en séduisant, en suscitant une forte émotion ou en provoquant l’ébranlement des cadres habituels de la pensée. La personne prise pour cible se trouve ainsi momentanément dans un état de grande vulnérabilité. On lui propose alors un produit ou un service qui semble pouvoir mettre fin à ce malaise ou laisse entrevoir la possibilité de retrouver un plaisir analogue à celui qu’elle vient d’éprouver. Dès lors, dans son psychisme, ces états émotionnels intenses se trouveront associés à un produit ou à une marque qui, de ce fait, deviendra objet de désir. On peut véritablement parler de création d’un réflexe conditionné. Il y a évidemment une responsabilité plus ou moins marquée de l’acheteur. Les publicitaires savent que, généralement, celui-ci recherche les plaisirs faciles et souhaite donner de lui une image favorable. C’est sur de telles tendances qu’ils misent. Ils connaissent également notre crainte d’être isolé ou rejeté et notre désir de nous sentir enveloppé par une communauté sécurisante et valorisante, par exemple, celle des heureux bénéficiaires d’un service de qualité, d’un objet fétiche ou d’un signe distinctif ; et ils savent en tirer habilement parti.
Les agences publicitaires détournent à leur profit tout ce qui leur permet de faciliter la vente. Elles se servent même du désir de liberté pour nous asservir et utilisent des fragments de messages spirituels pour enfoncer leurs victimes dans le matérialisme. Elles s’approprient tout sans retenue. De nombreuses œuvres se trouvent ainsi parasitées et perdent temporairement la majeure partie de leur rayonnement à cause des associations triviales qui les polluent. Leurs auteurs doivent bien souvent se retourner dans leur tombe. Les fabricants de leurres sont même parvenus à faire admettre la publicité au rang des arts. Des prix officiels sont décernés à ceux qui bernent les populations. Celles-ci entrent d’ailleurs dans le jeu avec enthousiasme, ne voulant pas voir, comme dans le conte d’Andersen, que « le roi est nu ». Les méthodes et les ressources de l’art sont effectivement utilisées, mais pour des fins qui n’ont rien à voir avec lui. En effet, l’art véritable ouvre l’esprit et développe la sensibilité en amenant ces facultés au delà du stade où elles se trouvent. La publicité, elle, se contente de flatter les goûts et les idées qui sont déjà présents dans le public. Dans différents milieux, arborer certaines marques est devenu un moyen permettant de jouir d’un certain prestige, ou tout au moins d’avoir le sentiment d’exister dans le regard de l’autre. Beaucoup sont prêts à payer très cher pour avoir le privilège d’être transformés en panneau publicitaire gratuit. Et comble de l’absurde, pour conquérir ce droit d’être exploité, quelques uns ont même recours au racket. Les générations futures riront sans doute beaucoup de nous. Cela les consolera un peu de l’héritage écologique catastrophique que nous risquons de leur laisser à cause de notre consommation excessive.
Pour l’instant, la compréhension des citoyens du monde est encore brouillée. Les informations données par les messages publicitaires sont souvent rares, volontairement incomplètes, et les mots sont vidés de leur véritable substance. La reconnaissance sociale d’une activité reposant très largement sur l’hypocrisie et la manipulation n’est pas sans conséquences. Dans un monde où il est déjà bien difficile de trouver des points de repères véritablement fiables, c’est un encouragement supplémentaire au cynisme et une contribution à la perte de sens. La publicité nous empêche de bénéficier pleinement des bienfaits apportés par les institutions démocratiques, l’évolution des mentalités et les progrès de la connaissance. Si l’on tient compte de toutes les implications, son action feutrée est plus redoutable que celle des fléaux dont nous avons le plus peur. Les personnes manipulées ne se sentent pas vraiment opprimées, car on fait d’elles des esclaves consentants en exauçant apparemment leurs désirs. On les suscite même, à l’occasion, pour renforcer les liens de dépendance. Les pièges les plus agréables ne sont pas les moins puissants. Nous avons ici affaire à une servitude contre laquelle il est difficile de se révolter car les liens sont en grande partie secrétés par le système hormonal de la victime. Ils font peu à peu partie de l’état ordinaire de l’individu. Le prisonnier considère ses chaînes comme des filets de protection ou des bijoux, et ceux qui cherchent à l’en libérer lui apparaissent comme des ennemis qui veulent le dépouiller.
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Les publicitaires ne se contentent pas de miser sur nos faiblesses: ils les accentuent même. Ils nous rendent encore plus avides, ils nous exhortent à briller, à dominer nos semblables et entretiennent en nous la crainte d’être distancés. Il leur arrive même de nous culpabiliser en laissant entendre que notre refus d’acheter dénote un manque de générosité envers la vie et qu’il risque de porter préjudice à nos proches : en particulier les enfants. En d’autres occasions, si cela peut servir leurs intérêts, ils n’hésitent pas à dévaloriser certaines qualités humaines. La répétition des slogans s’apparente à celle des rituels, et rares sont les incrédules qui les démystifient et refusent de se conformer à leurs prescriptions : le paradis terrestre qui est promis vaut bien quelques sacrifices. Le besoin est spécifique. Le désir, lui, est flottant : n’importe quelle proposition alléchante est susceptible d’être acceptée. La publicité place entre nos besoins et notre volonté consciente, un produit de substitution qu’elle nous incite à désirer. Comme nous poursuivons désormais ce leurre, nous renonçons à chercher une réponse réellement adaptée à notre besoin. Nous finissons même par oublier son existence. Notre véritable problème n’étant pas résolu, nous sommes perpétuellement insatisfaits. C’est l’état idéal pour être ouvert à de nouvelles propositions grâce auxquelles, on nous l’assure, notre manque sera enfin comblé.
Comme elle attise le désir d’accroître nos possessions, la publicité nous pousse à entrer en compétition les uns avec les autres. À cause de cette situation, la solidarité est reléguée au second plan[1]. De plus, le sentiment de frustration augmente, ce qui accentue les désordres psychologiques, les conflits familiaux et la délinquance. La publicité est également normative. Elle conditionne dès l’enfance à un modèle de réussite et à des comportements standardisés. Nous devenons ainsi le personnage dont les marchands ont besoin. Cette marionnette prend la place de notre véritable identité et nous détourne de l’essentiel. Pour amortir les frais engagés dans la recherche et rentabiliser les importants moyens mis en œuvre pour la production de masse, des besoins sont créés artificiellement. Les pouvoirs économiques modèlent l’opinion publique et font pression sur le personnel politique pour que des décisions favorisant leurs orientations soient prises. La propagande se dissimule souvent derrière des discours à caractère scientifique, apparemment neutres. Les médias qui la relaient ferment les yeux car une partie de leurs recettes provient de la publicité. Les courants de pensée qui invitent à rechercher le bonheur dans la simplicité et la profondeur sont présentés de manière caricaturale. Un autre moyen fréquemment utilisé pour se débarrasser de ces gêneurs consiste à les recycler au sein de publicités qui vantent les mérites de produits sensés être en accord avec la recherche d’un véritable art de vivre.
Les promoteurs de l’économie du gaspillage ont tout intérêt à ce que les gens se détournent des joies simples, qu’ils soient envieux, ne prêtent pas leur matériel et ne croient pas au pouvoir de leur esprit pour résoudre les problèmes et améliorer la qualité de la vie. Plus une personne est coupée de ses ressources et de ses propres rêves, plus elle sera dépendante du système marchand. La mainmise sur l’imaginaire, le nivellement et la dépersonnalisation se trouvent donc au cœur de leurs stratégies.
Si nous n’étions pas ainsi conditionnés, une part plus importante de notre budget pourrait être consacrée à aider respectueusement nos semblables et à entreprendre des actions individuelles et collectives d’envergure ou véritablement novatrices. Avec le prix d’un lifting, on pourrait soigner à temps plusieurs lépreux, leur évitant ainsi d’être défigurés et d’avoir les mains rongées par la maladie. Avec le prix d’un gadget ou d’un vêtement qu’on jettera à la saison suivante, il serait possible d’offrir une bonne prothèse à un enfant ayant perdu une jambe en marchant sur une mine. L’un n’empêche pas nécessairement l’autre, mais il y a parfois des choix à faire. Il y a sans doute des aspects positifs à mettre au crédit de la publicité. Elle favorise notamment le dynamisme de nombreuses sphères d’activité. Mais cela se réalise souvent au détriment d’autres, jugés moins rentables financièrement et dans un état d’esprit qu’il me semble souhaitable de dépasser. Dans l’état actuel du monde, nous avons plus besoin d’équilibre que d’hyperactivité professionnelle.
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Pour briser le cercle vicieux dans lequel est engagé l’économie, c’est sans doute au niveau de l’information que nous pouvons intervenir avec le maximum d’efficacité. Il n’est guère possible d’être à la fois juge et partie. Pour éviter toute dissimulation et toute tentative de manipulation, l’information concernant les biens de consommation doit être assurée par des organismes totalement indépendants du secteur économique. Grâce à cette mesure, ceux qui travaillent dans la publicité seraient enfin libérés de la nécessité de faire acheter à tout prix. Leurs talents pourraient alors s’exprimer dans des directions plus respectueuses des êtres et des choses. Ils seraient d’ailleurs les premiers bénéficiaires de ce nouvel état d’esprit. Au lieu de stimuler artificiellement la consommation, ils donneraient, sous une forme attrayante toutes sortes d’explications. Chacun pourrait ainsi évaluer très précisément ses besoins réels et réaliser ses objectifs en évitant au maximum le gaspillage.
Ceux qui travailleraient dans ce secteur pourraient aussi avoir un rôle éducatif. Ils essaieraient de répandre un état d’esprit favorisant le respect de la vie ainsi que le goût et la volonté d’économiser les ressources de la planète. Ils encourageraient également les achats en commun et diffuseraient toutes sortes d’astuces permettant de se passer des produits polluants, encombrants ou trop coûteux. La publicité mériterait alors vraiment son nom, car elle rendrait public tout ce qui peut être utile. Sous l’impulsion de cette nouvelle orientation,elle pourrait même devenir un art à part entière.
Le commerce est le domaine intermédiaire entre production et consommation. Le rôle de ce secteur doit être de faire circuler les marchandises et d’aménager des cadres facilitant les échanges. Actuellement, dans une très large mesure, c’est le secteur commercial qui décide de ce qui doit être produit. C’est également lui qui oriente les choix des consommateurs. Éperonné par les exigences des spéculateurs, il travaille pour son propre compte, ayant complètement perdu de vue qu’il devrait avant tout être un trait d’union. Il doit être un relais qui insuffle un dynamisme mais demeure aussi neutre que possible. Tel assurément n’est pas le cas ! À cause de cette situation, les conditions de travail sont souvent plutôt médiocres, le milieu naturel est peu respecté et la qualité est plus apparente que réelle. De nombreux chefs d’entreprise déplorent de devoir suivre ce mouvement qui les contraint à brader leur conscience professionnelle et à faire abstraction de leurs états d’âme.
Cette situation n’a cependant rien d’inévitable. Un nouveau type de relation pourrait être mis en place. Pour l’instant, producteurs, consommateurs et distributeurs ont des intérêts dissociés. Les moyens de communication permettent désormais la création de réseaux où les trois groupes se trouveraient réunis. Il existe toujours un point d’équilibre où les intérêts de chacun peuvent être conciliés. Si on le cherche sincèrement, on finit par le trouver. La fonction majeure de ces associations serait de le découvrir. Si cela parvenait à être réalisé, il deviendrait possible d’organiser la production en fonction des aspirations et des besoins réels des consommateurs. Ceux-ci seraient mis au courant des différentes techniques et des difficultés rencontrées par leurs partenaires et ils en tiendraient compte pour formuler leurs demandes. Les vaines luttes d’influence seraient remplacées par une coopération efficace dans l’intérêt de tous. Dès lors, les Hommes ne seraient plus obligés de se plier aux lois inhumaines d’un mécanisme qui s’est emballé et qui broie ce qu’ils ont de plus précieux. Si les initiatives individuelles étaient activement soutenues par les pouvoirs publics, les chances de succès seraient considérablement augmentées. Au sein de ces associations s’élaborerait peut-être une économie au service de tous, qui prendrait en considération toutes les dimensions de l’être et à laquelle chacun pourrait participer de bon cœur.
- ↑ Les chiffres du Programme des Nations Unies pour le Développement sont éloquents : Pour éradiquer la faim, permettre l’accès à l’eau potable, loger chacun décemment et combattre les épidémies, il faudrait une somme dix fois inférieure à celle qui est dépensée pour la publicité.
Les objets en question
[modifier | modifier le wikicode]Les objets[1] que l’Homme fabrique lui ont permis d’acquérir une certaine indépendance à l’égard des conditions naturelles. Grâce à eux, les possibilités du genre humain ont été considérablement augmentées. À maints égards, notre existence est devenue moins dure et plus plus riche. Il y a malheureusement des effets secondaires indésirables. À partir d’un certain seuil, il peut même se produire un renversement. Le moyen de libération devient alors une cause de servitude et un problème. La relative sécurité qui avait été conquise à travers lui fait place à une insécurité diffuse ou plus radicale. Lorsque le serviteur est considéré comme indispensable, c’est lui qui de fait devient bien souvent le maître. Petit à petit, nous sommes devenus dépendants des objets et des structures qui permettent de les utiliser. Cet assujettissement nous rend très vulnérables. Notre capacité d’adaptation aux conditions naturelles ayant diminué, en cas de pénurie grave nous serions sans doute plus démunis et désemparés que l’étaient nos ancêtres.
Dans son sens habituel, un objet est une partie de la réalité qui a été façonnée ou aménagée pour assurer certaines fonctions. Ce n’est pas un simple matériau, mais ce n’est pas non plus un être vivant. Il reflète les désirs et les besoins de ceux à qui il est destiné, mais il n’a pas de volonté propre : le plus sophistiqué ne sera toujours qu’un automate. Les objets sont inconscients d’eux-mêmes et étrangers les uns aux autres : il n’y a pas entre eux de liens de vie, de cœur ou d’idées. À force de s’accumuler, ils forment une couche isolante qui mobilise une partie importante de notre énergie. De ce fait, malgré le temps qu’ils nous permettent d’épargner, nous parvenons difficilement à nous rendre disponibles pour réfléchir profondément et être attentifs aux êtres vivants. Le bonheur dépend moins de facteurs externes que de la qualité de ce que chacun ressent. Si l’on peut trouver en soi de quoi être heureux avec peu de choses, notre vie y gagne en aisance et en authenticité. Moins une personne a de besoins et plus elle est libre. Malheureusement, à cause du matérialisme ambiant, l’individu n’a plus guère confiance en ce qu’il peut générer en lui-même. Il n’ose plus faire un pas sans s’entourer d’accessoires.
Notre société d’hyper-consommation est le résultat d’un emballement du désir. Pour satisfaire les innombrables formes qu’il prend, l’humanité impose des conditions terribles aux autres espèces vivant sur la planète. Lui-même en subit les conséquences. Les effets destructeurs sont difficiles à prévoir, car ils se manifestent souvent de manière diffuse, parfois loin de la source. Ils apparaissent sous forme de conflits, de pollutions, et contribuent au sentiment de vide intérieur qui touche apparemment un nombre croissant de personnes. Les plus graves seront sans doute laissés en héritage aux générations futures. Pendant ce temps, par manque d’information, intérêt ou préjugé corporatiste, les experts discréditent les philosophies et les pratiques qui permettent de mener une existence épanouissante sans avoir recours à tous ces gadgets soi-disant indispensables et ces produits tous plus miraculeux les uns que les autres. Tous les secteurs sont contaminés. À cause de la logique absurde de notre mode d’organisation, ceux dont la profession consiste à aider autrui n’ont pas toujours intérêt à ce que soient mises en œuvre des solutions permettant de faire disparaître la cause des maux que leurs prestations se proposent de soulager ou d’éradiquer. Même si, au départ, leur choix était désintéressé et qu’ils sont toujours consciencieux, la crainte de se voir dépourvus d’emploi ou de raison d’être peut les inciter à privilégier instinctivement les solutions qui favorisent le maintien du désordre existant. À leur manière, les « mutins de Panurge » sont eux aussi des artisans de la stagnation. Installés dans une révolte systématique, sans risque et de bon ton, ils refusent de coopérer avec les pouvoirs en place même si les propositions vont réellement dans le sens du progrès. Le chemin de l’équilibre évolutif est évidemment difficile à trouver mais c’est le seul qui soit véritablement réaliste.
Nos choix sont très largement automatiques. Chacun d’entre nous a cependant la possibilité de les rendre plus conscients et libres. Avant de faire une nouvelle acquisition, prenons un peu de recul et interrogeons nous à son sujet : « Est-ce vraiment de cela dont j’ai besoin ? Cet achat ne pourrait il pas être remplacé avantageusement par un changement d’attitude ou par une activité créative permettant de parvenir à un résultat équivalent ? » Nous pouvons ensuite élargir notre champ d’investigation en nous demandant, par exemple : « Quelles seront les conséquences probables pour moi-même, pour les autres et le milieu naturel[2] ? Quelle vision du monde cela implique-t-il ? ». Si nous voulons être autre chose que des figurants, nous devons avoir le courage de nous déterminer en fonction des valeurs auxquelles nous croyons. Il est préférable de le faire progressivement et avec souplesse, en le vivant non comme un devoir qui nous impose d’héroïques privations mais comme un jeu libérateur.
Certaines productions plus que d’autres ont été conçues, réalisées et diffusées en respectant au maximum la dignité humaine et les équilibres écologiques : elles méritent d’être soutenues. Pour préserver notre liberté, nous éviterons tout ce qui pourrait nous engager sans raison majeure sur des voies irréversibles. Nous accorderons au contraire une attention particulière à tout ce qui peut nous aider à préserver ou accroître notre autonomie. La société de consommation a un pouvoir hypnotique : elle réduit le monde à un réseau dense et brillant, mais clos où nous oublions la prodigieuse diversité des possibilités que la vie nous offre. Une fois que les besoins de base sont satisfaits, il ne faut pas s’appesantir dans ce registre en consacrant beaucoup d’énergie pour l’enrichir. Il vaut mieux essayer de se tourner vers des satisfactions plus subtiles et des aspirations plus élevées. La plupart des Hommes passent leur vie à peaufiner le socle de leur existence, sans même songer à édifier l’œuvre d’art qu’il est destiné à soutenir.
Les objets peuvent faciliter certaines prises de conscience et nous aider à développer nos capacités. Ils ne constituent cependant pas en eux-mêmes un acquis faisant désormais partie de l’individu au même titre que la station debout ou le langage articulé. Ils ne sont pas non plus transmissibles par des voies naturelles. La plupart d’entre eux sont de simples prothèses ou alors des solutions provisoires, un peu comme ces youppalas (ou ces déambulateurs) qui facilitent les déplacements de ceux qui ne marchent pas encore ou qui ont pour l’instant des difficultés à y parvenir. Les objets sont utiles tant que nous n’avons pas développé les facultés permettant de parvenir au même résultat sans leur aide. Si nous atteignions ce stade, l’être humain pourrait concilier son désir de maîtrise avec son aspiration à vivre en harmonie avec l’ensemble de ce qui existe. Tel est le grand défi à relever : le seul qui nous permette de nous élever au dessus des lots de consolation dont nous devons actuellement nous contenter. Les conditions requises se trouvent peu à peu réunies.
Les réalisations de la technologie réduisent l'impact des déterminismes biologiques. Elles ont aussi un rôle éducatif en nous familiarisant avec toutes une gamme de possibilités. Il s’établit ainsi, grâce à elles, une relation qui prépare progressivement le terrain. Lorsque la connaissance de la matière et celle de notre psychisme auront atteint un degré de développement suffisant, la connexion entre les deux domaines pourra être réalisée. Si nous parvenons à un haut degré de culture de nos facultés mentales et une compréhension intime du monde, nous pouvons espérer atteindre – sans le secours d’aucun accessoire – des objectifs qui nécessitent aujourd’hui le recours à un appareillage très complexe. Comme la technique fait appel à des supports matériels de plus en plus légers, discrets et faciles à manipuler, une telle perspective devient de moins en moins improbable. Si nous choisissons de prendre cette orientation, nous apprendrons à mieux utiliser notre volonté et nous maîtriserons mieux les facteurs susceptibles de favoriser la réceptivité et la créativité. La frontière entre l’esprit et la matière deviendra de plus en plus perméable, ouvrant ainsi la voie à un déchiffrement approfondi de leur langue commune. La connaissance de l’alphabet qui leur permet de communiquer nous permettra d’envisager une contribution consciente à l’évolution. Une plus grande liberté de mouvement sera possible, ainsi qu’une insertion plus harmonieuse dans le monde. La technologie sera réduite au minimum et pour les cas où il n’existe pas d’autre solution accessible. Les objets étant plus rares, ils pourraient être finement personnalisés et réalisés dans les meilleures conditions. Comme ils seraient conçus pour résister aux assauts du temps et être transformables ou facilement recyclables, il n’y aurait pour ainsi dire jamais de déchets. D’une beauté qui inspire le respect, ils feraient partie intégrante d’un art de vivre où l’Homme ne tyranniserait plus la nature mais l’ennoblirait en l’élevant au dessus de son état actuel.
- ↑ Ce qui concerne les objets s’applique aussi, dans une large mesure, à tous les médiateurs, techniques, dispositifs et artefacts en tous genres : en particulier les produits, les services et les institutions. Comme nous sommes absorbés par le perfectionnement constant des moyens que nous employons, nous les traitons comme s’ils étaient une fin en soi, en perdant de vue les objectifs originels pour lesquels ils ont été conçus. – Améliorer les rendements et diminuer les coûts de production ne sont pas des objectifs qui devraient occuper un rôle central dans l’agriculture. Pour que celle-ci remplisse intégralement son rôle, il faudrait mettre l’accent sur sa fonction centrale : procurer à chaque génération la meilleure nourriture possible en quantité suffisante. – Dans le domaine de la culture, nous avons aussi tendance à nous concentrer sur les techniques ou les modes d’expression, en oubliant souvent que l’essentiel est ici immatériel. L’œuvre d’art proprement dite n’est pas le tableau, le poème ou la mélodie, mais l’empreinte laissée dans la conscience de l’auditeur ou du spectateur. – De même, la médecine ne doit pas être fondée sur l’acte médical et ses accessoires, mais sur la notion de santé et les conditions qui la favorisent. Dans tous les secteurs, nous aurions besoin de changer de perspective : considérer en priorité non plus le produit, l’action entreprise ou l’institution, mais l’apport réel qui en résulte.
- ↑ Voir à ce sujet l’ouvrage Sauvez cette planète : mode d’emploi de Dominique Glocheux, aux éditions Marabout.
Culte de l’argent et espaces de gratuité
[modifier | modifier le wikicode]Au fur et à mesure que la complexité des sociétés s’accroit, un certain nombre d’institutions se mettent à apparaître. L’argent est l’une d’entre elles. Donné généralement en contrepartie d’un bien, d’un service rendu ou pour réparer un préjudice, il permet d’accéder à une multitude de droits que l’on pourra faire valoir ensuite auprès d’un grand nombre de personnes.
L’argent rend possible les échanges au delà du cercle restreint de ceux qui peuvent nous être utiles personnellement. Grâce à cet intermédiaire, la réciprocité s’établit là où elle semblait impossible. L’argent peut contribuer aux rapprochements entre les communautés naturelles. Il favorise aussi l’élargissement du champ des possibilités. Ceux qui en possèdent acquièrent également une certaine indépendance par rapport aux choix du groupe auquel ils appartiennent. Malheureusement, en raison de notre égoïsme, il est souvent utilisé pour avoir la mainmise sur les biens ou pour exercer un pouvoir sur les Hommes. Comme il permet la satisfaction de nombreux désirs, en posséder autant que possible est devenu une préoccupation centrale. Se retrouver avec davantage d’argent est sans doute l’événement matériel qui est souhaité par le plus grand nombre de gens. L’argent est peu à peu devenu une sorte d’idole à laquelle nous sacrifions ce que nous avons de plus précieux : notre temps, notre santé physique et mentale ; parfois aussi, nos états d’âme et nos idéaux. Comme il ouvre presque toutes les portes ordinaires, il est devenu pour la plupart d’entre nous, synonyme de liberté. Mais les désirs peuvent être des tyrans qui nous dirigent à notre corps défendant. Avoir les moyens de les satisfaire n’a rien à voir avec la véritable liberté. Celle-ci ne s’achète pas : elle se conquiert en prenant appui sur notre valeur personnelle.
La richesse ne reflète pas l’ampleur des services rendus : elle est tout simplement la conséquence d’une certaine habileté ou de circonstances favorables. De nombreux bienfaiteurs de l’humanité ont vécu dans la misère. Inversement, un malfaiteur comme Al Capone était parvenu à accumuler une fortune immense. La logique du profit maximum conduit à des pratiques particulièrement perverses tel que l’obsolescence programmée des objets conçus pour ne pas durer longtemps ou être irréparables. Pour maintenir le prix de certaine ressources à un niveau élevé, d’énormes quantités de denrées alimentaires sont détruites. Le pouvoir de l’argent est parfois redoutable. Les spéculateurs peuvent, en un clin d’œil, réduire à la misère des milliers de personnes. Et ils agissent ainsi sans véritablement se poser de questions, dans le seul but d’accroître leurs profits pourtant déjà considérables.
La majeure partie de l’humanité n’est pas encore prête pour travailler de manière désintéressée. Il est donc nécessaire que ce que l’on gagne soit proportionnel à l’effort et à l’apport bénéfique qui en résulte pour d’autres que soi. La situation actuelle est bien différente. Dans les cas extrêmes, l’argent n’est même plus investi pour développer la production de biens ou de services, il est utilisé de façon à réaliser directement des profits en spéculant sur le cours des monnaies ou celui des marchandises. L’accroissement des responsabilités s’accompagne généralement d’une augmentation de salaire. Dans les situations de pénurie même relatives, une telle mesure est souhaitable. Lorsqu’on a des décisions importantes à prendre, il vaut mieux disposer d’une autonomie assez importante et ne pas être accaparé par les soucis matériels. Mais ces suppléments sont souvent démesurés. Ressentis comme des privilèges, ils deviennent l’objet de convoitises. De ce fait, les hautes fonctions ne sont pas occupées par les personnes qui se sentent particulièrement concernées par la tâche à accomplir mais par celles qui sont intéressées par l’importance du salaire. Comme tout le monde en est conscient, les autorités de toute nature n’inspirent pas de véritable respect. La fonction elle-même est touchée par l’esprit de dérision qui en résulte. Être doté d’aptitudes importantes et d’un grand dynamisme est une chance. En faire bénéficier les autres en se rendant utile est tout naturel et procure en soi une réelle satisfaction. Pourquoi vouloir en retirer des avantages supplémentaires qui accentuent encore les inégalités déjà présentes ? Cette course à l’argent est une cause de recul social et éthique. Certaines personnes ont un revenu égal à celui d’un état de taille moyenne. En maints endroits, ils peuvent imposer leurs choix politiques, même lorsque cela va à l’encontre de décisions prises dans l’intérêt général, par des voies démocratiques.
Dans certains milieux professionnels, il est presque devenu naturel de se considérer comme un produit que l’on vend au plus offrant, parfois même à n’importe quel prix, simplement pour survivre. Les pouvoirs publics cautionnent cette attitude en organisant des stages où l’on apprend à se mettre en valeur pour être plus compétitif sur le marché du travail. Les responsables ne se rendent apparemment pas compte à quel point ce qu’ils proposent est dégradant. De plus, cela ne résout rien au niveau global : une fois de plus, c’est un jeu à somme nulle. Parfois, les exigences des actionnaires sont telles que, pour un gain de productivité relativement faible, il est nécessaire de consentir à une diminution importante de la qualité – ce que les producteurs consciencieux déplorent. Chacun est à la fois responsable et victime. Les investisseurs sont aussi des clients, conditionnés de toutes parts et esclaves de leurs désirs et de leurs peurs. La machine économique que nous avons crée obéit actuellement à sa propre logique sans que personne ne puisse véritablement décider de la voie à suivre. Tant que les intérêts des actionnaires seront privilégiés par rapport à ceux des consommateurs et des producteurs, l’économie ne pourra pas être véritablement au service de l’Homme. Il nous faut donc changer notre attitude envers l’argent : le considérer non comme un abri, un passe-partout ou un piédestal, mais comme une source d’énergie destinée, telle une sève, à alimenter tout ce qui va dans le sens de l’harmonie et d’un véritable progrès qui ne laisse personne de côté. Que les besoins de tous soient satisfaits et que chacun se trouve dans une situation lui permettant de contribuer le mieux possible à la prospérité générale : tel pourrait être le principe sur lequel nous devrions essayer de faire reposer l’économie.
Souvent, nous essayons de compenser notre dénuement intérieur par une surabondance de richesses extérieures. Mais ce substitut ne procure jamais l’apaisement espéré, car n’étant pas spécifiques comme les besoins, les désirs sont illimités. Le plus grand bonheur découle tout naturellement du dépassement de soi. La valeur personnelle est ce qui nous permet d’ajouter gratuitement quelque chose à la vie. C’est cela notre véritable propriété. Elle est à l’abri de bien des fluctuations. En faire bénéficier d’autres ne nous appauvrit pas, bien au contraire : on s’enrichit en la partageant. Les riches et les puissants souffrent généralement d’être privés de l’essentiel. De loin, ils peuvent faire illusion ; mais en réalité ils vivent dans l’isolement et l’insatisfaction. Le bonheur authentique dilate le cœur et rend sensible au sort d’autrui. Si les gens riches étaient vraiment heureux, ils auraient spontanément envie de partager. Finalement, eux aussi auraient tout à gagner d’une répartition plus harmonieuse des richesses et des pouvoirs.
Le plaisir direct que procure le luxe n’est pas, la plupart du temps, la raison principale de son attrait. Quand on possède une chose en permanence, elle finit par lasser et, quel que soit son prix, elle cesse d’être considérée comme précieuse. En tant que signe visible de la réussite sociale, le luxe matériel permet de jouir du regard admiratif de ceux qui croient qu’il rend heureux. Il donne l’apparence d’une véritable distinction. C’est un succédané ou une imitation du sacré, de l’art ou de la fête. En lui, l’esthétique est mise au service du simple plaisir de l’individu, sans référence à des valeurs plus essentielles. Naturellement, comme tout exposé critique, celui-ci demande à être tempéré par par des considérations complémentaires. Il n’est pas prudent de trop exiger de la nature humaine. Peut-être l’étalage du luxe remplace-t-il dans certains cas celui de la force ? Il n’est pas impossible que, dans une certaine mesure tout au moins, ce substitut fasse diminuer le taux de violence et les probabilités de guerre. Le luxe peut également contribuer au dépassement d’une conception du monde trop utilitaire. Même les plus pauvres lui sacrifient une place à la mesure de leurs moyens. Cela leur permet de goûter temporairement un état de plénitude. Chacun devrait pouvoir bénéficier à tour de rôle de ce qui est raffiné, somptueux et grandiose. Une telle possibilité empêcherait à la fois l’accoutumance et la jalousie. Elle épargnerait en grande partie la course aux simulacres que nous venons d’évoquer. Dans ces lieux accessibles à tous, les artisans talentueux pourraient réaliser de riches ouvrages sans avoir à se conformer aux directives de la minorité la plus fortunée. Ce domaine public de qualité favoriserait le sens de l’unité et éviterait l’identification trop stricte avec la situation sociale et les conditions qui s’y rapportent.
Nous avons élaboré un système d’échange qui isole et insensibilise. Il serait souhaitable de le reformuler en accordant davantage de place à la joie du plaisir partagé. Tout peut changer. Si les personnes en vue adoptent un art de vivre ou une philosophie qui semble bénéfique, la plupart des gens auront envie de s’y rallier. En attendant, si faiblement que ce soit, chacun d’entre nous peut infléchir le cours des flux de vie qui sont à sa portée. Au lieu de nous plier à la tyrannie des désirs dominants, essayons de répartir équitablement notre argent entre les différentes composantes de notre être, en tenant compte de la hiérarchie des valeurs qui pour l’instant nous paraît devoir être respectée. Et plutôt que de nos précipiter, ainsi que des gloutons, sur les placements qui augmentent le plus notre capital, faisons preuve d’un peu d’élégance. Des solutions de remplacement existent. La plus simple consiste à confier notre argent aux banques qui soutiennent les entreprises et les institutions respectueuses de l’Homme et de la nature. Cette épargne responsable et solidaire est un moyen très simple mais efficace de participer à l’édification d’un monde meilleur. Dans tout bilan sérieux, les bénéfices et les pertes de toute nature doivent être prise en compte. Et ce qui ne se comptabilise pas ou n’est le fruit d’aucun calcul est loin d’être quantité négligeable. Les gestes accomplis gratuitement sont ceux qui ont le plus de valeur. Ils sont par ailleurs extrêmement féconds et leur pouvoir libérateur est immense.
Nous pouvons également faire reculer la toute puissance de l’argent en valorisant ou en développant les relations qui ne s’inscrivent pas dans le cadre de l’économie marchande. Toutes sortes de solutions peuvent être expérimentées. L’une d’entre elles consisterait à créer un peu partout des espaces de gratuité et d’entraide. Ils pourraient être le fruit d’une coopération entre les pouvoirs publics et les initiatives locales. Chaque village, chaque quartier disposerait d’un espace à aménager et d’un bâtiment considéré comme la maison de tous. Ce cadre permettrait la mise en commun volontaire de tout ce qui peut l’être. Ceux qui le souhaitent donneraient les ustensiles et les produits dont ils n’ont plus besoin. Les objets auraient ainsi la possibilité de connaître une seconde vie et pourraient être acquis gratuitement par tous. La priorité serait accordée aux plus pauvres et à ceux qui ont un besoin spécifique. Ceci, bien sûr, pour leur usage personnel et non pour les revendre. Des vérifications et des parades seraient prévues.
Pour faciliter la circulation des objets, on mettrait en place un système des prêts anonymes ou de personne à personne. Pour ne pas décourager les bonnes volontés, des garanties seraient prévues. Des coordinateurs élus ou des animateurs appartenant à la fonction publique serviraient de caution, feraient procéder à d’éventuelles réparations et veilleraient à la bonne marche de l’ensemble. Dans la mesure de leurs aptitudes, les habitants du quartier participeraient à la conception et à la construction des édifices. Les bâtiments seraient conçus de façon à pouvoir s’adapter à de multiples circonstances et composés d’éléments démontables afin qu’ils soient aisément transformables. De multiples expériences architecturales trouveraient là un terrain d’expression. Lorsque la situation le permettrait, il y aurait aussi des jardins et des aires de jeux. À travers leurs espoirs, leurs réalisations et la nature des difficultés rencontrées, ces lieux refléteraient l’atmosphère et le dynamisme de la vie locale. Chacun y serait un peu chez lui et pourrait s’y ressourcer et y insuffler un peu de lui-même. Ceux qui aiment se rendre utiles auraient mille occasions d’apporter leur contribution, notamment en consacrant un peu de leur temps à aider les personnes du voisinage dans un domaine ou un autre. On assisterait ainsi à la mise en place d’espaces où donateurs et bénéficiaires se rencontreraient sur une base d’égalité et découvriraient leur complémentarité. La compréhension mutuelle serait facilitée par le fait que les rôles seraient fréquemment inversés. À cette échelle, la sensibilité et la conscience disposent encore d’informations de première main, ce qui facilite également les prises de conscience.
Dans cet oasis aux multiples dimensions, tout serait volontaire et gratuit. Il n’y aurait ni troc ni échange, ni attente de réciprocité d’aucune sorte. Une telle précaution est indispensable pour préserver l’esprit du don et la liberté de chacun. Elle permettrait également d’éviter toute forme de concurrence risquant de porter préjudice au commerce local et à ceux qui vivent de l’artisanat. Toutes les dimensions de l’humain trouveraient ici un terrain d’expression. Dans « la maison de tous », on apprendrait à connaître les autres de manière plus authentique. Des soirées seraient organisées pour dialoguer et se détendre. Ces rencontres et ces activités déboucheraient peut-être sur une entraide de plus grande envergure par-delà les frontières, donnant naissance à de vastes réseaux qui de proche en proche mettraient chaque participant en relation avec l’ensemble de l’humanité.
La vie ordinaire doit quelquefois être mise entre parenthèse. De temps à autre, des fêtes pourraient être organisées. Ces jours là, grâce à la participation bénévole de tous ceux qui se sentiraient concernés, tout serait entièrement gratuit : les attractions et les spectacles mais aussi les services qui s’y rapportent. Toutes générations confondues, on s’amuserait, on éprouverait toutes sortes d’émotions en commun, on créerait ensemble, oubliant pour l’heure le personnage que l’on joue habituellement dans le grand théâtre de la vie sociale. Chacun apporterait un peu de nourriture et de boisson que l’on partagerait pour un vrai repas de fête qui laisserait une empreinte profonde dans les cœurs et les consciences.
Pour une entreprise à visage humain
[modifier | modifier le wikicode]Un grand nombre de biens et de services sont disponibles grâce à l’activité des entreprises. Ce qui se passe à l’intérieur de ce cadre est important à plus d’un titre. L’état d’esprit qui y règne n’a pas seulement une influence sur la qualité des services ou des produits, il se répercute également sur la vie privée et le comportement social de ceux qui y travaillent.
La plupart des entreprises sont actuellement tributaires d’un système économique qui les pousse à adopter des stratégies de guerre. Celles qui satisfont les mêmes besoins qu’elles sont considérées comme des adversaires potentiels qu’il faut neutraliser ou éliminer. Beaucoup considèrent que ceci est indispensable pour maintenir ses positions et conquérir des parts de marché. Les employés subissent parfois une sorte d’embrigadement idéologique pour qu’ils suivent le mouvement sans état d’âme et consentent à d’importants sacrifices. Mais bien souvent, la conscience de la précarité de leur situation suffit. De nos jours, les Hommes et les machines se trouvent mis en concurrence dans un grand nombre de domaines. Lorsqu’il s’agit de trancher en faveur de l’un ou de l’autre, les facteurs humains sont rarement l’élément déterminant. – En tous cas, pas pour l’instant. Durant les périodes où le chômage est important, les salariés doivent accepter toutes sortes d’atteintes à leur dignité. S’ils refusent de se soumettre à ce qui est exigé d’eux, on leur rappelle qu’ils peuvent facilement être remplacés par d’autres, tout aussi compétents, qui seraient très heureux de pouvoir occuper ce poste, même dans ces conditions. Les cadres eux-mêmes sont soumis à ce régime. Chacun vit donc avec un sentiment d’insécurité quelle que soit la fonction qu’il occupe. La situation du client-roi n’est pas plus enviable. On prend soin de sa petite personne dans la mesure où il semble solvable et susceptible d’être intéressé par le produit Mais si plus tard il se trouve dans l’impossibilité de payer ses traites, on emploiera avec lui un tout autre langage que celui du cœur. Dans cette économie dominée par l’esprit calculateur, les sentiments les plus humains parviennent tout de même à jouer un rôle, mais c’est presque par effraction.
Cette situation n’a rien d’une fatalité. Ce n’est pas non plus la faute d’une classe dirigeante ou la conséquence inévitable de conditions particulières : elle est le résultat d’une attitude. L’esprit de solidarité et le courage font défaut à tous les échelons. S’il n’y avait pas eu tant d’avidité, de démissions, de visions à court terme et de fuite devant les responsabilités, un système aussi mesquin n’aurait jamais pu se mettre en place. Heureusement, les ressources humaines sont loin d’être épuisées. Si nous retrouvons le carrefour où nous nous sommes trompés de chemin, les meilleures d’entre elles pourront diriger le cours de nos vies.
Une entreprise est avant tout un lieu où des personnes sont réunies afin de travailler pour leurs semblables. Ici comme ailleurs, nul ne doit traiter l’autre comme un moyen. Et nul ne devrait accepter d’être considéré uniquement en fonction des avantages qu’il procure. Derrière la fonction, il y a une personne. Chacun a une certaine vision du monde, une sensibilité particulière et des capacités de résistance limitées. Quelle que soit sa place dans sa hiérarchie, toutes les dimensions de son être doivent être prises en considération. Si cela était effectivement le cas, un plus haut degré d’harmonie en résulterait et tous en retireraient finalement un bénéfice. La malédiction qui pèse sur le monde du travail peut et doit être levée. Il serait absurde de continuer à mener une double vie : celle des dures nécessités, où l’on se prête à de nombreux compromis et une autre, où l’on s’efforce de vivre en accord avec les idéaux de l’humanité. Une telle division a sans doute été indispensable pour que la seconde puisse se développer de manière autonome et soit protégée contre les risques d’étouffement. Toutefois, si nous voulons vivre vraiment, nous devons dépasser ce stade.
Les pouvoirs publics encouragent la création artistique. Ils contribuent aussi au financement de la recherche scientifique. Pourquoi ne soutiendraient ils pas également les démarches et les expériences susceptibles de déboucher sur des innovations sociales fécondes ? Un nouveau type d’entreprise pourrait ainsi être crée. Considérées comme des sortes de laboratoires, elles permettraient de tester des solutions visant à améliorer la qualité des rapports sociaux. Tous les participants seraient évidemment des vrais volontaires. Les plus concluantes seraient ensuite étendues à une plus grande échelle. Elles ouvriraient peut-être la voie à une économie plus généreuse où même le sens poétique aurait un rôle à jouer. En attendant que les responsables politiques adoptent des mesures allant dans ce sens, c’est aux particuliers que revient la responsabilité de promouvoir cette façon de concevoir le progrès social. De nombreuses voies méritent d’être explorées.
La production standardisée engendre une compétition forcenée. Certaines entreprises pourraient se mettre à fabriquer des objets personnalisés, faciles à réparer, à recycler ou à transformer. Dans un premier temps tout au moins, à cause de l’originalité de leur production, elles ne seraient pas directement en concurrence avec d’autres et l’atmosphère s’en ressentirait. Cela permettrait sans doute une amélioration de la qualité des conditions de travail et des relations avec les clients et le milieu naturel. Si nous voulons vivre dans un monde meilleur, nous devons consentir de bon cœur à quelques sacrifices. Il est naturel de payer plus cher ce qui a été produit en respectant les équilibres écologiques, la personnalité de l’utilisateur et la dignité des employés. Ceux qui aimeraient participer au développement de ce mode de production pourraient se rassembler au sein de réseaux de solidarité qui assureraient une partie de l’investissement ou achèteraient en priorité ces produits d’une plus grande valeur éthique et esthétique. Ce seraient peut-être les prémisses d’une nouveau type d’économie qui coexisterait avec le système actuel. D’innombrables possibilités s’offrent actuellement à l’humanité. L’important est de réveiller nos propres rêves. Pour cela nous devons cesser de nous laisser hypnotiser par ce monde de papier mâché et ses marionnettes qui nous assurent que notre mode d’organisation est conforme à l’ordre des choses, ou tout au moins qu’il est le moins mauvais, compte tenu des limites de la nature humaine.
L’hyper-spécialisation engendre un sentiment d’isolement. Lorsqu’on est assigné à un poste, accaparé en permanence par un certain genre d’activités, on peut difficilement être conscient de ce que les autres ont à vivre. L’identification avec une fonction unique accentue les risques de rigidité dans les relations humaines. Comme chacun est tenu d’atteindre certains objectifs, il se voit dans l’obligation d’exiger des autres ce qui lui permet de respecter ses engagements. Les antagonismes prennent alors le pas sur le sentiment d’être réunis dans un même but. Ceux qui le souhaitent devraient pouvoir assumer tour à tour plusieurs fonctions nettement distinctes. Ce genre d’aménagement est sans doute possible dans la majeure partie des cas. Les choix s’effectueraient en fonction du contexte et des aptitudes de chacun. Le changement d’activité se produirait selon les rythmes qui conviendraient le mieux aux besoins des différents partenaires : à l’échelle de la journée, de la semaine ou de l’année. Pour assurer une diversité suffisante, des accords entre entreprises pourraient être passés. Dans le même temps, des informations sur leur fonctionnement pourraient être diffusées. Chacun aurait ainsi une bien meilleure compréhension du point de vue des autres. Il verrait de l’intérieur les difficultés auxquelles ils se trouvent confrontés. Une coopération plus chaleureuse et efficace en découlerait. Les bénéfices seraient également importants. Après un effort intellectuel intense, les activités manuelles délassent et permettent de se ressourcer. Inversement, après un travail très physique ou répétitif, l’activité créative ou relationnelle est réparatrice et stimulante. Cette alternance aurait des effets bénéfiques, notamment sur la santé. De plus, chacun de ces domaines permet de développer des qualités pouvant s’avérer très utiles dans les autres. Cette diversité des fonctions favoriserait le développement de personnalités plus riches, attentives à leurs semblables et davantage ouvertes sur les différents aspects de l’existence.
Tout ce qui relie favorise l’adaptation et la communication. Des passerelles ou des transitions doivent être aménagées partout où un fossé risque de se creuser. Pour beaucoup, il existe une opposition entre les loisirs et le travail. Les premiers sont vécus comme une source d’épanouissement. Le second est souvent considéré comme quelque chose qui est pénible et peu exaltant, mais néanmoins nécessaire pour obtenir ce qui nous permet de satisfaire nos besoins. Cette dichotomie est surtout présente chez ceux qui doivent se contenter d’obéir aux directives : plus l’autonomie et la possibilité de s’exprimer sont importantes, plus elle s’estompe. Pour que nous puissions vivre à plein temps, il serait souhaitable de repenser les tâches de façon à les rendre plus agréables, valorisantes et favorables à l’équilibre de la personne. C’est un champ de recherche passionnant auxquels beaucoup d’artistes et de psychologues pourraient contribuer. La qualité des relations mériterait elle aussi de devenir un objectif prioritaire. Si l’on tient compte de tout, aucun préjudice matériel n’en résulterait. Si chacun a le sentiment d’effectuer une tâche véritablement utile et s’il sait qu’il peut compter sur l’aide et la compréhension de ses collègues, il donnera plus facilement le meilleur de lui-même. Avoir comme fondement de l’économie une coopération aussi agréable que possible pour le bien de tous peut sembler naïf, mais c’est sans doute la seule façon de sortir des impasses sociales et écologiques où nous sommes engagés. Insuffler un supplément d’âme dans le monde du travail n’est cependant pas sans risque ; en particulier celui de voir se mettre en place une sorte de religion d’entreprise qui englue l’individu. Chacun doit rester libre de décider sur quels bases et à quel degré il est prêt à s’impliquer.
L’entrée dans la vie active peut se faire par étapes, et la charge de travail être réduite graduellement à partir du moment où les forces et les capacités commencent à diminuer. Pour autant qu’ils le souhaitent, les retraités devraient pouvoir rester en contact avec la vie professionnelle, de préférence à titre bénévole et de façon épisodique, pour le simple plaisir de faire bénéficier les autres de leur expérience et pour continuer à se sentir pleinement intégré dans le mouvement de la vie. Les enfants eux-mêmes pourraient faire de temps à autre une apparition sur les lieux de travail, ne serait-ce que pour rappeler aux adultes que tout ceci est un jeu qu’il ne faut pas prendre trop au sérieux. Souvent, les meilleures solutions apparaissent lorsqu’on parvient à se dégager des cadres habituels. La présence et les réflexions des enfants créeraient sans doute une effervescence qui ferait germer quelques idées neuves.
Tout le monde n’attribue pas la même importance à l’argent. Ceux qui ont d’autres valeurs prioritaires déplorent de devoir se plier aux objectifs de ceux qui détiennent le pouvoir économique. Les personnes qui en ressentent le besoin devraient avoir la possibilité de rejoindre des entreprises où la distinction entre actionnaire et salarié serait atténuée ou n’aurait plus cours. Tous les participants auraient un statut d’associés et recevraient une part de bénéfice en proportion de la pénibilité du travail et des services rendus. Les décisions relatives à la production seraient prises par ceux qui ont les compétences requises. Par contre tout ce qui concerne les conditions de travail serait décidé de façon totalement démocratique. À cet égard, chacun disposerait d’un pouvoir égal, quel que soit sa place dans la hiérarchie. Et il en irait de même lorsqu’il s’agirait de la répartition des bénéfices. Les pouvoirs publics veilleraient à ce qu’un minimum soit assuré à tous en cas de difficulté. L’accès aux capital demanderait lui aussi à être revu en fonction de ces principes. Les entrepreneurs porteurs de projets intéressants et viables devraient pouvoir disposer facilement des capitaux nécessaires pour les mener à bien sans s’endetter, même si au départ ils ne possèdent aucune fortune personnelle. Ici également, l’aide de l’état ou des collectivités locales pourrait se conjuguer avec le soutien des particuliers qui sont en sympathie avec les objectifs poursuivis.
Grâce à toutes ces modulations chacun parviendrait plus facilement à trouver une place qui serait satisfaisante pour lui tout en étant socialement utile. La plupart des frustrations et des tensions s’estomperaient sans doute. La période actuelle est propice aux changements de cap. Il nous appartient de faire évoluer les sociétés dans un sens ou un autre. Les obstacles qui se dressent devant nous ne sont pas insurmontables. Les solutions peuvent varier considérablement selon le contexte. L’une d’entre elles me semble pouvoir concilier notre besoin de sécurité et notre soif de liberté. Deux sphères distinctes pourraient coexister.
- La première assurerait un service minimum pour chacun d’entre nous, ainsi que cela est prévu dans la Convention des Droits de l’Homme. Elle couvrirait les besoin élémentaires dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la nourriture et du logement.
- La seconde, placée sous le signe de l’aventure serait animée par le libre jeu d’une concurrence loyale et civilisée. Celle-ci permettrait d’acquérir tout ce qui peut donner un relief supplémentaire à la vie. Elle libérerait un espace pour l’affirmation personnelle et stimulerait la créativité et une certaine forme de dépassement de soi.
Vers une meilleure santé
[modifier | modifier le wikicode]Grâce aux apports de la médecine moderne, de nombreuses maladies sont désormais soignées avec succès et des handicaps importants peuvent être corrigés ou atténués. Nous sommes également moins impuissants en face de la douleur. Mais sommes nous pour autant en bonne santé ?
Nous vivons rarement en bonne intelligence avec notre corps. Dès que nous ressentons un malaise, nous prenons un médicament. Or les petites maladies sont en général des réactions de défense de l’organisme. La plupart d’entre elles contribuent à notre santé. En les éliminant systématiquement, nous perturbons des processus chargés de nous protéger. Les symptômes sont des signaux qui indiquent qu’il se passe quelque chose d’anormal. Le caractère difficilement tolérable de la sensation incite à tout mettre en œuvre pour trouver une solution. Souvent, au lieu de rechercher la cause de la perturbation et d’agir sur elle, nous nous contentons de réduire au silence le signal d’alarme. Comme il ne nous dérange plus, nous sommes soulagés. Mais jusqu’à quand ? Le message exprimé par le symptôme n’a pas été déchiffré. Les raisons du dérèglement n’ont été ni recherchées ni prises en considération. Le problème rencontré par l’organisme reste donc sans solution. La maladie risque alors de revenir sous une forme ou une autre, au même endroit ou dans une autre partie du corps.
La médecine conventionnelle pallie généralement au plus pressé. Elle se concentre sur la lutte contre les maladies, n’accordant qu’une faible attention à la santé proprement dite et à tout ce qui permet de la conquérir ou de la restaurer en profondeur. La santé n’est pas seulement l’absence d’incapacité ou de sensation douloureuse. Elle implique aussi un sentiment de bien-être, une sensibilité en éveil et un certain dynamisme dans la pensée comme dans l’action. Pour des raisons de commodité, le corps est souvent assimilé à une sorte de machine d’une grande complexité. On néglige le fait que des échanges de toute nature ont lieu en permanence entre les différentes parties de l’organisme, le psychisme et le milieu ambiant. La souffrance et la maladie sont des événements qui n’ont pas que des aspects négatifs. Ils peuvent être l’occasion de prises de conscience bénéfiques pour l’ensemble de l’existence. La médecine allopathique obtient des résultats assez réguliers car, au niveau moléculaire, les processus se déroulent de manière plus ou moins automatique, sans être grandement influencées par les particularités des individus. Elle permet d’éliminer les symptômes sans que le patient ait à modifier son comportement et sans qu’il soit nécessaire d’agir sur les conditions extérieures qui nuisent à sa santé. Comme toutes les solutions de facilité, celle-ci a son revers. À cause de cette dépendance envers la médecine, nos facultés d’adaptation et notre résistance ont tendance à diminuer.
Il serait préférable de faire reposer la santé sur la stimulation et la mobilisation des ressources personnelles. Le corps possède sa propre intelligence et des facultés d’auto-réparation. Le recours aux traitements offensifs doit être provisoire ou réservé aux cas où il est indispensable. Il existe d’autres types de réponse qui tiennent mieux compte des équilibres existants. Elles ont également l’avantage de renforcer les capacités de réaction de l’organisme. Chacun peut apprendre à faire connaissance avec son corps, être à l’écoute de ce qui s’y passe et devenir conscient de ses possibilités et de ses limites. Cette compréhension lui permettrait d’augmenter son potentiel et son système de défense. Depuis des millénaires, des recherches ont été entreprises dans ce sens. Beaucoup se fondent sur l’interdépendance du corps et du psychisme : toute action au niveau de l’un ayant des répercussions dans l’autre. À chaque tempérament correspondent des moyens appropriés : massages, bains, travail sur le souffle, gymnastiques diverses ou pensée positive, par exemple. L’activité artistique et le recours aux thérapies psychologiques peuvent elles aussi contribuer à l’amélioration de la santé. Et il en va de même pour la nourriture : chaque aliment a des propriétés spécifiques qu’il est possible d’utiliser à bon escient. Ces différents procédés ne doivent pas être considérés comme de simples recettes. L’état d’esprit avec lequel ils sont abordés est déterminant. Il est en outre nécessaire qu’ils soient adaptés aux particularités de chacun, qu’ils s’inscrivent dans le projet de vie du sujet et tiennent compte des conclusions issues de ses observations personnelles.
Peu de recherches sont entreprises dans le domaine des médecines alternatives. Il faut dire que les solutions peu coûteuses vont à l’encontre de la logique économique actuelle. Pour l’industrie du médicament, le patient idéal est celui qui vit longtemps mais qui a souvent besoin de ses produits. Dans le contexte actuel, mener une vie saine, prendre soin de sa nourriture et avoir un bon équilibre est dangereux pour la santé financière des grandes firmes pharmaceutiques. Certaines d’entre elles sont très influentes et jouent un rôle important dans la formation des médecins. Souvent, elles détiennent la majeure partie des revues spécialisées. Dans le prix d’un médicament, le pourcentage alloué à la promotion du produit est deux à quatre fois plus important que celui de la recherche. À cause de cette mainmise sur l’information, le public et les praticiens subissent un conditionnement qui empêche la mise en place de politiques de prévention qui s’attaquent directement à la racine du mal. Si les médecins recevaient une formation plus complète, ils auraient une ouverture sur l’ensemble des thérapeutiques sérieuses. Ils pourraient ainsi orienter chacun vers celles qui conviennent le mieux à son cas, à ses affinités et à son histoire personnelle.
Les moyens d’investigation désormais accessibles étant très performants : il serait possible de procéder à des examens approfondis révélant clairement l’évolution de l’état de santé des patients. Pour créer une synergie, les praticiens de différentes approches pourraient s’associer au sein d’un même cabinet ou coopérer étroitement. Ils seraient ainsi moins dépendants de l’industrie médico-pharmaceutique et des orientations qu’elle impose. Un certain nombre de réformes pourraient également être entreprises afin de les aider à assumer pleinement la fonction d’éducateur de santé. Le mode de rémunération demanderait lui aussi à être repensé. Les médecins ne doivent pas être pénalisés financièrement si leur clientèle a moins besoin d’eux; ce qui pourrait bien arriver s’ils pratiquent un art médical de haut niveau. Pour les aider à aller dans ce sens, une participation des pouvoirs publics pourrait être prévue. Elle compenserait le manque à gagner et encouragerait ainsi des soins et une prévention de qualité.
Notre santé dépend aussi de l’état de la planète. Nous commençons à prendre conscience des conséquences de notre activité désordonnée. Le réveil est un peu difficile. Nous avons laissé la logique industrielle prendre peu à peu possession du domaine agricole. Notre connaissance de plus en plus fine de la nature nous permettrait cependant de coopérer plus facilement avec elle, et avec une efficacité supérieure à celle des modes de culture traditionnels. Dans l’agriculture considérée comme un art, on ne cherche pas à éliminer les plantes et les insectes considérés comme indésirables : on se contente de limiter leur nombre afin qu’ils ne représentent pas une menace. Tout est d’ailleurs relatif : si le contexte change, les nuisibles peuvent parfois s’avérer utiles. Leur présence sera alors recherchée. Par des soins et des choix appropriés, par la mise en place de leurres sexuels ou en introduisant des prédateurs spécifiques, des résultats honorables peuvent déjà être obtenus en dépensant peu d’énergie. Et de nouvelles techniques prometteuses sont à l’étude qui laissent entrevoir un avenir plus réjouissant que celui que nous présente l’industrie chimique et les orientations actuelles des biotechnologies.
Il en va des pesticides comme des médicaments: lorsque nous avons recours à eux, nous n’apprenons rien. Si, par contre, nous utilisons des méthodes plus naturelles, nous développons notre sens de l’observation et notre compréhension du monde s’approfondit. À la production, le prix de revient des produits biologiques est généralement plus élevé. Les personnes qui choisissent une alimentation saine doivent donc consentir à des efforts financiers. En revanche, grâce à leur geste, la société réalise des économies. Cela permet de réduire les coûts de dépollution et les dépenses liées au traitement des maladies provoquées ou aggravées par l’utilisation des pesticides et des engrais chimiques. Finalement, si l’on tient compte de tout, ce sont sans doute les produits biologiques qui coûtent le moins chers. Ils nous incitent d’ailleurs à manger légèrement moins mais mieux, ce qui réduit le surcoût et s’avère bénéfique pour la plupart d’entre nous.
Pour éviter l’épuisement rapide des ressources et la destruction des milieu naturels, nous pourrions réorienter progressivement nos centres d’intérêts. Nous serions tout aussi heureux sinon plus, en remplaçant progressivement la poursuite de biens matériel par la recherche de biens plus immatériels. Leur diversité est immense : connaissances, vie intérieure, capacité de s’émerveiller et de créer de l’harmonie ; sans oublier bien sûr les richesses inépuisables générées par les relations humaines de qualité et le contact intime avec la nature. L’économie pourrait progressivement être orientée dans ce sens. Il n’est pas trop tard pour changer de cap, mais il n’y a pas de temps à perdre. Nous pouvons commencer par réviser les grandes orientations de la technique en tenant compte du fait que la nature est un partenaire irremplaçable.
Nous ne sommes pas seuls à être importants. Notre santé et notre bien-être ne doivent pas être obtenues au détriment des autres. Nos relations avec les autres espèces doivent reposer sur des bases saines. Les animaux sont des êtres dotés de sensibilité. Évitons de leur infliger d’inutiles souffrances ou des dommages irréversibles. Ne les empêchons pas non plus d’avoir une vie digne de ce nom. Les plantes méritent elles aussi le respect ; et il en va de même pour l’ensemble de ce qui existe. Certains peuples n’abattent jamais un arbre sans lui demander de les excuser. Souvent aussi, ils le remercient pour ce qu’il leur apportent. Une telle attitude nous fait peut-être sourire. Pourtant, en plus de sa valeur poétique, elle évite les déforestations massives et les effets catastrophiques qui en découlent.
N’abusons pas du pouvoir que nos connaissances nous ont permis d’acquérir sinon, même avec les meilleures intentions du monde, nous risquons d’engendrer des monstruosités et des situations incontrôlables sans possibilité de retour en arrière. La modification des espèces élaborées et sélectionnées par la nature ne doit pas être entreprise à la légère. Abstenons nous d’introduire des caractéristiques susceptibles de porter atteinte à la cohérence interne d’une espèce. Demandons nous si cette transformation est pour elle synonyme d’évolution, et assurons nous qu’elle ne met pas en danger l’indispensable équilibre des écosystèmes. Être humaniste peut aller de pair avec le fait d’être à l’écoute des autres formes de vie.