Management de l’innovation dans les entreprises/Le management de l’innovation
Pour toutes ces raisons, le management de l’innovation dépasse largement le seul cadre des équipes de R&D. Nombre d’innovations ne sont pas issues de la technologie, même si leur mise en œuvre peut réclamer la solution de problèmes techniques complexes. Il peut s’agir de l’offre de nouveaux services autour d’un produit ou d’une prestation (comme le service de mise à disposition d’un véhicule évoqué plus haut), d’une nouvelle architecture de la prestation (comme la vente d’ordinateurs assemblés à la demande et livrés rapidement après un achat par correspondance ou par Internet chez Dell, ou l’offre d’un service « chez vous en 48 heures » par les entreprises de vente par correspondance, ou la distribution de livres par l’internet). Les nouvelles idées de produits ou de prestations peuvent venir d’un service de mercatique ou émerger n’importe où au sein de l’entreprise, notamment chez les collaborateurs en contact avec le client ou confrontés à un problème particulier.
Le management de l’innovation prend des formes variées selon le contexte particulier de l’entreprise et met en œuvre différents dispositifs pour sensibiliser les collaborateurs à l’importance de l’innovation, pour les encourager à exprimer leurs idées, à faire part des observations sur le comportement des clients, des fournisseurs ou des concurrents et, surtout, pour pousser la hiérarchie intermédiaire et supérieure à valoriser ces contributions, à répondre rapidement aux suggestions, soit pour les mettre à l’étude soit pour expliquer pourquoi elles ne sont pas retenues, à valoriser les innovateurs. Citons, sans ordre particulier, les journées passées par des ouvrières de Tefal dans les magasins à observer les attitudes des consommateurs face à leurs produits et à ceux de la concurrence [Chapel 1999], les prix de l’innovation dans des entreprises comme Suez [Tossan 2000], le prix de la meilleure imitation d’invention faite ailleurs chez Hutchinson, la gestion de l’innovation participative chez EDF, à la RATP ou à la DGA [Durieux 2001], les séances de créativité mises en place dans plusieurs entreprises [de Brabandère et Mikolajczak 2002].
Nous nous limitons ici au management de la technologie, en restant conscient que celui-ci ne représente qu’une partie du dispositif. Nous utiliserons cependant le mot technologie dans un sens assez large, incluant en fait tout ensemble organisé de compétences et une partie de ce que nous évoquerons pourra s’appliquer à un domaine plus vaste. Nous allons considérer successivement les problèmes traditionnels du management des équipes de R&D, puis montrer la nécessité d’une gestion intégrée de la technologie fondée sur la capacité de l’entreprise à détecter et intégrer des techniques exogènes, à piloter la gestion de ces compétences en harmonie avec sa stratégie, à augmenter ses capacités d’apprentissage, de capitalisation et de gestion des connaissances, à valoriser ses savoir-faire au-delà de son champ d’activité.