Méthodes d'éducation physique en Europe aux XIX° et XX° siècles/Le sport

Leçons de niveau 14
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Préludes anglo-saxons[modifier | modifier le wikicode]

En Grand-Bretagne un relatif désoeuvrement, dû à une croissance économique exceptionnelle, entraîne une prolifération de jeux de toutes sortes parmi lesquels les jeux physiques occupent une place privilégiée : combat de dogues, combat de boxe, courses de lévriers, de chevaux, de pedestrians... connaissent un tel succès populaire qu’ils constituent les premiers spectacles profanes de masse de l'ère moderne et la véritable origine du sport contemporain qui renoue ainsi avec la tradition antique du cirque gallo-romain et celle des festivités attachées aux lendits et tournois médiévaux. Pour ces raisons, le sport moderne se trouve intimement lié dès ses origines à deux phénomènes :

  • le professionnalisme car le sportif est essentiellement alors un homme de spectacle que l'on rétribue comme tel,
  • le pari car le sport n'est que l'occasion de jouer, c'est-à-dire à dire risquer son argent et parfois son existence sur un résultat incertain : c'est la glorieuse incertitude du sport. Si les gens fortunés fréquentent indifféremment les salles de jeux et les terrains de sport, le peuple doit se contenter de ces derniers.

Thomas Arnold[modifier | modifier le wikicode]

Un éducateur de génie, Thomas Arnold (1795-1842) exploite cet engouement à des fins éducatives. Cet admirateur de Pestalozzi, maître à penser du XIX° siècle européen en matière d'éducation, est nommé à la direction du collège de Rugby en 1828. Découvrant alors la pauvreté du contexte éducatif et la médiocrité des études dispensées, il réagit en fixant à l'école un objectif nouveau : produire l'athlète chrétien, le véritable chevalier des temps modernes qui se bâtira lui-même avec les matériaux dont il dispose. On ne peut le faire pour lui mais on se doit de lui fournir tous les matériaux nécessaires. On retrouvera plus tard cette grande modestie sur les limites de la fonction enseignante, alors encore souvent investie de puissance divine, chez Baden-Powell fondateur du scoutisme.

Arnold accorde une place importante aux activités physiques qu'il introduit à l'école en prenant ce qui existe : cricket, football, aviron. Ces jeux entraînent des compétitions confrontant les enseignants aux problèmes d'organisation, de violence et aux truquages liés aux pressions des inévitables paris. Arnold résout ces problèmes cruciaux à travers trois principes dont il fait trois éléments d'éducation :

  • le self government, véritable autogestion, appelle chacun à participer, dans le respect de la liberté individuelle, des goûts et des aptitudes, au fonctionnement du système : préparation des rencontres, direction, arbitrage, entraînement. Le sport doit rester propriété des sportifs.
  • le fair play est à la fois loyauté à l'égard de l'esprit du jeu et de l'adversaire. Le beau jeu est plus important que la victoire et demeure aujourd'hui encore le code déontologique du sport face à tous les risques de déviation.
  • l'amateurisme est destiné à mettre le système éducatif à l'abri des abus de l'argent et des paris qui pervertissent les rencontres sportives. Le concept d'amateur, réservé à l'origine aux seuls gentlemen, est étendu à partir de 1880 à tous ceux qui ne vivent pas du sport.

Le système d'Arnold, qui s'implique physiquement dans les diverses rencontres, se généralise rapidement à d'autres établissements et dès 1850 apparaissent des rencontres intercollèges qui nécessitent la création d'une instance fédérative. Le London Athletic Club apparaît en 1866 avant de devenir l'Amateur Athletic Club, ancêtre direct de l'actuelle Amateur Athletic Association (AAA). Ce début de fédéralisme pose les fondements du sport contemporain.

Le sport français[modifier | modifier le wikicode]

Il est abusif d’affirmer que la pratique des jeux populaires n’est réintroduite que sous influence anglo-saxonne dans les établissements français. Ils sont dès le XVI° siècle un élément important de la vie pédagogique des institutions réservées aux privilégiés et des internats de jésuites en particulier. Sous la Restauration et le second Empire, les frères des écoles chrétiennes, les salésiens fondés par Jean Bosco (1815-1888) et les patronages paroissiaux étendent cette pratique aux couches populaires en y mêlant d'ailleurs la gymnastique naissante qui devient après la guerre de 1870 l'unique pratique de l'école laïque et républicaine.

Mais, si la pratique des jeux est déjà notable dans ces établissements dans la première partie du XIX°, elle demeure toujours locale car la hiérarchie religieuse, par crainte de sédition, reste hostile à tout fédéralisme au sein de ses oeuvres. On joue donc intra-muros et on ne se confronte ni à la paroisse ni à l'établissement voisin. Il faut donc attendre que les organisations anglaises pénètrent notre territoire pour que cette pratique importante fasse éclater ses murs et se fédère enfin.

Ce sport anglais est à la fois éducation et loisirs. Le créneau éducatif étant exclusivement occupé en France après 1870 par la très laïque et républicaine gymnastique, c'est sous son aspect de loisir récréatif qu'il pénètre chez nous sous l'impulsion de dirigeants anglais qui commencent à développer des clubs dans nos grands ports (Havre Athletic Club : 1872). Leur action est fortement soutenue par des journalistes et écrivains aussi divers que Paschal Grousset, fondateur de la Ligue française d'E.P., ou Georges de Saint-Clair qui, malgré leurs divergences de convictions, militent tous deux pour le sport.

Les clubs sportifs gagnent rapidement l'intérieur du territoire. A Paris, ce sont les élèves des grands lycées qui seront à l'origine du Racing Club de France en 1882 et du Stade Français en 1883. Comme en Grande-Bretagne vingt ans plus tôt la nécessité d'une organisation fédérative se fait alors sentir et l'Union des sociétés de course à pied voit le jour en 1887 ; elle se transforme deux ans plus tard en Union des sociétés française de sports athlétiques (USFSA). Celle-ci dont les soucis prioritaires sont l'athlétisme et le rugby régne en toute quiétude sur le sport français pendant près de vingt ans alors que commencent à se développer quelques fédérations uni-sports autonomes, en particulier pour les sports mécaniques qui connaissent une vogue particulière avec de grandes épreuves routières qui sillonnent ou contournent l'hexagone : automobile, cyclisme.

Pierre de Coubertin[modifier | modifier le wikicode]

Pierre de Coubertin (1863-1937), aristocrate normand, préoccupé du relèvement national après la défaite de 1870, crée en 1889 un Comité pour la propagande des exercices dans l'éducation qui fusionne avec l'USFSA en 1890. La rencontre de ce pédagogue et de la grande organisation sportive française, dont Coubertin sera secrétaire général, donne une nouvelle impulsion à l'oeuvre éducative d'Arnold et contribue à sa mondialisation à travers un nouveau phénomène : l'Olympisme.

Les festivités du V° anniversaire de l'USFSA amènent Coubertin à évoquer les activités physiques de la Grèce antique et conclure par un appel à une rénovation d'envergure des jeux olympiques. La proposition reçoit un accueil chaleureux et Coubertin est alors poussé de toute part pour persévérer dans cette voie. Il est vrai que ces Jeux font déjà l'objet de fêtes sportives locales dans beaucoup d'établissements scolaires : le père Didon et sa célèbre devise - citius, altius, fortius - en demeurent les témoins.

En 1894 un congrès extraordinaire en Sorbonne décide du rétablissement définitif des jeux olympiques modernes, déjà célébrés en 1859 et en 1870 par la Grèce pour fêter sa récente indépendance. Un comité international olympique (CIO) est constitué avec des personnalités choisies par Coubertin pour leur haute conception du sport et leur indépendance à l'égard des pouvoirs publics : donc obligatoirement des gentlemen. Ils sont nommés à vie et leur renouvellement est assuré jusqu'à nos jours par cooptation, ce qui est un moyen élégant pour préserver à la fois l'indépendance du mouvement et ses origines aristocratiques.

Les jeux rétablis en 1896 à Athènes seront célébrés depuis tous les quatre ans sauf en 1916, 1940, 1944. Si les premiers ont surtout mobilisé la population locale, leur importance n'a jamais cessé de croître tant au niveau de la participation et des contraintes inhérentes d'organisation qu'au niveau du retentissement médiatique. Ils sont aujourd'hui le plus grand spectacle du monde alors qu'ils n'étaient pour les rénovateurs qu'une vitrine destinée à mettre en évidence les valeurs véhiculées par le sport qui, bien compris, mène tout droit à la victoire de la volonté et d'inciter à sa pratique.

Coubertin pense en effet que pour que cent se livrent à la culture physique, il faut que cinquante fassent du sport. Pour que cinquante fassent du sport, il faut que vingt se spécialisent. Pour que vingt se spécialisent, il faut que cinq soient capables de performances étonnantes. Le spectacle offert par ces cinq-là n'est pas la finalité de l'olympisme coubertinien, mais seulement le moyen d’inciter les cent autres à la pratique de la culture physique et d'assurer la propagande des exercices dans l'éducation. Et à côté des missions d'organisation régulière des jeux olympiques, Coubertin confie au C.I.O. celles de maintenir le sport amateur dans la bonne voie d’Arnold : amateurisme, fair play et self government, ce qui, à cette échelle, signifie non-ingérence des états.