Colonisation et décolonisation/Exercices/Analyses de document
Une liste de cours conformes à d'anciens programmes français est disponible ici : Catégorie:Anciens programmes.
L’analyse de documents est, avec la réalisation d'un croquis ou d'un schéma, l'exercice prévu pour la seconde partie de l'épreuve écrite d'histoire et de géographie du bac à partir de la session 2012 (l'épreuve anticipée en première S) et de la session 2013 (en terminale ES et L).
Définition de l'épreuve
[modifier | modifier le wikicode]Cette analyse doit permettre au candidat de faire la preuve de sa capacité à comprendre le contenu, l'apport et la portée du ou des document(s) proposé(s). En histoire lorsqu’un document est proposé, il s'agit de :
- dégager le sens général du document en relation avec la question historique à laquelle il se rapporte ;
- de montrer l’intérêt et les limites éventuelles du document pour la compréhension de cette question historique.
Lorsque deux documents sont proposés, on attend du candidat qu’il dégage le sens général de chacun des documents en relation avec la question historique à laquelle il se rapporte puis qu’il les mette en relation en montrant l’intérêt de cette confrontation »[1].
Lors de cet exercice, l'élève doit faire la preuve de sa capacité à comprendre le contenu, l'apport et la portée du ou des document(s) proposé(s). Peuvent ainsi être proposé à l'analyse : un texte, une affiche, une photographie, un croquis ou un schéma.
Même si aucun document officiel le précise, on peut attendre d'une analyse qu'elle compte d’abord une introduction présentant le(s) document(s), ensuite un développement structuré en deux ou trois parties correspondants aux idées principales du/des document(s), enfin une conclusion apportant un regard critique sur les apports du(des) document(s). Il s'agit de faire une analyse (une explication), le danger est donc soit de faire de la paraphrase (reprendre le texte en le reformulant, le plus souvent en moins bien), soit de faire une récitation du cours (qui serait hors-sujet : il faut analyser le document). Il faut analyser le document, tout le document et rien que le document.
Rappel de la méthode à partir d'un exemple : analyse du discours de Truman en 1949.
→ Rappel de la méthode de l'analyse de doc(s).
Notation par le correcteur
[modifier | modifier le wikicode]Au bac, si la notation de la copie est, selon les textes officiels, globale[1], il est conseillé d'affecter à l'exercice d'analyse de document cinq points sur les vingt de l'épreuve. La consigne « doit amener l'élève à :
- identifier le document ;
- éclairer/préciser/expliciter son contenu ;
- permettre la confrontation entre documents, le cas échéant ;
- faire preuve de distance critique à son égard.
Théoriquement, si le commentaire comporte tous ces aspects, la copie reçoit cinq points sur cinq »[2].
Le correcteur a toute latitude pour retirer des points à cause des erreurs d'orthographe, de grammaire ou de syntaxe. Une expression de qualité (une calligraphie soignée, un vocabulaire pertinent et un style élégant) est toujours valorisée.
Le temps des dominations coloniales
[modifier | modifier le wikicode]Ferry vs Clemenceau
[modifier | modifier le wikicode]M. Jules Ferry - […] la politique d'expansion coloniale est un système politique et économique, je disais qu'on pouvait rattacher ce système à trois ordres d'idées : à des idées économiques, à des idées de civilisation de la plus haute portée, et à des idées d'ordre politique et patriotique.
[…] Oui, ce qui manque à notre grande industrie […], ce qui lui manque de plus en plus, ce sont les débouchés. Pourquoi ? Parce qu’à côté d'elle, l'Allemagne se couvre de barrières, parce qu'au delà de l'Océan les États-Unis d'Amérique sont devenus protectionnistes, et protectionnistes à outrance ; parce que non seulement ces grands marchés, je ne dis pas se ferment, mais se rétrécissent, deviennent de plus en plus difficiles à atteindre par nos produits industriels.
[…] Il est certain qu’il y a en Allemagne un grand mouvement de politique coloniale, et que cette préoccupation de saisir, de prendre possession sur le littoral africain de tout ce qui reste de disponible répond à quelque chose, répond à un besoin, à une politique, à une nécessité.
[…] Messieurs, il y a un second point, un second ordre d'idées […] : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question. […] Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! il faut dire ouvertement qu'en effet, les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures...
M. Jules Maigne – Oh ! vous osez dire cela dans le pays où ont été proclamés les droits de l'homme !
M. de Guilloutet - C'est la justification de l'esclavage et de la traite des nègres !
M. Jules Ferry - Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures... […]
[…] À l’heure qu’il est, vous savez qu'un navire de guerre ne peut pas porter, si parfaite que soit son organisation, plus de quatorze jours de charbon, et qu'un navire qui n'a plus de charbon est une épave, sur la surface des mers, abandonnée au premier occupant. D'où la nécessité d’avoir sur les mers des rades d'approvisionnement, des abris, des ports de défense et de ravitaillement. Et c’est pour cela qu’il nous fallait la Tunisie ; c’est pour cela qu’il nous fallait Saigon et la Cochinchine ; c’est pour cela qu’il nous faut Madagascar, et que nous sommes à Diego-Suarès et à Vohémar, et que nous ne les quitterons jamais ! […]
Discours de Jules Ferry le 28 juillet 1885 sur le projet de loi portant ouverture au ministère de la Marine et des Colonies d'un crédit extraordinaire pour les dépenses occasionnées par les évènements de Madagascar[3].
Messieurs, à Tunis, au Tonkin, dans l'Annam, au Congo, à Obock [près de Djibouti], à Madagascar, partout… et ailleurs, nous avons fait, nous faisons et nous ferons des expéditions coloniales ; nous avons dépensé beaucoup d’argent et nous en dépenserons plus encore ; nous avons fait verser beaucoup de sang français et nous en ferons verser encore. On vient de nous dire pourquoi. Il était temps ! […]
Au point de vue économique, la question est très simple ; […] Lors donc que, pour vous créer des débouchés, vous allez guerroyer au bout du monde ; lorsque vous dépensez des centaines de millions ; lorsque vous faites tuer des milliers de Français pour ce résultat, vous allez directement contre votre but : autant d'hommes tués, autant de millions dépensés, autant de charges nouvelles pour le travail, autant de débouchés qui se ferment. [Nouveaux applaudissements]. […]
« Les races supérieures ont sur les races inférieures un droit qu’elles exercent, et ce droit, par une transformation particulière, est en même temps un devoir de civilisation. » Voilà en propres termes la thèse de monsieur Ferry, et l’on voit le gouvernement français exerçant son droit sur les races inférieures en allant guerroyer contre elles et les convertissant de force aux bienfaits de la civilisation. Races supérieures ! Races inférieures c’est bientôt dit ! Pour ma part, j'en rabats singulièrement depuis que j’ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande parce que le Français est d'une race inférieure à l'Allemand. Depuis ce temps, je l'avoue, j’y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation, et de prononcer : homme ou civilisation inférieurs. […]
[…] Mais nous dirons, nous, que lorsqu'une nation a éprouvé de graves, très graves revers en Europe, lorsque sa frontière a été entamée, il convient peut-être, avant de la lancer dans des conquêtes lointaines, fussent-elles utiles - et j’ai démontré le contraire - de bien s'assurer qu'on a le pied solide chez soi, et que le sol national ne tremble pas.
Discours de Georges Clemenceau à la Chambre le 30 juillet 1885 en réponse à celui de Jules Ferry[4].
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Édouard Manet, Portrait de Georges Clemenceau, 1879-1880.
Plan d'analyse n° 1
[modifier | modifier le wikicode]Deux plans sont proposés par les élèves : le premier reprend la proposition de l'énoncé, soit deux parties correspondant chacune aux idées d'un des deux protagonistes ; les sous-parties correspondent aux trois thèmes, c'est-à-dire les arguments économiques, moraux et militaires. C'est le plan le plus évident, qui sera utilisé par la majorité des élèves lors d'une épreuve.
- Introduction
Proposition d'un élève :
Critique : la présentation des deux documents est incorrecte, notamment leur nature parlementaire qui n’est pas mise en valeur. Le contexte est vague ; la colonisation de l'Afrique a lieu essentiellement à la toute fin du XIXe siècle, le Tonkin étant conquis en 1885, la même année que le port de Diego Suarez à Madagascar (le reste de l'île sera conquis à partir de 1895). Où est présenté la source des documents ?
Articles détaillés : Second empire colonial français, Affaire du Tonkin, Gouvernement Jules Ferry (2), Gouvernement Henri Brisson (1).
Seconde proposition :
Quels sont les arguments de Ferry et de Clemenceau pour défendre leur position lors du débat parlementaire de 1885 ? Dans une première grande partie nous exposerons les arguments de Jules Ferry qui était pour la colonisation de masse. À l'aide d'une seconde grande partie nous verrons en quoi Clemenceau n’est pas d'accord avec Ferry à travers ses arguments.
Critique :
- Première partie, les idées de Ferry
- Aspects économiques : dans ce texte, Jules Ferry mentionne le fait que la colonisation est une bonne chose pour le marché français, en crise à l'époque.
- Aspects moraux : pour Ferry, les Français de la métropole se doivent d'aller « civiliser les races inférieures ». Il considère ceci comme un devoir, et n'hésite pas à parler clairement de « races inférieures ». Pourtant hué par l'assemblée générale, il n'hésite pas à défendre ses opinions jusqu'au bout.
- Aspects politique et militaire : pour Jules Ferry, le principal argument sur le plan militaire est que l'Allemagne veut étendre son territoire colonial et qu’il ne faut pas les laisser faire et renforcer les colonies françaises et les armer pour les défendre contre l'Allemagne. Sur le plan politique il utilise le patriotisme et la soif de revanche des Français sur les Allemands.
Critique :
- Seconde partie, les idées de Clemenceau
- Aspect économique : Clemenceau de part son discours déclare que les conquêtes coloniales présentent un gouffre budgétaire tant par l'aspect militaire (« milliers de soldats tués ») que par l'aspect budgétaire de la France (« vous dépensez de centaines de millions »).
- Aspect politique et militaire : de plus Clemenceau remet en question la France quant à la possibilité de participer a des expéditions coloniales alors qu'elle a elle-même du mal a conserver ses propres frontières (« [...] s'assurer qu'on a le pied solide chez soi »).
- Aspect d'égalité : enfin il infirme le terme de « race inférieure et supérieure ». en effet en 1885 la question sur l'égalité de l'Homme fait débat. Pour lui, le fait d'aller contre les « races inférieures » n'a aucun sens puisque Jules Ferry a parlé au contraire d'aider « ces races » : ce qui est pour lui une idéologie raciste.
Critique : les aspects politiques et militaires ne sont pas totalement exploité, il y a là une évocation de l’idée d'une revanche suite à la guerre de 1870-1871 ; l'évocation de l'Allemagne comme contre-argument sur les inégalités raciales n’est pas exploitée. Il faudrait souligner le fait que Clemenceau fait ce discours dans une ambiance parlementaire : il se doit donc d’être en opposition avec ses adversaires, ici Jules Ferry. En effet, on voit bien que Clemenceau réfute tous les arguments émis par celui-ci. Il y a une répétition et une utilisation abusive du terme « budgétaire » dans la partie dédiée aux déclaration de Clemenceau.
- Conclusion
Critique : ne pas hésiter à faire de courte citation du texte ; ce n’est pas le public qui réagi, mais d'autres députés qui coupent la parole à l'orateur. Le jeu parlementaire (opposition entre la majorité gouvernementale et les différents partis d'opposition) n’est pas bien montré. Le JORF ne fait que retranscrire les débats, une accusation de partialité doit être argumentée. Les critiques des deux documents ne sont pas assez développées.
Autre proposition :
Critique : la première phrase est pertinente, il faut montrer les apports des documents en conclusion. La population française est loin d’être « germanique » (sauf dans le Nord-Est)... Il manque surtout un regard critique sur les documents.
Plan d'analyse n° 2
[modifier | modifier le wikicode]Deux plans sont proposés par les élèves : le second reprend la première phrase du discours de Jules Ferry, soit un plan thématique en trois parties ; les sous-parties correspondent aux deux camps, c'est-à-dire d’abord les arguments de Ferry puis ceux de Clemenceau.
- Introduction
Critique : C'est une introduction d'un commentaire composé et non d'une analyse de document : les documents ni leurs auteurs ne sont pas présentés et aucune source n'est donnée. La place au sein du gouvernement et de la société qu'occupait ces deux personnages n’est pas expliquée ; Jules Ferry et George Clemenceau n'occupaient pas les mêmes places en 1885, Ferry étant un ministre français et Clemenceau un simple parlementaire. De plus, les dates des discours ne sont pas présentes : le ministre français émettait son discours le 28 juillet 1885 tandis que celui de son opposant était le 20 juillet 1885.
Proposition d'un autre élève :
Critique :
- Première partie, les arguments économiques
- Pour une politique coloniale. Lors de ce débat parlementaire, le premier argument développé par Jules Ferry en faveur d'une politique coloniale est d'ordre économique. En effet, ce dernier soutient la thèse que les colonies :
- créer des débouchés pour les productions françaises car : élargissement marchés donc relations commerciales dynamisés et croissance dans l’industrie française ;
- un contexte favorable a cette politique car: protectionnisme en augmentation donc marché exclusif intéressant pour la France (colonies) ;
- De plus, contexte économique de la Grande Dépression et de la compétition européenne pour les conquêtes coloniales.
- Pour une politique anti-coloniale. Lorsque Clemenceau répond au discours de Jules Ferry, il réfute les arguments économiques proposés par ce dernier. En effet, il soutient que la politique colonial est trop couteuse pour être rentable :
- coûts humains et matériels trop élevés qui ralentissent le développement économique de la France.
- Étant donné le contexte de la grande dépression , une politique anti-coloniale est d'autant plus favorisé dans la mesure où cette crise entraine des difficultés économique en défaveur d'une politique couteuse.
- De plus, Clemenceau ajoute qu’il faut d’abord s'assurer du bon développement (économique et autre) du sol national avant de se lancer dans des conquête lointaines, le sol français étant instable, selon lui.
Critique : Le texte n’est pas assez rédigé et développé.
- Deuxième partie, les arguments culturels
Clemenceau (contre la colonisation): « Les races supérieures ont sur les races inférieures un droit qu’elles exercent, et ce droit, par une transformation particulière, est en même temps un devoir de civilisation. » Voilà en propres termes la thèse de monsieur Ferry, et l’on voit le gouvernement français exerçant son droit sur les races inférieures en allant guerroyer contre elles et les convertissant de force aux bienfaits de la civilisation. Races supérieures ! Races inférieures c’est bientôt dit ! » « des savants allemands ont démontré scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande parce que le Français est d'une race inférieure à l'Allemand ». « avant de la lancer dans des conquêtes lointaines, fussent-elles utiles - et j’ai démontré le contraire. »
Dans son discours, Jules Ferry tente de démontrer les bienfaits de la colonisation au niveau social. Pour lui, la conquête de nouvelles terres permet, entre autres, à la population française de trouver de nouveaux débouchés. Les colons s'installant dans les colonies auront de nouvelles possibilités, ce qui reprend l'argument du « rêve américain » lors de la colonisation des États-Unis.
Critique : analyser un document ce n’est pas se limiter à fournir des citations, il faut les expliquer en évitant la paraphrase. L'aspect économique dans le premier paragraphe est hors-sujet ici, dans la partie sur l'aspect moral et social de la colonisation.
Critique :
De plus, Clemenceau n’est pas d'accord par rapport aux idées de civilisation de Ferry. Selon lui, il n'existe pas de races « inférieures » ou « supérieures » de même que certains scientifiques allemands pensent que les Français sont une race inférieure. Effectivement, d’après ce dernier, nul gouvernement n'aurait à exercer son droit sur d'autres peuples.
Pour finir, Georges Clemenceau dit : « il convient de bien s'assurer qu'on a le pied solide chez soi, et que le sol national ne tremble pas ». Selon lui, avant de vouloir développer les colonies, il faudrait redresser la France.
Critique : trop de citation du texte, de plus la première partie concerne l'aspect économique alors que cette partie ne concerne que l'aspect moral et civilisateur.
- Troisième partie, les arguments militaires
- Conclusion
Critique : la première phrase peut prêter à confusion au niveau de l'objectivité. Il faut peut être reformuler la phrase de manière à ce que le correcteur n'ai pas l'impression d'une prise de partis de la part de l'élève.
Proposition de correction
[modifier | modifier le wikicode]- Introduction
- Présentation des documents
- Nature : extraits de deux discours parlementaires, donnés devant la Chambre des députés.
- Auteur no 1 : Jules Ferry, ancien ministre et proche du gouvernement (c'est le chef des républicains modérés).
- Auteur no 2 : Georges Clemenceau, parlementaire de l’opposition (c'est un des républicains les plus radicaux).
- Contexte : la fin du XIXe siècle est une période de conquêtes coloniales ; en 1885, l'intervention française à Madagascar nécessite une rallonge budgétaire, ce qui donne lieu à un débat à la Chambre.
- Problématique : quels sont les arguments employés pour justifier ou critiquer la colonisation ?
- Annonce du plan : d’abord les arguments coloniaux de Ferry, ensuite ceux anti-coloniaux de Clemenceau.
- Arguments en faveur de la colonisation
- Besoin économique : ouverture de nouveaux débouchés, réservés grâce à l'exclusif colonial.
- Mission civilisatrice : les Français ont le rôle de tuteurs auprès des populations colonisées.
- But patriotique : empêcher les Allemands de se tailler un empire colonial (rancune tenace due à la guerre de 1870).
- Aspects militaires : la marine de guerre a besoin de ports servant de dépôts de charbon, tel que Bizerte (en Tunisie), Dakar (au Sénégal), Djibouti, Diego Suarez (à Madagascar) ou Saïgon (en Cochinchine).
- Arguments contre la colonisation
- Coût prohibitif : les colonies coûtent cher (il s'agit à l'origine d'un débat budgétaire, qui dérive vers un procès de la colonisation).
- C'est les Allemands qui utilisent la notion de « race supérieure » : quiconque l'utilise leur est assimilé (la référence aux Allemands haïs est comme l'équivalent de l'actuel point Godwin).
- La ligne bleue des Vosges : la priorité est la reconquête de l'Alsace-Moselle, ou du moins la fortification de la nouvelle frontière avec l'Allemagne.
- Conclusion
- Apport des documents : ce débat fournit les principaux arguments pour ou contre la colonisation, employés au moment de la conquête. Il s'agit d'un classique, presque patrimonial.
- Critiques : on a souvent utiliser ces deux discours pour présenter un Ferry raciste et un Clemenceau anti-coloniale ; il s'agit d'un débat parlementaire, Ferry cherche des arguments pour soutenir le gouvernement, tandis que Clemenceau prend les arguments contraires. Ce n’est pas vraiment le procès de la colonisation (qui commence à peine), mais plutôt du gouvernement ; Clemenceau s'en prend à Ferry, pas vraiment à l’idée colonial. Enfin, on lis ces textes avec notre regard du XXIe siècle ; le racisme était quasi-généralisé à l'époque.
- Pour la petite histoire, Ferry fut blessé par balle quelques mois plus tard lors d'une tentative d'assassinat par un partisan de Clemenceau.
Dominations coloniales
[modifier | modifier le wikicode]Hitler l'a dit dans un de ses récents discours pour démontrer au monde qu'une France de 100 millions de Français n'avait pas à redouter une Allemagne de 65 millions d'hommes. Nous sommes quelques-uns, de ce côté-ci du Rhin, à penser comme le maître de la Germanie, mais combien sommes-nous ?
J’ai fait autour de moi une enquête discrète et je dois à la vérité de dire que la grande majorité de mes concitoyens est loin de partager cette optimiste opinion. Pour mille raisons.
La première, et la plus valable, c’est que, tout en possédant le deuxième Empire colonial du monde, il n'y a pas en France d'esprit colonial, ni d'opinion coloniale. Le Français moyen ne réalise pas l'importance politique et économique de ce tout que constitue la France des cinq parties du monde. À l'école, nous enseignons toutes sortes de choses à nos enfants, et Dieu sait si les programmes sont chargés, c’est en vain que vous chercherez dans ces programmes, tant primaires que secondaires ou supérieurs, une ligne, un chapitre consacrés à la France extérieure, à son histoire, à sa géographie, à son potentiel.
D'autres raisons sont d'ordre pratique. Nos possessions d'outre-mer sont placées aux quatre coins cardinaux. En temps de paix, ce peut être une force ; en cas de conflit ce serait une grave faiblesse. Aurions-nous une marine suffisante pour assurer la sécurité à l'intérieur de notre vaste empire ?
D'autres tiennent à l'impondérable des sentiments. Quel est et quel serait demain le loyalisme des soixante millions de Français de l'outre-mer ? Il y a, je le sais bien, le précédent magnifique de 1914 où l'Algérien, le Tunisien, le Marocain, le Sénégalais, le Malgache, l'Indochinois rivalisèrent de dévouement, d'ardeur, d'abnégation avec le soldat de la mère-patrie. Mais, depuis, la funeste propagande anti-française que notre faiblesse a laissé se développer à travers l'Empire, n'a-t-elle pas porté quelques mauvais fruits ? Mais la France a-t-elle fait tout son devoir vis-à-vis des populations associées : n'avons-nous pas commis trop de lourdes fautes, nos proconsuls1 n'ont-ils pas été, trop souvent, par trop inférieurs à leurs tâches ?
[...] Compréhension mutuelle, union des intérêts et des cœurs, telle doit être l'œuvre de ceux auxquels la France confie la haute mission de la représenter auprès des peuples qui vivent sous les plis du drapeau tricolore. Effort de l'élite française pour créer, dans la métropole, cette croyance qu'en soudant ces Français de l'au-delà des mers à la France métropolitaine, la nation française se soumet à son devoir humain. Ces conditions remplies, Hitler a raison, c’est bien à 100 millions de Français que désormais il s'adressera. Et ce sera tout bénéfice pour la paix du monde.
Source : éditorial de J. A. Miquel, rédacteur en chef de La Gazette coloniale, organe politique et économique de la France des cinq parties du monde, no 245, 26 mars 1936.
1 Dans la Rome antique, le proconsul exerce l'administration d'une province de l'Empire romain.
Politique coloniale française
[modifier | modifier le wikicode]D'abord, les indigènes étant des hommes comme nous, il faut les traiter en hommes comme nous, c'est-à-dire leur assurer les garanties primordiales de statut individuel, de droit personnel que nous réclamons pour nous-mêmes. C'est l'affirmation catégorique de la politique d'association, avec ses conséquences morales et pratiques.
Il faut, d’autre part, protéger les races colonisées contre les maladies qui les déciment et diminuent le rendement de cette vaste main-d'œuvre. Ce sera le rôle de l'assistance médicale. Il faut les prémunir contre les violences [...] dont leurs personnes, leur travail ou leurs biens peuvent être menacés. Et ceci implique, avec le souci de la sécurité générale de leur pays, le soin de garantir leur sécurité personnelle par le fonctionnement d'une justice impartiale et régulière, aussi bien devant les tribunaux indigènes que devant les juridictions françaises. Il faut que la paisible et légitime jouissance du droit au sol qu’ils cultivent, dans les parties qui leur appartiennent, n'ait rien à redouter des spoliations1 accomplies par l'arbitraire ou l'erreur. Ce doit être l'œuvre d'un bon régime foncier et d'un équitable système de concessions1.
Il faut que, dans l'état économique et social nouveau, créé par l’introduction de la grande industrie et de la grande culture, qui ont fait apparaître aux colonies le phénomène du « prolétariat », le travailleur indigène soit dûment défendu par la prévoyance de réglementations humaines du travail. Il faut accroître la valeur morale et intellectuelle que cette masse de vivants représente. Ce qui appelle le développement de l'instruction publique. Il faut enfin habiliter nos protégés à participer dans une mesure légitime et convenable à l'administration de leur propre pays.
Source : extrait d'Albert Sarraut3, Grandeur et servitude coloniales, Paris, Éditions du Sagittaire, 1931.
1 Spoliation : confiscation d'un bien privé par la force (ici, confiscation des terres).
2 Concession : territoire attribué par l'administration coloniale à des sociétés privées.
3A. Sarraut (1872-1962) fut, entre les deux guerres, gouverneur de l'Indochine, ministre des colonies et ministre de l'Intérieur.
La décolonisation
[modifier | modifier le wikicode]La question algérienne
[modifier | modifier le wikicode][...] Il y a quelques semaines à peine, je m’étais fait votre interprète, l’interprète de l’émotion ressentie par tous les Français devant la catastrophe qui, dans la région d’Orléansville, venait d’endeuiller l’Algérie1. J’avais alors affirmé la solidarité de la nation entière avec les populations éprouvées. L’Algérie, hélas ! vient d’être frappée à nouveau, et cette fois la violence provient de la volonté criminelle de quelques hommes, mais elle n’est pas moins cruelle, inutile et aveugle. À nouveau la nation doit s’affirmer unie et solidaire devant le malheur, devant les forces de destruction. [...]
Vous pouvez être certains, en tout cas, qu’il n’y aura, de la part du Gouvernement, ni hésitation, ni atermoiement, ni demi-mesure dans les dispositions qu’il prendra pour assurer la sécurité et le respect de la loi. Il n’y aura aucun ménagement contre la sédition, aucun compromis avec elle, chacun ici et là-bas doit le savoir.
On ne transige pas lorsqu’il s’agit de défendre la paix intérieure de la nation, l’unité, l’intégrité de la République. Les départements d’Algérie constituent une partie de la République française. Ils sont français depuis longtemps et d’une manière irrévocable. Leurs populations qui jouissent de la citoyenneté française et sont représentées au Parlement, ont d’ailleurs donné, dans la paix comme autrefois dans la guerre, sans distinction d’origine ou de religion, assez de preuves de leur attachement à la France pour que la France à son tour ne laisse pas mettre en cause cette unité. Entre elles et la métropole il n’y a pas de sécession concevable.
Cela doit être clair une fois pour toutes et pour toujours aussi bien en Algérie et dans la métropole qu’à l’étranger. (Applaudissements à gauche, au centre, à droite et à l’extrême droite.)
Jamais la France, aucun Gouvernement, aucun Parlement français, quelles qu’en soient d’ailleurs les tendances particulières, ne cédera sur ce principe fondamental.
Source : Pierre Mendès France, Œuvres complètes, tome 3, « Gouverner c’est choisir (1954-1955) », Institut Pierre Mendès France, 1986, p. 454-456.
1 Il s’agit d’un tremblement de terre.
DE GAULLE : « Les Algériens décideront de leur destin ».
RÉFÉRENDUM : Quatre années au plus tard après le retour effectif de la paix.
Sujet ?
[modifier | modifier le wikicode]Notes et références
[modifier | modifier le wikicode]- ↑ 1,0 et 1,1 « Note de service n° 2010-267 du 23 décembre 2010 », publiée au BO n° 5 du 3 février 2011.
- ↑ [pdf] Association des professeurs d'histoire et de géographie de l'enseignement public, « Entrevue de l'APHG avec l'Inspection général d'histoire-géographie », sur http://www.geographie-histoire.info/, .
- ↑ Sources : Journal officiel de la République française et Luis Gonzales-Mestres, « Le discours de Jules Ferry du 28 juillet 1885 », sur http://scientia.blog.lemonde.fr/.
- ↑ Source : Journal officiel de la République française.
- ↑ [pdf] « Sujet d'histoire et de géographie du bac général anticipé en série S, pour la session 2013 des centres d'examen d'Inde », sur http://pedagogie.ac-toulouse.fr/lyc-francais-pondichery/ (Lycée français de Pondichéry).
- ↑ [pdf] « Sujet d'histoire et de géographie du bac général anticipé en série S, pour la session 2013 des centres d'examen d'Amérique du Nord », sur http://www.rochambeau.org/ (Lycée Rochambeau à Bethesda).
- ↑ [pdf] « Ressources pour la classe de première générale et technologique, proposant des sujets pour l'épreuve anticipée obligatoire d'histoire et de géographie en série S », sur http://media.eduscol.education.fr/ (ministère de l'Éducation nationale).