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Anthropologie des jeux vidéo/Sentiments et émotions dans les MMORPG

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Sentiments et émotions dans les MMORPG
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Chapitre no 5
Leçon : Anthropologie des jeux vidéo
Chap. préc. :Taxonomie des jeux vidéo
Chap. suiv. :Jeux coopératifs
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La relation humaine est une chose très importante pour les individus, puisque celle-ci a la fonction d'être le fondement du processus du développement d'une personne, en prenant en compte la découverte de soi-même ainsi que celle des autres[1].

D'après l'ouvrage « La psychologie des relations humaines » du professeur en psychologie sociale, Raymond Chappuis : « Il est impossible d'imaginer une relation humaine dépouillée de toute charge affective »[1].

Qu'est-ce qu'un sentiment, une émotion ?

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Dans un ouvrage intitulé Sentir et Savoir, le professeur Antonio Damasio, reconnu dans les domaines de la neuroscience, de la psychologie et de la philosophie, offre cette définition précise des sentiments :

Sentiments : les expériences mentales qui suivent et accompagnent divers états de l’homéostasie au sein de l’organisme. Ils peuvent être primaires (sentiments homéostatiques : la faim et la soif, la douleur et le plaisir) ou provoqués par des émotions (sentiments émotionnels : la peur, la colère, la joie, etc.)[2]

Cela en précisant que, d'une part :

On pourrait décrire l’homéostasie comme un ensemble de règles de savoir-faire, implacablement suivies selon les directives d’un manuel un peu particulier, sans aucun mot, sans aucune illustration. Ces directives garantissent que les paramètres dont dépend la vie, par exemple la présence de nutriments, certains niveaux de température ou de pH, sont maintenus dans un intervalle optimal[2].

Et d'autre part :

Les sentiments comptent parmi les premiers phénomènes mentaux et l’on ne soulignera jamais assez leur importance. Les sentiments permettent à une créature de représenter dans l’esprit son propre corps, soucieux de réguler les fonctions de ses organes internes selon les nécessités de la vie : se nourrir, boire, excréter ; se mettre sur la défensive comme on le fait dans le cas de la peur ou de la colère, du dégoût ou du mépris ; adopter des comportements de coordination sociale tels que la coopération ou le conflit ; afficher l’épanouissement, la joie, l’exaltation, et même les comportements liés à la procréation[2].

En ce sens, « les sentiments reflètent un processus de régulation chimique » établit sur « un dialogue entre la chimie corporelle et l'activité bioélectrique des neurones au sein d'un système nerveux »[2]. Un processus que l'on appelle communément intéroception et qu'il faut distinguer de la perception de notre système musculo-squelettique, appelée la proprioception, ainsi que de la perception du monde extérieur, appelée extéroception. Damasion souligne ensuite l'importance des sentiments dans le processus complexe que représente la conscience en abordant le sujet de l'anesthésie, dont le plus en précisément de provoquer une perte de conscience :

Avoir la capacité de sentir ne donne pas accès à l’esprit ou la conscience ; mais en l’absence de cette faculté, il est impossible d’élaborer les dispositifs qui progressivement font naître l’esprit, les sentiments et les processus autoréférentiels, les ingrédients qui permettent finalement l’apparition d’un esprit conscient. En bref, selon moi, les anesthésiques n’altèrent pas la conscience proprement dite : ils altèrent le sentir[2].

On comprend donc grâce à Damasio que les sentiments sont :

Des sentinelles prêtes à donner l’alerte. Ils informent l’esprit [...] de l’état de la vie au sein de l’organisme auquel il appartient. Par ailleurs, les sentiments incitent l’esprit à agir en accord avec les signaux positifs ou négatifs de leurs messages[2].

Dans son ouvrage, Damasio définit ensuite les émotions de la sorte :

Émotions : ensembles d’actions internes involontaires et concomitantes (contractions des muscles lisses, changements du rythme cardiaque, de la respiration, des sécrétions hormonales, des expressions faciales, de la posture, etc.) déclenchées par des événements perceptifs. Les actions émotionnelles visent en général à soutenir l’homéostasie, pour faire face à une menace (par la peur ou la colère), signaler une réussite (via la joie), etc. Nous pouvons également produire des émotions lorsque nous nous remémorons des souvenirs.

On comprend donc, suite à ce qui a été dit sur les sentiments, que ceux-ci sont des processus internes et imperceptibles en dehors de l'organisme, alors que les émotions sont, par définition, des évènements perceptibles à l'extérieur d'un organisme, puiqu'elles le mettent en mouvement. Mais cela tout en gardant à l'esprit, comme le stipule Damasio, que :

une réponse émotionnelle telle que la peur ou la joie peut imposer à tout moment des changements au niveau des viscères – qui sont les principaux acteurs corporels du processus émotionnel – et engendrer ainsi un nouvel ensemble d’états viscéraux et de partenariats corps-cerveau. [...] Il en résulte un nouvel ensemble de sentiments – désormais en partie « émotionnels » et non purement « homéostatiques ».

De la sorte, les sentiments, qu'ils soient d'ordre émotionnel ou homérostatique, ont une fonction descriptive du ressenti intérieur du corps alors que l'émotion est l'expression visible de l'extérieur de ce qui est ressenti à l'intérieur du corps, que ce soit au niveau des viscères ou de la pensée.

Roue des émotions de Robert Plutchik

Les sentiments sont ensuite liés à l'état de conscience[2]. Cette notion est définie par deux composantes vues comme essentielles, un niveau d'éveil et de perception consciente. Selon les co-auteurs de l'article d'une revue en neuropsychologie en question : « l’éveil, objectivé par l’ouverture des yeux, est principalement contrôlé par la formation réticulée au sein du tronc cérébral et ses projections. La perception consciente, parfois appelée expérience subjective, correspond à la capacité d’interaction avec l’environnement et de représentation de soi, ce qui est véhiculé par l’ensemble des fonctions cognitives et affectives de l’individu et dépend essentiellement du cortex cérébral »[3].

La liaison entre les sentiments et l'état de conscience d'un individu, se voit exister du fait vu qu'ils véhiculent d’importantes connaissances, en informant l'esprit de l'état de vie actuel au sein de l'organisme[2], c'est-à-dire que, de par les ressentis provoqués par les sentiments et les émotions, l'esprit peut savoir de quelle façon le corps et l'organisme sont affectés par les stimulis extérieurs. De ce fait, ils ont ensuite pour rôle d'inciter l'esprit à des agissements liés avec la nature des signaux envoyés au travers le déclenchement d'émotions et de réflexes pouvant contribuer à la survie de la personne et le maintient de son état homéostatique[2].

De cette manière, l’Homme est en capacité de sentir le bon fonctionnement ou non de ses organes et donc de son corps, comme par exemple le fait que le cœur bat de manière régulière ou irrégulière. Au travers des sentiments, l’individu est donc capable de réflexions menant à des choix, qui auront pour but de donner la meilleure orientation à son chemin de vie ou de survie, et de ce fait, d'agir de la manière la plus en adéquation[2]. Ces derniers occupent la fonction du « guide à temps partiel de la bonne gouvernance »[2].

Le professeur Damasio explique ensuite que, de manière réciproque, les expériences mentales qui suivent et accompagnent divers états au sein de l'organisme, que sont les sentiments, peuvent aussi être provoqués par des émotions »[2]. Cela tandis que Damasio définit l'émotion comme un : « ensemble d'actions internes involontaires et concomitantes déclenché par des évènements perceptifs »[2].

Comme expliqué dans un magazine scientifique de l'université de Lyon, les émotions sont donc liées à un événement, déclencheur de réactions spécifiques internes chez l'individu. Suite à quoi, une expression physique liée au stimulus extérieur, mais aussi intérieur comme l'explique Damasio, apparait comme une réponse émotionnelle visible par autrui. Un processus qui devance bien souvent le raisonnement, au vu de sa nature vive et spontanée[4].

Comme les sentiments, les émotions établissent également une liaison intime entre le corps et le cerveau, par un processus d'évaluation cognitive, appelé « appraisal process »[5], d'une situation précédant un déclenchement et de ce fait une différenciation des émotions. Les émotions facilitent donc les processus cognitifs, mobilisant l'attention de la personne hôte, tout en renforçant les capacités de la mémoire. Ce qui explique pourquoi une personne se souvient plus facilement des événements qui ont suscité de fortes émotions[5]. Certains parlent d'ailleurs de « mémoire »[6] et d' « intelligeance » émotionnelle.

Antonio Damasio explique aussi la nature de l'émotion par le biais du théâtre. En effet, lorsqu'un comédien cherche à exprimer physiquement une émotion, celui-ci va rechercher au plus profond de son être une émotion similaire déjà ressentie auparavant, afin de la faire resurgir face aux autres comédiens et aux personnes présentes dans le public[2].

Le désenchantement

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Depuis le milieu des années 1990, la pratique des jeux vidéo, et plus particulièrement ceux en ligne, connaissent un véritable accroissement. Ce dernier s'accompagne de certains questionnements émis par les familles, mais également par la presse, avec un accent mis sur les phénomènes d'addiction aux jeux vidéo. Cela peut porter comme conséquence le risque de masquer les véritables enjeux sociétaux qui sont attachés à ces nouvelles pratiques »[7].

En effet, cette pratique des jeux vidéo est le témoignage, chez les individus, de la recherche et de l'apprentissage d'un contrôle de soi, ainsi que celle d'un monde virtuel. Ces deux éléments sont intimement liés au rapport d'aliénation au monde, et au refus des contraintes sociales de la vie moderne[7].

De nos jours, pour les jeunes ainsi que ceux un peu plus âgés, les significations des institutions fondatrices de nos sociétés ne sont plus les mêmes que pour celles des générations précédentes. Pour exemple prit dans l'ouvrage en lecture, l'institution scolaire et ses modalités de transmission du savoir se voient avoir un impact moins efficace que par le passé. Il en est de même pour la politique, qui se voit quant à elle être délégitimée aux yeux de la jeunesse, pour cause principale qu'il est difficile pour cette dernière de croire en des projets collectifs alors qu'ils se trouvent dans une société à la tendance inverse, c'est-à-dire qui se voit exister de plus en plus dans un contexte d'autonomie des individus et donc individualiste. De ce fait, les mouvements sociaux institutionnels voient leurs missions ne plus être entendues de la même façon qu'auparavant, ainsi que de ne plus être partagées. Les représentations n'occupent plus la position pour cette génération, selon laquelle elles faisaient partie des références[8].

Cet effondrement de la cohésion sociale loin d'être une utopie, est bel et bien devenu une réalité, et porte pour conséquence un repli affectif de certains individus[8]. De ce contexte : « une tension très claire se laisse sentir entre d'une part un désir de paix et de sécurité, essentiellement affective ; et d'une autre part, un environnement chaotique, effrayant, risqué, et incertain dont il faut se protéger »[8].

C'est par le biais des jeux vidéo en ligne, que la jeunesse ainsi que les individus l'ayant quittée il y a quelques années, cherche un refuge et aspire à créer de nouveau du sens dans un collectif, dans un « vivre ensemble institutionnalisé »[8].

Le sentiment de manque

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Le manque n'est pas une notion qui se voit être admise au registre des émotions. Cependant, le célèbre psychanalyste Sigmund Freud fait apparaître cette notion comme relatif à un prototype de l'affect. Le manque pouvant donc être considéré comme un affect, celui-ci possède donc comme tous ces derniers, un versant corporel et pareillement un versant psychique. De plus, l'affect du manque ne peut être sans un objet, ne peut exister s'il n'est pas en lien de causalité avec un élément : un individu se retrouve en situation de manque en rapport avec quelque chose ou quelqu'un[9].

D'après l'analyse des textes Freudiens par le psychiatre et psychanalyste Claude Le Guen, l'affect est décrit comme étant « une production psychique au plus près de la pulsion »[10], ayant un rôle de représentation de celle-ci. L'affect est également décrit comme l'expression quantitative de la pulsion, en lien avec l'aspect économique et la notion de quantum, ainsi que la représentation qualitative, ce qui est expliqué comme « la transposition des pulsions en affects »[10]. De plus, l'affect appartiendrait à l'ordre du conscient, mais aussi pareillement à celui de l'inconscience[10]. Sigmund Freud mettra sur papier : « Si la pulsion n'était pas attachée à une représentation ou si elle n'apparaissait pas sous forme d'état d'affect, nous ne pourrions rien savoir d'elle »[5].

Le sentiment d'addiction sous le prisme relationnel

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Le terme d'addiction se voit être défini par les spécialistes comme : « une condition selon laquelle un comportement susceptible de donner du plaisir et de soulager des affects pénibles est utilisé d'une manière qui donne lieu à deux symptômes clés : échec répété de contrôler ce comportement ; poursuite de ce comportement malgré ses conséquences négatives »[7].

Selon le psychiatre et addictologue Benjamin Rollant, qu'elles soient de nature positive ou à l'inverse négative, les émotions ont une position centrale, puisqu'elles se trouvent au cœur des processus addictifs. Toute perturbation d'un équilibre émotionnel serait un facteur non négligeable d'un potentiel déclenchement de comportement pouvant être jugée comme à risque de développer une addiction, pouvant mener par la suite à une pathologie addictive. Cette pathologie addictive est le résultat de différents facteurs, définis par les spécialistes comme « bio-psycho-social », c'est-à-dire qu'ils soient biologiques, psychologiques ou bien sociétaux[4].

L'auteure Stéphanie Assimacopoulo écrit dans son ouvrage nommé « L'addiction relationnelle » : « Le besoin de l'autre est quelque chose de naturel et d'indispensable à la vie humaine [...] Les relations saines sont un facteur de croissance, elles nous invitent à l'interdépendance et nous offrent l'opportunité de donner comme de recevoir »[11].

L'addiction relationnelle est une addiction fortement similaire aux autres, de par ses aspects progressif et évolutif. Dans le cadre de ce type d'addiction, l'objet central devenant la drogue et servant à assouvir l'addiction est le comportement relationnel qu'un individu puisse entretenir avec une autre personne. Dans ce cadre, la relation à l'autre se voit être de nature obsessionnelle et compulsive, cela ayant comme conséquences la perte d'autonomie et de liberté pour la personne étant dans cette situation de dépendance affective[11]. En similarité avec les addictions plus communes, « la personne perd progressivement la maitrise de sa propre existence et quitte petit à petit le réel pour s'enfermer dans un monde où son état physique, psychique, émotionnel et spirituel ne cesse de se dégrader »[11].

Pour tenter de remédier à ce mal-être existentiel, l'individu en souffrance se sent dans une situation de contrainte d'agir. L'auteure explique que ce passage à l'acte est ressenti comme étant un besoin vital, ayant des conséquences au niveau de l'émotionnel pouvant être dévastatrices. En effet, via le prisme de l'addiction, les émotions ainsi que les ressentis se voient intensifiés et également démultipliés[11].

Le 25 mai 2019, l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a reconnu l'addiction aux jeux vidéo comme un trouble de la santé, entrant de ce fait dans la catégorie des comportements addictifs[12].

La pratique du jeu vidéo s'est vue être mise en relation avec la notion de l'addiction sous le paradigme de la médecine. Les psychologues Benoit Seewald et Sébastien Dupont, partagent que cette façon de penser et d'analyser cette addiction constitue pour eux : « un biais intellectuel, empêchant de voir les mécanismes psychologiques et sociologiques en jeu dans ce genre de pratique »[13]. De plus, d'autres auteurs ont également avancé la nécessité d'une différenciation entre les addictions plus communes et celles dues aux jeux vidéo en ligne[13].

Selon eux, « la pratique intensive de MMORPG relève davantage de logiques psychosociales que d'un phénomène de dépendance neurophysiologique »[13]. La pratique de ce type de jeu se rapproche plus d'un sport collectif que d'une consommation d'une substance psychotrope, du fait que ce type d'univers virtuels proposent de véritables espaces de socialisation[13].

Le sociologue Manuel Boutet expliquera quant à lui, que lors d'une pratique de jeux vidéo en ligne partagée, et cela même avec une distance physique entre les joueurs, il y a l'existence d'une construction d'identités collectives[14].

Le sentiment d'appartenance

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Le sentiment d'appartenance s'est vu attribuer la définition suivante par les professeurs d'université Philippe Blanchet et Michel Francard : « La conscience individuelle de partager une ou plusieurs identités collectives et donc d'appartenir à un ou plusieurs groupes de référence »[1]. Afin de pouvoir intégrer un ou plusieurs collectifs de personnes, l'une des principales caractéristiques de l'individu est que celui-ci doit se voir partager un certain nombre de traits identitaires similaires ainsi que des valeurs communes avec les autres membres [2].

Les jeux vidéo, depuis le début de leur mise sur le marché, suscitent la méfiance chez les adultes par la nature de leurs impacts. En effet, les jeux vidéo se voient attribuer le rôle de responsable pour toutes sortes de problématique concernant les plus jeunes. L'une des plus communément attribuées dans l'imaginaire collectif est celle de désocialisation et donc d'isolement des joueurs[13][15]. Ce reproche de comportement de repli social est le plus souvent émis envers un type de jeux particuliers, les MMORPG, acronyme de Massively multiplayer online role-playing game[13].

La pratique des jeux vidéo est devenue, avec les années, un véritable fait social. Cependant, ce phénomène est le sujet de peu d'études complètes dans ce milieu. Actuellement, les jeux vidéo voient leur pratique être étendue à un public plus large, puisqu'il ne concerne plus uniquement les enfants et les adolescents, mais également des personnes plus âgées. De plus, ils permettent à ses joueurs de pouvoir se rencontrer via l'option en réseau, proposant grâce à cela un aspect multijoueur en ligne[15].

Les MMORPG sont donc un style de jeux vidéo allant à l'encontre des croyances communes, puisqu'il offre en réalité à ses joueurs un espace de socialisation. Certes, ce dernier est un espace de nature virtuel, cela ne signifiant pas pour autant que ce genre différent se voit exister au détriment de la socialisation dite réelle. En effet, les passages de l'une à l'autre ne sont pas qualifiés de rares, ils sont même au contraire plutôt fréquents. Lors d'une étude menée par les psychologues Benoit Seewald et Sébastien Dupont, les sujets rencontrés ont communiqué le fait d'avoir partagé principalement leurs expériences de jeux avec des amis, ainsi que le fait de s'être créé de nouvelles amitiés par le biais du jeu[13].

L'expérience de jouer à un MMORPG semble procurer à ces amitiés, qu'elles soient issues de la vie réelle ou virtuelle, un effet fédérateur. Ce type de jeux demandant de par sa nature un investissement d'un nombre conséquent d'heures, ce qui assure aux joueurs de pouvoir retrouver leurs compagnons à chaque connexion sur les serveurs. Selon la psychologue Elizabeth Roosé-Brillaud et la psychothérapeute Irène Codina, lorsqu'il devient nécessaire de diminuer ce temps de jeu, pour la plupart des joueurs intensifs, le plus difficile est le fait de voir se rompre les liens permanents avec les individus rencontrés en ligne par l'intermédiaire du jeu et devenu des véritables relations d'amitié[13].

De par leurs natures, les MMORPG autorisent le joueur à de multiples changements d'avatar, ces derniers possédant des caractéristiques diverses et variées. Le joueur à la possibilité d'également pouvoir changer de groupe de jeu, c'est-à-dire de guilde. De ce fait, cet environnement virtuel peut être considéré comme un outil d'expression au niveau des choix propres à chacun, d'appartenance ou de non-appartenance. Via ces éléments, le joueur se voit donc dans la possibilité d'exprimer sa liberté individuelle, d'expérimenter mais aussi de pouvoir apprendre des nouvelles modalités d'attachements. Pour le psychologue Frédéric Berben, il s'agit d'un lieu d'apprentissage relationnel alternatif[16].

Ces propos sont soutenus par les écrits des psychologues en analyse, expliquant que l'expérience apportée par un jeu de rôles virtuels en ligne apporte des effets qualifiés de bénéfiques en matière de socialisation, d'expérience groupale, mais encore d'un point de vue plus individuel de confiance en soi[13]. En effet, les MMORPG peuvent se voir être « un substitut de socialisation ordinaire »[13]. Les psychologues à l'origine de l'enquête indiquent : « c'est en effet avant tout cette fonction socialisante que les sujets que nous avons rencontrés mettent en avant »[13].

L'incarnation d'un avatar permet au joueur de se faire intégrer dans un groupe déjà existant, régulé par une hiérarchie ainsi que par des normes et des codes propres. Les joueurs se voient donc tenir un rôle vis-à-vis des membres de son groupe, et entretiennent de la sorte des relations de différents types, telles que de l'entraide, et de l'interdépendance[13]. De plus, ils peuvent y explorer certaines notions, telles que la coopération, le respect, la responsabilité, la confiance en soi et en les autres, ainsi que différentes stratégies relationnelles[16].

De ce fait, l'intégration d'un joueur à une communauté du même jeu procure un sentiment d'appartenance, qui peut être associé à un habitus, concept du sociologue Pierre Bourdieu. Au-delà même de ce sentiment, certains sujets de l'étude expliquent la reconnaissance et la valorisation narcissique que leur apporte le groupe auquel ils appartiennent[13].

De plus, ces psychologues partagent l'information selon laquelle une enquête a révélé que pour 60% des joueurs, le style de jeux des MMORPG est un moyen de garder des contacts avec des amis étant géographiquement éloignés, ainsi que pour 14% des joueurs, ce type de jeu permet de rester en contact avec des membres de leur famille via ce type de jeux en ligne[13].

Les nouvelles formes de socialisation créées par les nouvelles pratiques des jeux en réseaux méritent des analyses sociologiques approfondies, selon le psychiatre Marc Valleur[17].

Notes et références

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  1. 1,0 et 1,1 Raymond Chappuis, La psychologie des relations humaines, Humensis, 2012-11-06 (ISBN 978-2-13-061234-6) [lire en ligne] 
  2. 2,00 2,01 2,02 2,03 2,04 2,05 2,06 2,07 2,08 2,09 2,10 2,11 2,12 et 2,13 Antonio R. Damasio, Sentir et savoir: Une nouvelle théorie de la conscience, Paris, Odile Jacob, 2021-05-19 (ISBN 978-2-7381-5461-3) , pages par ordre de citation : p.94, p. 24 & 25, p. 40 & 41, p. 102, p. 190, p. 114, p. 88, p. 100, p. 97, p. 94, p. 93, p. 95.
  3. Leandro R.D. Sanz, Steven Laureys et Olivia Gosseries, « Les états de conscience altérée : études comportementales et de neuro-imagerie », Revue de neuropsychologie, vol. 10, no  4, 2018, p. 313–321 (ISSN 2101-6739) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2024-05-01)]
  4. 4,0 et 4,1 « Les émotions dans la mécanique des addictions », sur popsciences.universite-lyon.fr (consulté le 12 avril 2024), p. 6 & 1
  5. 5,0 5,1 et 5,2 « Présentation. L’affect », dans L'affect, Presses Universitaires de France, coll. « Monographies de psychanalyse », (ISBN 978-2-13-054865-2, lire en ligne), p. 7 & 4
  6. Ahmed Channouf, Les émotions: une mémoire individuelle et collective, Editions Mardaga, 2006 (ISBN 978-2-87009-925-4) [lire en ligne] 
  7. 7,0 7,1 et 7,2 Sylvie Craipeau, « Les jeux vidéo, des utopies expérimentales », Psychotropes, vol. 15, no  1, 2009, p. 59–75 (ISSN 1245-2092) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2024-04-17)]
  8. 8,0 8,1 8,2 et 8,3 Olivier Servais, Jeux vidéo, nouvel opium du peuple ?, Paris, Fayard, 2020, 151 p. (ISBN 978-2-8111-2722-0), p. 14, 29, 19, 29 
  9. Catherine Ducarre, « Le vide et le manque : du manque d’affect à l’affect de manque », Revue française de psychanalyse, vol. 83, no  3, 2019, p. 3 (ISSN 0035-2942) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2024-04-12)]
  10. 10,0 10,1 et 10,2 Claude Le Guen, « Quelque chose manque...De la répression aux représentations motrices », Revue française de psychanalyse, vol. 65, no  1, 2001, p. 64 (ISSN 0035-2942) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2024-04-12)]
  11. 11,0 11,1 11,2 et 11,3 Stéphanie Assimacopoulo, « L'addiction relationnelle », Gestalt, vol. 37, no  1, 2010 (ISSN 1154-5232) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2024-04-12)]
  12. « L’addiction aux jeux vidéo reconnue comme maladie mentale par l’OMS - Faculté de médecine - UNIGE », sur www.unige.ch, (consulté le 12 avril 2024)
  13. 13,00 13,01 13,02 13,03 13,04 13,05 13,06 13,07 13,08 13,09 13,10 13,11 13,12 et 13,13 Benoit Seewald et Sébastien Dupont, « La pratique excessive d’un jeu de rôle en ligne. Un phénomène d’appartenance ? », Perspectives Psy, vol. 54, no  1, 2015, p. 44–52 (ISSN 0031-6032) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2024-04-12)]
  14. Manuel Boutet, « Jouer aux jeux vidéo avec style. Pour une ethnographie des sociabilités vidéoludiques », Réseaux, vol. 173-174, no  3-4, 2012, p. 207–234 (ISSN 0751-7971) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2024-04-12)]
  15. 15,0 et 15,1 Michel Nachez et Patrick Schmoll, « Violence et sociabilité dans les jeux vidéo en ligne », Sociétés, vol. 82, no  4, 2003, p. 5–17 (ISSN 0765-3697) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2024-04-15)]
  16. 16,0 et 16,1 Frédéric Berben, « Les jeux vidéo multijoueurs, une opportunité en thérapie familiale », Thérapie Familiale, vol. 35, no  1, 2014, p. 71–88 (ISSN 0250-4952) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2024-04-13)]
  17. Marc Valleur, « L'addiction aux jeux vidéo, une dépendance émergente ? », Enfances & Psy, vol. 31, no  2, 2006, p. 125–133 (ISSN 1286-5559) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2024-04-12)]