Aller au contenu

Anthropologie des jeux vidéo/Jeux vidéo et collapsologie

Leçons de niveau 16
Une page de Wikiversité, la communauté pédagogique libre.
Début de la boite de navigation du chapitre
Jeux vidéo et collapsologie
Icône de la faculté
Chapitre no 7
Leçon : Anthropologie des jeux vidéo
Chap. préc. :Jeux coopératifs
Chap. suiv. :Zelda en famille
fin de la boite de navigation du chapitre
En raison de limitations techniques, la typographie souhaitable du titre, « Anthropologie des jeux vidéo : Jeux vidéo et collapsologie
Anthropologie des jeux vidéo/Jeux vidéo et collapsologie
 », n'a pu être restituée correctement ci-dessus.

Qu'est-ce que la collapsologie ?

[modifier | modifier le wikicode]
Exemple d'un schéma collapsologique représentant un « effet domino ».

La collapsologie est un courant de pensée transdisciplinaire relativement récent, qui rassemble et recoupe des réflexions et analyses de nombreuses sciences telles que : l'écologie, l'anthropologie, la géopolitique, l'économie, la biogéographie, la futurologie, l'écosophie, etc.

Ce terme est apparu en 2015, dans un essai intitulé Comment tout peut s’effondrer : Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes[1]. Dans cet ouvrage, Pablo Servigne, ingénieur agronome et docteur en biologie, et Raphaël Stevens, expert en résilience des systèmes socioécologiques, analysent les risques d'effondrements environnementaux et sociétaux liés au développement de notre civilisation « thermo-industrielle »[2].

La collapsologie envisage ainsi les risques, causes et conséquences d'un effondrement systémique global de la civilisation industrielle. Elle se base notamment sur les recherches réalisées en 1972, par des chercheurs du MIT. Dans leur rapport Meadows The Limits of Growth[3], ces auteurs attiraient effectivement déjà l'attention sur les dangers écologiques posés par une croissance exponentielle de la démographie humaine et de son système économique. Les ressources de la planète Terre étant limitées, cette évolution semble en effet impossible, à une époque que certains ont par la suite appelée « Anthropocène », dans le but de mettre en évidence l'influence des êtres humains sur les écosystèmes terrestres.

La Grande Accélération de l'Anthropocène : tendances des systèmes de la Terre entre 1750 et 2010.

La collapsologie et l'anthropocène apparaissent ainsi comme deux néologismes indicateurs d'une certaine éco-anxiété liée à l'apparition d'un état d'urgence climatique et écologique. Les deux concepts se rejoignent par leurs inquiétudes communes portant sur les risques d'effondrements environnementaux et sociétaux, en lien avec le réchauffement climatique et l'effondrement de la biodiversité. Pour la collapsologie, cela pourrait mener à un déclin de la civilisation, voire même une extinction de l'humanité.

Plutôt que de croire en une solution, à l'image des techno-utopiens qui reposent leurs espoirs sur la géo-ingénierie et d'autres sciences prometteuses, certains jugent impossible d’effacer nos empreintes écologiques ou géologiques[4]. D'autres encore soutiennent que nous devons plutôt redéfinir notre relation avec la nature et apprendre à naviguer dans ce nouveau paradigme[5].

Pour les collapsologues, cet effondrement de la civilisation industrielle pourrait provenir de la conjonction de différentes crises intra et interconnectées, et non pas seulement celle de l'environnement. À cette dernière s'ajouteraient en effet les crises démocratique, énergétique, sanitaire, géopolitique, ou encore économique. Autant de crises qui auraient des réactions en chaîne à travers le monde[6].

Cependant, la collapsologie doit aussi faire face à son lot de critiques, alors que certains n'hésitent pas réfuter son caractère scientifique. Comme exemple de ce type de discours figure le livre Rien n'est joué : La science contre les théories de l'effondrement, de Jacques Lecomte[7]. Dans celui-ci, l'auteur critique la plupart des arguments avancés dans l'ouvrage de Servigne et Stevens[1], qu'il considère orientés, partiels, faisant dire aux sources scientifiques l'inverse de ce qui est mentionné, et parfois même s'appuyant sur des informations erronées.

Entre une vision utopiste de l'avenir, de ceux qui pensent que tout peut se poursuivre comme auparavant, et la vision alarmiste des collapsologues, la notion d'effondrement reste un marqueur symptomatique des inquiétudes portées par les générations contemporaines. Soit, des femmes, des hommes, des adolescents et des enfants, confrontés à la question de savoir : « que se passera-t-il ensuite ? ». On se met donc à envisager, à concevoir et à expérimenter[8], la gestion concrète et future de nos sociétés humaines, au sein des instances politiques, mais aussi au cœur des médias visuels et audiovisuels.

La collapsologie au sein des médias visuels

[modifier | modifier le wikicode]
Logo de la série The Walking Dead.

De nombreux média visuels se sont emparés de la thématique de l'effondrement de la civilisation, puisant dans la vague de pessimisme, d'anxiété et de peur concernant l'avenir de la civilisation humaine provenant des populations Occidentales[6]. Cette fixation culturelle sur l'effondrement de la civilisation semble être sans précédent : des livres de fiction, aux films d'Hollywood, BDs, séries télévisées, et bien sûr jeux vidéo[9]. Prenons l'exemple de la série dystopique The Walking Dead, et son préquel Fear the Walking Dead, univers inspiré du comics du même nom.

Bien que les zombies soient la menace pressante de premier abord, ils ne sont guère plus qu'un élément de l'intrigue vers ce que les survivants ont le plus à craindre dans l'éventualité d'un effondrement de la civilisation. C'est à dire : les autres humains. En effet, ils ont formé des communautés distinctes dotées de leurs propres lois et mœurs, aboutissant dès lors à des conflits ouverts et hostiles entre groupes. La façade que représente l'invasion de zombies tombe peu à peu pour mettre en exergue les menaces que les individus font peser les uns sur les autres à mesure que l'État de droit s'effondre : les militaires américains sont montrés en antagonistes, forçant les survivants à être en quarantaine.

Les zombies sont, après tout, une menace reconnaissable, mais Fear puise le drame et l'horreur dans la trahison des institutions conçues pour assurer la sécurité des gens[10].

Un point d'attention porté sur le jeu The Last of Us

[modifier | modifier le wikicode]
Logo du jeu The Last of Us (2013).

De manière similaire à The Walking Dead, qui a été par la suite adapté en jeu vidéo, The Last of Us (TLOU) est une oeuvre vidéoludique traitant également d'un univers dystopique et d'une figure se rapprochant des zombies. Ce jeu vidéo a été lancé en 2013, et est développé par l'entreprise américaine Naughty Dog[11]. Son intérêt reside dans la profondeur, complexité et qualité de sa narration, également considéré par les joueurs et critiques comme l'un des meilleurs jeux jamais réalisés[12].

Synopsis (attention, dévoilement d'une intrigue...)

[modifier | modifier le wikicode]

La trame principale se déroule au cœur d'une Amérique contemporaine transformée en civilisation post-apocalyptique, au bord de l'effondrement[13][14]. Une pandémie a ravagé le monde, avec des mutants infectés par un champignon (Cordyceps Fungus) qui se répandent face à des rescapés qui luttent pour leur survie. Le joueur contrôle Joel, qui est embauché pour exfiltrer Ellie, une jeune fille de 14 ans immunisée, d'une zone de quarantaine militaire, car elle pourrait être le dernier espoir pour l'humanité de trouver un remède[15]. S'ensuit alors un voyage dangereux et brutal à travers les États-Unis[11].

De ce fait, le Rêve Américain (American Dream) subit une transformation majeure lui aussi : il n'est plus libre et ouvert, mais confiné et presque mort. Le groupe militant de résistance, appelé les Fireflies, a pour intention de créer un remède pour le virus, et ensuite contrôler les ruines de la société. Néanmoins, TLOU souligne le problème lié à cette vision du futur et son impact négatif pour l'avenir de l'American Dream, supprimant toute possibilité d’identité individuelle ou de liberté de choix. Ellie, immunisée, correspond à une nouvelle génération qui a l'agency de poursuivre ses propres rêves.

Au fil du récit et de leur expérience commune face aux difficultés de ce monde post-apocalyptique, la relation entre Joel et Ellie évolue lentement vers une dynamique père-fille, formant un nouveau Rêve. Après leur périple, lorsqu'ils arrivent enfin au laboratoire de recherche, Joel doit décider que faire maintenant qu'il a retrouvé de l'espoir : laisser partir Ellie, même si c'est censé sauver l'humanité, reviendrait à sacrifier ce nouveau Rêve[13]. Bien qu'il s'agisse d'un jeu vidéo axé sur un objectif précis, son design porte atteinte à cet objectif de sauver l'humanité en refusant de laisser le joueur atteindre ce but : Joel refuse de laisser les Fireflies prendre la vie d'Ellie par une opération au cerveau, ayant pour but de trouver un remède à l'épidémie[16].

Lorsque l’humanité commencera à se reconstruire et à envisager un Rêve Américain pour l’avenir, la nature jouera inévitablement un grand rôle, comme le laisse entendre les experts parlant de l'Anthropocène et de résilience. Ceci est compris à la fin du jeu lorsque Joel et Ellie retournent dans une petite colonie écologique de Tommy (le frère de Joel), alors qu'ils tentent de construire un semblant de vie « normale ». Naughty Dog crée un monde où l’établissement d’une relation positive avec la nature et l'utopie d’une vie en équilibre avec cette dernière est une solution potentielle pour permettre au Rêve Américain de survivre et prospérer[13].

Une petite note supplémentaire concernant le champignon parasitaire mentionné, le Cordyceps Fungus : celui-ci existe bel et bien dans la vie réelle, infectant des insectes telles que les fourmis comme cette vidéo de National Geographic le démontre, et n'est donc pas entièrement une simple imagination dystopique[17].

Du côté des créateurs et des joueurs...

[modifier | modifier le wikicode]

Les jeux vidéo doivent encourager leurs joueurs à réfléchir à leurs expériences et à pleinement s'immerger dans les paysages numériques en vue de comprendre et d'apprécier les histoires nuancées qui y sont racontées. Quoi qu'il en soit, les jeux vidéo se démarquent de leurs homologues cinématographiques en offrant à leur public la possibilité de participer de manière active à leurs narrations, au lieu de regarder passivement les événements se dérouler.

Les jeux vidéo sont devenus des éléments essentiels de la société moderne, ils représentent un degré d'engagement, d'immersion et d'interaction inégalables[13]. De plus, les œuvres médiatiques post-apocalyptiques sont une réaction à la mutation des processus sociaux et géopolitiques. Le sentiment généralisé de crainte ou d'inquiétude du grand public est en corrélation avec les œuvres médiatiques qui abordent des questions telles que l'avenir du monde et la place de I'humanité dans celui-ci[18].

Grâce à cette nature dynamique du média, le joueur peut véritablement tester et expérimenter le résultat d'effets négatifs tels que le réchauffement climatique ou l'impact exercé par la population humaine sur notre planète. Dans The Last of Us, nous sommes amenés à prendre conscience des conséquences potentielles d'une société de surconsommation capitaliste, en ayant la possibilité de passer au crible les retombées d'une éco-catastrophe, conduisant à plusieurs modes de vie plus ou moins en équilibre avec la nature (tout comme la colonie écologique de Tommy susmentionnée)[19].

Alors que les jeux vidéo furent initialement destinés à un public cible hétérosexuel, blanc et masculin, avec une lente évolution des représentations de genre[20], The Last of Us propose une narration qui remet en question le message hétéro-patriarcal habituel. Il y parvient en bouleversant le schéma binaire de l'homme fort et protecteur comparé à la femme faible et protégée.

Le fait que cette inversion des rôles soit au cœur de la narration du jeu est significatif : Neil Druckmann, directeur créatif et scénariste en chef de The Last of Us, a déclaré que l'histoire était « construite autour de ce moment où les rôles s'inversent, où c'est maintenant Ellie qui doit protéger Joel, et essentiellement le ramener à la vie ». Cela représente donc une subversion consciente de la dynamique de la « demoiselle en détresse » (Damsel in Distress en anglais)[21].

En outre, et en accord avec les intentions des créateurs de TLOU[22], Ellie n'est pas sexualisée pour l'œil de l'audience cis-hétéro-masculine, via du regard masculin, que Laura Mulvey a conceptualié sous la formule anglaise Male Gaze. Elle est une jeune fille queer, chose encore si rare dans l'industrie du jeu-vidéo[23], qui remet en cause les normes genrées et gagne de l'agency au fil de l'évolution de son personnage[24]. Par exemple, au niveau du gameplay, le joueur a l'occasion de jouer le personnage d'Ellie à travers le segment « Hiver » du premier jeu, pendant qu'elle tente d'aider Joël qui est gravement blessé.

La tradition du trope de la demoiselle en détresse est ainsi brisée, de par l'émancipation d'Ellie. Elle est capturée, mais se sauve elle-même, et échappe à David par elle-même. Joel essaiera de la retrouver et de la secourir, mais Ellie ne l'attend pas et n'a pas besoin qu'un homme vienne la libérer. Par ailleurs, au sein de l'expansion The Last of Us: Left Behind, qui agit comme préquel à l'histoire principale, le joueur passe son temps à jouer Ellie, et découvre une partie de son passé avec sa meilleure amie, et intérêt amoureux, Riley[25].

D'autre part, dans The Last of Us, la nature se réapproprie le paysage urbain, véhiculant un message optimiste de restauration post-apocalyptique de la nature. Ce déplacement de l'attention portée à l'humanité vers la nature et l'environnement est caractéristique des messages liés au post-humanisme. Ce-dernier est un concept souvent lié avec l'Anthropocène, qui indique que les rapports relationnels qu'entretient l'être humain avec la nature et les non-humains est nécessaire pour envisager un concept d'être humain qui puisse aller au-delà d'une vision anthropocentrique du monde.

L'idée qu'une restauration naturelle aussi spectaculaire coïncide avec la fin tragique de l'humanité est admise par la plupart des joueurs[26]. Discutant des rues et maisons à l'abandon, désormais submergées par la nature qui reprend ses droits, les créateurs de The Last of Us avaient comme intention que les « joueurs réfléchissent à tout ce que nous avons construit [...] et à tout ce que nous avons perdu »[22].


Finalement, et de manière similaire à ce que nous avons mentionné quant à The Walking Dead, les « infectés » sont petit à petit le cadet des soucis, car les humains reviennent à une forme plus primitive au milieu de circonstances désastreuses, pour jouer à tout prix leur survie. La peur de la mort et de l'inconnu conduit les individus à adopter des comportements épouvantables.

Bien qu'il y ait encore des aperçus d'amour et de compassion dans les communautés humaines survivantes, des aperçus d'humanité, la série montre clairement qu'en cas d'effondrement de la civilisation humaine, tous les paris sont ouverts quant à savoir si la compassion humaine ou plutôt l'incivilité humaine, voire pire, l'emportera[6]

Les retours de joueurs dans un SubReddit dédié[27] au rapport à l'effondrement de la société dans The Last of Us, vont aussi dans ce sens :

L'élimination du virus ne guérirait pas les gens du monde dans lequel ils vivent. La civilisation ne se rétablira jamais dans ce monde. Bien sûr, vous n'aurez plus à affronter de terrifiants monstres infectés, mais je pense que l'un des thèmes des jeux est que ce sont les gens qui sont les véritables monstres.

Les gens dans le jeu sont incontestablement pires que les infectés... (...) alors que beaucoup de gens sont devenus plutôt horribles pour survivre, beaucoup d'entre eux ont simplement utilisé tout cela comme une excuse pour pouvoir faire ce qu'ils voulaient.

Je pense que TLOU Part 2 (note : le second jeu) met particulièrement en lumière la façon dont les gens peuvent s'unir et former une communauté prospère qui peut faire fructifier l'amour, les amitiés et les familles. Bien que chaque groupe soit extrêmement protecteur et territorial, il est évident qu'ils sont tous humains avec des amours et des désirs et c'est ce qui vaut la peine d'être sauvé[Citations originelles du SubReddit 1]

Chacun a une idée différente de ce que serait une société convenable, mais tous semblent vouloir créer une colonie prospère qui n'a pas à se soucier des attaques d'infectés ou de bandits, ou d'une armée tyrannique[Citations originelles du SubReddit 2]

Je crois que c'est exactement le dilemme que le jeu montre. Le cordyceps n'est pas vraiment le problème (...). Le vrai problème, c'est la déchéance de la civilisation et ce qu'elle a fait subir aux survivants. Toute la violence du monde est, dans une certaine mesure, le résultat du traumatisme collectif subi par les survivants[Citations originelles du SubReddit 3]

Et pourtant, au fil du temps, avec chaque atrocité et chaque quasi-effondrement de la société, le bien qui sommeille en nous se reconstruit. Les grands fléaux se voient reflétés par de grands actes d'unité et de collaboration. Nous avons toujours su rebondir, même lorsque cela semblait impossible. Même lorsque l'humanité semblait irrécupérable. Le monde de TLOU vaut autant la peine d'être sauvé (ou non) que le monde dans lequel nous vivons actuellement. Personnellement, je pense que la réponse à ta question serait la même que si tu demandais si nous, en tant qu'espèce, en tant que monde collectif, valons la peine d'être sauvés[Citations originelles du SubReddit 4]

Illustration de la pandémie du Covid-19.

Dans un autre fil du SubReddit TLOU, qui demande si l'effondrement de la civilisation était causé par de l'agitation sociale (social unrest) ou les infectés[28], des comparaisons de la mise en scène du déclin de la civilisation dans le jeu, avec la situation réelle de la pandémie du Covid-19 ont euent lieu. On y apprend notamment que les spores sont plus prônes à être propagés et davantage résistants que des bactéries ou virus. Ce à quoi certains joueurs ajoutent que le coranavirus est :

beaucoup moins mortel et ne transforme pas les personnes infectées en monstres [...] Imaginez maintenant le cordyceps qui transforme les personnes infectées en monstres, la civilisation telle que nous la connaissons tomberait en un an[Citations originelles du SubReddit 5]

Suite à quoi reviennent les questions sur l'importance des actions humaines :

Et à l'instar de la vie réelle, dans The Last Of Us, il y a différents groupes avec différentes croyances et façons de combattre le virus, ainsi que différentes priorités. Certains groupes veulent fabriquer un vaccin et sauver le monde, d'autres veulent vivre en autarcie et se débrouiller seuls, et d'autres encore veulent créer une zone fermée avec des mesures coercitives sévères. Ce que je veux dire, c'est que la vie est compliquée et qu'il y a beaucoup de types de personnalités et d'idéologies contradictoires. Je pense donc que l'agitation sociale, combinée à la présence de l'infection, est à l'origine de l'effondrement de la société[Citations originelles du SubReddit 6]

Que ce soit dans la narration du jeu, comme dans les croyances échangées entre les joueurs, une idée semble donc se dégager avec plus ou moins de clarté. Et celle-ci n'est finalement pas celle d'assister un jour à la fin du monde, à l'image des discours religieux eschatologique, mais plutôt celle d'entrevoir la fin d'un monde : celui que nous avons toujours connu[6].

Pistes de discussion

[modifier | modifier le wikicode]

Une piste de discussion annexe porte sur l'impact des jeux tels que The Last of Us sur le sentiment d’éco-anxiété des joueurs et joueuses. En effet, ces jeux présentent souvent des scénarios post-apocalyptiques qui mettent en lumière les conséquences dévastatrices de l'activité humaine sur la planète. D'un côté, il est possible que ces jeux exacerbent l'éco-anxiété en montrant des visions sombres de l'avenir et en amplifiant les craintes pré-existantes concernant l’impact des humains sur l'environnement. Mais, ils pourraient aussi servir de moyen permettant aux joueurs de confronter ces peurs de manière contrôlée et fictive.

Une étude[29], abordant le cinéma d'horreur, indique que ce cinéma est regardé, et ce malgré le fait que l’on recherche dans la vie réelle à éviter les sentiments de peur ou dégoût, car cela crée des situations où la peur est ressentie comme positive, et par conséquent appréciable. Pour ce faire, des bénéfices doivent excéder les risques, qui au final sont nuls dans le contexte des films ou des jeux vidéo, puisque la peur ressentie ne pose pas de menace à l’individu, ainsi le facteur risque est contrôlé. La personne qui s’expose volontairement à cette situation stressante retire des bénéfices par rapport à la gestion de ses propres réactions (c’est-à-dire ses réponses corporelles, l’orientation de ses pensées vers des aspects contrant la peur, jusqu’à ses expressions comportementales en cherchant du réconfort auprès d’autrui) face à des stimuli terrifiants. La conclusion est que le cinéma horrifique offre une occasion d’apprendre à affronter la peur, un sentiment normalement négatif, dans un environnement sûr. Une théorie similaire pourrait être tirée dans le contexte de sentiment de stress/éco-anxiété au sein du domaine des jeux vidéo, puisque par exemple les RPG (pour role playing game) représenteraient une forme de cinéma interactif alternatif. Ce parallélisme ne reste cependant qu’une hypothèse personnelle. En fin de compte, comme pour beaucoup de formes d'art, l'impact sur l'éco-anxiété dépendra surtout de la manière dont chaque individu réagit à ce qu'il voit et expérimente dans le jeu.

Références bibliographiques :

[modifier | modifier le wikicode]
  1. 1,0 et 1,1 Servigne, P., & Stevens, R. (2015). Comment tout peut s’effondrer : Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes. Éditions du Seuil, Paris.
  2. Jacques Grinevald, « L'effet de serre de la biosphère : de la révolution thermo-industrielle à l'écologie globale », sur pinguet.free.fr, Stratégies énergétiques, biosphère et société : forum interdisciplinaire indépendant, (consulté le 22 avril 2024)
  3. Meadows, D. H., Meadows, D. L., Randers, J., & Behrens III, W. W. (1972). The Limits to Growth : A Report for the Club of Rome’s Project on the Predicament of Mankind. New York : Universe Books.
  4. Demos, T. J. (2017). Against the Anthropocene : Visual Culture and Environment Today. MIT Press.
  5. Martynski, C. L. (2021). Navigating the Anthropocene: A study of audience experiences with three creative interventions. PhD thesis, University of Leeds. https://etheses.whiterose.ac.uk/29641/1/Martynski_CL_PCI_PhD_2021.pdf
  6. 6,0 6,1 6,2 et 6,3 Bingaman, K. A. (2022). The End of the World As We Have Known It ? An Introduction to Collapsology. Pastoral Psychology, 71(6), 753‑767. https://doi.org/10.1007/s11089-022-01026-y
  7. Lecomte, J. (2023). Rien n’est joué : La science contre les théories de l’effondrement. Les Arènes.
  8. Éditions Seuil. (s. d.). Sciences humaines : Comment tout peut s’effondrer. Seuil. Consulté le 13 mars 2024, à l’adresse https://www.seuil.com/ouvrage/comment-tout-peut-s-effondrer-pablo-servigne/9782021223316
  9. Moon, H. (2014). The post-apocalyptic turn : A study of contemporary apocalyptic and post-apocalyptic narrative. The University Of Wisconsin - Milwaukee. Consulté le 30 mars 2024, à l'adresse https://www.proquest.com/openview/794f4b9acd5910d2b081361357e2d37a/1?cbl=18750&parentSessionId=tI6SkWSTO0wwJGo%2BDbDk887AvFTNEMNaubm4wgM3LII%3D&pq-origsite=gscholar
  10. Sims, D. (2015, 2 octobre). The Real Villains of Fear the Walking Dead. The Atlantic. Consulté le 21 mars 2024, à l’adresse https://www.theatlantic.com/entertainment/archive/2015/10/fear-walking-dead-amc-review/408703/
  11. 11,0 et 11,1 Penn, M. (2023). “I Feel so at Home in This Subreddit" : A Netnographic Analysis of the Fan Subreddit r/ThelastofusHBOseries and Its Community-Building Aspects. Malmö University.
  12. Santos, G. (2020). Destructive but Ultimately Human : A Note on The Last Of Us Part II : Thoughts on my great and deep experience with The Last of Us Part II. Consulté le 30 mars 2024, à l’adresse https://medium.com/@landrhymer/destructive-but-ultimately-human-a-note-on-the-last-of-us-part-ii-8248c0643554
  13. 13,0 13,1 13,2 et 13,3 Smith, E. M. B. (2021). More ghosts than people : The decline and deconstruction of the American Dream in contemporary videogames. University of Kent. https://doi.org/10.22024/UniKent/01.02.85604
  14. The Last of Us Fandom Wiki. (s. d.). Outbreak Day (HBO series). Consulté le 30 mars 2024, à l’adresse https://thelastofus.fandom.com/wiki/Outbreak_Day_(HBO_series)
  15. Naughty Dog. 14 juin 2013. The Last of Us (jeu vidéo). Sony Computer Entertainment. Neil Druckmann, Bruce Straley. PlayStation 3. PEGI 18.
  16. Harilal, S. (2018). Playing in the Continuum : Moral Relativism in The Last of Us. [Sic] A journal of literature, culture and literary translation, 1.9. https://doi.org/10.15291/sic/1.9.lc.7
  17. National Geographic. (2019, 30 avril). « Zombie » parasite cordyceps fungus takes over insects through mind control | National Geographic [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=vijGdWn5-h8
  18. The Economist. (2017, 12 avril). Charting trends in apocalyptic and post-apocalyptic fiction. Consulté le 30 mars 2024, à l’adresse https://www.economist.com/prospero/2017/04/12/charting-trends-in-apocalyptic-and-post-apocalyptic-fiction
  19. Farca, G., & Ladevèze, C. (2016). The Journey to Nature : The Last of Us as Critical Dystopia. University Of Augsburg. Consulté le 30 mars 2024, à l'adresse http://www.digra.org/wp-content/uploads/digital-library/paper_246.pdf
  20. « L’évolution de la représentation de la communauté LGBTQIA + dans le monde du gaming », sur RTBF (consulté le 26 avril 2024)
  21. Brooks, S. M. (2021). Rescripting Father-Daughter Dynamics : New Masculinities and Relational Possibilities in Post-Apocalyptic Video Games. Old Dominion University. https://doi.org/10.25777/bk62-af78
  22. 22,0 et 22,1 PlayStation. (s. d.). The Official The Last of Us Podcast. Spotify. Consulté le 30 mars 2024, à l'adresse https://open.spotify.com/show/6Wkp8gWwE496D2svfjHWGu
  23. Harper, T., Adams, M. B., & Taylor, N. (2018). Queerness in Play. Palgrave Games in Context. https://doi.org/10.1007/978-3-319-90542-6
  24. Gonzales, J. T. (2018). The First But Hopefully Not the Last: How The Last Of Us Redefines the Survival Horror Video Game Genre. Senior Independent Study Theses, paper 8219. Consulté le 30 mars 2024, à l'adresse https://openworks.wooster.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=10179&context=independentstudy
  25. Evans, W. (s. d.). Playing Ellie’s Sequence In The Last Of Us Changed What I Thought Was Possible In Video Games. Blacknerd Problems. Consulté le 17 avril 2024, à l’adresse https://blacknerdproblems.com/playing-ellies-sequence-in-the-last-of-us-changed-what-i-thought-was-possible-in-video-games/
  26. Xiao Yu, M. (2021). An infinite amount of hope, but not for us : Posthumanism and beautiful post-apocalyptic landscapes in The Last of Us. Digital Patmos, 5(2). https://issues.digitalpatmos.com/vol5issue2/author/xiaoyu/>
  27. r/thelastofus. (s. d.). Is the world of TLOU worth saving anymore ? Reddit. Consulté le 30 mars 2024, à l’adresse https://www.reddit.com/r/thelastofus/comments/tziu39/is_the_world_of_tlou_worth_saving_anymore/
  28. r/thelastofus. (s. d.). Was the collapse of civilization caused by social unrest rather than the infected themselves? Reddit. Consulté le 30 mars 2024, à l’adresse https://www.reddit.com/r/thelastofus/comments/hb8djx/was_the_collapse_of_civilization_caused_by_social/
  29. Bantinaki, K. (2012). The Paradox of Horror: Fear as a Positive Emotion. The Journal Of Aesthetics And Art Criticism, 70(4), 383‑392. https://doi.org/10.1111/j.1540-6245.2012.01530.x

Citations originelles des SubReddit :

[modifier | modifier le wikicode]
  1. "I think Part 2 especially highlights how people can come together and make a thriving community that can flourish love, friendships and families. While each group is extremely protective and territorial, is evident they are all human with loves and desires and that's what is worth saving."
  2. "Everyone has different ideas of what a decent society would be, but they all seem to want to create a thriving colony that doesn't have to worry about infected or bandits attacks, or a tyrannical military."
  3. "I think this is exactly the dilemma the game is showing. The cordyceps isn't really the problem (...). The real problem is the downfall of civilisation and what it did to the people that survived. All the violence in the world is to some degree a result of the collective trauma suffered by the survivors."
  4. "And yet over time, with each atrocity and near societal collapse, the good in us rebuilds. The great evils are mirrored in great acts of unity and collaboration. We have always bounced back so far, even when doing so seemed impossible. Even when humanity seemed irredeemable. The world of TLOU is just as worth saving (or not) as the world we currently reside in. So personally, I think the answer to your question would be the same as if you asked if we as a species, as a collective world, are worth saving."
  5. "the coranavirus, which is way less deadly and doesn't turn the infected into monsters its hard to keep under control, now imagine the cordyceps which turns the infected into monsters, civilization as we know it would fall under a year".
  6. "And similar to real life, in The Last Of Us there are different groups with different beliefs and ways of combating the virus and different priorities. Some groups want to make a vaccine and save the world, some groups want to live on their own and fend for themselves, and some groups want to make a closed off zone with heavy enforcement. My point is is that life's complicated and there are a lot of conflicting personality types and ideologies so I think social unrest combined with the infected is what led to the collapse of society."