Utilisateur:Claude PIARD/Brouillon/La méthode sportive

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La méthode sportive
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Chapitre no 8
Leçon : Brouillon
Chap. préc. :La méthode naturelle autrichienne
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Du l'associationnisme cartésien à la phénoménologie[modifier | modifier le wikicode]

Si l’origine du sport contemporain remonte bien à Thomas Arnold (1795-1842) ce n’est qu’entre les deux guerres, alors qu’apparaissent les premières fédérations uni-sports souvent affectées d’une commission scolaire, qu’il pénètre timidement les programmes d’éducation physique de la méthode française ; et il faut attendre 1924 et le Traité d’Education Physique de Labbé et Bellin du Coteau (1883-1938) pour donner à la Méthode Sportive un début de légitimité. La chose ne va d’ailleurs pas de soi puisque l’année suivante Hébert publie Le sport contre l’Education Physique. Mais le Front populaire puis le gouvernement de Vichy avec Maurice Baquet (1897-1965) - Education sportive en 1942 - continue en ce sens et ce dernier poursuit son travail après-guerre à la direction de l’ Institut national des sports (INS).

De 1947 à 1959 la revue de cet établissement et les tome 1 (1956) puis 2 (1959) de Récréation et Education Physique Sportive de Crenn et Listello marquent cette œuvre pragmatique et très cartésienne. La réflexion reste en effet à la fois associationniste - les exercices se découpent en éducatifs pour en faciliter l’apprentissage - et dualiste : le corps s’entraîne et le caractère s'éduque, car le sport a des vertus, certes, mais des vertus qui s’enseignent. L’exemple du maître reste le meilleur garant de la transmission de ces valeurs morales. L’initiative ainsi prise par l'INS. inquiète sa voisine, l'École normale supérieure d’éducation physique (ENSEP), à qui revient institutionnellement le rôle de définir l'E.P. scolaire. Et c’est Justin Teissié (1906-1961) qui se charge d’élaborer une réponse où - sans s’éloigner cependant de la pratique - une réflexion théorique induite par la phénoménologie prend une part prépondérante, rompant ainsi avec les travaux de l'INS. Teissié se caractérise surtout par le développement du concept de maîtrise corporelle et l’organisation de la leçon.

La maîtrise corporelle[modifier | modifier le wikicode]

Inspecteur à la Libération, il abandonne en 1951 la direction du CREPS de Boivre pour se charger de l'enseignement du football et du disque à l'ENSEP. De tradition humaniste et fortement influencé par les formes d'éducation physique instaurées en Allemagne après la guerre par Karl Diem, Tessié replace l'éducation physique parmi les finalités générales de l'éducation qui sont pour lui : l'intégration sociale, la santé, le bonheur. La spécificité de notre discipline est de chercher ces fins à travers une matière particulière : les mouvements du corps humain.

Compte tenu de ce support particulier, l'éducation physique vise ces finalités à travers un objectif général : la maîtrise corporelle, expression fondamentale de la volonté dans ses démarches initiales : le gouvernement de soi-même commence par la maîtrise des muscles. Cette maîtrise corporelle exige l'élaboration d'un sens du mouvement, de l'espace, de l'inertie du corps, de la variation des attitudes. Elle exige aussi la maîtrise des émotions car elle réside plus dans l'intelligence de l'application des qualités athlétiques que dans leur expression brute. La maîtrise corporelle se reconnaît :

  • à l’efficacité mécanique du geste : précision, performance,
  • à son rendement économique : loi du moindre effort,
  • à la capacité d'acquérir et créer des gestes nouveaux : plasticité gestuelle.

Les facteurs constitutifs de cette maîtrise corporelle se répartissent en deux catégories qui reflètent l'état des connaissances de l'époque. Les facteurs secondaires, inscrits dans la morphologie et la nature du sujet, sont peu améliorables par l'entraînement :

  • facteurs structuraux du sujet liés à sa statique et la répartition de ses masses (flottabilité...), à sa dynamique et son tempérament (carbonique ou fluorique),
  • facteurs sensori-moteurs (la coordination) liés aux facultés sensorielles et à leur organisation dont dépend la qualité des réponses motrices. Sur ce point, les neurosciences ont montré depuis que l'organisation des facultés sensorielles à l’origine des réponses motrices dépend d’un traitement de l'information qui se constitue par éducation implicite ou explicite. Ces derniers facteurs sont donc bien améliorables et c'est même une des fonctions de l'E.P. On peut expliquer ce contresens de Teissié par l'état des connaissances de l’époque et le fait que sa propre expérience pédagogique se limitait à de jeunes adultes déjà très structurés dans ce domaine.

Les facteurs généraux sont susceptibles de fortes améliorations à travers la pratique des activités sportives. Ce sont :

  • les quatre qualités athlétiques ou puissances : vitesse, détente, force et résistance. On retrouve trois des éléments du V.A.R.F. de Bellin du Coteau, l'adresse classée facteur secondaire par Teissié disparaissant au profit de la détente, confondue avec la vitesse chez Bellin. Les modifications de ces facteurs se contrôlent avec moyens de mesure : mètre, chronomètre, dynamomètre.
  • les qualités cardio-pulmonaires, leur capacité à réagir et à s'adapter à l'effort. Elles doivent être développées spécifiquement à chaque type d'effort (Cf. Astrand).
  • les qualités techniques, peu mesurables, exigent l'assimilation de diverses contraintes : lois générales de la mécanique appliquées au corps humain, lois caractéristiques de l'engin utilisé, lois du champ de jeu (eau, neige, agrès, terrain...), lois du règlement pour les gestes sportifs.

La maîtrise corporelle peut être divisée en quatre secteurs facilitant son approche : la maîtrise des déplacements vient en tête comme chez Hébert, car elle conditionne tout le reste. Travaillée à travers la marche, la course, les sauts, la quadrupédie, la natation, les locomotions secondaires et plus particulièrement à travers les courses coordonnées, elle trouve son apogée dans les feintes de sports collectifs. Elle nécessite :

  • la précision des appuis permettant le contrôle de la vitesse, des changements de rythme et de direction,
  • la précision des prises d'élan et des passages à l'appel aboutissant à une position dynamique d'impulsion,
  • la rigueur de l'alignement en grandissement de la ligne pied-tête en finale d'impulsion, gage de qualité.

La maîtrise des engins se réalise à travers diverses manipulations : lancer, jonglage, lever-porter. Ces exercices de maîtrise d'engins, statiques au début, se combinent ensuite avec des déplacements plus ou moins complexes. Ils exigent :

  • l'appréciation des inerties,
  • la précision des trajectoires, tributaire de la rigueur des chemins d'impulsion,
  • la connaissance du champ de jeu, que ce soit en sports collectifs, en sports mécaniques, aux agrès etc.

La maîtrise du corps propre caractérise gymnastique et danse. Elle exige harmonie et équilibre des forces musculaires, articulaires, nerveuses, émotionnelles (Mendesiek, Böde). Ces exercices exigent la parfaite maîtrise des formes et des rythmes : sans but concret à atteindre ni performance à dépasser la finalité est le geste lui-même.

La maîtrise de l'opposition met en relation avec autrui, que ce soit avec contact (judo, sport collectif) ou sans contact (athlétisme, gymnastique). Elle exige au plus haut point la maîtrise des émotions et c'est le critère le plus sûr de la maîtrise corporelle : celui qui se maîtrise lui-même ne craint pas les autres. L'amélioration de la maîtrise de ces quatre secteurs dépend de facteurs sur lesquels l'éducateur agit de façon inégale.

Il serait possible de cultiver ces quatre maîtrises à partir d'une seule activité sportive mais il est plus réaliste de le faire en E.P. à partir d'un choix triangulaire : une activité athlétique, un sport collectif et une troisième choisie entre natation, combat et gymnastique. Teissié veut concilier la cohérence de l'E.P. et la prégnance sociale du sport. Il fait du second le support exclusif de la première dont il maintient la cohérence à travers l'objectif de la maîtrise corporelle.

La leçon d'E.P. sportive[modifier | modifier le wikicode]

Les moyens de travail collectif de la maîtrise corporelle montrent le souci de rompre avec l’associationnisme analytique traditionnel au profit d'une conception plus globale de la motricité. Ils sont de deux types.

Les moyens fondamentaux sont les gestes eux-mêmes et leurs formes d'apprentissage. Ils doivent demeurer des actions véritables et significatives dont le rapport à l'activité reste évident, ce qui n'est pas toujours le cas pour les éducatifs proposés par la méthode de l'Institut national des sports. Les gestes eux-mêmes se scindent en deux catégories inspirées des rénovateurs autrichiens :

  • les gestes athlétiques de performance et les gestes naturels restent des actions réelles à l'exclusion des éducatifs. Pour les sports collectifs, il s'agit de jeux bruts, les exercices techniques ou tactiques ne venant qu'ensuite. Le geste exact atteint son but ou la performance la plus élevée pour une dépense minimale.
  • les gestes esthétiques et conventionnels sont les formes dansées des divers déplacements : agrès, acrobatie, plongeon, patinage, natation artistique, danse... Fondements de l'affinement sensori-moteur, ils exigent équilibre et harmonie entre le potentiel athlétique et la maîtrise de l'émotion.

Les gestes d'apprentissage sont des formes complètes mais modifiées des précédents, les modifications s'effectuant dans trois directions :

  • simplification dans l'espace (réduction des distances et des hauteurs des haies), dans le temps (exécutions au ralenti), dans les résistances (réduction du poids des engins),
  • accentuation dans le temps et dans l'espace (foulées bondissantes), dans les résistances (lancers de gueuses, courses et sauts avec masses additionnelles...),
  • dissociation dans l'espace et le temps en accentuant une phase (saut sur une foulée, lancer sans élan...).

Les moyens complémentaires tournent autour du geste lui-même. L'idéal serait de pouvoir se limiter aux gestes eux-mêmes mais les conditions de la pédagogie collective et un certain réalisme incitent dans de nombreux cas à l'emploi de ces moyens complémentaires pour faciliter les exécutions ou les apprentissages. On peut les classer en trois groupes :

  • les exercices d'amélioration des qualités foncières peuvent être empruntés aux exercices néo-suédois qui agissent à la fois sur les qualités musculaires et nerveuses. Ils peuvent aussi être empruntés à d'autres activités naturelles qui deviennent complémentaires pour l'activité concernée (haltérophilie et lancers, cross et football...),
  • les situations dérivées qui précisent ou sécurisent la période d'étude : barre fixe basse ou plinth en gymnastique, matérialisation ou élévation d'une zone d'impulsion en athlétisme, quadrillage du terrain en sport collectif pour mieux occuper l'espace,
  • les exercices d'ordre qui permettent de gérer l'espace lors du travail collectif. Les gymnases sont encore rares et exigus et le cadre de la leçon d'E.P. reste la cour, le préau ou le stade. Le premier souci reste bien d'y maintenir de l'ordre et Teissié redéfinit les exercices d'ordre et les évolutions pour en faire le support même de sa leçon, comme Hébert fait du plateau le cadre de la sienne.

Alors que la manoeuvre militaire démarre en ordre pour revenir en ordre, l'exercice d'ordre tel qu’il le conçoit permet de remettre l’ordre dans le désordre. Il ne doit jamais devenir une fin en soi mais il ne faut pas non plus minimiser son rôle : c'est la condition de l'organisation du champ de travail. Son intérêt ne s'arrête pas là : il socialise l'égocentrisme et élargit la coopération, jouant un vrai rôle éducatif. Son utilisation obéit à quelques principes didactiques :

  • le démarrage se fait par un exercice assez complexe pour capter l'attention, quitte à revenir à plus simple en cas d'échec. Il importe en effet d'obtenir dès le début la participation active et intelligente des élèves, car l'exercice d'ordre doit mobiliser leurs capacités d'observation ;
  • l'aspect ludique doit prédominer : l'exercice d'ordre ne doit pas être vécu comme une contrainte mais comme un véritable jeu. A ce titre il entraîne des compétitions par équipes, comporte des éléments dérivatifs (octroi de gages aux défaillants) ou présente un aspect spectaculaire valorisant et agréable ;
  • l'aspect foncier ne doit pas être négligé : la marche lente n’est utilisée que pour démontrer un mécanisme, après échec à rythme plus élevé. On utilise course, pas chassés, cloche-pied, foulées bondissantes, divers pas rythmiques. Le changement de mode de déplacement peut être utilisé en dérivatif pour rompre la monotonie d'une longue évolution.

Les exercices d'ordre connus de la classe sont ensuite exploités par introduction d’éléments complémentaires dans leur déroulement :

  • exercices rythmiques à l'occasion des évolutions (frapper les temps du pied ou des mains) menant à l'apprentissage de danses rythmiques,
  • obstacles variés (bancs, plinths, barres basses...) menant aux parcours gymniques ou acrobatiques plus ou moins complexes de type germanique,
  • réponse à un signal (ou « évocateur »), échange d'engin en cours d'évolution (ballon...) menant aux exercices préparatoires aux sports collectifs (chris-cross...).

À partir de l'exploitation des gestes sportifs, qui répondent à une motivation sociologique, Teissié traite à travers une pédagogie collective du problème de l'adresse, de la disponibilité motrice, de l'aptitude à "habiter son corps". Proche des rénovateurs autrichiens, il induit en France un courant nouveau dont son disciple Jean Leboulch assure la continuité. Ce dernier, à travers la psychocinétique, se préoccupe de l'amélioration des facteurs sensori-moteurs considérés comme constitutionnels par Teissié, contribuant ainsi à des progrès importants en éducation physique.