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En 2013, deux films sortent sur les écrans :
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== Débats et discussions ==
== Débats et discussions ==

Version du 5 février 2014 à 17:02

Collaboration juive sous le nazisme

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Préambule

La formulation originelle de l'article a été rédigée à partir de la → version russe intitulée, selon une traduction littérale : « Le collaborationnisme juif pendant la Seconde Guerre mondiale ». Malgré les précautions prises par ses auteurs et ceux qui ont conjointement œuvré ensuite à l'adaptation du texte en français, la transcription des termes originaux dans la langue de Molière — outre les modifications du vocabulaire russe survenues depuis la disparition de l'ex-URSS — peut susciter quelque équivoque. En effet, le lecteur russophone connaît le mot « collaboration » — en russe : « satroudchestva » — et ne l'utilise le plus souvent que dans le sens premier en français, à savoir : travail en commun. La racine de ce mot en est la suivante : « sa » signifiant « avec » et « trouda » = « travail », « chestva » indiquant qu'il s'agit d'un concept. Avant la disparition de l'ex-URSS, les Russes l'utilisaient pour désigner la collaboration dans le deuxième sens du terme, « politique d'entente avec les Allemands » par rapport au gouvernement de Vichy et en adéquation avec d'autres terminologies telles que traître, félon, complice — en russe : prédatel, ismienik, pasobnik — ou encore, entre autres exemples, « Kislingi » → pour la Norvège : du nom de Quisling. De nos jours, ces substantifs sont considérés en Russie comme trop imprégnés de connotations négatives. De ce fait, ils sont généralement supplantés par la formulation ci-après : « collaborationnisme[H 1] », en russe : коллаборационизм[H 2]kollaborationism[H 2]. Signalé parfois en russe comme étant d'origine française — cf. régime de Pétain — puis internationalisé du fait des usages du droit international et de ses traités, le terme transparaît également en russe dans une version abrégée « collaboration » — en russe : kolaboratsia — qui n'est pas reprise dans les dictionnaires classiques alors que les plus récentes parutions le définissent selon une vision davantage « commerciale » qu'implicitement entachée d'une quelconque alléguée « politique d'aide à l'ennemi ». La langue russe préférant souvent les formes adjectivales, « collaborationnisme juif » est préféré à la « collaboration des Juifs ». Le problème que pose cette modification dans la langue russe tend, d'une part, vers une euphémisation des mots et, d'autre part, vers l'absence de distinction entre les deux notions préexistant distinctement en français entre « collaboration[H 3] » et « collaborationnisme[H 1] », la seconde version incluant avant tout un caractère « idéologique » dont l'allusion peut s'avérer source de questionnements voire de possibles confusions ou malentendus réactionnels.

Avertissement :
Avertissement :

Avertissement : le simple fait de se risquer à évoquer la perspective qu'ait pu exister — même dans de rares cas isolés, et quelle que fût la forme que ceux-ci auraient pu revêtir — une possible collaboration entre un certain nombre de Juifs avec le régime nazi demeure aujourd'hui encore, plus de 70 ans plus tard, un sujet extrêmement sensible — voire tabou — à aborder avec d'infinies précautions. Les faits tendent pourtant bel et bien à rendre plausibles divers rapports selon lesquels plusieurs Juifs auraient pu apporter leur contribution ponctuelle à certaines actions des forces d'occupation du Troisième Reich durant la Seconde Guerre mondiale, fût-ce dans le cadre de l'action de la police juive des ghettos ou même à l'occasion d'initiatives individuelles relevant de leurs choix personnels, voire en œuvrant au sein d'associations telles que les Judenräte ou les Vereinigung. Cependant, la majeure partie des historiens demeure partagée et circonspecte pour ne pas dire foncièrement réservée et parcimonieuse face aux risques de dérives susceptibles de découdre d'une telle approche manichéiste dont certaines déclinaisons pourraient potentiellement s'afficher comme trop brutes voire exagérément restrictives au regard d'une évaluation impartiale des faits. C'est pourquoi plusieurs éminences universitaires proposent un florilège de pistes alternatives dont les fondements permettent de mieux jauger, cerner et objectiver la teneur des épisodes incriminés eu égard aux lots de versions divergentes et inévitablement contradictoires que comporte la plupart des récits et interprétations dissemblables assimilés à cette thématique controversée.

La collaboration juive sous le nazisme se réfère à un certain nombre de réactions et comportements litigieux émanant de plusieurs Juifs d'Europe victimes de la politique antisémite des nazis, que ce soit au cours des premières mesures de rétorsion, suivies de persécution, puis d'extermination. Cette thématique englobe une large gamme de variantes dont les modalités se conjugent à divers facteurs chronologiques, géographiques, sociologiques, collectifs ou individuels[H 4]. Ainsi, le concept selon lequel aurait pu hypothétiquement prévaloir une quelconque « coopération[H 5] » — contrainte, larvée, consentie ou peut-être même « opportuniste » — d'un nombre indéterminé de Juifs avec les forces ennemies du Troisième Reich fait l'objet d'une profonde division historiographique depuis la parution des ouvrages suivants :

  • 1963 : « Eichmann à Jérusalem[H 6],[H 7] »
  • 1980 : « Des Juifs dans la collaboration[H 8] »
  • 1981 : « Sois Juif et tais-toi![H 9] »
  • 2001 : « Opfer und Täter zugleich?[H 10] »
  • 2002 : « Hitler's Jewish soldiers[H 11] »
  • 2003 : « La tragédie des soldats juifs d'Hitler[H 12] » [photos en ligne]
    → traduction française de « Hitler's Jewish soldiers[H 11] »
  • 2004 : « Les curateurs du ghetto[H 13] »
  • 2009 : « Lives of Hitler's Jewish soldiers[H 14] »

Prémices

Werner Rings

Werner Rings, sociologue suisse, caractérise quatre types de collaborations :

Eugène Rosenblatt

Eliezer Berkovits Вера после Катастрофы: La foi après la Shoah

…Toutes les cruautés accomplies par les prisonniers du camp vis-à-vis de leurs camarades, ce sont les Allemands qui en sont responsables et c'est leur plus grand crime. Celui qui compare les policiers du ghetto avec les chefs allemands, ne se rend pas compte de la monstruosité des crimes nazis contre l'humanité. Il existe une énorme différence entre la cruauté du bourreau et la cruauté des victimes. Les premiers sont convaincus d'être les maîtres du monde, engraissés par leurs pillages, qui ont choisi de leur plein gré de choisir le service du mal. Les seconds, malheureuses victimes, dont le moral est brisé avec une barbarie monstrueuse. La cruauté des premiers est contre-nature. Celle des seconds est le résultat naturel de crimes d'une inhumanité inimaginable. Et, au contraire, il est impossible de comprendre comment la majorité des prisonniers a pu conserver une mentalité humaine jusqu'à la fin et même atteindre un niveau aussi élevé du sens du sacrifice de soi !

Pour ce qui est des autorités juives (Judenrat) et des membres de la police juive des ghettos, l'historien russe Eugène Rosenblatt[H 20] caractérise leur évolution en deux groupes distincts :

  • Ceux qui, dans le cadre d’une stratégie de survie collective, se sont solidarisés du reste de la communauté juive et se sont engagés dans sa préservation ;
  • Ceux qui ont ont opté pour une stratégie de survie individuelle, quitte à recourir à des moyens allant jusqu'à impliquer la mort d'autres membres de la communauté.

Le premier groupe s'identifie à l'expérience de nombreux survivants du ghetto pour tenter, dans la mesure du possible, d'arriver à un système où des chances supplémentaires de survie sont données à toute une catégorie de la population juive. La tutelle des Judenräte sur les familles nombreuses, les nécessiteux, les vieillards, les invalides et les isolés s'inscrit souvent dans cette démarche. Les représentants du second groupe s'opposent aux intérêts des autres Juifs en utilisant tous les moyens pour survivre, y compris ceux qui attentent à la situation ou à la vie de leurs semblables : ce sont les collaborateurs notoires. Compte-tenu de l'histoire préalable des régions concernées, ces phénomènes peuvent revêtir de surcroît des aspects locaux particuliers. Traiter de cette question à partir de considérations générales se révèle donc particulièrement délicat. Pour exemple, l'invasion allemande de la Pologne en 1939 s'opère dans un climat d'antisémitisme historique local alors que la politique nazie à l'égard des Juifs n'est pas encore médiatisée.

articles détaillés :

Chaïm Rumkowski goûtant de la soupe au ghetto de Łódź

S'il est difficile d'en évaluer l'importance exacte, Hannah Arendt[N 1] a établi que des juifs ont bien pris une part active aux exactions des nazis[H 21]. Ainsi, en Israël, après la guerre, eurent lieu différents procès et inculpation pour des actes de collaboration des Judenrats où environ 40 Juifs furent accusés de complicité avec les nazis et condamnés à des peines de prison[1]. Le cas de Rudolf Kastner, leader des juifs hongrois, fut l'objet d'un retentissement particulier. Bien qu'acquitté par la Cour suprême d'Israël[N 2] trois ans après sa mort, des témoignages de son assistance aux nazis furent déposés lors du procès d'Adolf Eichmann : en échange d'un millier de juifs rapatriés en Palestine, il accepta la « déportation » d'autres[2]. Antérieurement beaucoup de collaborateurs tels Alfred Nossig furent exécutés par les résistants juifs[3].

En Europe centrale

Il s'agit essentiellement des zones envahies à la suite de la signature du « Pacte Molotov-Ribbentrop » plus connu sous l'appellation de Pacte germano-soviétique.

article détaillé :

En Pologne

Police juive dans le ghetto de Varsovie

Le chef du ghetto de Varsovie, Adam Czerniaków, qui se suicide en apprenant que les listes qu'il signe avaient signifié la mort pour des milliers de ses semblables[4], est l'un des cas qui illustrent le mieux la nature de la collaboration juive et justifie la réticence à user de ce concept. Mais simultanément, à l'extérieur du même ghetto, l'organisation Zagiew, créée par les nazis avec des Juifs polonais, collabore avec la Gestapo pour la traque des Polonais qui cachent des Juifs en ville. Beaucoup de membres de Zagiew sont liés au « Groupe 13 » d'Abraham Gancwajch, organisation collaborationniste juive interne au ghetto de Varsovie. Tadeusz Bednartchik, combattant polonais de la résistance, affirme que cette organisation comprenait 1 000 agents de la Gestapo d'origine juive[H 22]. Certains de ces agents étaient armés et l'organisation disposait d'une revue du même nom dont le rédacteur était Chain[5].

articles détaillés : ghetto de Varsovie Histoire des Juifs en Pologne

Police juive et allemande à l'entrée du ghetto de Łódź
Chaïm Rumkowski, le dictateur du ghetto de Łódź

Le président du Conseil juif du ghetto de Łódź, Chaïm Mordechai Rumkowski, a été qualifié de « juif le plus contesté de l'histoire contemporaine ». Investi par les autorités nazies d'un pouvoir absolu sur les 160 000 personnes enfermées pendant quatre ans dans ce couloir de la mort grand comme une cité, Chaïm Rumkowsky a sombré dans la paranoïa du pouvoir, organisant un véritable camp de travail au service des nazis au sein du ghetto. En sélectionnant ceux qui devaient être déportés, en les faisant arrêter par sa police et conduire vers les trains partant pour une destination inconnue, il s'est fait le complice du génocide. Il se fit une triste réputation en prononçant devant les prisonniers du ghetto un discours répétant sans fin « Donnez-moi vos enfants ! » pour les persuader qu'au prix de la vie des enfants, il pourrait sauver ceux qui restaient[6]. Cette attitude lui a valu la condamnation unanime d'Hannah Arendt, Raul Hilberg et Primo Levi[H 23]. article détaillé : ghetto de Łódź

Dans les pays baltes

Dans un article en polonais publié en 2007 dans la revue scientifique Glaukopis sous l'intitulé « Lonek Skosowski : la fin des collaborateurs juifs de la Gestapo[H 24] », Wojciech Jerzy Muszyński et l'historien Marek Jan Chodakiewicz écrivent :

« Au cours de la Seconde Guerre mondiale, Hitler et les membre du Parti national-socialiste œuvrèrent en chœur pour conduire les Juifs à la mort. Ceux-ci, harassés, persécutés, ne virent d'autres alternatives que d'user de toutes sortes de stratagèmes pour survivre sans pour autant pouvoir s'assurer la moindre garantie de succès en retour. Contraints de se cacher, certains d'entre eux eurent même recours à des mesures extrêmes. L'un des cas les plus controversés est celui d'Elke Sirewiza. Après avoir reçu de faux papiers affublés du nom de Fritz Scherwitz[H 25], il s'affilia au Parti nazi. Servant les SS en qualité de « Obersturmführer », il fut nommé commandant en chef du camp de concentration « Lenta » à Riga en Lettonie. Il supervisa et cautionna l'assassinat de Juifs et le viol de femmes juives[H 26].  »

article détaillé : camp de concentration de Riga-Kaiserwald

L'histoire de Jacob Gens, d'abord chef de la Police juive puis dirigeant du Judenräte du ghetto de Vilnius est un exemple d'ambiguïté et de sort tragique. Pour sauver des habitants du ghetto, il livra aux nazis le chef des clandestins, Itzak Vittenberg et envoya à plusieurs reprises au peloton d'exécution des malades chroniques et des vieillards à la place de femmes et d'enfants afin de « sauver le peuple juif du futur[H 27] ». Il fut exécuté par la Gestapo le 14 septembre 1943 pour collaboration avec les clandestins[7].

article détaillé : ghetto de Vilnius

En Tchécoslovaquie

L'entrée du camp de Theresienstadt

Charles Schulman écrit : « Notre camp qui avait été créé en mai 1941, était donc dirigé par Wenkart, le Juif viennois à qui beaucoup des gens reprochaient cette responsabilité : selon eux, il se rendait ainsi complice des Allemands ... Le chef de notre camp s'appelait Immerglick. C'était un vrai salaud, un collabo juif et si nous le comparions avec Wenkart, le commandant juif du camp de Dęblin, ce dernier était un véritable ange[H 28] ». Des accusations de collaboration ont aussi été formulées à l'encontre du Conseil des aînés (Ältestenrat) [N 3] du camp de Theresienstadt pour avoir caché aux volontaires pour Auschwitz le sort qui les y attendait[H 29]. Raul Hilberg a appliqué ce qualificatif à la Kultusgeneinde de Vienne, et au rabbin Benjamin Murmelstein qui en dirigeait la section « émigration ». Murmelstein avait conclu un accord avec l'Office central pour l'émigration des Juifs afin que, en contre-partie de la coopération du Kultusgeneinde, une liste de 6 catégories de juifs ne soient pas transférée vers des camps d'extermination dont, en premier lieu, les membres de l'appareil administratif juif[H 30]. Toutefois, selon l'« Association du souvenir des martyrs de Theresienstadt », les trois responsables du Conseil des aînés étaient des serviteurs loyaux de leur communauté dont « l'objectif principal était de sauver les Juifs du ghetto selon une approche rationnelle de sauvetage par le travail ». Bien qu'il aient eu l'opportunité de s'échapper du camp avec leurs familles ils choisirent d'y rester et de partager le destin de leur communauté. Ils ont essayé de s'opposer aux persécutions mais durent « faire face à l'horrible dilemme » d'organiser les déportations selon les ordres des nazis. Bien qu'ils n'eurent pas connaissance de la « solution finale », ils prirent conscience que l'objectif des nazis étaient l'extermination du peuple juif[H 31]. Les Conseils des aînés ont été ensuite rebaptisés en Conseil juif. Toutefois, dans le cas de Theresienstadt, le nom en est resté car qu'il était officiellement présidé par son doyen Paul Eppstein[H 31]. En Allemagne et en Autriche, ce rôle était tenu par les Geneinde. Sous la pression de Heydrich, leur création a été rendue obligatoire dans toutes les communautés hors de l'Allemagne en septembre 1939.

article détaillé :

En Europe orientale

Il s'agit essentiellement des zones envahies à la suite de la rupture du Pacte germano-soviétique et le déclenchement de l'opération Barbarossa.

article détaillé : opération Barbarossa

Fichier:Kiev-MonumentVictimsHolodomor1932-33 01.jpg
Kiev : monument commémoratif de l'Holodomor

Les cas de l'Ukraine et de la Biélorussie réclament une analyse particulière des motivations à la collaboration car « la différence significative relative à la question impliquant une collaboration juive n'était pas nécessairement imprégnée d'une quelconque base idéologique puisqu'elle comportait également une part non négligeable de personnalités non-juives qui coopéraient avec les instances en vigueur à dessein d'y assouvir un désir de vengeance par rapport aux torts causés (par le) régime soviétique : nationalisation, collectivisation, répression[H 20] ». En commençant à " collaborer " avec les nazis, les juifs ukraniens ont-ils combattu avec l'Allemagne ou contre l'URSS ? Puis le temps s'accélère après le déclenchement de l'opération Barborossa en juin 1941 et pris dans l'engrenage des illusions initiales beaucoup d'entre eux n'ont peut-être pas saisi à temps toute l'horreur de la situation pour pouvoir s'en dégager. Ils sont alors réduits à limiter les dégâts chaque fois que possible entre en 1942 et 1943 lors des rafles de la Shoah[8]. Cependant quelques-uns ont aussi manifesté un zèle qui ne s'explique pas que par l'égarement.

articles détaillés :

Pour exemple, Khaïm Sygal, natif de Lvov (de son nom complet : « Cyril Nikolaievitch Sygolenko » ) entre dès le début de la Seconde Guerre mondiale dans les rangs de l'organisation nationaliste ukrainienne Sitch de Polésie (UPA-УПА-ПС). Il prend une part active à leurs activités pendant l'été et l'automne 1941. Nommé chef d'escadron le 18 septembre 1941, il est quelque temps adjudant dans « l'Armée insurrectionnelle » de Taras Borovets (dit « Boulba »). Le 16 novembre 1941, il passe au service des Allemands et travaille comme interprète à la gendarmerie de Sarny (Oblast de Lvov) et dès le 19 à Olevsk il commande l'exécution de 535 personnes. De l'été 1942 à 1943, il est commandant de la police de Doubrovitsy où il ordonne la fusillade de 70 soviétiques dont 69 juifs au cimetière de Doubrovitsy[N 4]. En 1944-1945 il collabore activement comme membre du Sicherheitsdienst et participe encore à des exécutions de citoyens soviétiques, dont des tueries collectives. Après la guerre, alors qu'il vit à Berlin-Ouest, il est arrêté en 1951 par les services de sécurité allemands lors d'une visite en République démocratique allemande (RDA). Transféré en URSS, il est jugé et fusillé en 1952[9],[10].

La situation n'est pas plus brillante à Minsk où les prisonniers du ghetto mènent un combat acharné pour leur survie en dépit d'un climat de terreur extrême. De 1941 à 1943 les dirigeants de ces groupes clandestins[H 32] font l'objet de surveillance assidue relayée par un réseau interne d'informateurs mandatés. Parmi les résistants les plus notoires : Nadia Shusser, Rosa Lipsky, Lena Maizels, Nina Fox, Emma Rodova, Meyer Feldman ...[11].

articles détaillés : ghetto de Minsk

En Europe occidentale

En Belgique

Sur un plan plus institutionnel, l'Association des Juifs en Belgique (AJB) était un organisme, composé de ressortissants juifs, qui fut créé par une ordonnance allemande durant la Seconde Guerre mondiale. Son rôle fut largement dénoncé par la résistance juive qui y voit un organe destiné à faciliter à l'autorité allemande le contrôle de la population juive de Belgique[12]. Il s'agissait en effet de « faire assumer par les juifs eux-mêmes les conséquences de la politique allemande tant sur les aspects relatifs à leur survie provisoire que ceux liés à leur élimination programmée[13] ». L'association fut dissoute par ses dirigeants quinze jours avant la libération. Une enquête fut ouverte après-guerre pour élucider son rôle, elle déboucha sur un non-lieu[14]. On refève aussi des collaborations individuelles. Ainsi Icek Glogowski, le « gros Jacques », était un Juif belge. Traître notoire, collaborateur nazi à la solde de la SIPO-SD, il avait ses bureaux au siège de la Gestapo, avenue Louise à Bruxelles. Le duo qu'il formait avec Kurt Assche avait une terrible réputation[15] et fut responsable de la déportation de centaines de Juifs.

Dans un ouvrage intitulé « Les curateurs du ghetto[H 13] », Jean-Philippe Schreiber et Rudi Van Doorslaer évoquent l'existence d'« anciens membres de la Résistance, qui n'entendent pas céder sur leurs positions et continuent à parler d'une collaboration juive[H 33] ». Schreiber et Van Doorslaer citent également Marcel Liebman qui, en 1977, parlera de « l'indignation de nombreux survivants » face à la volonté d'ignorer. Ceux-ci, « après la Libération, s'étaient attendus à voir les principaux responsables du Judenrat poursuivis pour leur complaisance envers l'ennemi ou pour leur collaboration[H 34] ». Les deux auteurs précisent qu'« aucune action en justice ne fut intentée contre eux. Des dirigeants de la communauté juive découragèrent toute initiative du genre. L'un d'eux se justifia en disant qu'il ne fallait pas raviver de vieilles plaies et que les Juifs avaient assez souffert[H 34]. ». On peut également y lire que « l'on trouve certes quelques traces d'une commission d'épuration à Bruxelles, en 1945[H 34] », mais qu'« elle n'est hélas pas documentée[H 34]. ». Quelques velléités visant à traduire un certain nombre de responsables en justice semblent bel et bien avoir eu lieu puisque, « à Liège, le CDJ mit sur pied une commission d'épuration pour dénoncer les « collaborateurs juifs » à la justice. Elle mit l'AJB en accusation, pour des motifs divers : obéissance aux ordres de l'ennemi, collaboration aux mesures de déportation, menaces, confection de listes, regroupement des Juifs, extorsion de fonds[H 34]. ». Qui plus est, en 1965, « la publication par Betty Garfinkels, l'épouse de Grigorijs Garfinkels, d'un ouvrage sur la persécution raciale ouvre une controverse qui ne contribue pas à apaiser les tensions[H 33]. »

... et ailleurs

Le livre de Maurice Rajsfus « Des juifs dans la collaboration », consacré à l'Union générale des israélites de France (UGIF) a provoqué « un tollé général dans les institutions juives de France » lors de sa parution. Il ne fallait absolument pas laisser dire que des Juifs avaient pu participer — de façon aussi modeste que ce soit — à la persécution mise en œuvre par les nazis et leurs laquais de Vichy. Aspect dont d'ailleurs étaient conscients tant Rajsfus que Pierre Vidal-Naquet, qui dans sa préface, indique que « Le livre de Maurice Rajsfus n'est pas de ceux qu'on se « réjouisse » de présenter au public. [...] il m'a paru clair qu'il allait au devant de risques terribles et pas seulement celui d'être mal compris, celui au contraire d'être trop bien compris ; c'est dans la mesure où il s'agit d'un ouvrage non gratuitement injurieux mais compromettant, au sens fort du terme, que j'ai accepté — en dépit de certaines divergences sur lesquelles je reviendrai — d'écrire quelques pages au seuil de son ouvrage[N 5] ». Le livre de Rajsfus est consacré à la collaboration des notables de l'Union générale des Israélites de France (UGIF) entre eux plus qu'à une collaboration plus globale des Juifs[H 8].

Bien que Hannah Arendt ait estimé que les Judenräte étaient « un exemple de ce que fut la collaboration de Juifs », l'usage de ce terme reste « très controversé et sensible[16] » et les « réflexions fondamentales comme celles de Hannah Arendt se sont heurtées à des tirs de barrage d'une extrême violence ». Raul Hilberg l'a cependant utilisé pour parler de la Kultusgeneinde de Vienne et du rabbin Benjamin Murmelstein, qui en dirigeait la section « émigration ». Celui-ci avait conclu avec l'Office central pour l'émigration des Juifs un accord afin que, en contre-partie de la coopération du Kultusgeneinde, 6 catégories de juifs – dont en premier lieu les membres de l'administration – ne soient pas transférés vers des camps d'extermination[H 30]. Bien d'autres Judenräte ont été accusés de collaboration par la résistance clandestine[16].

article détaillé :

Filmographie

En 2013, deux films sortent sur les écrans :

  1. « Le Dernier des injustes », film biographique basé sur le livre documentaire de Claude Lanzmann interviewant Benjamin Murmelstein[H 31], dernier président du Conseil Juif du ghetto de Theresienstadt[H 31][bande-annonce]
  2. « Hannah Arendt[H 5] », drame biographique franco-allemand, réalisé par Margarethe von Trotta[H 5], consacré à la polémique ayant entouré la parution du livre « Eichmann à Jérusalem[H 35],[H 6],[H 7] »[bande-annonce]. A ce sujet Annette Wieviorka, spécialiste de la Shoah et de l'histoire des Juifs au XXe siècle depuis la publication de sa thèse « Déportation et génocide » en 1992 pose cette question : "Pourquoi cette question des Judenrats resurgit-elle aujourd'hui ? Il y a un demi-siècle, un film comme celui de Margarethe von Trotta[H 5] aurait suscité un débat passionné, alors qu'il n'a engendré aucune polémique depuis sa sortie. Cela signifie que ces objets, de brûlants qu'ils étaient au début des années 1960, sont en train de se refroidir, et qu'on peut peut-être les aborder avec une certaine sérénité"[H 36]. Alexandra Schwartzbrod ne partage pas cette mise à distance : "la petite phrase d'Hannah Arendt sur la responsabilité de la collaboration des Juifs dans leur propre mort est absurde. En Union soviétique, les Allemands ont fusillé plus d'un million et demi de Juifs, et il n'y avait pas de conseils juifs. Pourquoi Arendt s'est-elle tant fourvoyée ? Elle n'a suivi qu'une petite partie du procès. Elle a écrit ses articles, devenus un livre, deux ans après le procès. Elle l'a rédigé très vite, et « dans un étrange état d'euphorie », écrit-elle à son amie Mary Mac Carthy. Si elle a une expérience de l'Allemagne nazie et des camps d'internement en France, elle ne semble pas avoir perçu la situation à l'Est." [H 37].

Débats et discussions

Au-delà des faits qui sont peu contestés, c'est le vocable même de collaboration avec toute sa charge affective et historique qui fait débat. Parmi les arguments soulevés : la question de la « passivité » juive[H 38], celle de la spécifité de la collaboration juive (collaboration de la corde et du pendu), [...], celle de « la banalité du mal » enfin, que Hannah Arendt oppose à la diabolisation d'Eichmann et de ses maîtres. Ce sont là de vrais problèmes soulevés par l'écriture de l'histoire[H 39].

Une opinion tend à établir que les exactions seraient l'œuvre de repris de justice libérés en échange de leur collaboration. Cependant certains nuancent cette affirmation : les collaborateurs juifs se recrutent à part égale dans la vraie « Unterwelt » (pègre) et parmi l'ex-jeunesse dorée[H 40]. L'existence attestée de métis aryano-juifs, les Mischlinge, dans les rangs de la Weerhmacht complexifie encore l'analyse.

En mai 2002 sort le livre de l'historien Bryan Rigg[N 6], « Hitler's Jewish soldiers[H 11] », récompensé l'année suivante par un Colby Award[17]. L'ouvrage comporte 95 photographies[18] de « Mischlinge[N 7] » en tenue de SS (« Schutzstaffel ») que l'éditeur University Press of Kansas publie en ligne[18]. En 2003 paraît la traduction française sous le titre « La tragédie des soldats juifs de Hitler[H 12] ».

Les thèses développées dans cet ouvrage font l'objet d'une analyse et d'un compte-rendu universitaires[H 41] condensés par le professeur Stephen G. Fritz[N 8], enseignant au College of Arts and SciencesDepartment of History de l'East Tennessee State University. L'article, publié en 2004 par le Project MUSE sous la férule de Johns Hopkins University Press et de la Milton S. Eisenhower Library, dit notamment ceci :

Le maréchal d’aviation Erhard Milch[18] dont l'origine juive du père — Anton Milch — refait surface en 1935, le plaçant dès lors dans la catégorie des « Mischling au premier degré[H 42] » qui ne peuvent plus, en principe, rester officiers dans l'armée allemande.

« Une notoriété controversée a accompagné la sortie du titre « La tragédie des soldats juifs d'Hitler ». Partant du principe qu'un nombre étonnamment élevé d'Allemands d'origine juive a servi dans la Wehrmacht (ndlr : environ 150 000 selon Rigg), on peut comprendre l'émoi qu'un tel sujet peut susciter. Aussi choquantes qu'incompréhensibles que puissent paraître les allégations de Rigg, le lecteur reste pourtant sur sa faim face à l'étonnante médiocrité du contenu. […] Outre un sous-titre hyperbolique, Rigg ne dit pas grand chose qui permette d'élargir le champ de vision relatif à la complexité des lois raciales nazies, dont leur impact sur les Mischlinge[N 7] »

Dans un autre ordre d'idées, Jonas E. Alexis[N 9], dans son ouvrage « Christianisme et judaïsme rabbinique[H 43] », rapporte que « Raul Hilberg estime que les allégations de Rigg n'apportent strictement rien au niveau de prétendues « révélations fracassantes » puisque les écrivains qui, comme lui » (i.e. Hilberg), « se sont penchés sur la thématique de l'Holocauste ont toujours « su que l'armée allemande comptait des milliers de Mischlinge[N 7] parmi ses recrues[H 43]. »

Il ressort de ce qui précède que la délicate question de la collaboration des Mischlinge[H 11],[18] se doit d'être abordée avec circonspection. Certes, la Werhmacht a bien compté des « métis Juifs » dans ses rangs et quelques-uns de ses officiers supérieurs[18] possèdent des origines juives. Parmi ceux-ci figurent notamment, pour ne citer que les plus médiatisés :

  • le maréchal d’aviation Erhard Milch[18],[H 42] dont l'origine juive du père — Anton Milch — refait surface en 1935, le plaçant dès lors dans la catégorie des « Mischling au premier degré[H 42] » qui ne peuvent plus, en principe, rester officiers dans l'armée allemande. La Gestapo ouvre une enquête, rapidement étouffée par Göring qui produit une déclaration sous serment, signée par la mère de Milch, déclarant qu'Anton n'est pas véritablement le père d'Erhard et de ses enfants, et que le nom du vrai père est Karl Brauer, son oncle alors décédé. Hitler promulgue lui-même, le 7 août 1935 à Berlin, une attestation d'aryanisation[N 10]. C'est à cette époque qu'on attribue à Göring la célèbre phrase : « Je décide qui est et qui n'est pas un Juif » ;
  • l’amiral Bernhard Rogge[18], considéré comme « Mischling de second degré » selon les lois raciales nazies[H 42], car l'un des ses grands parents était Juif. En 1940, Hitler le fit chevalier de la Croix de fer (Eisernes Kreuz). En 1957, il est intégré dans la nouvelle marine ouest-allemande au grade de contre-amiral (Konteradmiral). Il deviendra commandant des forces de l'OTAN pour l'Allemagne du Nord ;
  • le général d’aviation Helmut Wilberg[18], commandant de la Légion Condor en Espagne : à moitié Juif, il fut « aryanisé[N 10] » par les nazis ;
  • l’amiral Paul Ascher[18], pacha du Bismark[H 42], bien qu'ayant préalablement été reconnu comme Mischling et étiqueté de « demi-Juif » avant l'émergence de la Seconde Guerre mondiale.

Pour ceux-ci, de tels engagements impliquent nécessairement des choix personnels dont il pourrait sembler raisonnable de tenir compte en les considérant comme Allemands plutôt que Juifs. Mais les chiffres évoqués tant par Rigg et repris par Tollet — 150 000[H 44] — que par Hilberg — plusieurs milliers[H 43] — ne font pas de la question des Mischlinge « ordinaires » une question anecdotique et marginale.

Alors collaboration ...

Pour Jean Philippe Schreiber « l'attitude des Juifs à l'égard de la montée du nazisme est un thème qui appartient à une zone d'ombre ... » [19]. En Allemagne « alors que de nombreux mouvements antifascistes, de nombreux gouvernements même, appellent à boycotter les produits venant de l'Allemagne nazie, le Dr Goebbels dénonce ce qu'il considère comme un complot de la juiverie internationale. Touchés à vif, les bourgeois juifs « collabos » qui cherchent un modus vivendi avec les nazis réagissent par un article publié dans les colonnes de la Jüdische Rundschau du 15 mai 1934. Cette réaction est typique du nationalisme étroit de ces notables qui ressemblent trait pour trait aux Français israélites qui, dans le même temps, flirtent avec les Croix-de-Feu du colonel de la Rocque. ».[20]. Et si Hilberg parle le plus souvent de coopération, de soumission voire de simples exécutants, « collaboration » n'est pas un terme qu'il bannit pour autant : « Il y a eu de la résistance. Mais il y a eu aussi, et plus encore, beaucoup de collaboration » qui « était une stratégie de survie[21] ». Et s'il décrit le plus souvent de façon factuelle, sans qualifier, il dit aussi que le Kultusgemeinde de Vienne « ne cherchait aucun secours mais collaborait au contraire avec la Gestapo et le rabbin Murmelstein ne ménageait pas ses efforts[H 45] ». Une autre position est celle de Pierre Vidal-Naquet qui synthétise ainsi les débats historiographiques : « Les grandes synthèses venues de la Diaspora, celle de G. Reitlinger ou de R. Hilberg, des réflexions fondamentales de Hannah Arendt se sont heurtées à des tirs de barrage d'une extrême violence. Parmi les points les plus délicats : la question de la « passivité » juive[H 38], celle de la collaboration juive[H 3],[H 46] (collaboration de la corde et du pendu), celle du caractère national des victimes juives de Hitler, celle du caractère unique du Massacre, celle de la « banalité du mal » enfin que H. Arendt opposait à la diabolisation d'Eichmann et de ses maîtres. » celle de la collaboration juive (collaboration de la corde et du pendu) ... Ce sont là de vrais problèmes soulevés par l'écriture de l'histoire[H 39] ».

Au chapitre intitulé « Figures explicites ou ambiguës de collaborateurs et de bourreaux » d'une thèse de doctorat de juin 2008 et conduite sous la direction de Jean El Gammal, Pascal Ory, Freddy Raphaël et Annette Wieviorka[H 3], Jean-Sébastien Noël et Didier Francfort décrivent l'équation comme suit : « D'un point de vue historiographique, la question des administrations juives dans les ghettos — et en particulier des Judenräte — fait l'objet d'une très importante littérature. Les enjeux de compréhension du phénomène et de sa définition renvoyaient à l'épineuse question de la collaboration juive[H 3],[H 46], mise en débat de manière retentissante par Hannah Arendt » dans Eichmann à Jérusalem : essai sur la banalité du mal[H 35]. En effet si les cas individuels extrêmes sont considérés comme marginaux et non significatifs, la discussion porte le plus souvent sur l'analyse de l'action des Judenräte. Alors qu'Isaiah Trunk affirme dès 1972 que « selon les calculs de Freudiger, cinquante pour cent des juifs auraient pu se sauver s'ils n'avaient pas suivi les instructions des conseils juifs[H 47] », ce chiffre est à attribuer pour beaucoup plus à une mauvaise évaluation de la situation qu'à une volonté de nuire et le mémorial de Yad Vashem déplore les propos d'Hannah Arendt les concernant[22]}}.

... ou pas ?

Très peu d'Israéliens ont souscrit à l'époque à ses propos sur la coopération des juifs avec les nazis et si elle a eu le courage d'en parler, on le lui a beaucoup reproché[H 35]. Pour beaucoup, en mettant en lumière les crimes « crimes » des collaborateurs juifs dont il aurait fallu – penserait-elle – « faire le procès plutôt que celui d'Eichman[H 21] », elle n'aboutit qu'à minimiser la responsabilité d'Eichmann qui n'aurait alors « qu'obéït aux ordres reçus »[23]. Et encore aujourd'hui des auteurs s'insurgent contre de telles affirmations[H 48] , y compris à des massacres de masse[1]. Vidal-Jacquet est plus nuancé car le travail d'Arendt « n'est pas une histoire de la « solution finale » et du reste ne prétend nullement l'être. Le lecteur français dispose à ce sujet des travaux de Léon Poliakov et l'on veut espérer qu'on disposera un jour d'une traduction des livres de Raul Hilberg et de Gerald Reitlinger sur lesquels Mme Arendt s'est pour l'essentiel appuyée. Encore moins, est-il une étude de l'attitude juive en face du nazisme. Ce sont pourtant les quelques pages qu'elle a consacrée, à la « collaboration » juive, collaboration de la corde et du pendu, qui ont suscité la polémique la plus véhémente. »[H 49]. Certes Raul Hilberg a démontré et établi que ces conseils étaient un outil mis en place par l'administration nazie[H 50] mais Isaiah Trunk, dans son ouvrage de référence « {{lang|en|texte=Judenrat: the Jewish councils in Eastern Europe under Nazi occupationt[H 51] », consacré aux conseils juifs d'Europe orientale (Pologne, Lituanie, Lettonie, URSS), met quant à lui en évidence le caractère paradoxal de leur rôle vis-à-vis des populations juives et de leur fonction au sein de l'administration nazie. Les chercheurs ont par ailleurs montré que leur mise en place ne répondait pas d'une décision centrale de Berlin, mais du « fruit des réflexions des membres d'échelons inférieurs impliqués dans la mise en œuvre de la politique relative aux Juifs[H 52] ».

Et le « United States Holocaust Memorial Museum » souligne « les dilemmes insoutenables auxquels ceux-ci étaient soumis » et met l'accent sur les apports de ces conseils : « on oublie souvent dans les débats sur la responsabilité des conseils juifs et de la police juive, les efforts que de nombreux membres et officiels des conseils juifs firent dans le cadre de leurs fonctions pour fournir de la nourriture, des services sociaux, économiques et culturels dans les conditions brutales et difficiles des ghettos ». À la différence de la collaboration des non-juifs celle des Juifs n'aurait jamais eue en-soi de bases idéologiques[H 20] et les judenrats, à la différence d'autres organes de collaboration locale, étaient mis en place sous la contrainte des Nazis[H 52],[H 20]. Ainsi, selon Vassili Grossman, à Minsk les Allemands arrêtèrent dans la rue les 10 premiers hommes juifs qui leur tombèrent sous la main et leur firent savoir qu'ils constitueraient le conseil juif, obligé d'obéir aux ordres des Allemands. Girch Smoliar[N 11],[H 53], le chef des résistants du Ghetto de Minsk, affirme que les Allemands demandèrent seulement au groupe de juifs : « Qui connaît l'allemand ? ». Ilia Michkin fit un pas en avant et fut nommé chef du ghetto[H 54].

Aussi Annette Wieviorka récuse le qualificatif de collaboration : « Parler de collaborateurs pour les conseils juifs me paraît inadéquat »[H 3] car « la rébellion des conseils juifs était impossible[H 55] ». Enfin l'historien de la Shoah, rescapé d'Auschwitz Georges Wellers relate avoir eu connaissance durant sa détention d'un grand nombre de cas ou l'UGIF a « agi avec courage et abnégation en faveur des gens traqués, sans moyens et qui autrement eussent été irrémédiablement perdus[H 56] ». Ce qui l'amène à regretter « qu'après la Libération, une enquête honnête et sérieuse n'ait pas été faite pour tirer au clair le rôle de l'UGIF[H 56],[H 57] ». Dans le même ordre d'idée, Pierre Vidal Naquet postule que « les collaborateurs du jour pouvaient être des résistants de la nuit[H 58] ». L'historien Serge Klarsfeld, quant à lui, affirme que {{cita|l'UGIF n'a pas servi à faire interner les Juifs à Drancy ; parfois même elle les en a fait sortir[H 57].

Pour conclure très provisoirement

En 1992 l'historienne française Annette Wieviorka, spécialiste de la Shoah et de l'histoire des Juifs au XXe siècle notait : « Il y a un demi-siècle, le film « Hannah Arendt[H 5] » aurait suscité un débat passionné, alors qu'il n'a engendré aucune polémique depuis sa sortie. Cela signifie que ces objets, de brûlants qu'ils étaient au début des années 1960, sont en train de se « refroidir », et qu'on peut peut-être les aborder avec une certaine sérénité[H 3]. Cependant aujourd'hui on semble toujours redouter que parler de la collaboration juive conduise à effacer la responsabilité des nazis, (« si la Shoah est la responsabilité de tout le monde, l'est elle de quelqu'un ? ») avec des risques d'instrumentalisation : « Cette question de la collaboration juive ne peut être abordée de manière complète qu'en relevant les discours qu'elle suscite ». Les sources redoutant de cette possible instrumentalisation au profit d'une euphémisation du crime sont bien réelles. Dans sa préface à l'ouvrage de Rajsfus, Vidal-Naquet dénonce autant les risques de récupération afin de diminuer l'importance des crimes nazis que ceux du révisionnisme issu des extrêmes gauche et droite (cf. « Les assassins de la mémoire[H 39] »). Mais il est peut-être plus risqué encore de passer ce sujet sous le boisseau et ne laisser que le web où précisément les sites révisionnistes abondent comme seul champ d'information pour le grand public.

Bibliographie

Ouvrages français

Des juifs dans la collaboration : l'UGIF (1941-1944) : précédé d'une courte étude sur les juifs de France en 1939, Paris, EDI : Études et documentation internationales (notice BnF no FRBNF346373394), puis l'Harmattan (notice BnF no FRBNF350803654), 1er janvier 1980, contient un choix de témoignages et documents (ISBN 2-85139-057-0 et 978-2851390578) (OCLC 6892798) (notice BnF no FRBNF36255558g) [lire en ligne], p. 5 

Articles français

Accès à l'intégralité de l'article via « Mémoire de guerre, la revue de presse de la Seconde Guerre mondiale » en cliquant → ici »

Publications étrangères

  • Dan Michman[24] (directeur de l'Institut international de recherche sur l'Holocauste & titulaire de la chaire Jean Najmann d'études de l'Holocauste), Gideon Greif, Michael Heifetz, Iehiam Weitz et Masha Buman (trad. Michael Heifetz), Holocauste de la communauté juive européenne, Tel Aviv-Jaffa / תל אביב-יפו / université libre d'Israël, maison d'édition de l'université libre, 1995, autre titre : « Holocauste des Juifs d'Europe », 1086 p. (ISBN 9650602348 et 9789650602345) (OCLC 236224124) 
  • Revital Ludewig-Kedmi, Opfer und Täter zugleich? : Moraldilemmata jüdischer Funktionshäftlinge in der Shoah, Gießen, Psychosozial-Verlag, coll. « Reihe “Psyche und Gesellschaft” », 2002 (1re éd. 2001), Frankfurt Signatur: 2001 A 70655, Bereitstellung in Frankfurt, Leipzig Signatur: 2001 A 70655, Bereitstellung in Leipzig, 368 p. (ISBN 3898061043 et 9783898061049) (OCLC 49951885) (DNB 962103454) [présentation en ligne] 
    « Jüdische Funktionshäftlinge waren diejenigen Opfer, die die Nazis zu ihren Mithelfern machten. Sie wurden so zu einer Zwischenschicht zwischen Opfern und Tätern. Oft symbolisieren die Kapos den Tod der Moral während der Nazizeit. Doch die Funktionshäftlinge standen vielmehr vor tragischen Moraldilemmata. Wie leben Funktionshäftlinge heute mit diesen traumatischen Erinnerungen? Konnten sie die Risse in ihrem Selbstbild reparieren, und was wissen ihre Kinder über ihre Vergangenheit? Das Buch analysiert die Bewältigungsversuche von jüdischen Funktionshäftlingen und ihren Kinder am Beispiel von vier Familien, zeigt deren Methoden der Vergangenheitsbewältigung auf und bietet so eine Hilfe in der Therapie von Patienten mit traumatisierenden moralischen Dilemmata. »
(en) « Dan Michman », The International Institute for Holocaust Research, Yad Vashem The Holocaust Martyrs' and Heroes' Remembrance Authority « About the International Institute for Holocaust Research », 2013 [texte intégral]
  • (en) Tadeusz Piotrowski, Poland's holocaust : ethnic strife, collaboration with occupying forces and genocide in the Second Republic, 1918-1947, Jefferson NC and London, McFarland, 1998 (réimpr. 2001, 2007, 2012) (1re éd. 1997 (ISBN 0786403713 et 9780786403714) (OCLC 317549434)), the present work is reprint of the illustrated case bound edition of Poland's holocaust: ethnic strife, collaboration with occupying forces and genocide in the Second Republic, 1918-1947, 437 p. (ISBN 0786403713 et 9780786403714) (OCLC 37195289) (notice BnF no FRBNF37631804t), p. 74 
  • Bryan Mark Rigg, Hitler's Jewish soldiers : the untold story of Nazi racial laws and men of Jewish descent in the German military, Lawrence, Kansas, University Press of Kansas, coll. « Modern War Studies », mai 2002, 528 p. (OCLC 49643353) (LCCN 2001007626) [présentation en ligne] 
  • Photos en ligne liées au contenu de l'ouvrage : (en) Hitler's Jewish soldiers, University Press of Kansa, 2003, The Untold Story of Nazi Racial Laws and Men of Jewish Descent in the German Military, 528 p. [photos en ligne]
    528 pages, 95 photographs, 6 x 9
  • (en) Bryan Mark Rigg, Lives of Hitler's Jewish soldiers : untold tales of men of Jewish descent who fought for the Third Reich, University Press of Kansas, coll. « Modern war studies », 2009, 314 p. (ISBN 0700616381 et 9780700616381) (OCLC 262452836) (LCCN 2008042553) [présentation en ligne] 
  • (en) Isaiah Trunk (préf. Jacob Robinson), Judenrat: the Jewish councils in Eastern Europe under Nazi occupation, Macmillan (New York) & Collier-Macmillan (London), coll. « Bison books », 1972 (réimpr. 1974, 1977, 1979, puis 1996 (LCCN 95049993) c/o University of Nebraska Press: introduction to the « Bison Books » Edition by Steven T. Katz), 663-664 p. (ISBN 080329428X et 9780803294288) (OCLC 482285) (notice BnF no FRBNF35305271v) (LCCN 70173692) 
  • (en) « The Jewish Leadership », Beit Theresienstadt / Theresienstadt Martyrs Remembrance Association / Association du souvenir des martyrs de Theresienstadt, Conference on Jewish Material Claims against Germany, Givat Haim Ihud, Israel « Ghetto Theresienstadt / Ghetto Leadership », 1999 [texte intégral]

« The Jewish leadership and the Jewish population remaining in the ghetto showed resourcefulness and invested most of their efforts – against all odds – to maintain "normal life" in Theresienstadt, until liberation.

  • Jacob Edelstein (1903-1944)
    First Jewish Elder of the ghetto (December 1941 – January 1943)
  • Dr. Paul Eppstein (1902-1944)
    Second Jewish Elder of the ghetto (January 1943 – September 1944)
  • Rabbi Dr. Benjamin Murmelstein (1905-1989)
    Third Jewish Elder of the ghetto (September 1944 – May 1945) »
  • Robert George Leeson Waite, Scherwitz: Der jüdische SS-Offizier (review), vol. 20, Project MUSE, coll. « Holocaust and Genocide Studies », Winter 2006, 508-510 p. [lire en ligne], chap.3 
    « Kluger begins with the arrest of a “Dr Eleke Scherwitz” on April 26, 1948, on charges of war crimes. At that time, Scherwitz was serving as one of five regional directors for the Support of Victims of National Socialism. The prosecuting attorney portrayed him as a very different person—not Dr. Eleke Scherwitz but Fritz Scherwitz, former member of the Nazi Party, police officer, and SS officer who had operated two forced-labor workshops in Riga. The arrest of Scherwitz stunned the refugee community, and Scherwitz continued to insist that he was Jewish and had hidden his identity while serving in the police and SS. »

Notes et références

Notes

  1. Hannah Arendt est successivement professeur en sciences politiques à Berkeley, Princeton (où elle est la première femme nommée professeur), Columbia, Brooklyn College, Aberdeen. En Allemagne l’université de Dresde a donné son nom à son institut « für Totalitarismusforschung“ (HAIT). En dépit des critiques que ses travaux ont suscité en France, il s’agit bien d’un auteur international majeur sur ce sujet.
  2. Cour suprême d'Israël → en hébreu : בית המשפט העליון
  3. Les Conseils des aînés, nom historiques depuis le Moyen Âge d'organisations locales juives, s'étaient progressivement organisées en fédérations
  4. Dans le texte original en langue russe, il est écrit : (ru) « при этом, 69 расстрелянных являлись местными жителями, евреями по национальности »
  5. Il note à propos de Rajsfus « qu'il y a parfois à discuter sur la façon dont Maurice Rajsfus aborde le matériel historique mais « Messieurs les Historiens » — et je ne m'excepte pas du lot — auraient dû commencer ». Après avoir partagé ses points d'accord et de désaccord il conclut qu'il « s'agit d'un livre important, d'un livre qui fut difficile à écrire, d'un livre courageux ».
  6. « Dr Bryan Rigg », MHC : Military History Center, UNT : University of North Texas, 2013 [texte intégral]
    « Dr Bryan Rigg is a historian and author. He received his B.A. with honors in history from Yale University in 1996. Yale awarded him the Henry Fellowship for graduate study at Cambridge University, where he received his M.A. in 1997 and Ph.D. in 2002. He has taught history at the American Military University and Southern Methodist University (SMU) »
  7. 7,0 7,1 et 7,2 Mischling, « métis » en allemand, Mischlinge au pluriel, se réfère, sous le Troisième Reich, aux personnes d'ascendance partiellement juive.
  8. 8,0 et 8,1 (en) « Dr Stephen G. Fritz », College of Arts & Sciences, East Tennessee State University « Department of History », 2013 [texte intégral]
    « B.A., 1971, University of Illinois; M.A., 1973, University of Illinois; Ph.D., 1980, University of Illinois. »
  9. (en) « Columnist Jonas E. Alexis », VT Veterans Today : Military & Foreign Affairs Journal « Biography », 2013 [texte intégral]
    « Jonas E. Alexis studied mathematics and philosophy as an undergraduate at Palm Beach Atlantic University and has a master's degree in education from Grand Canyon University. »
  10. 10,0 et 10,1 Selon Bryan Rigg, auteur de « La tragédie des soldats juifs d'Hitler[H 12] » — qui est la traduction française de « Hitler's Jewish soldiers[H 11] » —, de nombreuses autres attestations de cet ordre, signées de la main du Führer, ont été attribuées à des officiers supérieurs d’ascendance juive. Rigg cite Robert Borhardt, officier supérieur, Reinhard Heydrich[18], le colonel Walter Hollander[18], l'amiral Bernard Rog[18] ... Il montre que « des milliers de soldats ont présenté ce genre de demandes afin de pouvoir continuer à servir l’armée, et que Hitler a contresigné lui-même de nombreuses requêtes ». En 1944, selon un rapport secret des service du personnel de l'armée allemande, une liste de soixante-dix-sept généraux et officiers hauts gradés d’origine juive ou mariés avec un tel conjoint, avaient obtenu un certificat d’aryanité signé de la main d’Hitler. Rigg ajoute : « On aurait pu ajouter à cette liste encore soixante noms de généraux et de hauts gradés de la Wehrmacht, des armées de l’air (Luftwaffe) et de la marine (Kriegsmarine), sans oublier deux Feld-maréchaux (Generalfeldmarschall). »
  11. Girch SmoliarGregory Davidovich Smolar — translittérations → russe : Григорий Давидович Смоляр, yiddish : הערש סמאָליאַר, polonais : Grzegorz Smolar —, né en 1905 à Zambrów et mort à Tel-Aviv en 1993, est un écrivain, journaliste et activiste juif yiddish, leader de la communauté juive militante en Pologne.
  12. thèse dirigée par : Jean El Gammal, professeur à l'université Nancy-II ; Didier Francfort, directeur de recherche et professeur à l'université Nancy-II ; Philippe Gumplowicz, maître de conférences, rapporteur habilité à diriger les recherches ; Pascal Ory, professeur à l'université Paris-1 Panthéon-Sorbonne (rapporteur) ; Freddy Raphaël, professeur émérite à l'université de Strasbourg ; Annette Wieviorka, professeur à l'université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS

Références Harvard

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Références

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    Дан Михман → translittération → Dan Michman: « Professor Dan Michman is Head of the International Institute for Holocaust Research and Incumbent of the John Najmann Chair of Holocaust Studies. He is also Professor of Modern Jewish History and Chair of the Arnold and Leona Finkler Institute of Holocaust Research at Bar-Ilan University → אוניברסיטת בר-אילן. »
  25. 25,0 25,1 et 25,2 Les curateurs du ghetto. L'Association des Juifs en Belgique sous l'occupation nazie, CCLJ : Centre communautaire laïc juif David Susskind, 27 octobre 2004, Politique & Société [lire en ligne] 

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Source

Merci à Mortier.Daniel pour sa traduction de Еврейский коллаборационизм во Второй мировой войне qui, mal comprise, a soulevé en son temps une lourde polémique sur Wikipédia en français.