Sondage/Le traitement par les médias

Leçons de niveau 15
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Le traitement par les médias
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Chapitre no 7
Leçon : Sondage
Chap. préc. :Les théories
Chap. suiv. :La commission des sondages
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Introduction[modifier | modifier le wikicode]

Le dernier niveau d’influence potentielle des sondages se situe au niveau du traitement par les médias. En effet, les résultats des enquêtes statistiques ne sont jamais publiées seules et sont toujours accompagnées de commentaires et/ou d’analyses.

C’est à ce moment qu’un sondage à la base neutre, correctement redressé, filtré le plus justement possible (si ce sondage existe) peut se transformer en un facteur d’influence. Le journaliste peut ainsi, délibérément ou non, ne pas saisir les conclusions de l’enquête, ne retenir qu’une partie des résultats, oublier de prendre en considération la marge d’erreur, ne baser son article entier sur ce seul sondage au lieu de le placer comme un exemple parmi d’autres…

Nous voudrions ainsi dans cette partie vous présenter à travers une série d’exemples comment le traitement d’un sondage par les médias peut être source d’une mauvaise interprétation de ceux-ci.

Exemple 1 : intervention télévisée de M. Sarkozy[modifier | modifier le wikicode]

Suite à l’intervention télévisée du président de la République le 27 octobre 2011, un sondage a été réalisé par l’institut Opinionway[1] pour « Le Figaro » afin de savoir ce que les Français avaient pensé de l’intervention du chef de l’État. L’échantillon a été constitué de manière classique, selon la méthode des quotas auprès d’un échantillon de 1002 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Ne pouvant interroger les personnes n’ayant pas regardé l’intervention, il a été décidé de ne pas les conserver : de cette manière, seul 58% de l’échantillon a réellement participé à l’enquête.

Les résultats du sondage ont montré que 55% des téléspectateurs ont trouvé Nicolas Sarkozy convaincant. On aurait donc pu s’attendre à ce que les titres du lendemain soient rédigés de la sorte : « 55 % des téléspectateurs de l’émission convaincus par Nicolas Sarkozy ». Or, les médias ont tous (pas seulement « Le Figaro ») titré 55 % des Français convaincus par Nicolas Sarkozy, ce qui est faux si l’erreur était involontaire, sinon mensonger. En effet, l’opinion des téléspectateurs n’est absolument pas représentative de celle de l’ensemble des Français puisque les personnes favorables au chef de l’État auront plus tendance à regarder l’émission que celles qui ne le sont pas.

Ainsi, un sondage à la base fiable et bien réalisé a été mal interprété par les médias et a donc induit en erreur les Français sur l’opinion de leurs compatriotes.

  1. http://www.lefigaro.fr/assets/pdf/sondage-sarkozy-2710.pdf

Exemple 2 : l'espérance de vie des médecins[modifier | modifier le wikicode]

Entendu à la radio : "L'espérance de vie d'un homme est d'environ 70 ans, celle d'un médecin de 83 ans : on n'est jamais aussi bien soigné que par soi-même...". A la première lecture (ou écoute), rien ne semble faux dans ce raisonnement. Et pourtant... l'espérance de vie d'un homme, c’est la moyenne de l’âge des personnes décédées de sa génération. Prenons un exemple très simple, où nous supposons que nous avons un échantillon de 100 personnes, toutes nées la même année, et dont la répartition des âges de mort est donnée par le tableau suivant :

Âge de mort 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Effectif 5 2 2 2 4 8 12 15 25 15 10

L'espérance de vie de cette population est donc :

Remarquons que, alors que la moitié de la population meurt à 80 ans ou plus : les gens morts à la naissance, ou à moins de 10 ans, tirent la moyenne vers le bas.

Retournons à nos médecins : pour accéder à cette condition, il faut avoir réalisé de longues études, et donc avoir vécu au moins jusque 25 ans. Parmi les personnes décédées plus jeunes, on ne peut savoir lesquelles auraient été médecins si elles avaient vécu plus vieux. Il faut donc calculer l'espérance de vie de quelqu’un qui a déjà vécu au moins 25 ans pour pouvoir comparer avec les médecins. Et là on trouve :

Quand on utilise un échantillon comparable, on ne trouve pas de différence par rapport aux médecins. Là-encore, les seuls résultats d’un sondage ne permettent pas de l’analyser correctement. Il fallait faire appel à son sens critique pour essayer de trouver une explication à cette différence autre que celle, simpliste, proposée par le journaliste.

Exemple 3 : interprétation[modifier | modifier le wikicode]

Il est très important, lors de la publication des résultats d’un sondage, pour le journaliste, de les interpréter. Ainsi, nous prendrons l’exemple de l’espérance de vie à 60 ans par sexe et catégorie socioprofessionnelle en 2000-2008 publiée par l’INSEE.

1976-1984 2000-2008 1976-1984 2000-2008
Homme Femme
Cadres 19.2 24.0 24.1 27.8
Professions intermédiaires 18.3 22.3 23.1 27.4
Agriculteurs 18.3 22.3 22.2 26.2
Artisans, commerçants, chefs d’entreprise 18.6 22.2 22.7 27.1
Employés 17.0 21.0 22.6 26.4
Ouvriers 15.9 19.6 21.6 25.5
Inactifs non retraités 12.3 16.0 21.8 25.2
Ensemble 17.1 21.1 22.2 26.1

Source : Insee, Échantillon démographique permanent


Si un journaliste choisit de publier les résultats de cette enquête statistique, il ne pourra pas ne faire que ça. En effet, ces résultats bruts ne prouvent et n’expliquent rien : il convient de les interpréter. Et c’est là que les choses se compliquent. En effet quel élément peut expliquer que l’espérance de vie à 60 ans soit différente entre catégories professionnelles ? Est-ce c’est parce que les cadres ont moins d’accidents, de maladies ou d’expositions professionnels que les ouvriers ? Ou est-ce parce que l’état de santé peut lui-même influer sur l’appartenance à une catégorie sociale : une santé défaillante peut empêcher la poursuite d’études, le maintien en emploi, ou rendre plus difficile les promotions et l’accès aux emplois les plus qualifiés en cours de carrière ? Y est-il la cause de x ou est-ce l’inverse ?

C’est lorsqu’on arrive à ces considérations que l’on se rend compte des limites des sondages et des enquêtes statistiques : ceux-ci fournissent une information mais ne peuvent être l’unique objet d’un article ou d’un commentaire ; ils doivent être un des éléments d’analyse de l’article parmi d’autres.

Le dernier niveau d’influence des sondages se situe donc bel et bien au moment du traitement par les médias : ceux-ci peuvent, par une mauvaise interprétation, par omission de paramètres, par des raccourcis, tromper, intentionnellement ou non, leurs auditeurs ou lecteurs. Il incombe donc aux journalistes d’analyser et d’interpréter plus loin que les simples résultats de l’enquête.

L’influence des sondages est, nous l’avons vu, multiple : lors du redressement ou du filtrage si l’un des deux est mal réalisé, le sondage est faussé et peut induire en erreur les personnes qui l’ont commandé ; lors de leur publication, que l’impact soit direct ou indirect ; ou lors de leur traitement par les médias qui peuvent induire en erreur leurs lecteurs en utilisant mal les résultats de l’enquête.

Le redressement et le filtrage étant généralement bien réalisés par les instituts de sondage, le risque pour un lecteur d’être influencé réside donc principalement dans l’interprétation des journalistes et dans l’utilisation qui en est faite par les dirigeants et leaders d’opinion. Il convient donc de garder une distance critique avec les résultats et de toujours jeter un œil à la méthode de réalisation des sondages.