Aller au contenu

Recherche:Sur l’extension des genres grammaticaux en français/typologie préliminaire

Une page de Wikiversité, la communauté pédagogique libre.

Cette partie vise à distinguer les cas qui sont susceptibles d’être rendu par un appareillage linguistique de genre. Avant de détailler ces différentes catégories, cette section fait le point sur quelques précisions typologiques.

D’abord il convient de rappeler que le genre grammatical porte principalement sur le nom, par opposition à d’autres classes grammaticales comme l’adverbe qui lui est généralement invariable en genre et en nombre[N 1][1]. Aussi si c’est le nom qui est porteur intrinsèque du genre grammatical, sa présence dans une phrase influe sur d’autres éléments. Dans un énoncée comme « sa majesté s’est dite lumineuse », le nom majesté détermine la forme de l’article sa, du verbe dite et de l’adjectif lumineuse. De plus, si majesté est toujours de genre grammaticale féminin, il n’informe pas avec certitude du sexe du référé. C’est un titre qui peut s’employer en principe indépendamment de cet attribut. Cependant tant sur un plan historique que du stéréotype social, l’usage l’associe majoritairement à une figure mâle. À l’inverse, un mot potentiellement tout aussi ambivalent sur le référé comme pute ou sage-femme, sont dans l’imaginaire connotatif collectif avant tout attaché à la femme. La grammaire du français affecte donc toujours au moins un genre énonciatif[N 2] à chaque nom, à l’influence morpho-syntaxique manifeste ; mais s’y adjoint généralement un second genre connotatif, dont l’influence purement sémantique reste tacite. Les deux pouvant se dissocier.

De surcroît, lorsque le référé lui-même est supposé genré, notamment via une correspondance à un sexe biologique, un troisième type de genre se superpose, un genre référentiel. Celui-ci peut tout à fait influer sur le genre énonciatif, par exemple les pronoms, bien que cette influence peut tout à fait être outrepassé par l’interférence du genre énonciatif d’un référant pointant vers le même référé. Ainsi dans Dominique est si affectueuse, qu’elle en est charmante et Dominique est si affectueux, qu’il est en charmant, c’est directement le sexe attribué au référé Dominique qui détermine la forme de l’adjectif. Alors que dans Dominique, cette personne si affectueuse, qu’elle en est charmante, ça n’est plus le cas : c’est le genre énonciatif du référant personne qui détermine la forme des termes anaphoriques subséquents et le sexe de Dominique n’influe plus son charme.

Au passage, il peut être remarqué qu’en français les pronoms personnels ne sont eux même directement marqués par le genre qu’à la troisième personne :elle et elles ou il et ils selon le nombre, mais je, tu, vous quel que soit le genre. Cela contraste avec ce qui se pratique en khasi, koasiti ou thaï[2].

Le genre grammatical est parfois également nommé classe nominale. Mais en fonction des approches linguistiques, la classe nominale peut être présentée comme un système de catégorisation pleinement distinct. Notamment parce que dans les langues non-indoeuropéennes, la classe des catégories associées est nettement plus variée. Le peul à lui seul possède 26 classes nominales, et les langues nigéro-congolaises dont il fait partie ont généralement une dizaine de classes ou plus, définies selon des critères non liées au sexe. Cette richesse est également présente dans les langues bantoues où les oppositions sémantiques comme liquide/solide, grand/petit, plat/en relief, rond comme une bague/rond comme une balle sont exprimées par des classes nominales[3].

À l’extrême inverse, les langues finno-ougriennes, comme le finlandais et le hongrois, se caractérisent par l'absence totale de genre grammatical, même dans le cas du pronom personnel.

Et dans une perspective plus large, une typologie segmentant des classes de mots tel que nom, verbe, etc. n’est pas toujours aisément applicable, comme en mandarin ou malgache, voir complètement inopérante dans certaines langues amérindienne[2]. Il importe donc de garder à l’esprit que le genre grammaticale, ni même le fait qu’elle soit présente et porté par le nom ne tiens l’épreuve d’une confrontation aux us et coutumes divers. Et quand il est présent, il ne diffère pas fondamentalement d’autres procès de variation morphologique. Ainsi en français les verbes se conjuguent selon des caractéristiques comme leur appartenance à un groupe paradigmatique, le mode, le temps, la personne. Les modalités influençant la variation diffèrent par rapport au nom, mais les mécanismes en jeu ne sont pas radicalement divergents. En commun il y a une typologie métalinguistique des mots sur laquelle se greffent des catégories permettant d’en discriminer l’emploi selon des considérations hétéroclites : concordance morpho-syntaxique de l’énoncé bien évidemment, mais également contexte d’énonciation, connaissances et croyances sur la situation et les différentes personnes qui y sont considérées, contraintes axiologiques et stratégies visant l’ostentation d’adoubement ou d’insoumission à une prérogative sociale, etc.

Cette section à déjà permis d’affiner plusieurs types de genres grammaticaux :

  • énonciatif, qui se rattache avant tout au mot indépendamment de ce à quoi il réfère, et qui constitue la principale influence morpho-syntaxique du genre ;
  • connotatif, qui se rattache avant tout à la catégorie stéréotypique de la classe des référés désignables par le terme concerné, et qui est essentiellement sans effet morpho-syntaxique mais joue pleinement sur le champ sémantique ;
  • métalinguistique, qui caractérise les typologies dont les usagers tiennent compte – fut-ce inconsciemment – pour produire et interpréter des énoncés considérés comme grammaticaux dans leurs propres compétences au maniement des us et coutumes de leur communauté linguistique ;
  • référentiel, qui se rattache avant tout aux préjugés culturelles par lequel le référé spécifique est catégorisé.
Deux personnages en costume, le premier une femme qui pointe le second du doigt en disant l’énoncé ''Il porte un costume''.
Illustration d’une répartition des représentations en lien avec un énoncé comme Il porte un costume.
Symbole du genre transsexuel et de la bisexualité
Symbole pour représenter une autre catégorie dans la même veine de typologie : genre transsexuel, ici conjugué à la notion de bisexualité par la symbolique des couleurs.

Il n’aura probablement pas échappé au lectorat que relativement au traitement du sujet sur le plan de la typologie sexualisante, la précédente illustration se focalise sur une représentation binaire. Cela s’explique d’abord par le fait que l’image a été composé sur la base des médias disponibles sur Wikimedia Commons[N 3][4]. Force est de constater que l’iconographie hors du féminin ou masculin y est moins abondante : trouver une illustration qui représenterait un personnage stéréotypant une personne transgenre dans le même style graphique n’a pas été possible. Par ailleurs une illustration statique doit composer avec ses propres limites : celles-ci ne représente pas tous les stéréotypiques sociaux, pas plus qu’elle n’est exhaustive sur les types lexicaux en se bornant à mettre en avant un pronom et un verbe.

Pour aller plus loin sur ces notions, il sera possible de consulter des ressources afférentes aux sujets connexes[5].


  1. Modèle:Fr-FR Michaut, Gustave, « Question de grammaire. Les adjectifs qualificatifs et les... autres », Revue internationale de l'enseignement, vol. 87, no  1, 1933 [texte intégral (page consultée le 2021-07-09)]
  2. 2,0 et 2,1 Michel Arrivé, « Coup d'œil sur les conceptions du genre grammatical », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. 141, no  1, 1997, p. 81–96 [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-07-03)]
  3. Patrizia Violi, « Les origines du genre grammatical », Langages, vol. 21, no  85, 1987, p. 15–34 [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-07-01)]
  4. (en) « Genderfree person Vectors & Illustrations for Free Download », sur Freepik (consulté le 20 juin 2024)
  5. Anne-Marie van Bockstaele, « Traduction ou réécriture des genres ? Le cas de Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945) », Palimpsestes. Revue de traduction, no  22, 2009-10-09, p. 149–167 (ISSN 1148-8158) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-12-23)]
  1. Avec comme souvent quelques notables exceptions comme ''toutes''.
  2. Abstraction faite des quelques cas ou l’usage hésite, tel bretzel, ou le genre fluctue en fonction du nombre, tel délice, ou de la position syntaxique, tel gens.
  3. D’autres iconothèques fournissent cependant des entrées idoines.