Recherche:Sur l’extension des genres grammaticaux en français/humain

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Sur le plan étymologique humain provient du latin humanus, de même sens, dérivé de homo :homme avec suffixe adjectival -anus, indiquant la provenance, l’origine, l’appartenance. Homo serait lui-même issu de humus : sol, terre avec le suffixe nominal masculin -o, lui conférent le sens littéral de terrien.

Les dictionnaires courants ne donnent pas de descriptions spécifiquement grammaticales à genre humain, ils renvoient de manière générale au concept d’humanité considérée dans son ensemble. Il est intéressant de noter au passage qu’humanité en tant que substantif à entre autres synonymes altruisme, bienfaisance, bienveillance, bonté, charité, clémence, compassion, délicatesse, désintéressement, douceur, famille, générosité, indulgence, lettre, mansuétude, miséricorde, monde, philanthropie, pitié, sensibilité, société, univers et entre autres antonymes animalité, automatisme, barbarie, bestialité, brutalité, cruauté, divinité, dureté, méchanceté[1]. Cela donne un aperçu clair des biais d’autocomplaisance, d’anthropocentrisme, de suffisance et de mépris pour le reste des entités biologiques duquel l’humain prétend se démarquer par une dignité supérieure inaccessible aux viles formes xénobiotiques auxquelles sont volontiers associés les humains étrangers à sa propre civilisation, culture ou classe sociale.

Claire Michard et Catherine Viollet synthétise en 1991 le constat d'une dissymétrie de pondération d’appartenance au genre humain sur le plan sociologique en ces termes : seuls les membres de la classe de sexe dominée (les femmes) sont définis par leur sexe - femelle - , les membres de la classe dominante se définissant par leur genre - humain -, leur appartenance de sexe intervenant éventuellement comme une qualification secondaire, contingente[2]. Certainement ce constat pourrait se généraliser dans tous les rapports sociaux intégrant une perspective de domination intra-espèce : l’esclave, le serf ou le membre d’une caste inférieure ne sera-t-il pas considéré comme d’une moindre humanité par ceux qui le toisent d’une situation sociale privilégiée ?

Si ces considérations ont avant tout une portée sociologique, elles affectent sans conteste la sphère linguistique. Par exemple, les vifs débats autour de la déclinaison des noms de métier, qui s’enflammèrent surtout pour des substantifs connoté d’une notion de prestige, comme ministre, mais ne faisant guère de difficulté pour une alternance nominale comme balayeur et balayeuse. Les variations langagières dépendant des différences sociales ou des variations situationnelles sont par ailleurs largement documenté[3], par exemple en japonais[4] ou en coréen[5], voir dans des cas extrêmes ou femmes et hommes parlent des langues distincts dans la même société[6].

Il faut noter que s’il y a un genre humain grammatical en français, dans une large mesure il opère en tant que contrainte d’enchâssement portée par les verbes qui sont spécifiques à la classe nominale dont ces verbes participent à dessiner les contours[7]. Ainsi, le sujet d’un verbe comme poétiser sera un être humain, où métonymiquement une œuvre humaine, aussi sûrement que le sujet de feuler sera un félin. Non pas que des usages qui outre-passent cette régularité soient hors du commun, mais ils relèvent alors de la métaphore plus ou moins emphatique selon son degré de coutumiarité : l’exclusivité de hurler aux seuls canidés est couramment bien moins marqué.

Toujours est-il que Carole de Féral rapport en 1988 que dans le pidgin-english camerounais la distinction de genre se fait non plus entre masculin, féminin et neutre mais entre humain et non humain[8]. Ce qui suffit démontrer le caractère effectif de ce critère sémantique, tout au moins dans certaines langues.

En français, le trait humain recoupe largement le champ sémantique qu’occupe la notion de personne. Il faut cependant remarque que les verbes impersonnels ne se laissent enchâsser que par une seule des deux formes de genre du français : il faut qu’ils n’usent point d’elle. Le non-humain au contraire s’y disperse sans motif évident et consensuel : le droit et la justice, un fait et une réalité, le ciel et la terre, une chaise et un tabouret, le rat et la sourie. Dans le même temps, le concept de l’humain se révèle bien plus modérant dans son extension que celui de celui de personne : les fictions juridiques que sont les personnes morales sous-tendent des jugements performatifs aux conséquences tangibles, mais une entreprise n’en gagne pas pour autant l'admission de traits linguistique comme une conscience, le ressentie d’émotions ou la capacité à lier des liens d’amitié – en dehors de formulations métaphoriques.

Pour aller plus loin, il sera possible de consulter d’autres ressources afférentes au thème du genre humain et autres notions connexes abordées dans cette section, il sera intéressant de consulter les références afférentes[9][10][11][12][13][14][15][16][17][18].

Références[modifier | modifier le wikicode]

  1. « humanité - CRISCO - Dictionnaire des synonymes : », sur crisco2.unicaen.fr (consulté le 10 janvier 2022)
  2. Claire Michard et Catherine Viollet, « Sexe et genre en linguistique – Quinze ans de recherches féministes aux États-Unis et en R.F.A. », Recherches féministes, vol. 4, no  2, 1991, p. 97–128 (ISSN 0838-4479 et ISSN 1705-9240) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2022-01-13)]
  3. « Approche linguistique, sociolinguistique et interactionnelle d’un cas de bidialectalisme : arménien occidental et arménien oriental », sur theses.univ-lyon2.fr (consulté le 13 janvier 2022)
  4. « Japon: langues et écriture », sur www.axl.cefan.ulaval.ca (consulté le 13 janvier 2022)
  5. Kouang-Hyeun Kim, « Les morphèmes honorifiques dans l'identification de la personne en coréen », Faits de langues, vol. 2, no  3, 1994, p. 203–210 (ISSN 1244-5460) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2022-01-13)]
  6. Publié par Éditions Assimil | 6 Oct 2018 | Langues et Mondes, « Ubang et Yanyuwa, une langue pour les femmes, une autre pour les hommes | Assimil », (consulté le 13 janvier 2022)
  7. Représentation cérébrale des structures linguistiques, 2015, Stanislas Dehaene
  8. Carole de Féral, « Le genre en pidgin-english camerounais : un effet de style ? », Linx, vol. 21, no  1, 1989, p. 93–105 (ISSN 0246-8743) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2022-01-13)]
  9. « Théorie du genre humain | ARTE Radio », sur www.arteradio.com (consulté le 10 janvier 2022)
  10. (en) « Quelles sont les caractéristiques de l'humanité ? », sur Dictionary - Dictionnaire, Grammaire, Orthographe & Langues, (consulté le 10 janvier 2022)
  11. Christian Walter, « L’enchâssement ou la quête de « Dieu » au-delà du langage », Socio, no  13, 2019-12-12, p. 181–197 (ISSN 2266-3134 et ISSN 2425-2158) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2022-01-13)]
  12. « « L'Enchâssement », un hymne à la récursivité - [Site WWW de Laurent Bloch] », sur www.laurentbloch.org (consulté le 13 janvier 2022)
  13. Marc Wilmet, « Le démonstratif dit « absolu » ou « de notoriété » en ancien français », Romania, vol. 100, no  397, 1979, p. 1–20 (ISSN 0035-8029) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2022-01-14)]
  14. Françoise Desbordes, « Le langage sceptique », Langages, vol. 16, no  65, 1982, p. 47–74 (ISSN 0458-726X) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2022-01-14)]
  15. Myriame Martineau, « Les conteuses québécoises : le brouillage des stéréotypes sexués au coeur d’une pratique en quête de reconnaissance », Recherches féministes, vol. 29, no  2, 2016, p. 231–244 (ISSN 0838-4479 et ISSN 1705-9240) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2022-01-14)]
  16. Michèle Riot-Sarcey et Eleni Varikas, « Réflexions sur la notion d'exceptionnalité », Les cahiers du GRIF, vol. 37, no  1, 1988, p. 77–89 [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2022-01-14)]
  17. Pierre Lacau, « Les noms des parties du corps en égyptien et en sémitique », Mémoires de l'Institut national de France, vol. 44, no  2, 1972, p. 94–271 (ISSN 0398-3609) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2022-01-14)]
  18. Cédric Aguzzi, Marlon Ferreri et Bastien Garcia, « Compte rendu des débats et discussions », Annuaire international de justice constitutionnelle, vol. 34, no  2018, 2019, p. 535–662 [texte intégral (page consultée le 2022-01-14)]