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Recherche:Sur l’extension des genres grammaticaux en français/générique

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Le terme de genre générique est abondamment employé dans la littérature, mais rarement préalablement défini. Quelques fragments de textes permettent d’ébaucher une idée des conceptions en circulation :

…le genre générique, c’est-à-dire le genre grammatical utilisé pour désigner les personnes sans distinction de sexe[1]

En anglais, he (il) peut tout à fait être utilisé comme genre générique, pour évoquer un individu typique masculin ou féminin[2].

Et le genre masculin est devenu le genre générique susceptible d’englober le genre féminin[3].

En s’appuyant sur ces bribes définitionnelles et en les abstrayant un peu de l’aspect strictement sexuel, un définition possible serait donc

👉 Le genre générique désigne une catégorie grammaticale qui laisse indéterminée un attribut servant de critère de distinction d’autres genres, dits genres connus[4], explicitant l’englobement de ces derniers dans sa portée sémantique.

Ainsi en Yacouba le générique fourni un genre autonome duquel de plus les genres connus féminin et masculin peuvent être dérivés par des mécanismes morphologiques.

Règles du jeu
Exemple d’un usage de féminin générique dans les règles du jeu Diamoniak : le terme joueuse est employé pour désigner toute personne prenant part à une partie. Le même éditeur à part ailleurs diffusé les mêmes règles où c’est joueur qui était employé, ce qui ne laisse donc aucun doute sur le caractère générique de cet emploi.

La littérature véhicule souvent la thèse que le masculin aurait en français l’exclusive prérogative d’être confondu à un genre générique, en particulier dans le cas des groupes de personnes[5][6]. Si l’existence de cette surcharge du genre est indéniable, de nombreux noms d’espèces vivantes pour lesquels seule un féminin existe invalident pleinement le postulat de son exclusivité au masculin. Par exemple : les girafes et les hyènes, aussi bien femelles que mâles, sont merveilleuses à étudier et elles nous offrent à mieux comprendre le monde. Autrement dit en français ni la femelle ni le mâle ne l’emporte dans la syntaxe, car ils constituent des traits sémantiques d’influence tout au plus marginaux dans les structures morphologiques de la langue, contrairement au système de genre qui lui est inhérent indépendamment des termes utilisés pour la décrire.

Par ailleurs l’emploi d’un féminin générique pour désigner des humains est de fait également employé, bien que plus rarement, et offre un niveau de latitude sémantique équivalent. Cette pratique est plutôt à la hausse, y compris dans d’autres langues comme l’allemand[7]. Comme pour toute pratique langagière nouvelle, avant-gardiste disent même certaines[8], une partie des locuteurs est dans une position de circonspection, voir de rejet, et l’éventualité de sa popularisation perenne est incertaine[9]. Son emploi reste suffisamment inaccoutumé pour que des justifications soient souvent sentie nécessaire[10]. D’autres en revanche pensent à faire remarquer que si excentricité il y a, elle est parfois bien coutumière, comme pour l’adjectif chauve[11].

Aussi lorsqu’une des formes est privilégiée dans les groupes aux genres énonciatifs hétérogènes, cela ne saurait se faire sans introduire une homonymie généralisée dans l’ensemble des termes concernés. Superposer ainsi un genre supplémentaire sur un genre initiale, comme il est souvent clamé pour le masculin, ne saurait se faire sans renoncer dans le même temps à l’existence d’un genre proprement masculin. Bien plus qu'une simple adjonction de rôle en marge, cela implique une transformation résultant en une totale ambiguïté[12]. Cela vaut de même pour ce qui est usuellement qualifié de féminin qui est tout autant sujet d’une telle surcharge comme vu précédemment. Cela disqualifie donc la pertinence de ces appellations de féminin et masculin pour toute pratique langagière intégrant cet usage ambiguë.

Photographie d’un feuillet d’errata. La retranscription du texte est consultable sur Commons.
Exemple de deux utilisations consécutives du mot lecteurs, manifestement dans deux sens différents. Le premier à valeur générique de lectorat, c’est à dire de prise en compte sous forme d’un unique groupe commun. Le second s’oppose à lectrice avec donc une valeur restreinte aux personnes sexualisées en mâle.

Si lecteurs est promut synonyme de lectorat, donc ensemble des personnes femelles et mâles qui lisent, alors lecteurs devient au mieux un homonyme ambiguë, impropre à une distinction aisé du signifié ensemble des personnes mâles qui lisent. Il en va de même de l’interprétation qui voudrait dans une formulation comme cher lecteur attacher le sens cher individu femelle ou mâle lisant ceci. Une telle requalification sémantique ne saurait s’opérer valablement sans opérer dans le même temps à un changement de nom de la catégorie grammaticale. De fait tant lecteurs que lectrices se voit employé dans une telle intention de généricité ambiguïsante[13], et leur sémantique effective précise dépend dès lors entièrement du contexte :  qui énonce, pour désigner quelles personnes sous quelles intentions connotatives. Assurément, le mot lectrices aura toutes les chances de désigner des topiques différentes dans un discours féministe ou phallocrate, pour prendre deux pôles distincts du spectre politico-culturel[14]. Ceci étant, le féminin générique est déjà explicitement reconnu pour la rédaction de textes de loi au Canada, ce qui lui confère une légitimité aussi incontestable que celle du masculin – tout au moins dans ce cadre[15]. Par ailleurs, des néologismes comme lecteurice sont introduits par les personnes tentant d’expliciter les deux sexes qu’elles perçoivent comme attachés à lecteur et lectrice ; vraisemblablement dans un souci de parité. Cette solution reste cependant dans une démarche d’imprégnation sexuelle, strictement binaire qui plus est, donc bien moins générique que lectorat qui est nettement plus ancien et d’usage bien moins confidentiel[16]. Cela étant, globalement c’est bien lecteur qui prédomine et de loin dans l’usage[17]. Enfin pour compléter la revue des variations sur la base lect/, il faut signaler le terme néologique de lectaire. Celui-ci permet de désigner une personne en particulier, contrairement à lectorat, en explicitant l’indétermination du sexe.

En tous les cas, en français comme en d’autres langue se constate l’absence d’un genre commun propre et d’un genre générique propre. Cela introduit des difficultés pour rendre compte énonciativement d’une hétérogénéité dans un groupe. En résultante, au moins l’un des genres reconnus pour les substantifs dans les grammaires scolaires se voit attribué ce rôle dans ces situations. Dans ces cas ces rôles supplétifs sont attribués avant tout relativement aux genres des syntagmes, et non des référés qu'ils désignent :

Ces araignées villeuses sont douces, surtout les mâles. Ce sont des animaux ovipares, ils peuvent pondre des œufs s’ils sont femelles.

Il faut noter que ces génériques supplétifs ne peuvent pleinement compenser l’absence d’un générique autonome : générique féminin, générique épicène et générique masculin engendre chacun des représentations aux différences présentant des écarts statistiques significatives[18].

Pour aller plus loin sur ce thème, les références correspondantes pourront être consultées[19][20][21][22][23][24].

  1. « Comment (et pourquoi) rédiger de manière inclusive? », sur Comm'un pro, (consulté le 10 décembre 2021)
  2. « L'écriture inclusive : parlons faits et science », sur Bunker D, (consulté le 10 décembre 2021)
  3. « Politique - Rencontre Surdoué 🦓 », sur rencontre-surdoue.com (consulté le 10 décembre 2021)
  4. Munseu Alida HOUMEGA, Approche syntaxique et sémantique du genre : cas du Yacouba. Communication en Question nº 12, novembre / Décembre 2019 ISSN : 2306 - 5184
  5. Claire Michard, « Genre et sexe en linguistique : les analyses du masculin générique », Mots. Les langages du politique, vol. 49, no  1, 1996, p. 29–47 [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-08-20)]
  6. Vachon-L’Heureux, Pierrette. « Louise-L. Larivière : Pourquoi en finir avec la féminisation linguistique ou à la recherche des mots perdus. » Recherches féministes, volume 14, numéro 1, 2001, p. 125–127. https://doi.org/10.7202/058132ar
  7. Daniel Elmiger, « Les genres récrits : chronique n° 7: Le féminin générique ou : une généricité peut en cacher une autre », GLAD!, no  09, 2020-12-20 (ISSN 2551-0819) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2022-02-23)]
  8. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada Gouvernement du Canada, « 9.1.9 Emploi du féminin dit générique - 9.1 La féminisation des textes - 9 La féminisation - Le guide du rédacteur - TERMIUM Plus® - Bureau de la traduction », sur www.btb.termiumplus.gc.ca, (consulté le 23 février 2022)
  9. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada Gouvernement du Canada, « 9.1.9 Emploi du féminin dit générique - 9.1 La féminisation des textes - 9 La féminisation - Le guide du rédacteur - TERMIUM Plus® - Bureau de la traduction », sur www.btb.termiumplus.gc.ca, (consulté le 23 février 2022)
  10. Pierre Rahier dit, « Pourquoi nous utilisons le féminin générique | Sinplástico » (consulté le 23 février 2022)
  11. « féminin générique », sur Langue sauce piquante (consulté le 23 février 2022)
  12. Jacqueline Lamothe et Céline Labrosse, « Un fragment de féminisme québécois des années 1980 : la féminisation linguistique », Recherches féministes, vol. 5, no  1, 1992, p. 143–151 (ISSN 0838-4479 et ISSN 1705-9240) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-12-10)]
  13. Julie Abbou, « La langue est-elle toujours un lieu de lutte féministe? De la contrefaçon sémiotique à la libéralisation », Recherches féministes, vol. 32, no  2, 2019, p. 235–258 (ISSN 0838-4479 et ISSN 1705-9240) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-12-10)]
  14. Claudie Baudino, « La cause des femmes à l'épreuve de son institutionnalisation », Politix. Revue des sciences sociales du politique, vol. 13, no  51, 2000, p. 81–112 [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-12-10)]
  15. Michaël Lessard et Suzanne Zaccour, « QUEL GENRE DE DROIT? AUTOPSIE DU SEXISME DANS LA LANGUE JURIDIQUE », Revue de droit de l'Université de Sherbrooke, vol. 47, no  2-3, 2017, p. 227–298 (ISSN 0317-9656 et ISSN 2561-7087) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-12-10)]
  16. (en) « Google Books Ngram Viewer », sur books.google.com (consulté le 26 décembre 2021)
  17. (en) « Google Books Ngram Viewer », sur books.google.com (consulté le 26 décembre 2021)
  18. Markus Brauer, « Un ministre peut-il tomber enceinte ? L’impact du générique masculin sur les représentations mentales », L'Année psychologique, vol. 108, no  2, 2008, p. 243–272 [texte intégral (page consultée le 2021-12-10)]
  19. Edwige Khaznadar, « L'homme générique... dans les savanes de la préhistoire », Langage et société, vol. 119, no  1, 2007, p. 131 (ISSN 0181-4095 et ISSN 2101-0382) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-08-25)]
  20. González-Rey, Mª Isabel. “Les Identités De Genre Dans Les Expressions Idiomatiques Du Français.” Interculturalidad y lenguaje, T. I, El significado como corolario cultural (2007).
  21. DARCY CARVALHO, TRAITÉ DE LA FORMATION DE LA LANGUE FRANÇAISE PAR ADOLPHE HATZFELD, ARSENE DARMESTETER ET ANTOINE THOMAS.648 PAGES. PUBLIÉ DANS L'INTRODUCTION AU GRAND DICTIONNAIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE PAR LES AUTEURS. PARIS, 1871. TREATESE ON THE FORMATION OF THE FRENCH LANGUAGE. PROF. DR. DARCY CARVALHO. STUDIES ON THE ROMANCE LANGUAGES AND THEIR RELATIONS WITH MEDIEVAL LATIN., 2016-10-09 [lire en ligne] 
  22. « BAnQ numérique », sur numerique.banq.qc.ca (consulté le 10 décembre 2021)
  23. Yumpu.com, « LE FÉMININ GÉNÉRIQUE A », sur yumpu.com (consulté le 23 février 2022)
  24. « Rédaction inclusive », sur www.antidote.info (consulté le 23 février 2022)