Recherche:Les fonds patrimoniaux des bibliothèques publiques/Approche juridique des collections patrimoniales
"Le patrimoine s'entend [...] de l’ensemble des biens, immobiliers ou mobiliers, relevant de la propriété publique ou privée, qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique."
Le code du patrimoine définit en ces termes son objet. Il identifie ensuite des catégories protégées du patrimoine, les biens culturels et les trésors nationaux. En revanche, le code est peu disert sur le patrimoine des bibliothèques. L'article 310 distingue trois catégories de bibliothèques mmunicipales :
- bibliothèques classées
- bibliothèques soumises à un contrôle technique régulier
- bibliothèques pouvant être soumises à inspection
Le dispositif législatif concernant les fonds patrimoniaux de bibliothèques municipales se rapporte à ce contrôle technique de l'État sur les collectivités territoriales, développé dans le Code général des collectivités territoriales.
le patrimoine en général : biens culturels et trésors nationaux
Les biens culturels sont des documents âgés de plus de cinquante ans et ayant une valeur d'au moins 50 000 €.
Les trésors nationaux sont des biens appartenant aux collections publiques et aux collections des musées de France, les biens classés en application des dispositions relatives aux monuments historiques et aux archives, ainsi que les autres biens qui présentent un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie.
« anciens, rares et précieux » : multiplicité des interprétations L'État se fixe pour objectif d'assurer la préservation de tous les documents "anciens, rares ou précieux". La circulaire d'application du décret du 9 novembre 1988 précise ce qu’il convient d'entendre par là :
a) Un document ancien est un document antérieur à 1811.
Après avoir repris à son compte cette définition conventionnelle, la circulaire observe en note qu'elle est considérée généralement comme trop restrictive et est appelée à être étendue au moins jusqu'aux documents du XIXe siècle. Cette formulation laisse les bibliothécaires dans l'incertitude. Doivent ils considérer les documents du XIXe siècle comme "anciens"? Dans les faits, c’est la subjectivité qui domine et chaque bibliothèque définit elle-même ses documents "anciens". En outre, la définition d'un document ancien ne peut bien sûr qu'évoluer à mesure que le temps passe, dans quelques décennies on tendra à inclure dans cette catégorie les documents du XXe siècle et ainsi de suite. Aussi peut-on se demander s'il ne conviendrait pas de définir une fois pour toutes "un document ancien" comme un document vieux, par exemple, de plus d'un siècle (ce que propose la Charte des bibliothèques).
b) Les documents rares sont des documents uniques ou n'existant qu'en petit nombre, soit du fait d'un tirage initial limité, soit par suite de la disparition ou de la destruction de la majorité des exemplaires mis en circulation.
c) Les documents précieux sont des documents ayant une valeur vénale ou une valeur historique et culturelle.
Là encore les bibliothécaires doivent faire preuve de subjectivité. En effet, il n'existe pas de barême officiel concernant la valeur vénale d'un document. De plus, certains documents coûteux mais très répandus n'ont pas forcément vocation à se voir donner un statut patrimonial. Pour la valeur historique ou culturelle d'un document, cela dépend évidemment de la localisation et de la spécialité de chaque bibliothèque.
La définition officielle des documents anciens, rares et précieux n’est pas entièrement satisfaisante car les bibliothèques sont obliger de faire preuve faire preuve d'interprétation personnelle pour nombre de cas en fonction de leur spécialité, de leur localisation, de leurs publics et de leur sensibilité. Cependant cette définition officielle a le mérite de poser une base de travail sur laquelle s'appuyer et d'agrandir le champ du patrimoine.
le contrôle technique de l’État Le contrôle exercé varie selon qu’il s'agit des documents appartenant aux communes ou à l'État.
a) La restauration
Les communes sont obligées d'informer le préfet de région pour toute restauration d'un document ancien, rare ou précieux. Si les documents appartiennent aux communes, la réponse du préfet de région n’est pas une décision qui s'impose aux villes mais un simple avis. En revanche, dans le cas de documents appartenant à l' État, le préfet peut interdire ou imposer une restauration.
b) Les échanges
Pour des documents appartenant aux communes, les échanges sont autorisés par les conseils municipaux. Cependant l'État précise que les conditions de conservation et de protection doivent être au moins aussi bonnes. Lorsque les documents appartiennent à l'État, c’est le préfet de région qui autorise l'échange. Ce dernier s'appuie sur la DRAC pour instruire le dossier.
c) Les prêts
La communication au dehors des documents anciens, rares et précieux de tout type possédés par la commune, en principe prohibée, fait l’objet à chaque fois d'autorisations particulières du maire. Pour les collections d'État, une fois encore, c’est le préfet qui autorise ou interdit les prêts.
d) La désaffection
La désaffection est l'acte qui, consistant à faire sortir un objet du domaine public mobilier, rend possible son aliénation (don, vente) ou sa destruction. Les communes ont obligation d'informer le ministre chargé de la culture de tout projet de désaffection des documents anciens, rares ou précieux dont elles sont propriétaires. Le ministre répond après consultation du CNSPBP. Les documents d'État ne peuvent pas être soumis par les communes à des projets de désaffection.
e) Sinistres, soustractions, détournements
Les communes doivent immédiatement prévenir le ministre en charge des bibliothèques (dans les faits, on s'adresse au préfet de département) en cas d'incendie,de sinistre, de soustraction ou de détournement. Cette procédure se limite aux documents anciens, rares et précieux. Avertir au plus vite le préfet (à travers lui la DRAC) permet d'obtenir des conseils utiles concernant les premiers soins à apporter aux documents détériorés.
f) Les expositions permanentes
Pour les documents communaux, les villes sont libres de d'exposer comme elles le souhaitent. Pour les documents appartenant à l'État, il est officiellement interdit d'exposer les manuscrits, les incunables, les estampes et les livres précieux. Les inspecteurs généraux sont chargés de veiller "à la stricte application" de cette interdiction. Dans les faits, cela est beaucoup plus souple et l'exposition de documents appartement à l'État est plus ou moins tacitement autorisé.