Recherche:Clefs pour mieux comprendre le monde et participer à son évolution/Du Moyen-Âge à nos jours
L’Occident médiéval ↑
[modifier | modifier le wikicode]On appelle Moyen Âge, la période historique qui débute au Ve siècle avec la chute de Rome. Sa durée est d’environ un millénaire. Dès le IIIe siècle, l’affaiblissement de l’Empire avait entraîné le déclin des villes. Les invasions accentuèrent ce mouvement. Les échanges commerciaux furent réduits au minimum. Les édifices publics et les routes cessèrent d’être entretenus. Autour des grands domaines cependant, la vie continua de s’organiser.
L’Europe de l’Ouest est née de la rencontre de plusieurs cultures : celle des populations installées de longue date, en particulier les Celtes ; celle de la Rome Antique d’après la christianisation ; et enfin celle des conquérants germaniques. Parmi ces derniers figuraient les Angles, les Francs et les Alamans : des peuples qui ont donné leur nom aux états qui se sont formés par la suite. Les Francs ont rapidement constitué un empire qui s’étendait sur la Gaule et une partie de la Germanie.
Au début du IXe siècle, Charlemagne régnait sur un territoire occupant une bonne partie de l’Europe occidentale. Il voulait reconstituer un équivalent de l’Empire Romain, mais centré plus au Nord. L’Église avait confié à la dynastie carolingienne la tâche d’unifier la chrétienté. Charlemagne poursuivit l’œuvre de son père Pépin Le Bref. Il renforça cette alliance entre l’Église et son état qu’il dota d’un réseau administratif puissamment organisé où les membres du clergé exerçaient de hautes fonctions. L’empereur favorisa une importante renaissance culturelle. Il accueillit des érudits étrangers qui contribuèrent à cet essor. À la mort de son fils, l’Empire fut à nouveau morcelé. L’esprit de cette renaissance subsista néanmoins dans le Nord-Est du royaume. Au cours de la deuxième moitié du Xe siècle, Othon Ier sera couronné empereur du Saint Empire germanique.
Pendant ce temps, à l’autre bout de l’Europe, dans les Balkans et en Russie, l’influence de Byzance était prédominante, tant sur le plan politique que dans les domaines artistiques et religieux. Vers l’an mille, un état russe se constitua avec Kiev pour capitale. À partir du milieu du XIIIe, le pays dut subir le joug Tatar : un peuple originaire d’Asie centrale qui était converti à l’islam. Cette domination dura deux siècles. La Russie se trouva ainsi isolée de l’Europe, ce qui l’empêcha de participer au renouveau de la culture occidentale. Par la suite, elle devint un état absolutiste qui fut peu influencé par la révolution industrielle. En Europe de l’Ouest, les invasions et les crises dynastiques vont créer un climat d’insécurité. Pour faire face à cette situation, les plus faibles se mirent peu à peu au service des puissants. La mise en place du système féodal se généralisa à partir du IXe siècle. Chacun était le vassal d’un suzerain. Les villageois dépendaient du bon vouloir du seigneur local. Lui-même devait obéissance à un personnage d’un rang plus élevé. Et ainsi de suite ... Ces liens de dépendance constituaient un système pyramidal qui, du temps des Carolingiens remontait jusqu’au roi. Pour s’assurer la fidélité de leurs vassaux, les souverains leur accordaient de nombreuses concessions de terres. Le pouvoir royal s’en trouva peu à peu affaibli. Pour faire face aux assauts des Scandinaves, des Slaves … ou des Sarrasins, la défense s’organisa au niveau local, à partir du seul rempart efficace : le château fort. Afin d’obtenir la protection des seigneurs et des chevaliers, les paysans durent renoncer à leur liberté et subir les dures conditions du servage.
Dans ce monde tourmenté et brutal, l’idéal de paix et d’harmonie trouvait tout de même des terrains d’expression, notamment dans les monastères. Ces lieux privilégiés étaient quelquefois d’importants foyers culturels où l’on continuait à étudier certains auteurs de l’Antiquité. L’interprétation des textes s’effectuait dans une optique généralement bien définie car au Moyen Âge l’art de la philosophie étaient au service de la religion chrétienne. L’Église représentait le principal facteur d’unification et la référence morale de tout l’Occident. Sa richesse et sa puissance étaient cependant peu conformes à l’idéal évangélique. De plus, elles contrastaient avec le dénuement du peuple qui était contraint de lui payer un impôt. Le sort des petites gens était des plus misérables car, de surcroît, à cette époque tout particulièrement, les fidèles ne vivaient pas seulement dans l’espoir du salut : la crainte de l’enfer hantait fortement les consciences. Investies du rôle de boucs émissaires, les populations juives subissaient périodiquement de graves persécutions. À partir de l’an mille, apparurent de nombreuses hérésies prônant un retour à la simplicité des débuts. Mais ces mouvements furent combattus et réprimés sévèrement. Tel fut le sort de la religion des Cathares qui s’épanouit dans le Sud de la France au XII e siècle. En entrant dans Narbonne, le représentant du pape aurait donné cet ordre qui en dit long sur l’aveuglement fanatique qui s’était emparé de certains esprits ; « Tuez-les tous : Dieu reconnaîtra les siens. »
Les Croisades d’Orient débutèrent à l’extrême fin du Xe siècle. À l’origine, elles furent entreprises pour reconquérir Jérusalem, depuis peu aux mains des Turcs, et permettre ainsi aux pèlerins de s’y rendre en toute sécurité. La violence qui régnait dans la société occidentale se trouva de ce fait orientée vers un ennemi extérieur. La ferveur religieuse n’était pas la seule raison qui animait ceux qui partaient : il y avait aussi, pour une partie d’entre eux, l’attrait des horizons nouveaux. Le désir de supplanter les Arabes dans le domaine commercial a sans doute dû jouer lui aussi un rôle incitateur. Toutes les femmes ne restaient pas à attendre au coin de la cheminée en filant de la laine. Beaucoup étaient aussi du voyage, l’enrichissant de leur présence et apportant aide et réconfort aux combattants occidentaux. À partir de la quatrième Croisade, les objectifs politiques et économiques vinrent se joindre ouvertement aux mobiles religieux. En 1204, les Croisés s’emparèrent de Constantinople qui était pourtant la capitale de la chrétienté orientale. Des états latins furent créés en Orient, en particulier en Palestine. À la fin du XIIIe, les musulmans reprirent possession de l’ensemble de la région.
Grâce à cette confrontation avec les cultures de Byzance et de l’Islam, les Croisés revinrent avec des idées nouvelles et une aspiration à plus de raffinement, de richesse et de chaleur. Le flamboiement des cathédrales gothiques remplaça la discrétion profonde des églises romanes. Les murs devinrent moins abrupts et s’ouvrirent à la lumière colorée des vitraux. Le monde de la connaissance sortit lui aussi de sa réserve et, à partir du XIIe, des universités furent créées. Avec l’apparition de « l’esprit courtois », inspiré en partie par la rencontre avec les Arabes, la brutalité des chevaliers s’atténua et un regard nouveau fut porté sur la femme. Pour une élite tout au moins, elle devint l’Inspiratrice. Dans « l’amour courtois « , la dévotion pour Dieu se transformait en une vénération de la Dame, ce qui ouvrait la voie aux conceptions romantiques et modernes. Il ne s’agissait pourtant pas d’un éveil après une longue nuit : le Moyen Âge n’avait jamais été un temps véritablement obscur. Très tôt, notamment dans le Sud, la Champagne et les Flandres, les mœurs avaient commencé à s’affiner.
Avec l’amélioration de l’outillage et le perfectionnement des techniques, de grandes étendues de terres purent désormais être mises en valeur. Ces progrès furent dans une large mesure dus à l’esprit d’initiative des ordres monastiques. Grâce à la relative prospérité qui en résulta, la population augmenta. Les commerçants et les artisans se groupèrent en associations, ce qui leur permit de bénéficier progressivement de nombreux avantages. Les villes commencèrent à se libérer de la tutelle du seigneur ou de l’évêque, souvent avec l’aide des souverains qui voyaient là une occasion de renforcer leur pouvoir au détriment de l’aristocratie et de l’Église. Certaines villes accédèrent à une réelle autonomie. Dans le Nord de l’Europe, d’importants centres commerciaux se groupèrent en une confédération pour former la puissante et florissante Union de La Hanse. Les villageois suivirent l’exemple des citadins. En s’unissant, ils purent obtenir une amélioration de leur condition. Le servage disparut en beaucoup d’endroits. Ne pouvant s’adapter à l’évolution de la société, un grand nombre de nobles se trouvèrent ruinés. L’ascension de la bourgeoisie amena l’émergence d’un état d’esprit plus réaliste et la recherche active du bien-être, ici, sur Terre. Cette nouvelle orientation se répercuta dans le domaine de l’art. Le goût pour les scènes naturelles se développa.
À la fin du Moyen Âge, l’Europe dut affronter de nombreuses crises morales et sociales amenant dans leur sillage de nouvelles prises de conscience. Avec l’éclatement de la chrétienté, l’idée de nation commença à se répandre. L’épidémie de peste de 1347 réduisit la population d’un tiers et engendra une famine importante. Pour faire face aux tragédies et aux incertitudes de toute nature, une grande soif de vivre et de comprendre se développa. Les œuvres recopiées par les moines firent l’objet d’un intérêt passionné. De leur côté, les Arabes avaient traduit les ouvrages des philosophes grecs et les traités scientifiques de l’Antiquité. Ils ne s’étaient d’ailleurs pas contentés de les réactualiser, ils avaient enrichi cet acquis par un apport original et les résultats de leurs propres recherches. Au XVe siècle, le royaume de Grenade demeurait sous la domination des Maures. La bibliothèque de l’Alhambra qui s'y trouvait étant d'une très grande richesse, elle était le pôle d’attraction de toute l’élite intellectuelle de l’Occident.
Renaissance, réformes et grandes découvertes
[modifier | modifier le wikicode]Après la chute de Constantinople, survenue en 1453, de nombreux érudits byzantins arrivèrent en Occident, amenant avec eux leur connaissance du Monde Antique. Avec l’apparition de l’imprimerie, le nombre de ceux qui pouvaient étudier augmenta et les livres traitèrent de sujets plus variés. Cet élargissement de l’horizon culturel stimula l’exercice de la pensée et favorisa l’essor d’un grand mouvement humaniste. Les écrits furent davantage étudiés pour eux-mêmes, plus librement, à la lueur de la raison plutôt qu’à celle de la foi.
Sous l’impulsion des humanistes, l’être humain devint la référence en maints domaines. Au lieu de faire reposer presque tout sur Dieu, comme c’était le cas au Moyen Âge, les occidentaux commencèrent à se sentir plus responsables et ils entreprirent de faire fructifier eux-mêmes les richesses présentes en chacun ; d’où l’importance donnée à l’éducation. La résurgence de la civilisation gréco-latine donna un souffle nouveau à l’art occidental. Les sujets mythologiques, les corps nus et les paysages se mirent à figurer aux côtés des thèmes chrétiens traditionnels. Les artistes devinrent plus attentifs à la personnalité des modèles et à la précision des détails. Quelques uns commencèrent à sortir de l’anonymat et à bénéficier d’un statut social élevé.
La Renaissance débuta à Florence au XVe siècle. La ville disposait d’un régime plutôt libéral pour l’époque. Les créateurs pouvaient donc y exprimer plus ouvertement leurs conceptions et les sentiments qui les animaient. Ils bénéficiaient également de la présence de personnages fortunés qui mettaient d’importants moyens à leur disposition. Ce mouvement s’étendit rapidement aux autres villes italiennes. Il se répandit ensuite progressivement, gagnant l’ensemble de l’Europe au cours du siècle suivant. Un Homme comme Léonard de Vinci incarnait tout particulièrement l’esprit de la Renaissance : en lui se trouvaient réunis un goût profond pour la culture, une grande sensibilité et un mode d’investigation à caractère scientifique. À cette époque, l’art atteignit des niveaux rarement atteints. Il ne resta cependant pas toujours sur les sommets, il se mit également au service du simple plaisir de vivre. Des fêtes somptueuses furent organisées dans les châteaux, désormais dépourvus de fortifications. Les élites de ce temps avaient néanmoins conscience du fait qu’il serait difficile de résoudre les contradictions qu’ils étaient en train d’introduire. Malgré l’enthousiasme suscité par les nouvelles possibilités qui s’offraient, la Renaissance fut aussi marquée par la tristesse et le doute.
Vers la fin du Moyen Âge, les abus des hauts dignitaires de l’Église allèrent en s’accentuant ; ce qui provoqua de forts mécontentements parmi les fidèles et au sein même du clergé. En 1517, un moine nommé Luther publia des thèses où il faisait ressortir l’écart entre le message évangélique et certaines pratiques de l’Église. Cet événement est à l’origine de la Réforme : un mouvement qui allait amener une partie des chrétiens d’Occident à se réunir au sein d’Églises indépendantes. – Jusqu’alors, seule la Chrétienté d’Orient présentait une diversité de cultes.
Luther soulignait l’importance de la foi; celle-ci étant seule capable de créer l’état d’esprit qui permet d’agir en accord avec la loi divine. Luther considérait que les Écritures étaient suffisantes pour servir de point de repère à la conscience. Pour que chacun puisse se retrouver en face de Dieu, il proposait de supprimer au maximum les intermédiaires. Cet homme d’Église portait également un regard critique sur la liturgie, les institutions et les philosophies adoptées par le christianisme au fil des siècles. Le système hiérarchique et bon nombre de dogmes se trouvaient de ce fait remis en question. Les thèses de Luther furent condamnées par l’Église catholique. Les tribunaux de l’Inquisition ordonnèrent la mise à mort de nombreux hérétiques et la confiscation de leurs biens ; souvent d’ailleurs sur de simples soupçons ou par intérêt. Le mouvement protestant réussit néanmoins à se constituer, donnant naissance à différents courants qui se développèrent de manière autonome. Le protestantisme s’implanta principalement dans la partie Nord de l’Europe et dans le Sud de la France. L’Église d’Angleterre adopta une voie intermédiaire : tout en conservant les formes traditionnelles, elle introduisit en son sein, les grands principes de la Réforme.
Partout la liberté de conscience était peu respectée et les gens du peuple étaient souvent tenus d’embrasser la religion de leur souverain[1]. Les ambitions et l’intolérance qui régnaient de part et d’autre entraînèrent de nombreux affrontements et de terribles massacres. Certaines minorités comme les anabaptistes étaient persécutées par les fanatiques des deux bords. Les guerres de religion ébranlèrent la confiance naïve en l’Homme, ouvrant la voie à de plus amples réflexions. Après avoir eu recours à des mesures purement défensives et répressives, l’Église catholique entreprit elle aussi toute une série de réformes pour clarifier ses fondements, accroître son audience et réaffirmer son identité. Toutes ces remises en question exerceront une influence sur l’ensemble de la vie sociale. L’habitude du doute et des délibérations commencera à se répandre. Les esprits curieux se mettront à chercher des raisons d’espérer en dehors des sillons traditionnels.
Les progrès de la navigation permirent des expéditions de plus en plus lointaines. À la fin du XVe siècle, un continent insoupçonné fut même découvert : L’Amérique. Pour ses habitants, l’arrivée des Européens fut une véritable catastrophe. Ce qu’ils avaient mis des siècles à édifier se trouva soudain quasiment réduit à néant. Dans leur immense majorité, les colons ne tentèrent pas de comprendre les civilisations qu’ils rencontraient. Ils ne cherchèrent pas non plus à établir des relations équitables avec les peuples déjà présents. Pour la plupart de ces nouveaux venus, les amérindiens étaient des curiosités, une main d’œuvre gratuite ou des obstacles : ils ne les considéraient pas comme leurs semblables. Malgré quelques protestations en provenance des métropoles[2], ils contraignirent les populations locales à travailler pour eux. En raison des conditions inhabituelles qui leur étaient imposées et des maladies amenées par les Européens, beaucoup d’Amérindiens succombaient au contact des envahisseurs. Des régions entières virent ainsi disparaître la totalité des habitants installés de longue date. Convaincus de leur bon droit, les Espagnols et les Portugais détruisirent les temples et bâtirent des églises sur leur emplacement. L’avidité des conquérants était sans borne. Ils fondirent les objets de culte locaux pour en faire de la monnaie. Cet or fut d’ailleurs en partie responsable du déclin de l’Espagne. Durant le XVe siècle, le pays était le phare de l’Europe mais, se sentant riche, il augmenta sa consommation sans développer ses capacités de production. Ce furent finalement les peuples laborieux du Nord qui bénéficièrent de cet apport et prirent le relais.
Comme les colons manquaient de main d’œuvre, ils organisèrent des expéditions pour se procurer des esclaves. Ils jetèrent leur dévolu sur ceux dont l’apparence permettait une discrimination aisée : les personnes dont la peau est foncée. Entre le XVIe et le XIXe siècle, plus de dix millions d’Africains furent ainsi arrachés à leur continent par les trafiquants européens. Ceci eut parfois lieu avec la participation de marchands arabes ou la complicité de congénères: en particulier les souverains locaux ou les membres d’autres tribus. Il y eut des îlots de résistance et des royaumes qui offraient une protection à ceux qui venaient s’y réfugier. Un certain nombre d’Africains purent ainsi échapper au sort terrible qui attendaient les esclaves. Beaucoup se suicidaient plutôt que de partir. Les conditions du voyage étaient telles qu’un grand nombre d’entre eux mouraient en route. À leur arrivée, ils étaient généralement contraints de se convertir au christianisme puis vendus. Afin de les rendre plus malléables, les négriers séparaient les ethnies pour effacer toute mémoire collective.
Le premier tour de la Terre en bateau se termina en 1622. Dès lors, L’Europe entreprit de faire affluer sur son sol, les richesses du monde entier. Il y eut soudain beaucoup d’argent en circulation. Pour pallier les inconvénients liés à la grande diversité des monnaies, la banque de Hollande se mit à remplacer les pièces par des billets convertibles à tout moment. Ce mode de paiement facilitant les transactions, il permit la multiplication des échanges commerciaux. Avant le XVe siècle, les Occidentaux n’étaient nullement en avance sur les autres peuples. C’était même, dans maints domaines, quelquefois l’inverse. Mais ils prendront ensuite des initiatives qui modifieront complètement la situation. Tout un faisceau de causes a dû y contribuer : géopolitiques, culturelles et d’autres sans doute, plus profondes. En tous cas, quelles qu’en soient les raisons, à partir de la Renaissance, ils tenteront de multiples aventures dans les domaines les plus variés. Leur pouvoir s’en trouvera considérablement accru. Les puissances occidentales imposeront presque partout leur présence et leurs conceptions. Désormais, les autres civilisations seront obligées de se définir par rapport à elles. Toutes les cultures devront se se soumettre au verdict de leur système de valeurs. Même pour le combattre, tous seront contraints d’adopter les armes de « l’Homme blanc ».
Dans la première moitié du XV e siècle, Copernic démontra que la Terre n’était pas le centre de l’Univers et qu’elle tournait autour du soleil. Ses thèses ne rencontrèrent qu’un accueil mitigé et ne furent acceptées que par quelques rares exceptions. La question connut de nouveaux développements au siècle suivant. Les progrès réalisés en optique avaient permis à Galilée de faire des observations qui confirmaient les affirmations de Copernic. Il reformula donc ses thèses et les défendit vigoureusement. Pour sauver sa vie, il dut cependant se rétracter devant le tribunal de l’Inquisition en 1633. Mais comme il avait compris que les modèles astronomiques étaient éphémères, il conseilla charitablement à l’Église de ne jamais adopter l’un d’eux. Galilée fut l’un des premiers à émettre l’idée que l’Univers pouvait être exprimé sous une forme mathématique. Il a beaucoup contribué à l’introduction de la méthode expérimentale en sciences. Il a inauguré une ère où la question du comment se distingue radicalement de celle du pourquoi. Ainsi se trouve défini un espace protégé, à l’abri de tout mélange : celui du savoir scientifique.
À partir de la Renaissance, l’esprit d’investigation s’étendit progressivement à tous les domaines. Le corps lui-même sortit de l’obscurité et du relatif dédain où il avait été plongé. Il devint lui aussi un objet d’étude approfondie et d’expérimentation. En s’affranchissant des traditions en vigueur, Ambroise Paré donna naissance à la chirurgie moderne. Grâce à toutes ces découvertes et à de multiples inventions, l’être humain commença à mieux pouvoir se situer dans l’espace et le temps. En développant une science nouvelle et sa propre littérature, l’Occident se détachera peu à peu de l’héritage de l’Antiquité. Parallèlement, le sentiment national remplacera le désir de retrouver l’unité qui avait pu exister au temps de l’Empire Romain.
- ↑ L’Empire Romain germanique faisait cependant exception. De nombreux princes étaient protestants mais, comme il étaient tenus d’embrasser la religion de leurs sujets, ils se convertissaient parfois au catholicisme.
- ↑ En 1537, un pape condamna l’esclavage des Indiens. Une autre intervention remarquable mérite d’être signalée : celle du théologien Francesco de Vitoria. On lui doit ces paroles étonnantes pour le XVe siècle : « La race humaine ne forme qu’une seule famille : il est bon que les Hommes de pays dissemblables commercent paisiblement entre eux. » Il évoquait aussi une nécessité qui malheureusement n’a guère été prise en considération : celle de préparer les peuples à affronter d’autres civilisations.
Lumières et révolutions
[modifier | modifier le wikicode]L’héritage des siècles s’accumula. Dès le XVIIe siècle, on vit se propager les idées de tolérance, d’objectivité et d’unité entre les Hommes. Au siècle suivant, cette tendance prit de l’ampleur. Un courant optimiste se développa, fondé sur la conviction que tout pouvait être amélioré par une saine utilisation de la raison. Le bonheur devenait une possibilité à laquelle chacun pouvait prétendre.
L’esprit d’entreprise s’étendit à de multiples domaines. Au cours du XVIIIe siècle, ceux qui se sentaient capables de penser et de décider par eux-mêmes devinrent de plus en plus nombreux. Quelques uns commencèrent même à réclamer plus ou moins ouvertement des institutions qui les autorisent à exercer ces droits. En ce siècle des Lumières, les écrits de Voltaire et de Rousseau vont circuler dans les cours d’Europe. Les souverains mèneront quelquefois des politiques plus éclairées mais ils ne renonceront pas pour autant à l’absolutisme de leur pouvoir et aux privilèges qui en découlent. Ils contribueront cependant au progrès général en soutenant les gens de Lettres et les Hommes de science qui ouvraient la voie au monde moderne. Le XVIIIe siècle fut aussi illuminé par la présence d’artistes de haut niveau. Et parmi eux : Mozart. Conciliant ordre et liberté, cet être humain authentique disait de son art : « j’assemble les notes qui s’aiment.» À cette époque, déjà, Kant s’interrogeait sur les limites de la raison. Ce penseur rigoureux définissait les objectifs de la philosophie par ces questions qui peuvent trouver un écho en chacun : « Que pouvons-nous connaître ? – Que pouvons-nous espérer ? – Que devons-nous faire ? » ou encore : « Qu’est-ce que l’Homme ? »
Il fallut attendre la fin du siècle pour que se produisent des bouleversements de grande envergure. Ce fut tout d’abord l’accession des États-Unis à l’indépendance. Après s’être libéré de la tutelle de l’Angleterre, le pays se dota d’institutions démocratiques ; ceci : dès 1787. Cette libéralisation marqua le début d’un prodigieux essor économique qui attira bientôt de nombreux émigrants en provenance du monde entier. Quelques années plus tard eut lieu la révolution française. La république fut proclamée, bientôt suivie par la « Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen. » Ces événements inaugurèrent pour l’ensemble du monde, une ère nouvelle : que l’on nomma démocratie sans pour autant respecter les principes inventés au sein de la Grèce antique. Ils redonnèrent espoir à beaucoup en fournissant une référence. Ce qui avait été possible quelque part pouvait être tenté ailleurs.
En France cependant, sous le couvert des idéaux républicains, un grand nombre d’injustices et d’assassinats eurent lieu. Parmi les 40 000 victimes de la Terreur, beaucoup n’avaient commis qu’un seul crime : exprimer leur opinion. Le renversement de la monarchie ne fut que partiellement synonyme de Liberté, Égalité et Fraternité. Un ordre arbitraire régna et les notables se réservèrent l’essentiel du pouvoir. Le peuple accéda néanmoins à une dignité qu’il n’avait jamais eue auparavant. Les révolutionnaires étaient convaincus de la supériorité de leurs institutions. Ils pensaient que le progrès était dans l’assimilation. Les colonies restèrent donc sous la domination française. Seul l’esclavage fut aboli. Et encore ! Ce droit à la liberté fut de courte durée. Sacrifié au « réalisme économique », il sera rétabli en I802 par Napoléon. À l’intérieur, les autorités combattirent de manière impitoyable tous ceux qui voulaient restaurer l’ancien régime. Comme l’aristocratie des autres pays étaient hostile à la jeune république, la France dut bientôt faire face à la coalition de toutes les puissances d’Europe. Ces offensives furent tenues en échec grâce à la conviction des combattants du camp républicain et au génie militaire de Napoléon Bonaparte. Mais celui-ci ne se contenta pas de défendre le pays, il entreprit également de dominer toute l’Europe. Il finit par être battu et la monarchie fut temporairement rétablie. Aujourd’hui encore, ce personnage suscite des sentiments contradictoires. Il fut un chef extrêmement ambitieux, responsable de beaucoup de souffrances, mais il fut également l’Homme qui permit aux idées nouvelles de triompher. Il aura de nombreux admirateurs. L’un d’eux, Simon Bolivar, mènera une action, grâce à laquelle, au début du XIXe siècle, toutes les colonies espagnoles d’Amérique pourront accéder à l’indépendance.
Dans ce mouvement évolutif, l’Angleterre joua elle aussi un rôle de tout premier plan. En raison de sa suprématie maritime et des ressources de son empire colonial, elle disposait d’importants capitaux. En outre, la relative souplesse de ses institutions ne décourageait pas les initiatives. Les innovations technologiques purent donc y déboucher sur une révolution industrielle qui allait progressivement se répandre sur toute la planète. La machine à vapeur permit d’augmenter la production et les possibilités en de multiples domaines. La vie des Hommes se transforma au rythme des réalisations techniques. En 1844, le télégraphe mettait en communication Washington et Baltimore. La première ligne de chemin de fer fut inaugurée en 1880 : elle reliait Manchester et Liverpool.
Par nécessité mais aussi dans l’espoir d’une vie meilleure et plus libre, de nombreux paysans quittèrent les campagnes. Dans les usines et les mines, les conditions de travail étaient très dures et leur permettaient tout juste de survivre. Pendant ce temps, ceux qui les employaient se constituaient d’immenses fortunes. Pour améliorer leur sort, les salariés vont peu à peu s’organiser et créer des syndicats. Les insurrections, les grèves et les manifestations seront parfois réprimées avec une grande brutalité. Des projets de sociétés nouvelles vont être élaborés. Des Hommes comme Étienne Cabet, Pierre-Joseph Proudhon ou Robert Owen proposeront des utopies d’inspiration plutôt idéaliste ou libertaire. Karl Marx, lui, se situera dans une optique résolument matérialiste. Il développera la notion de lutte des classes : celle-ci menant finalement à une société sans classe après une période de dictature du prolétariat. Des mouvements socialistes vont se constituer un peu partout. Malgré la très grande diversité des tendances, ils tenteront, avec plus ou moins de succès, de s’unir autour d’objectifs communs. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le choix des politiques sera surtout influencé par des conceptions réformistes. Des pratiques particulièrement choquantes furent enfin abandonnées dans un certain nombre de pays où elles subsistaient. La Russie mit fin au servage en 1861 et les États-Unis abolirent l’esclavage quelques années plus tard.
Malgré l’acceptation du principe d’autodétermination des peuples, cette époque fut marquée par le triomphe de l’impérialisme. Poussés par l’intérêt, un sentiment de supériorité et la conviction d’être investis d’une mission civilisatrice, les Occidentaux occupaient toujours plus de territoires. En 1914, le tiers de l’humanité était sous le joug colonial. Pour mettre fin à cette domination, certain pays vont s’industrialiser et s’inspirer des institutions occidentales. L’un d’eux, le Japon, montrera d’ailleurs une même volonté d’hégémonie envers ses voisins.
Á la fin du XVIIIe siècle, les états de langue allemande entreront dans une période d’une remarquable fécondité. La culture germanique connaîtra alors un rayonnement croissant, surtout en musique et en philosophie. C’est dans cette atmosphère que le mouvement romantique émergea. Face à la raison jugée trop froide, ceux qui l’incarnaient tentèrent de réhabiliter l’expression des sentiments, l’imagination et le mystère. Le romantisme apportait également un contrepoint au classicisme et à son idéal d’équilibre, de stabilité et de retenue dans l’expression. Les écrivains et les artistes qui s’en réclamaient exaltaient la nature et tout l’éventail des états d’âme de l’individu. Ils prenaient également la défense des opprimés et soulignaient la valeur de ce qui est local ou singulier[1]. Presque à l’opposé, au sein de ce même XIXe siècle, un grand nombre de penseurs se mettaient à croire que la science allait peu à peu résoudre tous les problèmes de l’humanité.
Avec l’apparition de la photographie, la copie de la réalité perdit une grande partie de son attrait. Cette situation incita les peintres à explorer des voies inédites. Leur créativité s’en trouva bientôt considérablement intensifiée. Un désir de renouvellement commençait d’ailleurs à poindre dans de multiples domaines. Les artistes se mirent à rechercher des sources d’inspiration au sein de cultures différentes. Convaincus d’avoir un rôle social à jouer, quelques uns refusèrent de continuer à être au service d’une élite. Au nom de la vie, les peintres quittèrent l’atelier. Par delà la simple description de ce qu’ils donnaient à voir, ils s’attachèrent à traduire leurs sensations dans le langage de la couleur, instaurant ainsi un véritable partage. Ces initiatives furent diversement accueillies. Beaucoup d’œuvres, universellement appréciées aujourd’hui ont tout d’abord été tournées en dérision. L’impressionnisme fut la manifestation la plus représentative de cette démarche.
Cette première libération favorisa l’émergence de multiples courants ou de gestes créateurs. Par souci d’authenticité, les expressionnistes osèrent dévoiler au public les profondeurs tourmentées de leur être, mettant à nu la condition humaine, dénonçant avec force le caractère monstrueux et traumatisant de l’oppression sociale. Avec le cubisme, apparu au tout début du XXe siècle, l’art commencera à se détacher de la nature. L’espace se trouvera décomposé pour révéler les différents points de vue, et l’on pourra entrevoir les transformations qui surviennent au cours du temps. Les débuts de l’art abstrait se situent vers 1910. Avec lui, l’expression de la subjectivité ira plus loin encore. La réalité tangible sera abandonnée au profit d’une transcription du monde intérieur de l’artiste ou d’une recherche de l’essence même du réel. En musique également, on assistera à l’élaboration de nouveaux modes d’expression ; ce qui posera de sérieux problèmes de communication entre les compositeurs et le public, souvent dérouté par un formalisme dont il ignore les codes. Aujourd’hui encore, nombreux sont ceux à qui ces œuvres ne parlent toujours pas.
Le XXe siècle avait débuté dans l’enthousiasme, sous le signe de l’espérance. La Belle Époque fut hélas de courte durée. En dépit des idéaux et des prises de conscience, les états se révélaient incapables de trouver un terrain d’entente. Les rivalités menèrent à un point où, inexorablement, par le jeu des alliances et des ententes militaires, l’affrontement eut lieu. La première guerre mondiale fut effroyable. Les combattants des deux camps endurèrent des souffrances inouïes. L’Europe en sortit ruinée. Beaucoup de frontières furent redéfinies, en particulier en Europe centrale et dans la région qui avait été autrefois sous domination ottomane. Le traité de Versailles était humiliant pour l’Allemagne et laissait beaucoup de problèmes en suspens. De plus, à cause de la disparition d’une grande partie des élites sur les champs de bataille, les petits groupes d’extrémistes pouvaient accéder plus facilement au pouvoir. La paix ne pouvait donc être qu’un sursis.
Cette « guerre pour rien » provoqua un traumatisme qui ébranla profondément les valeurs traditionnelles. De nouveaux courants se dessinèrent, tournés vers l’immédiat. Ce furent « les années folles ». À l’absurdité, l’insurrection artistique et existentielle Dada opposa la dérision et le refus des autorités et des références de toute nature. – Plus tard, pour sortir de l’impasse, les surréalistes tenteront de jeter un pont entre le rêve et la réalité. Dès cette époque, de nombreux poètes commencèrent à délaisser le lyrisme, devenu inexpressif à force d’avoir été sollicité sans grande sincérité. Ils renouvelèrent les modes d’expression avec le secret espoir de faire jaillir les vrais chants du monde. La tonalité jazz contribua elle aussi à introduire des accents nouveaux et un souffle de liberté qui reliera les Hommes. Le blues, lui, connaîtra toutes sortes de métamorphoses, jusqu’à donner finalement naissance au rock. Il deviendra, sous cette forme tout particulièrement, l’ambassadeur des cultures qui, peu à peu, fraterniseront avec lui. Ces années furent également celles du début de la radiodiffusion, de l’essor de l’automobile... et de tout ce qui caractérise l’« american way of life ». On commença à essayer de gérer rationnellement et à grande échelle les activités humaines, avec tous les gains et les disparitions que cela implique. La science et la psychologie prirent une part active dans ce mouvement d’ensemble, entrouvrant parfois des perspectives inattendues qui remettaient en question le regard que nous portons habituellement sur le monde.
En 1929 eut lieu un important krach boursier qui provoqua d’innombrables faillites. Dans les pays industrialisés, des dizaines de millions de travailleurs se retrouvèrent sans emploi. Pour remédier à cette situation, beaucoup d’états menèrent des politiques de grands travaux. Certains mirent l’accent sur le réarmement. Le retour au protectionnisme fut général. Aux États-Unis, conseillés par des économistes, les pouvoirs publics firent le pari de relever les salaires pour relancer la consommation. Cette tentative fut couronnées de succès. Les autres pays suivirent cet exemple. Des mesures de protection sociale seront prises, parfois sous la pression de la rue. Grâce à elles et à bien d’autres initiatives qui suivront, la peur du lendemain s’atténuera. Puis les congés payés feront leur apparition. Ces droits nouveaux amélioreront considérablement la qualité de la vie. Sans doute sont-elles une des conquêtes les plus libératrices des temps modernes.
À l’Est de l’Europe, l’Histoire suivit un autre cours. En 1917, la révolution russe mit fin au régime semi-féodal des tsars. En contradiction totale avec les immenses espoirs qu’elle avait suscité un peu partout dans le monde, en dépit des sacrifices de ceux qui avaient placé leur espérance dans le communisme, l’application des théories marxistes eut des conséquences désastreuses, Un pouvoir coupé du peuple se mit peu à peu en place. Des millions d’opposants et de suspects furent exécutés ou condamnés à des travaux forcés dans des camps où régnaient des conditions effroyables, volontairement dégradantes. Gouvernants cyniques ou paranoïaques, populations terrorisées ou affamées intentionnellement afin de provoquer leur disparition : tel fut le triste paysage social généré par la dictature du parti issu des bolcheviques. Malgré les promesses et les déclarations, il n’y eut ni liberté ni prospérité. L’égalité elle-même ne fut pas au rendez-vous. Si l’on recherche un « bilan positif », l’instruction publique et la protection sociale sont sans doute les seuls domaines où cela semble effectivement avoir été le cas. Mais à quel prix !
Les régimes fascistes vont eux aussi essayer de modeler les Hommes en fonction des objectifs de l’état. Ils refuseront également le débat et élimineront les personnes et les œuvres qui ne semblaient pas conformes à leur point de vue. Arrivés au pouvoir à la faveur d’une crise sociale et morale, d’une demande d’ordre et de la peur du communisme, ces partis ultra nationalistes vont plonger le monde dans le chaos et la désolation. Il y eut tout d’abord, en 1936, ce sinistre prélude que fut la guerre civile espagnole où de nombreux européens s’impliquèrent de part et d’autre. Puis les événements se précipitèrent. Après avoir annexé l’Autriche et s’être emparée de la Tchécoslovaquie, l’Allemagne envahit la Pologne en 1939. Désormais conscients des ambitions insatiables des nazis, la Grande-Bretagne et la France réagirent pour défendre leur allié. La guerre s’étendit progressivement à l’ensemble du monde. Elle se termina en 1945, grâce notamment à l’entrée en guerre de l’URSS puis des États–Unis. La participation héroïque des résistants locaux pesa elle aussi favorablement sur le dénouement. De plus, ces combattants de l’ombre ont souvent sauvé l’honneur que les dirigeants n’avaient pas su préserver. Ce conflit causa la mort de 50 millions de personnes. L’aveuglement et la férocité des nazis dépassèrent tout ce qu’il était possible d’imaginer. Des millions de juifs et de nombreux tziganes de tous âges furent méthodiquement exterminés dans des camps où tout était fait pour les déshumaniser. Un sort analogue fut réservé aux malades mentaux et à tous ceux qui ne correspondaient pas au normes décrétées par le pouvoir. Si l’armée allemande n’avait pas été vaincue, jusqu’où les nazis seraient-ils allés ?
Dans le camp des Alliés, cette guerre avait été ressentie comme un mal nécessaire pour défendre les droits de l’Homme. Mais le prix à payer fut lourd sur bien des plans. Vers la fin du conflit, deux bombes atomiques furent larguées sur des villes japonaises. Bien sûr ! cette décision avait été précédée d’une longue réflexion : des experts avaient estimé qu’un débarquement aurait coûté la vie à plus d’un million de soldats américains. Il demeure cependant que, pour la première fois, on a utilisé des armes susceptibles de détruire l’humanité dans son ensemble. Les physiciens avaient bien proposé de convoquer les autorités japonaises pour une démonstration, dans l’espoir de les inciter à capituler mais, arguant de l’effet de surprise et du nombre limité de bombes, l’état major avait décidé de passer à l’acte directement. Cette option avait été choisie car, en plus de son pouvoir d’intimidation vis à vis du Japon, elle permettait de lancer un avertissement à l’Union Soviétique.
Ces cauchemars laisseront planer de douloureuses interrogations qui marqueront la vie intellectuelle de l’après guerre. À partir de 1945, conformément aux accords de Yalta, le monde se trouvera partagé en deux zones d’influence. Dans la partie Est de l’Europe, les États passeront sous la domination soviétique. Des régimes d’inspiration marxiste s’implanteront également en Extrême-Orient mais ils prendront ensuite leurs distances à l’égard de l’URSS. Durant plusieurs décennies, l’empire soviétique et le monde libéral se feront face, chacun essayant de dominer l’autre dans tous les domaines et sur tous les continents. La « Guerre froide » ne dégénéra néanmoins jamais en affrontement armé.
Pendant ce temps, après bien des luttes, les pays colonisés accéderont à l’indépendance. L’euphorie sera hélas de courte durée : des difficultés inattendues ne tarderont pas à apparaître. Désormais écartelés entre différents modèles, la plupart de ces états connaîtront des crises graves. Sur ce terreau, la corruption proliférera et ruinera les efforts accomplis par les artisans du progrès. Sous une forme ou une autre, beaucoup de jeunes nations resteront sous la dépendance des pays riches : souvent d’anciens colonisateurs. Pour pouvoir s’insérer dans l’ordre économique mondial, elles seront parfois contraintes de faire des choix catastrophiques pour une grande partie de la population. Certains états surmonteront leurs handicaps de départ et de nouvelles puissances émergeront peu à peu.
Vers la fin du XXe siècle, le régime du bloc soviétique s’effondrera de lui-même, complètement dévitalisé de l’intérieur. Contre toute attente, la sortie du communisme se fera pour ainsi dire sans effusion de sang, en partie grâce aux effort de libéralisation qui l’avaient précédée. Mais, là aussi, à cause de la rapidité des changements, l’équilibre est difficile à trouver et les peuples continuent de souffrir de privations de toutes natures.
Sur tous les continents, la mondialisation des échanges s’accompagne d’un réveil des identités collectives, tant régionales qu’ethniques ou religieuses. Ces cloisonnements permettront peut-être un ressourcement fécond. Une fois réassuré, chacun pourra repartir de bon gré à la rencontre des autres. À l’heure actuelle, nul ne peut dire sur quelles bases le monde va pouvoir se réorganiser. Les rivalités et l’incompréhension continuent de causer des ravages mais, pour la première fois sans doute, l’entente internationale et le maintien de la paix sont devenus des objectifs universellement approuvés.
L’organisation des Nations Unies a vu le jour en 1945. Malgré ses lacunes et son impuissance en face de nombreux conflits, cet organisme a au moins un mérite indiscutable : celui d’offrir un cadre où les peuples peuvent se rencontrer, communiquer et prendre ensemble un certain nombre de décisions. Tous ces échanges font peu à peu progresser la conscience de l’unité du monde. Une dynamique puissante est à l’œuvre. En beaucoup d’endroits, les aspirations des individus sont davantage prises en considération. Les minorités commencent à voir leurs droits reconnus et le statut des femmes s’améliore de façon irrégulière mais significative. Dans les pays démocratiques, la liberté d’expression connaît un développement jamais atteint auparavant – du moins à notre connaissance. Les situations engendrées par les progrès techniques sont elles aussi inédites. Les possibilités de l’être humain vont bientôt se trouver accrues au delà de toutes les prévisions. Elles ouvrent des perspectives qui donnent parfois le vertige, posent de sérieux problèmes d’adaptation et suscitent au sein des opinions publiques autant d’inquiétude que d’enthousiasme. Quelles voies choisirons-nous de suivre, et au nom de quelles valeurs ? De leur côté, les artistes tentent de faire reculer les limites de l’indicible, s’aventurant dans les moindres recoins de la sensibilité, avec des moyens extrêmement dépouillés ou en faisant appel aux technologies de pointe. Déboucherons-nous finalement sur un langage qui parle à la totalité de l’être et s’adresse à chacun d’entre nous ?
Même si d’importants problèmes n’ont toujours pas trouvé de solutions, même si de graves dangers nous menacent, beaucoup d’espoirs sont désormais permis. L’humanité a déjà une Histoire à l’extérieur de la planète où elle est apparue. En 1969, grâce à la réunion de nombreux efforts, un être humain a fait quelques pas sur le sol de la lune, embrassant d’un seul regard la Terre entière. Prenons cet événement comme le symbole de notre aptitude à nous élever au dessus de notre condition de départ. Que de chemin parcouru depuis que nos lointains ancêtres ont vu le jour ! Et jusqu’où iront ceux qui viendront après nous sur la grande scène de la vie ?
- ↑ De son côté, le classicisme s’opposait à l’exubérance du mouvement baroque qui, lui, cherchait à susciter un élan enthousiaste permettant de sortir de la désillusion et des carcans d’une ère devenue obsolète.