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Recherche:Clefs pour mieux comprendre le monde et participer à son évolution/Biologie

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Aux origines de la vie (De l’atome à la cellule)

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Sur notre planète, les premiers êtres vivants sont sans doute nés il y a 3,5 milliards d’années. Des bactéries fossilisées de plus de trois milliards d’années ont été découvertes en Afrique et en Australie. Pour l’instant, nous ignorons si la vie est d’abord apparue dans les étangs, au fond des mers, à proximité des sources chaudes ou dans un tout autre genre d’endroit complètement inattendu. Chaque fois que nous abordons une origine lointaine, nous nous aventurons sur un terrain où aucune observation directe ne peut être effectuée : nous devons donc nous contenter des hypothèses qui semblent les plus plausibles.

Un milliard d’années après la naissance de la Terre, les molécules avaient déjà atteint un haut degré de complexité. À cette époque, grâce à l’ensoleillement, aux orages et aux éruptions volcaniques, l’énergie était abondante, ce qui favorisait les réactions chimiques. En se liant au niveau de leurs électrons, les atomes vont peu à peu donner naissance à des molécules, parfois géantes, possédant toutes sortes de propriétés. Le carbone, l’oxygène, l’hydrogène et l’azote sont les constituants essentiels de la matière organique : celle dont sont composés les organismes vivants. En se combinant, ils vont former les acides aminés : ces petites molécules qui sont à l’origine de la vie[1]. Certaines donneront naissance aux protéines, d’autres à l’ARN et à L’ADN[2]. Ces deux derniers ont pour base l’acide nucléique. Une fois déroulée, cette molécule a la forme d’un escalier en colimaçon ou, pour être plus précis, d’une échelle de corde torsadée.

Cet acide nucléique possède une propriété remarquable : il peut se dédoubler en donnant naissance à une réplique exacte de lui-même. La molécule va commencer par se scinder dans le sens de la longueur. De chaque côté, il restera ce qui correspond à une demi-échelle : une corde torsadée avec la moitié de chaque barreau. Les éléments complémentaires présents dans le milieu viendront alors se fixer sur chaque demi-brin. Il en résultera deux échelles : deux molécules rigoureusement identiques à celle de départ. Grâce à cette faculté de reproduction, des structures stables vont pouvoir se perpétuer dans le temps.

Les cellules que nous connaissons proviennent de la réunion d’ADN et de protéines à l’intérieur d’une membrane qui les protège de la dislocation et permet à l’ensemble d’avoir une certaine autonomie. Les activités nécessaires au maintien de la cellule sont assurées grâce aux protéines. La reproduction et les plans relèvent de l’ADN. Les protéines sont des molécules qui possèdent des propriétés infiniment précieuses. On les compare souvent à des briques. Il s’agit en fait d’éléments assez élaborés à partir desquels l’être vivant se construit. En reconstituant en laboratoire les conditions supposées régner sur Terre au moment de l’apparition de la vie, un certain nombre d’acides aminés ont été obtenus dès 1950, par le professeur Stanley Miller. Ceci montre que les constituants nécessaires à la vie peuvent s’élaborer par des voies naturelles. Plus récemment, des expériences complémentaires ont été tentées. Les résultats enregistrés sont stupéfiants. Lorsque des graisses et certaines autres molécules sont fournies, une sorte de membrane peut se former spontanément autour de l’ADN et des protéines. Plus surprenant encore : si on l’aide un peu, la quasi-cellule ainsi constituée se divisera en deux nouvelles. Mais s’agit-il déjà de vie ? où se situe la frontière entre inerte et vivant, si tant est qu’il y en ait une ? Pour certains chercheurs, un ensemble de molécules peut être considéré comme vivant lorsqu’il fabrique lui-même la membrane qui le délimite et l’isole de l’extérieur.

  1. Il est possible que l’apparition de la vie ait été facilitée par un apport de matière organique en provenance de l’espace (4% des météorites contiennent des acides aminés).
  2. L’ARN est capable de fabriquer des protéines : il est donc sans doute apparu avant l’ADN.

L'être vivant

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Qu’est-ce que la vie ? En quoi diffère-t-elle de tout ce qui la précède ?

L’être vivant est doté de caractéristiques qui le distinguent de la matière d’où il émerge :
  • il a le pouvoir d’édifier et de maintenir sa structure par sa propre activité,
  • il est capable d’assurer la coordination de ses mouvements et la régulation des phénomènes qui ont lieu en lui,
  • il peut se reproduire lui-même.
Structure d'une cellule animale

Chaque être vivant dispose d’une relative autonomie. La membrane permet l’existence d’un milieu interne où les conditions demeurent à peu près constantes, même lorsque le milieu extérieur connaît des fluctuations importantes. Cette stabilité n’empêche cependant pas l’évolution. Les êtres vivants ne subissent pas passivement leur environnement ; ils s’adaptent, le transforment et assimilent de manière sélective les éléments utiles à leur survie et à leur croissance. À des degrés divers, le comportement de chacun est déterminé par le contenu de son programme génétique. Celui-ci se traduit en action en fonction de deux types d’informations : celles qui proviennent du milieu extérieur et celles qui le renseignent sur son état interne. Les cellules d’un organisme se renouvellent périodiquement. Ce qui caractérise la vie, ce n’est pas la nature des constituants mais le genre de relations qui s’établit entre eux. Chez l’être vivant tout particulièrement, le tout est plus que la somme des parties qui le composent : son existence est orientée. Lorsque les relations entre les différents organes ne sont plus suffisamment assurées, l’organisme cesse d’être un ensemble unitaire. La mort survient. Peu à peu, ses constituants se séparent.

Structure d'une cellule végétale

La cellule est l’unité de base de tous les êtres vivants que nous connaissons. Généralement, elle ne mesure que quelques microns, mais elle peut être beaucoup plus grosse : l’œuf d’autruche atteint une dizaine de centimètres de diamètre. Elle peut revêtir les formes les plus diverses. Sa structure est cependant presque toujours la même. On peut la comparer à un domaine protégé par une enceinte et à l’intérieur duquel de déroulent toutes sortes d’activités. Au centre, se trouve l’organe de direction où les plans sont conservés. Les premières cellules à noyau sont apparues il y a 1,4 milliard d’années (les bactéries, elles, en sont dépourvues.). Le noyau contient les chromosomes : des filaments d’ADN qui permettent la transmission des caractères héréditaires. Les chromosomes ne quittent jamais le noyau. Ils commandent la fabrication des protéines grâce à une copie d’eux-mêmes : l’ARN messager. Le noyau occupe le centre d’un milieu transparent appelé cytoplasme au sein duquel se trouvent un certain nombre d’organites : des structures assurant les fonctions nécessaires à la vie de la cellule. Une membrane protectrice enveloppe l’ensemble. Celle-ci n’est cependant pas étanche. Et elle ne se contente pas de filtrer : elle participe aussi activement aux échanges entre l’intérieur et l’extérieur. Juste après la conception, notre corps se limitait à une seule cellule, comme c’est le cas pour les organismes primitifs. Mais l’histoire ne s’est pas arrêtée là. Cette unité de base a donné naissance à deux cellules qui à leur tour se sont divisées. Cette opération s’est ensuite répétée un grand nombre de fois. Une diversité est apparue. En se spécialisant, les cellules vont former les organes et assumer les fonctions les plus variées. Chez un être humain adulte, soixante mille milliards de cellules coexistent. Pour se construire, chacune utilise seulement la partie du « programme » qui correspond à sa fonction. Celle-ci lui est assignée en fonction du contexte, de sa situation dans l’organisme et des « indications » émanant d’autres cellules. Si l’on implante une cellule indifférenciée dans un organe, elle adoptera la forme et les fonctions de son lieu d’accueil.

Nos cellules communiquent entre elles au moyen de « signaux » chimiques, les hormones. Il s’agit en fait d’une émission de molécules provoquant dans la cellule hôte des réactions spécifiques, parfois en cascade. Les cellules agissent de concert, mais chacune est autonome, produisant son énergie, se réparant elle-même, se répliquant par division. Chaque minute, dans notre corps, deux cent millions de cellules meurent, sont recyclées et remplacées. Elles ne se recopient pas toujours parfaitement. Certaines parties sont tout particulièrement concernées. Avec le temps, les molécules d’ADN se trouvent raccourcies à chaque extrémité. Ces parties externes (les télomères) jouent un rôle important, notamment dans le maintien de la cohésion. Quand ces molécules deviennent trop courtes, les cellules ne parviennent plus à se reproduire. Les tissus se trouvent alors appauvris et ils perdent la capacité d’assumer toutes leurs fonctions. C’est ce qu’on appelle le vieillissement.

Chaque cellule comporte un programme qui a pour fonction de provoquer sa mort, et un autre qui bloque ce dispositif. Les processus entraînant la mort resteront inhibés ou seront mis en œuvre en fonction des apports et des stimuli, ou des signaux échangés avec les autres cellules. On dit parfois que la mort sculpte la vie. C’est particulièrement le cas chez l’embryon. Si nos mains ne sont pas palmées comme les pattes des canards, c’est parce que les cellules qui reliaient les doigts sont mortes à un moment donné. Il existe trois possibilités pour une cellule : se différencier, mourir ou se diviser à l’infini. Dans le cas du cancer, le « programme de mort » n’a pas pu entrer en action ainsi qu’il l’aurait dû. Certaines cellules se mettent alors à proliférer de façon anarchique. Leur incapacité à mourir entraînera parfois la mort de l’organisme.

Chez tous les êtres vivants que nous connaissons, les caractères héréditaires sont transmis par l’intermédiaire de la molécule d’acide désoxyribonucléique (ADN). La quantité d’informations contenue dans le « programme » dépend de la longueur du filament d’ADN[1]. À partir d’un certain degré d’évolution, le brin d’ADN s’est trouvé réparti en fragments: les chromosomes. Les gènes sont les unités de base de l’hérédité. Ils sont portés par les chromosomes. Une précision s’impose. Tout comme les atomes, les gènes sont des objets théoriques dont on a seulement des preuves indirectes. Pour l’instant, on ne les voit pas : on observe seulement les différentes caractéristiques que chacun d’eux génère.

De prime abord, il semble surprenant que de simples molécules parviennent à déterminer notre aspect physique et un certain nombre de nos comportements. La science a cependant déjà mis en lumière une partie des processus mis en œuvre. Bien qu’il ne soit pas le seul, chaque gène est impliqué dans la fabrication d’une protéine. La forme et la nature de celle-ci, lui permettront de jouer un certain rôle au sein de l’organisme. Par son intermédiaire, chaque gène détermine donc la formation d’un caractère héréditaire – la couleur des yeux par exemple. Mais pour chaque caractère, plusieurs gènes sont impliqués. Et le même gène peut intervenir dans la formation de plusieurs caractères.

L’ADN est constitué à partir de quatre bases (A,C,G,T)[2], qui se trouvent associées trois par trois le long des filaments. À chacun de ces triplets correspond un des acides aminés à partir desquels chaque protéine est construite. C’est l’ordre dans lequel les bases s’enchaînent qui déterminera quelle protéine va être réalisée. Le niveau chimique se trouve ainsi traduit en caractéristiques physiologiques. Des différences mêmes minimes produiront parfois d’importants changements : certains pouvant même entraîner le passage à une autre espèce. Cette correspondance entre les deux est ce qu’on appelle le code génétique, c’est-à-dire le système par l’intermédiaire duquel l’information est transmise.

Les cellules humaines possèdent 46 chromosomes disposés en 23 paires. Les chromosomes de chaque paire sont identiques, et chacun possède les gènes aux mêmes endroits. Les cellules sexuelles, appelées gamètes ou cellules germinales, proviennent de la division de la cellule souche. À la différence des autres, elles contiennent seulement la moitié des chromosomes : un de chaque paire. Au moment de la fécondation, les 23 chromosomes du spermatozoïde se combinent avec les 23 de l’ovule – chacun avec son homologue. Une fois fécondée, l’ovule aura ainsi 46 chromosomes. Dans chaque nouvelle paire, un élément provient de la mère et l’autre du père. Grâce à l’apport des deux partenaires, un programme complet se trouvera reconstitué. Chaque caractère dépendra des deux à la fois.

Au sein d’une population, il existe des variantes du même gène : les allèles. Dans le cas le plus simple, un caractère serait le résultat de l’action combinée de deux allèles qui agissent de concert. Mais l’un pourra être dominant. Avant de se séparer, les chromosomes de chaque paire échangent des petites portions d’ADN, des allèles d’un même gène. En raison de ce brassage, les enfants reçoivent des chromosomes légèrement différents de ceux de 54 leurs parents. Pour un caractère tel que la forme du nez, par exemple, plusieurs gènes sont impliqués. Les possibilités de combinaisons sont donc nombreuses : ce qui explique la très grande diversité des individus, y compris à l’intérieur d’une même famille.

La transmission des caractères héréditaires ne doit cependant pas être considérée comme un pur mécanisme, avec tout ce que cela comporte de rigide et d’automatique. Nous sommes dans le monde du vivant : à l’intérieur d’un système ouvert qui est doté d’une grande plasticité. Les gènes sont seulement le support de l’hérédité, la trame sur laquelle tout va se jouer. Ils représentent un potentiel qui va s’exprimer diversement en fonction du milieu – et parfois même pas du tout. De nombreux facteurs sont à prendre en considération ; chacun contribuant à l’orchestration de la partition de départ. Grâce à un certain nombre d’acteurs moléculaires, un dialogue déterminant s’établit entre les cellules des profondeurs et celles qui se trouvent en surface. L’interaction avec le cytoplasme de l’ovule joue un rôle non négligeable dans le développement. Notons au passage que la chromatine présente dans l’ovule comporte une part d’acquis qui intervient dans l’hérédité. À ceci il convient d’ajouter que la nourriture absorbée par la mère influence la composition du placenta. Les activités auxquelles elle se livre et les états psychiques qu’elle traverse ont eux aussi des conséquences, en particulier à cause des hormones secrétées : celles-ci pouvant activer ou inhiber l’expression de certains gènes en agissant au niveau des récepteurs cellulaires.

Pour des causes internes ou des facteurs externes, une anomalie peut survenir au cours du recopiage. Il existe des dispositifs de réparation mais leurs capacités sont limitées. S’ils échouent, l’organisme de la mère pourra détecter l’anomalie et réagir en rejetant naturellement l’embryon. Cette protection n’est cependant pas absolue. Heureusement d’ailleurs, car les mutations sont quelquefois génératrices d’évolution. De plus, comme les gènes interviennent dans la formation de plusieurs caractères, certaines mutations peuvent s’avérer défavorables dans un domaine et favorables dans un autre. Les conséquences varieront également en fonction du contexte. Ainsi, la tendance à stocker les calories favorise l’obésité mais augmente les chances de survie en cas de famine. Les effets des gènes impliqués ne seront pas les mêmes s’ils sont présents chez un seul parent ou chez les deux. Un gène pourra protéger du paludisme lorsqu’il est apporté par un seul partenaire, causant seulement une gêne respiratoire. Par contre, si un exemplaire est amené par chacun des parents, l’enfant souffrira d’une anémie très grave.

Les gènes n’opèrent pas tous au même niveau. L’immense majorité est affectée à la réalisation d’un détail de la construction : ce sont les gènes réalisateurs. D’autres déterminent la nature et la position des différents éléments de l’organisme. Ces gènes architectes sont responsables des grandes orientations. Le long des chromosomes, ils se succèdent dans le même ordre que celui des parties du corps qui dépendent d’eux. Leurs mutations sont responsables de la transformation d’un organe en un autre. C’est ainsi qu’à la place d’une antenne, une aile pourra apparaître. Une manipulation au niveau de ces gènes maîtres (ou homéotiques) peut engendrer des êtres surprenants : des mouches avec des yeux au bout des pattes ont été obtenues en laboratoire. Chaque gène architecte contrôle l’expression de nombreux gènes réalisateurs ; mais lui-même dépend d’un troisième niveau : celui des gènes (ou des systèmes) régulateurs. Ceux-ci s’apparentent à des horloges : ils commandent l’expression des autres dans le temps, déterminant à quel moment leur programme va se mettre en route. Ceci est important car le contexte varie et l’espace disponible ne permet pas toujours le même degré de développement d’un organe ou d’une faculté. La plasticité du système est réellement prodigieuse : si on transfert un gène maître d’œil de mouche dans une ovule de souris, on obtient une souris avec un œil normal, pleinement intégré au sein de l’organisme.

Avant de clore ce chapitre, nous allons faire quelques pas dans un immense territoire encore largement inconnu. La majeure partie de l’ADN ne participe pas à la synthèse des protéines et, de prime abord, ne paraît donc pas impliquée dans les processus d’hérédité. Il s’agit de séquences répétées comparées parfois à un bégaiement. Elles ont tout d’abord été qualifiées « d’[[w:ADN poubelle|ADN poubelle]]. » Des recherches plus attentives ont eu lieu depuis. Elles semblent indiquer que, pour une partie d’entre elles, il pourrait s’agir d’un réservoir de mutations possibles. Y figurerait ce qui a été mis de côté au cours de l’évolution mais pourrait être réutilisé en cas de besoin. Cet ADN assurerait également la protection contre les éléments étrangers qui s’introduisent dans le génome, en particulier, les bactéries et les virus. – Notre corps abrite une grande variété de micro-organismes. Utiles ou nuisibles selon le cas, ces hôtes sont plus nombreux que nos cellules. Cet ADN satellite commande aussi l’accès aux gènes. Selon sa position « ouverte » ou « fermée », ceux-ci peuvent entrer en action ou s’en trouver empêchés. Tout comme les empreintes digitales, cette partie de l’ADN varie d’un individu à l’autre. C’est grâce à ces particularités que certains criminels peuvent être identifiés.

Etienne Guillé va plus loin. Pour lui, il s’agit d’un possible espace de liberté : une page où chacun pourrait écrire une partition qui serait interprétée ensuite en lui. Parallèlement, comme elles sont situées à la périphérie du noyau, ces séquences de chromatine sont les premières à recevoir les stimulations de l’environnement. Leur structure se modifie lors de certains événements comme la floraison des plantes, les maladies, les crises ou les phases de renouvellement. Dans ces moments de transition, les séquences s’animent, se répartissent en structures géométriques et effectuent une sorte de ballet qui n’est peut-être pas dépourvu d’influences. Cette partie de l’ADN maintiendrait l’intégrité de l’être vivant. En outre, par un phénomène de « résonance vibratoire », elle serait sensible aux événements qui se déroulent à une toute autre échelle Nous retrouverions ici la présence de relations étroites entre l’activité microscopique et les mouvements d’ensemble du cosmos.

  1. Chez l’être humain, une fois déroulé, ce filament mesure plus d’un mètre et comprend près de vingt mille gènes.
  2. Acétonine, Cytosine, Guanine, Thyanine.

L'être unicellulaire

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Véritable défi à nos classifications, le virus apparaît comme une forme intermédiaire entre la simple matière et l’être vivant complet. Le virus n’a pas la faculté de se reproduire par lui-même. Par contre, il y parvient très bien en utilisant les capacités reproductrices des cellules qu’il parasite. L’un de ces virus, la « mosaïque du tabac », peut, une fois desséché, être conservé sous forme de cristaux pendant des années. Il ne présente alors aucun caractère permettant de le considérer comme un être vivant. Cet état n’est cependant pas définitif. Si on le réhydrate et qu’on le place sur un plan de tabac, il va se mettre à proliférer et retrouver un comportement de microbe.

Les bactéries sont la forme de vie la plus rudimentaire. Leurs chromosomes ne se trouvent pas dans un noyau : à l’intérieur de la cellule, tout est encore mélangé. Elles ne peuvent être classées ni parmi les végétaux ni parmi les animaux. Responsables de nombreuses maladies, elles s’avèrent également très utiles – en purifiant les eaux usées, par exemple. Si le lait peut se conserver sous forme de fromage, c’est aussi grâce à elles. Et comme elles transforment les déchets organiques en humus, elles aident les plantes à se nourrir. Elles ont des capacités d’adaptation prodigieuses. On a ainsi pu ramener à la vie des bactéries qui étaient restées en dormance durant un temps extrêmement long. Elles avaient été découvertes dans le système digestif d’abeilles qui se trouvaient fossilisées dans un morceau d’ambre depuis 50 millions d’années.

Les plus anciennes traces de vie sont celles d’un être unicellulaire qui vivait il y a près de trois milliards d’années. C’est un proche parent de la bactérie, mais il possédait de la chlorophylle. D’autres êtres vivants ont sans doute dû le précéder car on constate des traces d’activité bactériennes vieilles de 3,6 milliards d’années. Pendant trois milliards d’années, la vie sur notre planète fut représentée uniquement par des êtres ne possédant qu’une seule cellule. La paramécie est l’un d’eux. La simplicité de son organisme ne l’empêche pas d’assurer les mêmes fonctions fondamentales que les êtres vivants évolués. Elle se déplace, capture et digère des proies. Elle dispose aussi d’un réseau de molécules-relais qui, à son niveau, a un rôle comparable à celui du système nerveux. Les paramécies semblent même posséder une sorte de mémoire. Si, chaque fois qu’un expérimentateur les éclaire, elles sont soumises à une chaleur anormalement importante, pendant plusieurs heures elles continueront à fuir la lumière, même si celle-ci n’est plus associée à une température élevée.

Paramécie

Les êtres vivants puisent dans leur environnement, le transforment et s’adaptent ensuite aux changements qu’ils ont provoqués. Au départ, ils trouvaient leur nourriture sous une forme directement assimilable. Les ressources venant à manquer, ils durent procéder à la dégradation du sucre. Quand il y eut pénurie de sucre, un autre procédé, la photosynthèse, fut désormais utilisé à grande échelle. Grâce à lui, certaines bactéries, les algues et les plantes terrestres peuvent utiliser directement l’énergie provenant du soleil pour fabriquer leur propre substance. Le glucose fut donc obtenu à partir de l’eau et du gaz carbonique. L’oxygène rejeté par les végétaux modifia peu à peu la composition de l’océan et celle de l’atmosphère : ce qui permit l’émergence de la respiration. Comme ce processus produit beaucoup d’énergie, les possibilités des êtres vivants se trouvèrent considérablement accrues.

La sexualité est elle aussi un facteur d’évolution. L’observation de l’héliozoaire nous permet d’imaginer qu’il y eut des débuts hésitants en circuit fermé. En effet, ce Protiste[1] se divise en deux êtres distincts qui, après quelque temps passé côte à côte, vont se réunir et former de nouveau un seul être. Le stade suivant est représenté par les paramécies. Celles-ci s’unissent, échangent des bouts de chromosomes et se séparent. Le rapprochement se traduira par un enrichissement mutuel mais aucune procréation n’en résultera. Puis viendra la sexualité proprement dite qui, elle, n’apporte aucun avantage génétique à ceux qui s’y adonnent. Les bénéfices sont réservés à leur descendance. Ceux-ci peuvent être d’ailleurs être très importants, à la fois pour eux et pour l’évolution des espèces. Le rôle constructif de la mort doit lui aussi être souligné. C’est, en dépit des apparences, un phénomène qui contribue à la richesse des manifestations de la vie. En effet, si les bactéries ne mouraient pas, elles n’auraient pas tardé à former une couche épaisse recouvrant toute la Terre, et aucune espèce plus élaborée n’aurait pu apparaître.

Il est parfois difficile d’affronter seuls les difficultés de l’existence. Les êtres unicellulaires vont donc parfois se grouper en colonies. Lorsque les conditions sont défavorables, certaines amibes (les Dictyostelium discoideum), se réunissent en une forme allongée se déplaçant avec des mouvements coordonnés – un peu comme s’il s’agissait d’un seul être ressemblant à une limace. Le rassemblement s’opère grâce à l’émission d’une molécule-message au pouvoir attractif. Si les conditions deviennent encore plus critiques, il se formera une sorte de tige. Une partie de la colonie jouera alors le rôle de spores qui seront tôt ou tard dispersés par le vent. Quelques individus auront ainsi une chance d’être emportés vers des milieux plus favorables. Après cet épisode, chacun reprendra une existence plus autonome au sein des feuilles et de l’humus.

Chez les êtres primitifs, la distinction entre végétaux et animaux est quelquefois difficile à établir. Les premiers se contentent de puiser les molécules présentes dans leur environnement. Ils les transforment et les assimilent avec l’aide de l’énergie solaire. Les animaux, eux, se nourrissent principalement de formes de vie déjà existantes. La ligne de démarcation est cependant fluctuante. En cas de nécessité, certains micro-organismes ont la faculté de changer de mode d’alimentation. C’est notamment le cas de l’Euglène. Dans un endroit bien éclairé, cet être unicellulaire se comporte comme un végétal ; mais, lorsqu’il se trouve plongé dans l’obscurité, il abandonne la photosynthèse et se nourrit comme un animal. Au niveau des échanges gazeux, la respiration fonctionne à l’inverse de la photosynthèse:

Pour fabriquer des sucres, les végétaux utilisent le gaz carbonique et dégagent de l’oxygène.

Pour "brûler" leurs aliments, les animaux ont besoin de l’oxygène. Ils rejettent du

Début d’une formule chimique

CO2

Fin d’une formule chimique

.

L’hémoglobine et la chlorophylle diffèrent seulement par le métal qu’elles contiennent. Le fer est présent dans la première et le magnésium dans la seconde. On retrouve la complémentarité jusque dans la couleur : rouge pour l’une, et verte pour l’autre.

Les champignons n’appartiennent ni à un règne ni à l’autre. Ils ne possèdent pas de chlorophylle. Citons l’exemple de l’un d’entre eux, la moisissure visqueuse ([[w: Labyrinthulomycetes|]]), qui présente une particularité étonnante. Cet humble champignon est capable de trouver du premier coup le chemin le plus court dans un labyrinthe au bout duquel se trouve de la nourriture.

  1. Le terme protiste désigne les êtres unicellulaires possédant un véritable noyau.

L'essor du règne animal

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Les associations de micro-organismes sont tout d’abord temporaires, chacun conservant son autonomie. Elles deviendront ensuite permanentes, donnant naissance à un nouveau degré de complexité : l’être pluricellulaire. Les premiers représentants sont apparus il y a six ou sept cents millions d’années. C’étaient des créatures plates au corps mou. Les Éponges feront leur apparition environ deux cents millions d’années plus tard. Ces animaux ont un point commun avec les hologrammes : chaque fragment peut reconstituer l’ensemble. Et si l’on déchire une Éponge en morceaux, elle va se reconstituer d’elle-même. Au départ, les cellules de l’Éponge sont toutes semblables. Des différences apparaîtront par la suite. Elles seront produites par les échanges avec l’environnement et dépendront de leur situation. Les cellules de la périphérie étant particulièrement exposées, elles se trouveront facilement transformées.

Chez les espèces plus évoluées, les cellules sont spécialisées dès le début. Chacune possède les caractéristiques qui conviennent à sa fonction. Les cellules perdent leur autonomie mais participent à un organisme qui d’une façon générale pourra mieux s’affranchir des contraintes du milieu. Grâce à cette organisation communautaire, de nouvelles capacités émergeront et les formes de vie pourront être plus diversifiées. L’évolution se poursuivant, on assistera à l’apparition d’animaux tels que l’anémone de mer puis de la méduse qui, elle, va se détacher du fond marin et se laisser porter par les flots. La présence d’une cavité permettra l’existence d’un milieu protégé. Cette innovation augmentera considérablement les possibilités de déplacement et d’échange. Les organes vont pouvoir prendre position autour de cette poche qui se divisera ensuite en plusieurs segments. D’abord semblables, comme les anneaux du ver de terre, ces éléments se différencieront progressivement pour former les parties du corps. En plus de la famille qui porte encore leur nom, ces [[w:annélides vont donner naissance aux mollusques, aux crustacés, aux insectes et aux araignées. Certains ne tarderont pas à s’aventurer hors du milieu aquatique. Les plus anciens fossiles d’animaux terrestres sont ceux d’un être encore invertébré : une sorte de petit vers à huit pattes.

Bernard-l'hermite dans un coquillage.

Les déchets tels que le calcium s’accumulent parfois dans les tissus ou au niveau de certains organes. Telle pourrait être l’origine du squelette ; externe pour les coquillages, ou interne, comme chez les vertébrés. – Cette acquisition étant survenue presque simultanément chez de nombreuses espèces, elle est quelquefois attribuée à l’action d’un virus : celui-ci aurait apporté les éléments nécessaires à la précipitation du phosphate de calcium. Chez certains vertébrés, des fentes appelée Ouïe vont se constituer. A l'intérieur de celles-ci se trouveront des branchies qui permet au poisson de filtrer l'eau pour faire passer l’oxygène dans son sang. D’autres modifications surviendront encore, entraînant la formation de la mâchoire et des nageoires.

Le règne des poissons débutera il y a 430 millions d’années. Parmi eux, certains possédaient en plus de leurs branchies, des poumons rudimentaires. Ils disposaient également de nageoires leur permettant de se déplacer sur les fonds marins. D’autres espèces étaient présentes, parfois plus rapides et fécondes[1].

Les situations d’infériorité incitent à prendre des risques. Ceux qui avaient des talents de marcheur se mirent à tenter de timides sorties hors du milieu aquatique. Après avoir subi quelques transformations, ils réussirent même à s’installer à l’air libre. Ce fut le début d’une grande

lignée dont les Hommes eux-mêmes sont issus. Tous les représentants de ce groupe ne suivirent pas ce chemin. Une partie resta dans l’eau et subsista dans des lieux difficilement accessibles. L’un d’eux, le coelacanthe, vit encore dans le canal du Mozambique. Il effectue en nageant des mouvements qui s’apparentent beaucoup à ceux d’un lézard se déplaçant sur la terre ferme.

  1. Entre les différentes espèces, toutes sortes de rapports peuvent s’établir. Il peut s’agir de relations de complémentarité, comme dans le cas de la crevette et du poisson gobie : une version sous-marine de l’aveugle et du paralytique. L’une ayant des difficultés à voir, l’autre à se déplacer. Ils peuvent aussi se présenter sous la forme d’une instrumentalisation à géométrie variable. C’est ainsi que le Bernard-Lhermite utilise l’anémone de mer comme abri mais aussi comme aliment lorsqu’il a faim ou comme une arme dissuasive dont les piquants le protègent.

Les premières algues vertes sont nées il y a plus de deux milliards d’années, mais elles ont commencé à vivre hors de l’eau il y a environ 430 millions d’années. À cette époque, la couche d’ozone était déjà suffisante pour les protéger des ultraviolets. Une fois sur terre, les plantes vont se doter d’une tige et d’un système de canalisations. Puis les feuilles apparaîtront, augmentant considérablement la surface pouvant capter l’énergie solaire. Au stade suivant, les plantes développeront des racines qui leur permettront d’avoir un bon ancrage au sol et un accès permanent aux ressources qui s’y trouvent. Les premières graines se constitueront chez les conifères, il y a 350 millions d’années. Les ovules fécondées seront désormais bien à l’abri. Plus tard, une protection supplémentaire sera assurée grâce à l’ovaire : une enveloppe qui se transforme en fruit après la fécondation. Cette partie nutritive constituera une réserve qui favorisera la germination puis la croissance des jeunes plants. Elle permettra aussi la dissémination des graines par l’intermédiaire des animaux qui la mangeront.

Le règne des plantes à fleurs débutera il y a plus de cent millions d’années[1]. Solitaires au début, les fleurs vont souvent se réunir sur la même tige. Parfois, des centaines d’entre elles se serrent les unes contre les autres et partagent la même couronne de pétales. – C’est notamment le cas pour la marguerite. Depuis l’apparition des organes floraux, la reproduction ne se fait plus seulement par la plante ou au gré des vents. Le plus souvent, ce sont les insectes qui se chargent de la fécondation en répandant à leur insu le pollen qui s’est accroché à eux. En contrepartie, ils peuvent puiser un peu de nourriture dans la corolle. S’il était possible d’attribuer des intentions à la plante, nous dirions qu’elle va tout mettre en œuvre pour être plus attrayante. Généralement, sa couleur, sa forme et son parfum sont adaptés aux goûts et aux possibilités de son hôte habituel. Mais elle n’a pas toujours recours à des moyens aussi honnêtes : parfois, pour le forcer à coopérer, elle le retient dans des pièges de sa composition. De leur côté les insectes ont fait – si l’on peut dire – un effort d’adaptation. Leurs organes broyeurs se sont complètement modifiés pour accueillir le nectar. Il existe de nombreux cas de coévolution. Les exemples qui vont suivre laissent rêveur.

Le yucca semble n’avoir que peu de chances de se reproduire. En effet : non seulement il ne peut pas se féconder lui-même mais il n’attire pas non plus les abeilles. Heureusement, un papillon va lui venir en aide : le Pronuba L’insecte forme tout d’abord une boule de pollen puis il la dépose soigneusement sur le stigmate d’une autre fleur. Il ne se contente pas de placer sa précieuse collecte sur le pistil, il assure aussi sa descendance en pondant ses œufs dans l’ovaire. Une fois sa mission accomplie, il meurt. La vie de la plante ne sera pas mise en danger car les larves du Pronuba ne mangent en général qu’une moitié des graines.

Il existe une orchidée qui, elle aussi, a des étamines trop éloignées du pistil. Dans son voisinage vit une espèce de guêpe. Les mâles de ce groupe naissent bien avant les femelles, de sorte que, lorsqu’ils cherchent à s’accoupler, ils ne trouvent pas de partenaire. Par chance, la fleur de cette orchidée possède des caractères qui la font ressembler à la femelle tant désirée. Comme de plus elle dégage la même odeur, les infortunés soupirants vont se précipiter et se comporter comme s’ils se trouvaient en présence de vraies guêpes. Ils se rendront vite compte de leur méprise mais, durant ce court instant d’illusion, ils auront suffisamment gesticulé pour que la fleur soit fécondée.

Une autre histoire – celle-ci très émouvante au yeux d'un être humain – mérite d’être contée. Chez les guêpes thyanidées, la femelle vit sous terre et ne peut pas voler. Dès qu’arrive la saison des amours, elle va se mettre bien en évidence afin d’être aperçue par le mâle. Celui-ci pourra ainsi venir l’enlever. Ils s’accoupleront alors longuement dans les airs, se promenant de fleur en fleur pour que la femelle puisse se nourrir de nectar. Au bout de quelques heures, son chevalier-servant la déposera dans un endroit propice. Elle retournera ensuite définitivement à la vie souterraine.

Dans un autre cas de figure, le labelle de l’orchidée marteau ressemblant à s’y méprendre à la petite guêpe, le mâle tentera de l’emmener dans les airs. Il sera sûrement très surpris de sa résistance, mais il n’insistera pas. Et comme il repart avec les quelques grains de pollen qui se sont accrochés à lui, la plante, elle, verra sa descendance assurée. Les insectes ne sont pas les seuls à succomber au charme des fleurs. Au XVIIe siècle, un Hollandais est même allé jusqu’à donner le prix d’une maison pour acquérir un bulbe de [w:tulipe|]]. Mais, ô ironie du sort ! cet oignon n’a jamais pu germer car, si l’on en croit les témoignages, il aurait fini dans le ventre du marin affamé qui l’avait dérobé.

Les insectes ne se contentent pas toujours de ce que les fleurs offrent : ils sont égalements friands de

la plante elle-même. Celle-ci va donc se défendre de toutes sortes de manières, tirant parfois profit des rivalités entre les espèces. Grâce au poison qu’elle secrète, la passiflore tue les insectes qui tentent de se nourrir à ses dépens. Seul un papillon résiste. Providentiellement, les pousses sont couvertes de taches jaunes imitant les œufs de ce papillon qui passe sans s’arrêter, croyant la place occupée. Bien entendu, comme deux précautions valent mieux qu’une, les feuilles de la passiflore sont hérissées de piques dissuasifs. Aucune sécurité n’est complète sans une protection rapprochée : comme la plante produit un délicieux nectar, elle attire des fourmis qui exterminent les chenilles qui osent s’aventurer sur la forteresse. Les arbres résistent eux aussi aux agressions. Si un animal commence à brouter les feuilles de certains d’entre eux, – les chênes ou les érables par exemple – ils se mettent à produire des substances qui les rendent indigestes. Et il émettent également de l’éthylène qui agira comme un signal sur les arbres voisins. Ceux-ci deviendront alors temporairement toxiques. Mais les herbivores ont trouvé une parade : ils mangent en se déplaçant.

Feuilles et ovules de Ginko Biloba. ( représentant de la plus ancienne famille d'arbres connue.)

Dans ce jeu d’attaque et d’esquive, la nature semble n’être jamais à court d’imagination. Pour éviter l’intoxication, la coccinelle du Mexique commence par brouter la feuille de courge en décrivant un cercle. Puis elle s’installe au centre de la zone ainsi isolée. Comme elle ne laisse que quelques points d’attache, la circulation de l’information se fait difficilement. La coccinelle pourra ainsi manger tranquillement avant que cette partie de la feuille devienne toxique. Entre les plantes elles-mêmes, la compétition est parfois impitoyable. Certaines se font aider par des fourmis qu’elles attirent. Retenues par les qualités nutritives de leur nectar et des graisses qu’elles secrètent, celles-ci vont s’installer et dévorer les jeunes plants qui poussent un peu trop près.

La lutte pour la survie doit être menée sur tous les fronts. Les végétaux ne sont pas seulement menacés par les êtres vivants, ils doivent également subir les aléas du climat. Les arbres transpirent par les feuilles. Lorsqu’il fait très froid, le sol est gelé et ils ne peuvent donc plus y puiser de l’eau. Les arbres qui ont survécu dans les régions froides sont ceux qui échappent à la déshydratation en perdant leurs feuilles en automne. Dans les pays chauds, les arbres n’ont pas besoin de se dénuder complètement une fois l’an. Sous ces latitudes, tout se passe discrètement : les feuilles tombent et se renouvellent au fur et à mesure, tout au long de l’année. Le cas des conifères est particulier. Leurs feuilles sont très petites et couvertes de cire. Et comme, de plus, durant la saison froide, ils entrent en hibernation, les échanges sont réduits au minimum.

Banian ayant une canopée de 1,5 hectares
Banian ayant une canopée de 1,5 hectares

Les arbres sont les êtres vivants qui ont la plus grande longévité. Le pin de Californie peut atteindre 5 000 ans. Il existe même en Australie un houx royal de43 000 ans. Le figuier banian est un cas particulier : il est pratiquement immortel. Il possède des racines aériennes qui descendent jusqu’au sol et y pénètrent. En s’agglutinant, ces racines forment de nouveaux troncs qui pourront remplacer le tronc initial lorsque celui-ci disparaîtra. Et ainsi de suite, tant que les conditions le permettent. Si une catastrophe mettait en danger la vie sur notre planète, les plantes parviendraient sans doute à survivre. Cela surviendrait peut-être après un long sommeil : récemment, on a vu germer des graines de lupin qui étaient restées dix mille ans dans le sol gelé de l’Alaska.

De nombreux aspects du monde végétal restent à explorer. Malgré leur absence de cerveau, les plantes possèdent des facultés qui s’apparentent à des phénomènes de conscience. Ainsi, par exemple, les mélodies et les rythmes ne les laissent pas de marbre. Il y a des musiques qui les aident à s’épanouir alors que d’autres leur font détourner la corolle. Et tout semble indiquer qu’elles possèdent une sorte de mémoire. Lorsqu’un expérimentateur leur inflige régulièrement des mauvais traitements, dès qu’il s’approche d’elles, on observe un « mouvement de recul ». Et le phénomène se produit même après plusieurs mois d’absence.

  1. Des découvertes très récentes incitent à penser que les plantes à fleurs seraient en fait apparues il y a environ deux cent mille ans.

D’une taille intermédiaire entre les micro-organismes et les vertébrés, les insectes[1] se sont adaptés à tous les milieux. Certaines espèces ont même pris l’habitude de s’installer au cœur de nos habitations. C’est notamment le cas des termites. Ces ouvriers consciencieux peuvent dévorer toute une charpente, sans éveiller les soupçons et en progressant de telle manière que le toit ne s’écroule qu’à la fin. Il faut dire que ces charmants insectes n’ignorent rien aux lois de la construction : les termitières de terre battue s’élèvent parfois à plus de cinq mètres, et la distribution des chambres témoigne d’un haut degré d’organisation. Mais toute médaille a son revers : dans cette société, l’individu n’a pour ainsi dire aucune autonomie. Les besoins de la collectivité commandent même les caractéristiques du corps de chacun. Qui sait si un jour il n’en sera pas de même pour nous. Avec les perspectives ouvertes par les nouvelles technologies, « le meilleur des mondes » n’est plus tout à fait du domaine de l’impossible. Tout du moins à titre temporaire car, dans une société où l’initiative individuelle est réduite au minimum, il suffit d’un grain de sable pour que tout l’édifice se trouve paralysé et s’effondre en un clin d’œil.

Les termites ont des ennemis redoutables : les fourmis. A première vue, ce ne sont que des petites bêtes insignifiantes ; mais, en les observant de plus près, on découvre une grande ingéniosité et une tendance affirmée à utiliser à leur avantage toutes les ressources de leur environnement. Les fourmis ont inventé l’agriculture un million d’années avant nous. Pour améliorer l’ordinaire, elles cultivent des champignons. Les techniques utilisées sont assez voisines des nôtres. A l’aide de feuilles qu’elles découpent en morceaux, elles confectionnent une couche à l’intérieur de la fourmilière. Elles secrètent même des accélérateurs de croissance ainsi que des antibiotiques pour lutter contre les moisissures. Leurs exploitations peuvent atteindre deux cents mètres carré. Il y a parfois beaucoup de bouches à nourrir : on rencontre des fourmilières qui abritent un million d’individus.Les fourmis ne s’adonnent pas seulement au jardinage, il leur arrive aussi de pratiquer l’élevage. Pour recueillir plus facilement le miellat, ce liquide sucré que les pucerons rejettent, elles se livrent à une activité voisine de la traite. Le geste est presque le même : la précieuse goutte étant obtenue en leur tapotant l’abdomen. En cas de besoin, elles déplacent le troupeau de pucerons et le protègent contre les insectes qui peuvent venir l’attaquer. Tout comme les Hommes – mais cette fois-ci, hélas ! certaines fourmis entreprennent des expéditions guerrières pour se procurer des esclaves. D’autres ont les mêmes faiblesses que nous et tombent parfois sous l’emprise de la drogue. En l’occurrence, il s’agit d’une substance secrétée par la loméchuse : un coléoptère qui s’introduit parfois dans la fourmilière. Une fois que les fourmis sont intoxiquées, lécher cette sécrétion devient leur principale préoccupation. Elles en arrivent ainsi à tout négliger, même leur progéniture.

Les abeilles sont les insectes sociaux qui attirent le plus notre sympathie. La douceur de leur miel y est sans doute pour quelque chose ; mais, plus profondément, peut-être est-ce à cause du caractère rassurant de leur existence ? Avec elles, nous avons l’impression de côtoyer un monde régi par la raison et un certain sens de l’harmonie. L’organisation de la ruche semble ne rien laisser au hasard, mais la vie de ses membres ne paraît pas pour autant dépourvue de saveur. Les abeilles utilisent des moyens de communication parfois très élaborés. Quand une ouvrière veut indiquer à une autre l’emplacement d’une fleur à butiner, elle le fait au moyen d’une danse. La cadence indique l’éloignement et la trajectoire donne la direction. Pour un kilomètre, la précision est de 2% et les erreurs d’orientation ne dépassent pas quelques degrés. Les abeilles semblent avoir un certain sens de la déduction. En déplaçant une source de nourriture d’une façon régulière – toujours dans la même direction et en conservant des intervalles constants – James L. Gould a observé un jour un fait surprenant : au bout de plusieurs manœuvres, les abeilles l’attendaient à l’endroit logiquement prévisible, avant même qu’il y parvienne. Et tout ceci, avec un cerveau cent mille fois moins grand que le nôtre.

La petite araignée qui tremble sur ses pattes est un mâle.

Tous les insectes ne possèdent pas un haut degré de sociabilité. Chez les tipules par exemple, la femelle ne pratique pas l’amour gratuit. Pour qu’elle accepte de s’accoupler, le mâle doit lui apporter de la nourriture qu’elle consomme pendant qu’il la féconde. Mais, dès qu’il a obtenu ce qu’il désirait, le mâle peu reconnaissant essaie de reprendre son cadeau. L’idylle se transforme alors en dispute. Les araignées nous inquiètent mais elles ont de toutes autres manières. – Notons au passage qu’elles ne font pas partie des insectes mais constituent une classe à part qui comprend aussi les scorpions. Chez les Veuves Noires, pas de mesquinerie : le mâle est bien trop intimidé par la femelle qui est nettement plus grosse que lui. Il ne recule par contre devant aucun raffinement, lui offrant même un insecte enveloppé dans le cocon de soie qu’il a tissé. Deux précautions valent mieux qu’une. Parfois, pour éviter de se faire dévorer, il enroule un fil autour des pattes de sa partenaire. Comme tous les funambules, les araignées prennent rarement des risques inutiles. Lorsque deux d’entre elles convoitent la même proie, elles n’emploient pas immédiatement les grands moyens. Dans bon nombre de cas, elles évaluent d’abord leurs forces. Les deux rivales secouent la toile à tour de rôle. Si l’une d’entre elles la fait vibrer nettement moins fort, elle s’éloigne aussitôt sans livrer bataille. Parmi tous les insectes, les plus inoffensifs et les plus merveilleux sont sans doute ceux qu’un poète indien appelle « les fleurs de l’air. » Contrairement à ce qu’on pourrait supposer, leurs amours ne sont pas toujours placées sous le signe de la légèreté. Le moins permissif est sans doute le bombyx : le papillon du ver à soie. Après l’accouplement, le mâle secrète un liquide qui va durcir, et obturer l’orifice vaginal. Il augmente ainsi ses chances d’avoir une descendance car la femelle ne pourra plus s’accoupler avec des concurrents. À l’état de chenille, les papillons peuvent vivre longtemps ; mais une fois dotés d’ailes, leur vie est quelquefois si brève que certaines espèces ne sont même pas pourvues de bouche ou d’une trompe leur permettant de se nourrir.

Insecte ressemblant parfaitement à une feuille grignotée.

Quand un être vivant ressemble à quelque chose d’immangeable ou paraît appartenir à une espèce non comestible, il a de fortes chances d’être épargné par ses prédateurs. Chez les insectes les similitudes sont parfois si remarquables qu’on a de la peine à croire qu’elles ne découlent d’aucune intention mimétique. Ainsi, le Kallima ressemble à s’y méprendre à une feuille morte. La couleur et les nervures sont parfaitement “imitées”. Rien ne manque, pas même les taches noires rappelant un champignon microscopique, ni les contours dentelés suggérant que la feuille a été grignotée. Quand au phasme, ce chef-d’œuvre d’illusion, il faut être bien averti pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas d’un rameau sec. La ressemblance est parfois si prononcée que ses œufs font penser à des graines : même au microscope, leur surface a un aspect plus végétal qu’animal. La vue et l’odorat ne sont pas les seuls sens mis à contribution pour induire en erreur ou brouiller les pistes. Parfois, ce sont les sons qui prêtent à confusion. Certains papillons ont la faculté d’imiter le sonar des chauves-souris pour échapper à leurs prédateurs.

Plus l’on observe les insectes et plus l’on découvre chez eux des capacités que l’on était loin de soupçonner. Mais plus encore que leurs talents, ce qui nous émerveille, ce sont les métamorphoses par lesquelles ils passent : comme s’ils possédaient plusieurs vies en une. À certains moments, nous aimerions comme eux pouvoir nous transformer, sortir de notre gangue ou rejeter une fois pour toutes, cette carapace qui nous empêche de prendre notre envol.

  1. Le chapitre est consacré aux insectes et à des petits arthropodes très voisins, souvent assimilés à eux : les araignées.

Des poissons aux oiseaux

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Certains poissons possédaient des nageoires leur permettant de se déplacer en s’appuyant sur le sol des fonds marins. Leur adaptation sur la terre ferme se trouva facilitée par les conditions climatiques. L’alternance des périodes sèches et humides avait alors une grande amplitude.

Une partie d'entre eux a donné maissance aux tétrapodes. Il y a 350 millions d'années, chez l'un d'entre eux, l'ictyostega, les branchies s'étaient déjà transformées en poumons et les nageoires étaient devenues des pattes. ( vierapattes ) Les amphibiens sont eux aussi issus des tétrapodes.

Comme leurs œufs étaient dotés d’une protection encore insuffisante, les amphibiens vont continuer de pondre dans l’eau. Ce mode de vie mixte a permis de passage d’un milieu à l’autre. Il perdure toujours : la grenouille est leur représentant actuel le plus connu. Issus de ces amphibiens, les reptiliens sont apparus il y a 300 millions millions d’années. Comme ils n’ont plus besoin de l’eau pour la reproduction, ils vont pouvoir s’établir à l’intérieur des terres, d’autant qu’à cette époque la couverture végétale est déjà très épaisse. C’est parmi eux que sont nés les dinosauriens. Cette grande famille va régner pendant cent cinquante millions d’années, avant de disparaître, en quelques millénaires à peine. Pour expliquer cette soudaine extinction survenue il y a 65 millions d’années, plusieurs thèses sont avancées. La chute d’un gigantesque météorite est la plus populaire actuellement. Mais il existe d’autres hypothèses également convaincantes. On pense notamment à des mouvements des plaques continentales ou aux importantes éruptions volcaniques qui se sont produites à cette époque. Leurs effets ont d’ailleurs pu se conjuguer.

Les dinosaures sont généralement classés parmi les reptiles, mais certains traits les rapprochent des mammifères et des oiseaux. À la fin de l’ère primaire, quelques uns feront leurs premières tentatives de vol plané. Des fossiles d’espèces intermédiaires ont été retrouvés. L’archéoptérix est un de ces curieux animaux qui vivaient il y a environ 150 millions d’années. Mi-reptile mi-oiseau, il avait le corps recouvert de plumes, des griffes au bout des ailes et un bec pourvu de dents. Les oiseaux vont évoluer très vite et se spécialiser. La maîtrise de l’espace aérien sera quelquefois abandonnée. Certaines espèces comme les autruches se fixeront à terre où elles parviendront à se déplacer rapidement. Les manchots, eux, retourneront vivre en milieu aquatique : leurs ailes se transformeront en nageoires et les plumes se mettront à ressembler à des écailles.

Pingouins Humbolt

Les poissons et les reptiles ont des liens sociaux encore informels. Chez les oiseaux, la vie sociale vas'organiser

et jouer un rôle de tout premier plan. La mise en place d’une structure hiérarchique diminue les risques de conflits à

l’intérieur du groupe. Les combats dépassent rarement l’intimidation. Dès que l’un prend le dessus, l’autre se soumet et les hostilités cessent aussitôt. Chez les animaux, les rapports de dominance comportent une certaine souplesse et peuvent à tout moment être remis en question. La répartition en territoires est un autre facteur d’équilibre : elle évite le surpeuplement et, dans une certaine mesure, la transmission des maladies contagieuses. La parade amoureuse est une pratique que l’on rencontre chez beaucoup d’oiseaux. Elle constitue un code qui évite le mélange d’espèces très voisines mais elle a également d’autres fonctions. À cette occasion, chacun exhibe toute l’étendue de ses aptitudes. Il a par ailleurs été établi que ces parades facilitaient l’ovulation. La mise en scène est parfois grandiose. Le ptylonorynque a même recours à des accessoires. Il écrase les baies violettes et s’en barbouille la poitrine à l’aide d’une sorte de pinceau qu’il confectionne en donnant des coups de bec sur une racine. Il met aussi de la couleur sur les parois internes de sa hutte. Et lorsque tout est prêt, il commence à danser.

Chez certains oiseaux, l’accouplement est quelquefois précédé d’une offrande. Selon le cas, ce peut être une brindille, une branche fleurie ou un poisson. La fonction de ce geste est simplement symbolique car, même lorsqu’il s’agit de nourriture, le présent n’est pas destiné à être mangé. Chez certaines espèces, il y a formation de couples stables. Généralement, les deux parents couvent à tour de rôle, mais il arrive qu’un voisin s’en charge à leur place. Les comportements parentaux varient beaucoup d’une espèce à l’autre. Parmi eux, celui du coucou est sans doute le moins recommandable. Cet oiseau n’a pas seulement un chant caractéristique, il a aussi des mœurs très spéciales. Il s’introduit dans le nid d’une autre espèce en l’absence des parents. Il y pond un œuf en tous points semblable à ceux qui s’y trouvent déjà (chacune des espèces a une victime attitrée.) Avant de s’enfuir, il n’oublie pas d’en subtiliser un, afin que les occupants ne se doutent de rien. Quand le jeune coucou naîtra, il poussera les autres oisillons hors du nid. Il pourra ainsi être le seul à bénéficier des soins de ses parents adoptifs. Au début, tout au moins, ils ne se douteront de rien. Nos frères ailés nous offrent de nombreux sujets d’étonnement. Au cours de leurs longues migrations, certaines espèces se guident en partie grâce au soleil, à l’étoile polaire et aux constellations. Elles se réorientent même à mesure que les astres changent de position. Ceci a pu être vérifié au moyen de simulations effectuées à l’aide d’un planétarium. Mais, à ce jour, nul ne sait comment ils en sont venus à faire appel aux phénomènes célestes pour se diriger. Chez eux aussi tout évolue…

Actuellement, quelques uns trouvent plus facile de se déplacer en survolant les routes tracées par les Hommes. Les oiseaux ont parfois recours à la ruse. Il leur arrive de faire peur à d’autres pour qu’ils lâchent leur proie sous l’effet de la surprise. Il ne leur reste alors plus qu’à s’en emparer et à s’enfuir avec. Pêcheurs redoutables, les hérons utilisent une technique apparentée à celle que pratiquent certains d’entre nous. Ils attrapent une mouche et la jettent devant eux pour appâter le poisson. Pour parvenir à leurs fins les oiseaux utilisent quelquefois même des objets. Le plus souvent, il s’agit de pierres grâce auxquelles ils brisent des coquilles ou des œufs. La confection de leurs nids fait intervenir des techniques très élaborées telles que la maçonnerie, la vannerie et la couture.

Pour chacune de ces activités, « l’inné » et « l’acquis» se conjuguent. D’une manière générale, il n’existe d’ailleurs pas de distinction nette entre ces deux notions. Et surtout pas chez le perroquet, lui qui joue en virtuose sur tous les tableaux. Cet oiseau n’est pas seulement doué pour reproduire nos paroles, il sait également manier les chiffres. Il peut, après un apprentissage prolongé, répondre à des questions telles que : « Combien y a-t-il de cubes de telle couleur ? » – à condition, bien sûr que leur nombre ne dépasse pas quelques unités. Les pigeons et les corbeaux sont eux aussi capables de réaliser des performances de ce type. Tout semble donc indiquer que les oiseaux ont une capacité d’abstraction assez développée.

Les mammifères

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Les reptiliens ne donneront pas seulement naissance aux oiseaux, ils seront aussi à l’origine des mammifères. Les mutations vont s’accumuler. Peu à peu, le corps s’élèvera du sol et la marche s’améliorera. Les capacités du cerveau augmenteront elles aussi, et avec une ampleur sans précédent. L’apparition des premiers mammifères se situe il y a plus de 2OO millions d’années. Au stade initial, ceux-ci pondront encore des œufs mais allaiteront déjà leurs petits. Dès lors, entre la mère et l’enfant, des liens plus étroits pourront se créer et la vie sociale s’en trouvera enrichie.

De ces mammifères primitifs, il ne subsiste que quelques rares survivants, tel l’ornitorynque :

une espèce vivant en Australie et reconnaissable à son bec de canard. À l’étape suivante, il n’y aura plus de ponte. À titre de compensation, le petit terminera son développement dans une poche – ce qui aujourd’hui encore est le cas chez les kangourous. À un stade plus avancé de l’évolution, la maturation pourra avoir lieu dans le placenta, à l’intérieur du corps de la mère. Ainsi, en venant au monde, les petits disposeront déjà d’une réelle autonomie de mouvement. Ce pas important a été accompli il y a près de 100 millions d’années.

Quand les reptiliens de grande taille disparaîtront, les mammifères vont pouvoir se disséminer dans toutes les niches écologiques. Certaines espèces parviendront à voler : les chauves-souris. D’autres retourneront dans les océans. Il y a 60 millions d’années, l’animal qui allait devenir le dauphin avait le corps recouvert de poils. Il devait avoir une aspect intermédiaire entre le chien et le cochon. Devenu mammifère marin, il possède actuellement un cerveau qui comporte plus de circonvolutions que le nôtre – ce qui bien sûr est seulement un indice car, ce qui compte le plus, ce sont les connexions entre les neurones. Le dauphin recherche volontiers la compagnie de l’Homme[1] et se laisse facilement apprivoiser. Hélas ! on abuse parfois de lui. Comme sa présence n’est pas détectée par les sonars, il a parfois été dressé pour transporter des mines, devenant malgré lui l’acteur d’une opération meurtrière et suicidaire. Quelle fin paradoxale pour un animal qui, à l’occasion, porte spontanément secours à des baigneurs en train de se noyer ! Heureusement, le dauphin est joueur et ne remplit pas exactement les missions qu’on lui impose : ce qui décourage un peu les autorités militaires. Parmi les autres mammifères marins, le plus populaire est la baleine. D’une taille gigantesque, celle-ci peut peser plus de cent tonnes. Et ses qualités de musicienne sont tout aussi remarquables. Chaque année, les baleines à bosse élaborent un chant nouveau qui peut couvrir cinq octaves et durer cinq minutes. Création de l’une d’entre elle, il sera repris par l’ensemble du groupe pour toute la durée de la saison.

Mises à part quelques exceptions, les mammifères terrestres sont les seuls animaux dont le corps est recouvert de poils. Comme, de plus, ils possèdent des glandes leur permettant de transpirer, la température de leur corps peut demeurer constante. Chez les mammifères, on rencontre à peu près tous les régimes alimentaires, chacun favorisant le développement d’un certain genre de qualités. Le plus souvent, les prédateurs éliminent les animaux faibles ou malades, ceux qui risquent de contaminer les autres ou de transmettre des caractères génétiques défavorables. La survie des prédateurs est liée à celle de leurs proies, souvent spécifiques. Il s’établit donc un équilibre entre les deux populations. En moyenne, sur un territoire donné, la masse des consommateurs de végétaux est cent fois plus importante que celle des carnivores. Le cas de l’être humain est très particulier : ses moyens techniques lui permettent de détruire des grandes quantités d’individus en parfaite santé, parfois simplement pour le plaisir. Il lui arrive même d’exterminer complètement l’espèce qu’il chasse – et ceci, apparemment depuis la préhistoire.

Jusqu’à un passé récent, la plupart des Hommes pensaient que l’intelligence était une faculté spécifiquement humaine. Pour expliquer le comportement des animaux, un mot passe-partout était sans cesse mis en avant : l’instinct. Mais la réalité est plus nuancée. On peut pour simplifier distinguer trois types de comportements.

- L’action réflexe est plutôt de l’ordre des phénomènes. Elle est inévitable, automatique.

- Les instincts sont communs à l’ensemble des membres d’une espèce. Ils peuvent être affinés par l’apprentissage mais, une fois déclenchés, les programmes se déroulent en tenant très peu compte de informations en provenance de l’environnement ou de l’organisme lui-même.

– Il existe une troisième catégorie où la mémoire, l’affectivité et l’anticipation deviennent des facteurs déterminants. Les particularités de chaque individu y jouent également un rôle.

Chauve-souris venant de naître

Ici, nous ne sommes plus dans le domaine de l’instinct mais dans celui de l’intelligence animale, avec des développements divers selon les espèces. De nombreuses observations en témoignent. Lorsqu’un rat a été empoisonné, ses compagnons s’abstiennent de consommer l’aliment qui en est responsable. Dans certains cas, ils empêchent également leurs congénères d’y goûter. Et, même lorsqu’il s’agit d’un empoisonnement lent, pendant plusieurs générations ils éviteront de passer par l’endroit où l’intoxication a eu lieu. Le castor, lui, adapte son environnement à ses besoins. Comme il se déplace dans l’eau avec beaucoup d’aisance, il construit des barrages. En l’absence de bois, il utilise des pierres. Parfois, il répare les murs des vieux moulins. Il colmate les fuites même lorsqu’elles sont habilement dissimulées par les expérimentateurs qui imaginent pourtant toutes sortes de dispositifs pour brouiller les pistes entre la cause et l’effet produit. Malgré ces complications, le castor finit par faire le rapprochement et il agit en conséquence. Les éléphants ont eux aussi des comportements qui révèlent la présence d’un psychisme évolué. Leur attitude face à la mort est assez troublante. Ils restent auprès de celui qui vient de mourir et déposent des branches sur lui. Ils reviennent l’année suivante et, surtout lorsqu’il s’agit d’un proche, ils remuent les ossements. Parfois même, ils entourent les os du crâne avec leur trompe – un geste qu’ils ne font apparemment qu’à cette occasion. Entre les explications réductionnistes de ces usages et l’assimilation hâtive à des rituels préfigurant les nôtres, il existe peut-être une voie médiane capable de rendre compte de ces observations.

Les réponses sont parfois très éloignées de ce que nous avions tout d’abord imaginé. Voici, pour terminer, une histoire qui défraya la chronique au début du vingtième siècle. Un homme prétendait que ses chevaux étaient capables d’extraire les racines carrées. Il inscrivait un nombre au tableau et les animaux donnaient la réponse en frappant le sol – sabot droit pour les unités, gauche pour les dizaines. Le phénomène se produisait même en l’absence de celui qui les avait dressés. L’énigme des chevaux d’Elberfeld finit tout de même par être résolue. Le calcul n’était pas là où il était sensé être. Le cheval était attentif à la respiration des spectateurs. Dès qu’il atteignait le chiffre fatidique, tout le monde retenait son souffle... Le cheval avait appris que c’était là le moment où il devait s’arrêter de frapper le sol.

  1. Le mot Homme est écrit avec une majuscule car il s’agit ici du terme générique qui concerne également les deux genres : le féminin autant que le masculin.

Le comportement des grands singes

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En observant les mains d’un primate où l’expression de son visage, nous ressentons un lien de parenté troublant[1]. Les chimpanzés ont un patrimoine génétique très voisin du nôtre. Comme nous, il leur arrive de se serrer la main, de se tenir par le cou et même parfois de rire. Et tout semble indiquer qu’ils sont quelquefois affectés par la mort d’un des leurs. Certains aiment se parer et collectionnent les objets qui leur plaisent. Et si on leur apprend à dessiner, ils peuvent y prendre goût.

Chez les primates, le chef n’est pas toujours celui qui est le plus fort : il peut même être chétif ou infirme. Certains traits communs ont été mis en évidence. Les hormones qui régissent l’activité sexuelle et celles qui permettent de résister aux tensions sont présentes à des taux élevés chez les dominants. Les facteurs héréditaires exercent également une influence à plus d’un titre. Ainsi, les petits dont la mère est dominée s’effacent devant les enfants de celle qui occupe un rang élevé. Les femelles ont un rôle important en de nombreux domaines tels que les déplacements où le choix de la nourriture. C’est à travers elles que les jeunes acquièrent des connaissances. Ce ne sont pas les privilèges qui caractérisent l’état de chef, mais plutôt le fait que c’est lui qui prend les décisions concernant le groupe. Il existe un relatif partage des pouvoirs. L’autorité du chef n’est pas reconnue dans toutes les situations. Parfois, même sexuellement, il se contente d’un rôle insignifiant. Cependant, dans la plupart des cas les autres mâles l’imiteront jusque dans les moindres détails de son comportement. D’une troupe à l’autre, les habitudes seront donc très différentes. Malheur aux femelles qui naîtront dans une horde où le dominant est brutal, car tous agiront avec elles de la même manière. Si, au contraire le chef est relativement doux et généreux, elles seront traitées avec un minimum d’égards.

Les problèmes de société ne sont pas propres à l’espèce humaine. Les animaux qui se trouvent en bas de l’échelle ont un sort peu enviable. De nombreux singes vont donc chercher à s’élever dans la hiérarchie. Pour y parvenir, ils emploient la ruse et essaient de s’attirer les bonnes grâces de ceux qui sont haut placés. À l’occasion, ils simulent des sentiments, ce qui semble indiquer qu’ils ont accès à des notions psychologiques assez fines. L’épisode suivant n’est pas sans rappeler les comédies de boulevard. En l’absence du chef, une femelle avait « cédé » aux avances d’un jeune de la troupe. Son consentement ne faisait aucun doute mais, lorsque le mâle dominant réapparut de manière inopinée, elle fit comme si elle avait été victime d’une agression. Elle aida même le « jaloux » à corriger son partenaire. Les chimpanzés peuvent avoir des comportements extrêmement violents. Ils se mettent parfois à plusieurs pour attaquer une femelle et sa progéniture. Dans un état de grande excitation, y compris sexuelle, ils tuent la mère et le petit. Bien qu’en d’autres occasions cela puisse arriver, dans ce cas particulier, la femelle n’est pas violée. Les agresseurs retournent achever leurs victimes s’ils se rendent compte qu’elles ne sont pas tout à fait mortes. Il n’est cependant pas du tout certain que ce soit par compassion.

Chez les singes, l’amitié existe, même entre un mâle et une femelle. Dans certains cas, bien qu’ils aient des relations sexuelles avec d’autres partenaires, ces amis ne s’accouplent jamais entre eux. Une autre découverte, de même nature, invite à la réflexion : l’évitement de l’inceste est fréquent. En milieu naturel, moins de 1% des bonobos ont des relations sexuelles avec leur mère – apparemment à cause de l’émotion. Mais, une fois en captivité, tous les repères sont brouillés et ils peuvent même les violer. À l’aise en station debout, les bonobos ont par ailleurs une sexualité qui s’apparente à la nôtre. Ces chimpanzés nains s’accouplent de face. Chez eux, l’activité sexuelle n’est pas seulement un moyen de procréation, elle semble, en plus, être vécue comme un jeu. Elle sert également à éviter les tensions sociales et permet de relier les membres d’un groupe après un incident.

Les outils non plus ne sont pas le propre de l’Homme. Les chimpanzés utilisent des pierres pour casser des noix. Celle qui se trouve au sol sera quelquefois choisie avec une entaille pour caler le fruit. Comme l’apprentissage dure plusieurs années, les mères donnent parfois des morceaux à leurs petits pour les encourager. On a même vu un singe casser des noix pour sa mère : celle-ci ne parvenait pas à le faire elle-même, car elle ne l’avait pas appris dans son jeune âge, pendant qu’il était encore temps. Il n’est pas toujours facile d’identifier les utilisateurs d’outils rudimentaires. Des pierres ayant servi de marteau ont été découvertes en Nouvelle Guinée. Elles furent tout d’abord attribuées à de hominidés primitifs. Plus tard, il est apparu qu’il s’agissait d’ustensiles ayant appartenu à des chimpanzés. Ces animaux n’utilisent d’ailleurs pas seulement des pierres, ils ont également recours à des brindilles pour attraper les fourmis ou se faire éternuer lorsqu’ils sont enrhumés. Au besoin, ils façonnent eux-mêmes ces ustensiles. La tige est alors obtenue en déchirant une feuille de façon à isoler la nervure centrale. Plusieurs dizaines d’outils de primates ont déjà été recensées.

Les coutumes varient d’un endroit à l’autre, même lorsque les environnements sont semblables. On peut, à leur sujet, commencer à parler de culture[2] Les chimpanzés ont parfois des techniques de chasse très élaborées. Par exemple, l’un d’eux tire sur une branche au moment où un petit singe d’une autre espèce va sauter dessus. Le malheureux se retrouve ainsi sur le sol où les autres chasseurs l’attendent. Cette répartition des tâches ne concerne pas uniquement la chasse. On l’observe en d’autres circonstances. Par exemple, les uns feront le guet pendant que d’autres creuseront le sol pour chercher de la nourriture. Un tour de rôle pourra même s’instaurer. Chez les jeunes primates, le développement mental suit le même ordre que pour l’espèce humaine mais un plafond est rapidement atteint. Chez l’Homme, les progrès sont théoriquement possibles tout au long de la vie. Les performances des chimpanzés sont cependant tout à fait honorables. Une jeune guenon a ainsi pu apprendre le langage des sourds et muets. Washoe en était même venue à injurier au lieu de mordre. Elle avait acquis la maîtrise de plusieurs centaines de signes, assemblant en plusieurs occasions deux d’entre eux pour leur donner un sens particulier : banc sale, pour désigner une « chaise percée » ou oiseau-eau, pour attirer l’attention en direction d’un cygne. Mais était-ce une généralisation ou une simple description ? Plus surprenant peut-être, Washoe avait pris l’initiative d’enseigner à un jeune singe quelques-uns de ces signes. Depuis, les expérimentateurs ont appris ce langage à d’autres chimpanzés. Certains de ces animaux en utilisent quelques bribes pour communiquer entre eux. Les singes n’ont malheureusement pas une morphologie adaptée à la parole. En tous cas pas pour l’instant car, nous-mêmes, lorsque nous nous grattons la tête en disant : « euh… », ne retournons-nous pas à un stade où nous disposions d’une seule syllabe comme les primates ?

Bonobos pleins d'affection pour leur bébé.

De nombreux penseurs se demandent dans quelle mesure la conscience de soi est présente chez les grands singes. Pour tenter de répondre à cette question, une expérience très astucieuse a été imaginée. Pendant qu’un singe dort, quelqu’un fait une marque de peinture sur son visage. À son réveil, on présente un miroir à l’animal. Si celui-ci a déjà l’habitude de cet objet, il tente d’enlever la tache ; ce qui donne à penser que le singe a une image stable de lui-même[3]. Comme il est capable de distanciation, de vision réflexive, il peut se mettre « dans la peau de l’autre », pour le tromper mais aussi pour essayer de comprendre ce qu’il éprouve. Cette aptitude contient en germe la possibilité d’une certaine intimité et l’émergence d’un sentiment de fraternité.

Les animaux ont quelquefois des comportements édifiants. Les époux Hayes ont pu en faire l’expérience. Vers le début du XXème siècle, ce couple de chercheurs élevait un jeune chimpanzé en même temps que leur fils. Un jour, les deux époux se querellèrent. Sur le moment, la guenon eut peur. Mais, dès qu’ils furent un peu calmés, l’animal alla vers le mari, prit sa main et vint la mettre dans celle de sa femme. Les deux êtres humains furent profondément touchés par ce geste et ils se réconcilièrent aussitôt.

  1. Les primates les plus proches de l’Homme sont les chimpanzés, les gorilles et les orang-outangs.
  2. Comme nous sommes très intrigués par nos cousins, des équipes de chercheurs passent leur temps à les observer. Ils peuvent ainsi assister aux découvertes que les singes eux-mêmes sont en train de faire. L’une d’elles, eut lieu sur l’île de Koshima. C’est là qu’Imo, une femelle macaque, eut un jour une idée : elle se mit à laver les patates douces pour les débarrasser de tout ce qui rendait leur consommation moins agréable. Peu à peu, les autres se mirent à l’imiter. Cette pratique se diffusa d’abord lentement ; mais, lorsqu’un certain seuil fut atteint, elle se généralisa rapidement à tout l’archipel. Seuls quelques vieux mâles restèrent à l’écart de cette évolution. Il n’y avait pourtant eu apparemment aucun contact entre les macaques des différentes îles. Ici comme dans beaucoup d’autres cas, une question mérite d’être soulevée : l’observateur n’a-t-il pas une influence sur ce qu’il observe ? Cet épisode a donné lieu à toutes sortes d’extrapolations difficiles à évaluer. Une chose est néanmoins certaine : il illustre bien l’enchaînement de processus tels que l’inventivité, la transmission du savoir et la généralisation des techniques au sein du monde animal
  3. Les orques et les pigeons peuvent eux aussi avoir la même réaction au test du miroir.

Le cerveau humain

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L’être humain cherche à tout comprendre, y compris cette part de lui-même qui lui permet de penser. Pour certains d’entre nous, la conscience n’est qu’une propriété du cerveau ; pour d’autres, le cerveau n’est que le support de la conscience[1]. Avant de nous prononcer en faveur de l’une ou l’autre de ces thèses, commençons par explorer l’organe en question.

Dès que l’action découle de la perception, un premier pas est fait en direction de l’intelligence. Le système nerveux apparaît avec des animaux tels que les hydres, les coraux et les méduses. Chez les vers plats, une ébauche de cerveau existe déjà. Le milieu cérébral est bien protégé et relativement indépendant. Les conditions qui y règnent demeurent constantes même quand, par exemple, le reste du corps subit d’importantes variations de température ou de salinité. Le cerveau humain comporte trois niveaux.

  • Le plus primitif est dit reptilien. Il régit tout ce qui concerne la survie et les comportements caractéristiques de l’espèce. Les réponses qu’il donne sont stéréotypées. Le déroulement des programmes est très peu influencé par les événements qui peuvent survenir en cours d’exécution.
  • La position intermédiaire est en majeure partie constituée par le système limbique. Ce domaine est surtout celui des émotions, des humeurs et des affects ; avec leurs polarités : désir et peur, plaisir et douleur… Les expériences passées exercent ici une influence déterminante.
  • Au sommet se trouve l’écorce cérébrale : le néo cortex.

Grâce à cette structure, nous disposons d’un organisme capable d’anticiper, de prendre une distance par rapport aux situations : pour mieux les maîtriser ou nous y adapter plus finement. C’est le développement de ce cortex, qui permet à l’être humain de parvenir à un degré d’abstraction assez élevé et une relative liberté de choix.

Chaque hémisphère incarne plus particulièrement une certaine approche de la réalité.

  • Le gauche est principalement de nature logique. Il semble procéder surtout par analyse. Son rôle est primordial pour tout ce qui concerne le calcul, l’écriture ou la parole.
  • Le droit permet d’appréhender le monde d’une manière plus globale, au moyen d’images. Il effectue des synthèses. Il incite à s’exprimer par l’intermédiaire de la musique et de la poésie. Grâce à lui, nous pouvons reconnaître une personne d’après les traits de son visage. La faculté de retrouver son nom relève au contraire de la partie gauche.

Ces deux hémisphères communiquent par l’intermédiaire de millions de fibres. Ils coopèrent étroitement, chacun commandant à la partie du corps qui lui est opposée. Des localisations cérébrales ont pu être établies. À chaque zone, correspondent une ou plusieurs fonctions définies. Le terme localisation ne doit pas être pris au sens strict : il s’agit seulement du siège principal. Chaque fonction met en jeu l’ensemble du cerveau. Tout un réseau est impliqué. Il existe aussi des aires associatives. Leur rôle est de mettre en relation des éléments de diverses provenances. Plus une espèce est évoluée, et plus elles occupent une place importante.

L’information circule par l’intermédiaire d’une cellule spécifique appelée neurone. D’après les estimations les plus récentes, le cerveau humain en possède 10 à 30 milliards. Il dispose également de cellules dites gliales qui assurent le soutien, la nutrition et la protection immunitaire des neurones.

Le cerveau n’est que le système nerveux central. À travers la mœlle et les nerfs, le réseau de neurones s’étend à l’ensemble du corps. À l’intérieur du cerveau, règne une activité intense. Chaque neurone comprend un corps central d’où partent de très nombreux filaments. Nous pouvons le comparer à un arbre. Grâce à ses milliers de branches, (les axones), chacun est relié à une multitude d’autres par l’intermédiaire de ses bourgeons (les synapses). L’information peut ainsi circuler dans toutes les directions. Le passage d’une cellule à l’autre se fait sous une forme chimique qui provoque l’apparition d’un courant dans la cellule suivante. L’énergie est fournie par la respiration cellulaire. Le signal arrive au niveau des synapses sous la forme d’un courant électrique ou potentiel d’action. Il fait éclater des vésicules, libérant ainsi des protéines messagères. Celles-ci vont se fixer comme des clés sur un canal qui communique avec une autre cellule. Elles rendront possible le passage des ions dont les charges vont produire l’apparition d’un courant. Cet influx se propage alors dans l’axone du neurone récepteur. Il circule le long de la membrane et se transmet de cellule en cellule.

Pour que la propagation soit plus affinée, plus sélective, le canal de certains synapses ne s’ouvre que si des molécules spécifiques sont libérées. Ces substances sont des neuromédiateurs (sérotonine, dopamine … ). Chacun d’entre eux a une action qui lui est propre. Ils ont un rôle déterminant à certains carrefours stratégiques. Ils peuvent inhiber ou activer le déroulement des processus. Toutefois, cette influence s’opère différemment selon les domaines. Il n’est donc pas possible d’assigner à chacun d’eux une fonction véritablement déterminée. Au niveau de chaque cellule, une synthèse des différentes stimulations s’opère[2]. Pour que l’influx nerveux se poursuive, il est nécessaire qu’un certain seuil soit atteint. Neuromédiateurs et hormones ont des rôles similaires ; mais, comme ces dernières sont libérées dans l’espace entre les neurones, leur action est plus diffuse, moins ciblée. Entre hormones et émotions, la correspondance est étroite. Ce que nous percevons, ressentons et éprouvons stimule la production d’hormones et de neuromédiateurs. Le fonctionnement général de notre cerveau est donc influencé par notre vécu et notre état affectif. Et réciproquement : l’état de santé dans lequel il se trouve a une influence sur la qualité de nos émotions.

Le système nerveux assure le lien entre la perception, la sensation, la réflexion et l’action. Les stimuli de l’environnement agissent sur les récepteurs des organes des sens. Ils modifient la position d’oscillateurs qui vont déclencher la propagation des ondes jusqu’au cerveau. Là, elles seront analysées, corrigées, comparées, reliées à d’autres. Si une décision en résulte, le potentiel d’action se propagera dans l’autre sens : du cerveau jusqu’au bout des nerfs. Avec l’aide de neuromédiateurs, l’influx électrique permettra alors le passage d’ions spécifiques qui, par exemple, provoqueront la contraction d’un muscle. Les populations de neurones forment des sortes d’assemblées qui se régulent l’une, l’autre et coopèrent pour que les décisions soient prises. Certaines d’entre elles peuvent être comparées à des cartes ou des plans. En stimulant certains points de l’aire du toucher et en notant les endroits du corps où cela produit une sensation, on constate que ces points forment un tracé dont les contours rappellent la forme du corps. Les proportions ne sont pas respectées. Elles varient en fonction du nombre de terminaisons nerveuses : en particulier à cause de l’importance que chacun attribue à tel ou tel organe. – Chez les pianistes, ces homoncules ont des mains immenses.

Les concepts sont formés à partir de nos perceptions qui, par additions et élagages successifs se trouvent résumées à l’essentiel. Nous pensons à l’aide de ces représentations. Les schémas qui se construisent doivent affronter l’épreuve de la réalité ou d’autres schémas internes. S’ils entrent en dissonance avec le réel ou avec d’autres, ils finissent généralement par disparaître. Si, au contraire, il y a résonance ou adaptation à la réalité, ils seront conservés. En effet, pour survivre, les terminaisons neuronales (axones) ont besoin d’un facteur de croissance qu’elles reçoivent seulement si le potentiel d’action se poursuit dans d’autres cellules. Depuis le stade de l’embryon et tout au long de notre développement, une sélection s’opère. Au départ, les « branches » des neurones poussent dans tous les sens et se couvrent de « bourgeons » . Une partie sera éliminée, l’autre stabilisée. Nos comportements se trouveront ainsi ordonnés et adaptés. Cette régulation s’opère en fonction des expériences et conformément au schémas formés par les différentes assemblées de neurones. La même fonction n’est pas assurée chez tous de la même manière. Les réseaux se construisent, se transforment et se réparent selon le vécu intime et l’histoire de chacun.

La mémoire n’est pas localisée en un endroit déterminé. Certaines régions du cerveau ont cependant un rôle déterminant : en particulier l’amygdale et l’hippocampe. Lorsque le signal passe d’un neurone à l’autre, il provoque la mobilisation de molécules spécifiques qui vont baliser un chemin. Pendant un certain temps ce trajet pourra être emprunté plus rapidement et avec plus de facilité. Nous avons là un début d’explication du phénomène de mémoire. Cela ne suffit cependant pas pour comprendre comment, après des années, nous pouvons nous souvenir d’un événement avec une netteté si grande que nous avons presque l’impression de revivre la scène. La mémoire dite «de travail» est de courte durée. Elle disparaît après quelques secondes. L’attention a ici un rôle essentiel. La mémoire à long terme se développe par l’apprentissage mais elle dépend aussi de notre état psychologique. Avoir un objectif vers lequel on tend, favorise l’enregistrement des événements. Retrouver le contexte aide aussi à se souvenir. Ainsi, ce qui a été appris sous l’eau ou dans un état de tristesse peut être remémoré plus facilement lorsque les mêmes conditions sont à nouveau présentes. Depuis longtemps déjà, nous savions qu’il est plus facile de se rappeler quelque chose qui est associé à une émotion. Nous sommes désormais capables de comprendre le phénomène grâce à des explications de nature chimique : les hormones qui sont alors produites, favorisent les processus concernés.

Désir, plaisir et douleur jouent un rôle important dans l’évolution[3]. Si un comportement a procuré du plaisir, il sera recherché à nouveau. Si au contraire il a causé une sensation douloureuse, il sera sans doute évité autant que possible.

Le plaisir est la sensation qui accompagne la satisfaction d’une tendance qui statistiquement parlant est favorable à la vie – du moins dans les conditions où l’évolution l’a sélectionnée. La douleur apparaît lorsque quelque chose menace notre survie ou notre intégrité. Comme elle est difficilement supportable, nous sommes instinctivement incités à nous éloigner de ce qui la provoque. De plus, elle a un effet dissuasif et nous pousse à rechercher des solutions ou des remèdes. Lorsque le milieu intérieur est perturbé, l’organisme tentera de rétablir l’équilibre en déclenchant les réactions appropriées pour retrouver un état de stabilité[4].

Le désir est la tension vers un objectif destiné à combler un manque réel ou supposé. Il peut également être un élan vers un supplément d’être. Dans tous les cas, ces tendances, ces émotions et ces sensations sont modulées par la sécrétion d’hormones et de neuromédiateurs. Elles-mêmes contribuent d’ailleurs à la production de ces substances. Les phénomènes de conscience étant encore mal connus, certains donnent lieu à toutes sortes d’interprétations. Bien qu’il soit tout particulièrement auréolé de mystère, le rêve fait lui aussi partie de la réalité. Au cours du sommeil paradoxal, la commande des mouvements du corps est bloquée. Les émotions peuvent alors s’exprimer en toute liberté sans se traduire par des gestes. Pour devenir inconscient du monde extérieur, le cerveau a recours à une sorte de brouillage interne. Pendant que nous dormons, il met de l’ordre dans la multitude d’informations que nous devons traiter chaque jour. La mémoire se trouve ainsi consolidée. Les processus qui ont lieu au cours de ce sommeil réparateur sont encore peu étudiés mais on commence à comprendre qu’ils ont une importance considérable. Si nous parvenons à conserver notre identité aux sein d’un monde en perpétuel mouvement, peut-être est-ce en partie grâce à eux ?

  1. Pour les partisans de cette thèse, la pensée ne serait qu’un des moyens d’expression de la conscience. Le cerveau pourrait être comparé à un téléviseur où les images ne sont pas produites à l’intérieur du poste mais seulement captées et transmises. Les anomalies ou les détériorations des composants provoquent des perturbations au niveau des images ou du son. Lorsque la panne est trop importante, les émissions ne sont plus captées. Mais l’émetteur lui-même, la conscience, continue d’exister. Ceux qui adoptent le point de vue matérialiste voient les choses plus simplement. Pour eux, il n’y a plus de conscience car il n’y a plus d’activité observable. Dans cette confrontation, le dernier mot est loin d’être dit : tout comme il est difficile de faire la distinction entre un récipient transparent et l’eau pure qu’il contient, il n’est pas facile d’opérer une distinction entre l’activité mentale et la pure conscience, telle qu’elle est en elle-même. L’avenir nous réserve sans doute quelques surprises. Les neurologues estiment qu’aujourd’hui ils peuvent expliquer moins de 1% de l’activité du cerveau. Ils ne savent pas non plus comment les phénomènes observés se transforment en conscience, ni ce qu’est un être conscient.
  2. Le courant se propage le long de la membrane. Celui qui passe par l’axone, c’est tout ou rien (potentiel d’action). Celui qui se transmet par l’intermédiaire des dendrites est modulé quantitativement.
  3. L’hypothalamus latéral peut être considéré comme un « centre du plaisir ». Il est lié à l’approche. Si l’on fournit à un rat un levier relié à des électrodes permettant de stimuler cet endroit, l’animal passera son temps à actionner le dispositif. Dans bien des cas, il préférera cette activité à la nourriture, la boisson ou les relations sexuelles. Pour accéder au levier, il acceptera même de passer au travers d’obstacles douloureux. Mais toute médaille comporte aussi son revers. Il existe dans les structures médianes de l’hypothalamus, une partie communément nommée « centre de la douleur » ; un réseau de neurones s’inscrivant dans le cadre plus vaste de l’aversion et de l’évitement. José Delgado a montré qu’il était possible de contrôler les mouvements d’un taureau en agissant sur les électrodes qu’il avait implantées dans ce centre. Pour sa démonstration, il avait monté un spectacle où il apparaissait vêtu en torero. Armé de son seul stimulateur, il repoussait facilement les charges furieuses de l’animal.
  4. On appelle homéostasie le processus par lequel les conditions internes nécessaires à la vie sont maintenues constantes.