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Métallurgie générale/Les aciers II - technologie

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Les aciers II - technologie
Icône de la faculté
Chapitre no 3
Leçon : Métallurgie générale
Chap. préc. :Les aciers I - théorie
Chap. suiv. :Les aciers III - traitements de surface
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Métallurgie générale/Les aciers II - technologie
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Pourquoi choisir un acier ?

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Les aciers sont un excellent compromis entre propriétés mécaniques et disponibilité (donc coût matière et préservation des ressources). L'acier s'est imposé depuis la préhistoire car il a des propriétés intéressantes et est facile à obtenir (minerai et transformation). C'est presque la question inverse que l’on se pose : dans quels cas ne pas choisir l'acier, ou bien dans quels cas et par quoi peut-on le remplacer ?


L'acier est inadapté :

  • dans certains milieux physico-chimiques (corrosion), on utilise alors
    • du verre, des céramiques s'il n'y a pas de problème de choc,
    • des polymères (plastique) ou des matériaux composites, pour les températures modérées et s'il n'y a pas de problème d'abrasion,
    • d'autres métaux : alliages d'aluminium, de titane, superalliages à base de nickel ;
  • lorsque l’on veut une pièce de faible masse (réduire l'inertie, le poids à supporter) : alliages d'aluminium, de magnésium, de titane, polymères, matériaux composites ;
  • lorsque l’on veut une très haute dureté : céramiques ; de fait, pour l'usinage, les carbures — plaquettes de carbure sur porte-outil en acier, ou carbure monobloc pour les petits outils — ont quasiment totalement remplacé les aciers et permettent un gain de temps d'usinage appréciable ;
  • lorsque l’on veut une grande amplitude de déformation élastique (joints) : polymères.

Métallurgie primaire

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Filière minerai

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Implantation d'un haut fourneau
Schéma d'un haut fourneau

Le minerai de fer (iron ore) utilisé est en général composé d'oxydes (magnétite

Début d’une formule chimique

Fe3O4

Fin d’une formule chimique

, hématite

Début d’une formule chimique

Fe2O3

Fin d’une formule chimique

), d'hydroxydes (goethite

Début d’une formule chimique

Fe2O3

Fin d’une formule chimique

·

Début d’une formule chimique

H2O

Fin d’une formule chimique

, limonite 2

Début d’une formule chimique

Fe2O3

Fin d’une formule chimique

·3

Début d’une formule chimique

H2O

Fin d’une formule chimique

) ou de carbonates (siderite FeCO3).

La plus grande source de minerai de fer est l'hématite, présente sur tous les continents. On trouve la magnétite sous forme de dépôts sur des roches magmatiques (Chili) ou sous forme de bandes altrenées avec du quartz (taconite du Minnesota, épuisé depuis la Seconde Guerre mondiale). Les sulfures (pyrite FeS2, pyrrhotite FeS) ne sont pas utilisés en raison de la présence de soufre qui est un élément fragilisant.

Le minerai est traité dans un haut fourneau (blast furnace) : au démarrage, on remplit le haut fourneau d'un mélange de minerai, de coke (charbon de mine) et de castine, une roche riche en chaux, pour faciliter la fusion. On alimente en air chaud par le bas ; cela provoque une combustion incomplète du charbon qui dégage de la chaleur et du monoxyde de carbone

combustion du coke : 2Ccoke +
Début d’une formule chimique
O2
Fin d’une formule chimique
→ 2CO

la présence de monoxyde de carbone à haute température permet la réduction du minerai

réduction de l'hématite :
Début d’une formule chimique
Fe2O3
Fin d’une formule chimique
+ 3CO → 2Fe + 3
Début d’une formule chimique
CO2
Fin d’une formule chimique
.

Dans le procédé, le fer incorpore une quantité importante de carbone (carburation) du fait de la recombinaison du monoxyde de carbone

recombinaison du monoxyde de carbone et carburation : 2CO →
Début d’une formule chimique
CO2
Fin d’une formule chimique
+ Cincorporé

et forme de la fonte (cast iron, pig iron) qui s'écoule hors du haut fourneau. La castine et la gangue du minerai forment le laitier (slag), qui est récupéré et mis en valeur dans d'autres produits (ciments, remblai).

On alimente en continu le haut fourneau par le haut tandis que les coulées de fonte et de laitier en bas font descendre le niveau. C'est un processus à feu continu, qui n'est interrompu que pour les opérations de maintenance lourde.

Les gaz chauds en sortie du haut fourneau sont récupérés et servent à préchauffer l'air qui vient alimenter le haut fourneau.

La fonte obtenue est ensuite refondue et débarrassée de son soufre par un brassage violent avec un laitier riche en chaux ou en carbure de calcium :

Sacier + CaOlaitier → CaSlaitier + Oacier ;

on se débarrasse ensuite de l'oxygène en ajoutant de l'aluminium ou du silicium dans le laitier :

Silaitier + 2Oacier → SiO2 laitier.

Enfin, on enlève de la fonte une partie de son carbone par du dioxygène (affinage ou conversion)

2Cfonte + O2 gaz → 2COgaz

ce qui donne l'acier. Au cours de cette conversion, d'autres éléments sont éliminés (Mn, Si, P). On peut effectuer une seconde désulfuration après conversion.

Filière recyclage

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Principe du four à arc électrique

L'acier est facilement récupéré et trié, en particulier grâce à sa capacité à être attiré par un aimant. Toutefois, les « blocs » récupérés peuvent contenir d'autres métaux ; par exemple, les moteurs électriques contiennent une grande quantité de cuivre (bobinage).

La charge est mise dans un four à arc avec de la chaux pour aider à la fusion. L'arc électrique produit par les électrodes en graphite produit une chaleur suffisante pour atteindre la température de fusion du mélange ; on parle donc aussi « d'acier électrique ». On envoie du dioxygène afin d'oxyder les impuretés ; celles-ci,plus légères que l'acier, surnagent avec la chaux et forment un laitier qui est éliminé. L'acier est ensuite coulé dans une poche (immense creuset).

Cette filière représente 40 % de la production mondiale.

Pour le formage, on a intérêt à avoir un métal à faible limite élastique et grande ductilité, c'est-à-dire pour les aciers de l'austénite. On travaille donc en général au dessus de la température A3 pour le laminage et le tréfilage à chaud. Par ailleurs, le travail à haute température peut provoquer une recristallisation dynamique : la recristallisation se fait immédiatement après l'écrouissage, ce qui permet de ne pas faire de recuit et d'enchaîner les opérations de formage (trains de laminoirs par exemple).

Bien entendu, dans le cas d'un formage à chaud, les éventuels traitements thermiques se font après formage.

Si l’on est obligé de travailler à froid, comme dans le cas des inox (voir plus loin), on s'orientera vers un acier austénitique. On utilise aussi des aciers extra-doux pour le formage à froid (très basse teneur en carbone, moins de 0,02 %).

Formabilité
Type d'acier Énergie
(MJ/kg)
acier inox austénitique 5,7-8,3
acier inox duplex
acier ferritique
acier trempé

L'acier n’est pas le meilleur choix pour les pièces moulées, mais cette solution peut être un bon compromis entre complexité de la pièce et propriétés de l'alliage, en particulier résistance mécanique.

L'acier moulé n'a pas de texture de fibre contrairement à l'acier laminé ou tréfilé, mais il peut présenter des microporosités. Par ailleurs, il a une structure aciculaire (structure de Widmanstätten) qui le rend fragile et sensible à la corrosion, et qui nécessite le recours à un traitement thermique de normalisation. Par ailleurs, si le procédé de désoxydation utilise de l'aluminium, cela peut provoquer une fragilisation par précipitation d'AlN.

Sauf pour les petites pièces, on ne peut pas procéder à la trempe et au revenu. Les aciers faiblement alliés sont donc utilisés à l'état normalisé, et ont une meilleure ductilité et ténacité. On peut mouler des aciers inoxydables, mais le refroidissement en moule crée souvent une structure de grain grossière, que l’on ne peut pas régénérer si l'acier est austénitique (la régénération consistant justement à reformer de l'austénite, voir Les aciers I - théorie > Recuit).

L'acier trempé est très difficile à usiner. On fait donc les principaux usinages avant la trempe. Cependant, la trempe provoquant un gonflement de l'acier (environ 4 %), il faut réusiner derrière les surface demandant une tolérance serrée. Par ailleurs, en raison des contraintes générées par la trempe, il faut éviter les arrêtes vives qui provoquent des concentrations de contrainte ; les pièces à tremper ont donc de préférence des congés et bossages (arrondis).

Les tables de fraisage sont magnétique, ce qui permet de maintenir l'acier par adhérence et participe au bridage. Cependant, les aciers austénitiques (inox au chrome-nickel) ayant de faibles propriétés magnétiques (diamanétiques), on ne peut pas compter sur l'adhérence pour maintenir la pièce. Par ailleurs, ils sont assez difficilement usinables : en raison de leur grande ductilité, ils ont une énergie de rupture importante, et certains se transforment en martensite par écrouissage.

Usinabilité
Type d'acier Énergie
(MJ/kg de matière enlevée)
acier inox austénitique 6,2-13
acier inox duplex 6,2-11
acier ferritique 4-8
acier trempé 4,1-9,8

Pour des pièces de taille modeste, mais aussi pour de plus grosses pièces, on pourra noter la "découpe" de l'acier grâce à la technologie Laser. Cette technologie d'une vingtaine d'année de mâturité, continue de se développer comme une "nouvelle technologie" et mériterai d'être traité par un paragraphe complet, ou l'article qui lui est dédié sur Wikipedia.org : Découpe laser.

Impact environnemental

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Les différents types d'acier

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Classement des aciers

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On recense environ 3 000 nuances d'aciers. On peut les classer en diverses catégories[3].

Classement selon la composition
  • Aciers au carbone (plain carbon steels) : ils ne contiennent pas d'élément d'alliage, à l'exception éventuellement de manganèse à moins de 1 % ; ce sont des aciers à bas prix ;
  • aciers faiblement alliés (low alloyed steels) : ils ont des teneurs modérées en éléments d'alliage, qui ont pour but d'améliorer l'usinabilité (aciers de décolletage par exemple) ou de faciliter le durcissement par trempe ;
  • aciers fortement alliés (alloyed steels) : ils ont de fortes teneurs en éléments d'alliage ; ce sont essentiellement les aciers inoxydables (ou « inox ») et les aciers rapides spéciaux (ARS, high speed steels HSS).
Classement selon l'usage
  • Aciers plats au carbone : on recherche une bonne emboutissabilité (tôlerie, emballage), ils sont en général à basse teneur en carbone (< 0,05 %) ;
  • aciers de construction : on recherche une bonne soudabilité et une bonne résistance (construction navale, oléoducs, génie civil) ; ce sont en général des aciers au carbone contenant un peu de manganèse ;
  • aciers spéciaux à haute limite élastique : ce sont en général des aciers faiblement alliés, contenant du nickel, du chrome et du molybdène pour faciliter la trempe (aciers à outil, aciers rapides) ;
  • aciers inoxydables : ce sont des aciers fortement alliés, contenant en particulier au moins 10 % de chrome.
Principes de la désignation européenne

La norme européenne (EN 10027) classe les aciers en deux groupes et quatre sous-groupes

  • groupe 1 : aciers non-alliés d’usage général ;
  • groupe 2 : aciers spéciaux et aciers alliés :
    • sous-groupe 2.1 : aciers non-alliés spéciaux,
    • sous-groupe 2.2 : aciers faiblement alliés,
    • sous-groupe 2.3 : aciers fortement alliés,
    • sous-groupe 2.4 : aciers rapides spéciaux (ARS).

Elle utilise une désignation symbolique, qui permet de cerner les principales propriétés de l'acier, et une désignation numérique. La désignation numérique commence par « 1. » et est suivie de deux chiffres indiquant le groupe d'acier puis de deux autres chiffres. La désignation est précédée d'un G si l'acier est moulé (par exemple, le GS235 est un acier S235 moulé).

Les aciers de construction

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Il s'agit des d'aciers au carbone (non alliés) à bas prix ; on les surnomment « aciers à ferrer les ânes ». Ils ont une basse teneur en carbone afin de favoriser leur soudabilité (éviter la formation de carbures) ; ils ne prennent donc pas la trempe et ont une limite élastique limitée (< 400 MPa). On limite également la teneur en impuretée toujours pour assurer leur soudabilité : lors de la solidification, les impuretées ségrègent aux joints de grain et provoquent une fragilité à chaud (eutexie) et à froid.

Dans la norme européenne, on les désigne par une lettre (S pour les aciers de structure, E pour les aciers de construction mécanique, P pour les appareils à pression) suivi de la limite élastique exprimée en mégapascals (MPa). La désignation numérique commence par 1.00xx. Par exemple :

S185 (désignation numérique 1.0035) : acier non-allié de construction à limite élastique garantie de 185 MPa

On peut ajouter des symboles pour préciser certaines propriétés, par exemple S235 J0 désigne un S235 ayant une énergie de rupture garantie à 0 °C (problème de fragilité à froid). Les aciers les plus utilisés sont :

  • S235 (1.0037) pour les poutres et les tôles ;
  • P295GH (1.0481) pour les appareils sous pression à chaud.

Dans l’industrie, on utilise fréquemment l'ancienne désignation française. Celle-ci indique soit la limite élastique Re en kilogramme-force par millimètre carré (1 kgf/mm210 MPa) précédée d'un E, soit la résistance à la traction Rm précédée d'un A, par exemple

E24 (NF) = S235 (EN)
A48AP (NF) = P295GH (EN)

On utilise souvent la dénomination « TC » (tôle commerciale) pour le S235.

Les aciers non-alliés pour trempe

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Ce sont des aciers au carbone prenant la trempe, c'est-à-dire formant de la martensite ou de la bainite, donc à teneur en carbone supérieure à 0,3 %. Mais la trempabilité est assez médiocre, il faut donc une vitesse de refroidissement rapide, et les pièces massives ne prennent pas la trempe à cœur, on n'a qu'une trempe superficielle. On peut utiliser des aciers avec des teneurs en carbone plus basses, par exemple 0,2 %, à condition d'enrichir la surface en carbone (cémentation).

La désignation symbolique commence par un C suivi de la teneur en carbone multipliée par 100. La désignation numérique commence par 1.11xx ou 1.12xx. Par exemple :

C35 (1.1181) : acier contenant 0,35 % de carbone.

L'ancienne désignation française utilisait un préfixe XC ou CC, selon la teneur en impuretés garantie. Par exemple

XC38 (NF) = C35 (EN)

On remarque une petite différence dans les valeurs. Il faut voir que d’une part les valeurs sont des moyennes, la teneur réelle pouvant être dans une fourchette, et que d’autre part une différence de 3 unité correspond à une différence de 0,03 %

On trouve également relativement souvent les désignations étatsuniennes (SAE/AISI). La nuance 10xx correspond à un acier à 0.xx % de carbone, par exemple

1050 (SAE/AISI) = C50 (EN)

Dans le langage courant, on parle souvent de « tôle bleue », ce qui désigne en général un C75 ou C90 (anciennement XC75 ou XC90).

Notons que l'acier C80 est un acier eutectoïde (l'eutectoïde est à 0,77 % de carbone). Les aciers à plus faible teneur sont hypoeutectoïdes (C35, C50, …), les aciers C20 et C30 nécessitent une cémentation, et les aciers à plus forte teneur sont hypereutectoïdes (C90, …).

Les aciers faiblement alliés pour trempe

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Ce sont des aciers dont aucun élément d'alliage n'a de teneur supérieure à 5 %. L'addition de nickel, chrome (gammagènes) et molybdène (carburigène) permet une trempe à cœur de pièces massives, ou bien une trempe ne nécessitant pas de refroidissement trop rapide, comme une trempe à l'air (acier dit « autotrempant », il prend la trempe lors de la solidification). Ce sont des aciers à haute limite élastique : acier à outil, à roulement, à ressort.

La désignation symbolique commence par la teneur en carbone multipliée par 100 suivi de la liste des éléments d'alliage, puis des teneurs, par ordre décroissant. Les teneurs étant faibles, elles sont multipliées par une facteur dépendant de l'élément : facteur 4 pour les principaux éléments (Cr, Ni, Mn), facteur 10 pour les éléments en plus faible teneur (Mo, Al, Ti, Nb). La désignation numérique commence par 1.20xx à 1.31xx, 1.35xx à 1.39xx et 1.50xx à 1.89xx. Par exemple :

36NiCrMo16 (1.6773) : acier faiblement allié contenant
  • 36/100 = 0,36 %m de carbone,
  • 16/4 = 4 %m de nickel,
  • ainsi que du chrome et du molybdène.
100Cr6 (1.35053) : contient
  • 100/100 = 1 %m de carbone,
  • 6/4 = 1,5 %m de chrome.

L'ancienne désignation française, encore très utilisée, utilisait les « symboles métallurgiques » à la place des symboles chimique : N pour le nickel, C pour le chrome, D pour le molybdène, S pour le silicium, … Par exemple

35NCD16 (NF) = 36NiCrMo16 (EN)
100C6 (NF) = 100Cr6 (EN)

Voici quelques exemples d'aciers pour les applications les plus courantes ;

  • pièces de sécurité, résistance aux chocs : 30NiCr11 (1.5737, anciennement 30NC11), 17NiCrMo6-4 (1.6566, anc. 18NCD6), 36NiCrMo16 (1.6773, anc. 35NCD16) ;
  • applications à basses températures : 20NiCrMo7 (1.3576, anc. 18NCD6) ;
  • roulements, ressorts : 100Cr6 (1.3505, anc. 100C6) ;
  • résistance à l'abrasion : acier trempé avec une dureté de 400 HB (soit une résistance à la traction Rm = 1 350 MPa).

Il existe également des nuances non normalisées avec des propriétés particulières, par exemple

  • acier résistant à l'abrasion : Creusabro 4000 de Creusot-Marrel/Arcelor Mittal (dont la désignation serait 20CrMnSi5-4), qui durcit en service (la dureté passe de 360 HB à 430 HB à l’écrouissage) et permet donc un usinage plus facile.

Les aciers de décolletage

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Le décolletage est une méthode de production à haute vitesse, pour les grandes séries. Il faut donc des aciers facilement usinables, et qui en revanche ont une mauvaise tenue mécanique. On améliore l'usinabilité en ajoutant du soufre, parfois du plomb mais uniquement à faible teneur, les nuances à forte teneur en plomb (jusqu'à 0,35 %) sont amenées à disparaître.

Ces aciers suivent la même nomenclature que les aciers faiblement alliés, mais sont considérés comme des aciers au carbone en raison de la très faible teneur en éléments d'alliage. Les facteurs typique pour la dénomination sont de 10 pour le Pb et de 100 pour le S, par exemple :

  • 9SMnPb37 : acier à 0,09 % de C et 0,37 % de S ;
  • 44SMn28 (1.0762) ;
  • 44SMnPb28 (1.0763).

Les aciers inoxydables

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Les aciers inoxydables, ou « inox », sont des aciers à haute teneur en chrome (supérieure à 10 %) ; le chrome s'oxyde (

Début d’une formule chimique

Cr2O3

Fin d’une formule chimique

) et forme une couche passive, protectrice. Ce sont donc des aciers fortement alliés.

Les inox doivent se travailler à froid. En effet, l'oxydation augmente avec la température, il se forme donc une couche d'oxyde de chrome d'épaisseur importante qui d’une part est inesthétique, et qui d’autre part consomme le chrome proche de la surface. Si cette couche se dégrade, l'acier superficiel ne contient plus de chrome et ne peut pas se repassiver, il rouille. Pour éviter ce phénomène

  • la soudure se fait sous atmosphère protectrice (en général argon), et la soudure est décapée avec une pâte à base d'acide fluorhydrique pour éliminer la couche superficielle déchromée ;
  • le formage se fait à froid, donc pour des tôles d'une épaisseur de 3 mm et plus, on utilise un acier austénitique, obtenu par un ajout important de nickel (environ 10 %).

Par ailleurs, la structure austénitique a une meilleure résistance aux milieux chlorurés, en particulier marins.

Le problème de l'austénite est sa faible limite élastique, ce qui nécessite une épaisseur importante pour la tenue mécanique. On s'oriente vers des aciers austéno-ferritiques, dits aciers duplex : la présence de ferrite augmente la limite élastique et donc diminue la quantité d'acier à utiliser, donc la masse et le prix des pièces. Ces aciers ont en outre d'excellentes propriétés contre la corrosion, en particulier en milieu chloruré (marin). Les premières nuances ont été élaborées en Suède et portaient le nom d'Uranus. Les procédés d'obtention et de soudage doivent être très bien contrôlés afin de conserver la structure duplex (soudage sous atmosphère carburante avec une vitesse d'avance précise pour obtenir la quantité de ferrite nécessaire).

On utilise des aciers bas carbone, pour éviter la formation de carbures de chrome Cr23C6 aux joints de grain qui consomment le chrome et permettent une attaque des joints de grain (corrosion intergranulaire) ; on peut aussi ajouter des carburigènes (Mo, Ti, Nb) pour piéger le carbone. C'est particulièrement important pour les aciers utilisés en milieu marin.

Les inox ferritiques sont les moins chers. Ils sont utilisés pour des pièces de faible épaisseur, comme par exemple les couverts, les tôles d'appareils ménagers. Les inox austénitiques sont plus chers, mais ce sont aussi les plus courants. On utilise des inox martensitiques lorsque l’on veut une dureté importante.

La désignation européenne commence par un X ; suit la teneur en carbone multipliée par 100, puis la liste des éléments d'alliage et la liste des teneurs en %, par ordre décroissant. La désignation numérique commence par 1.40xx à 1.49xx. Par exemple :

X2CrNiMo17-12-2 (1.4404) : acier fortement allié contenant 0,02 % de carbone, 17 % de chrome, 12 % de nickel et 2 % de molybdène.

L'ancienne norme française commençait par un Z, et l’on utilisait les symboles métallurgiques, par exemple :

Z 3 CND 17-11-2 (NF) = X2CrNiMo17-12-2 (EN)

Les aciers dits « 18-10 » sont des aciers avec environ 18 % de chrome et 10 % de nickel, et correspondent aux nuances EN X5CrNi 18-10 et X2CrNi 18-10. Par ailleurs, on utilise fréquemment la désignation étatsunienne (AISI) qui se compose d'un nombre de trois chiffres, suivi d'un « L » pour les nuances bas carbone (low carbon). Par exemple, pour les nuances les plus utilisées :

Ferritique
  • AISI 403 = X6Cr13 (1.4000)
  • AISI 430 = X6Cr17 (1.4016)
  • AISI 434 : X6CrMo17-1 (1.4113)
Austénitiques
  • AISI 304 = EN X5CrNi18-10 (1.4301), « acier 18-10 »
  • AISI 304L = EN X2CrNi18-9 (1.4307), « acier 18-10 bas carbone »
Austénitiques pour milieu marin (au molybdène)
  • AISI 316 = EN X5CrNiMo17-12-2 (1.4401), « acier 18-10 au molybdène »
  • AISI 316L = EN X2CrNiMo17-12-2 (1.4404), « acier 18-10 bas carbone au molybdène »
Austénitique stabilisé au titane
  • AISI 321 = EN X6CrNiTi18-10 (1.4541)
Martensitique (pour trempe)
  • AISI 420 = X20Cr13 (1.4021)
Maraging
  • EN X2NiCrMoTi10-10-5 (1.6908)
Duplex (austéno-ferritique)
  • AISI 2205 = X2CrNiMoN 22-5-3 (1.4462)
  • AISI 2507 « SuperDuplex » = X2CrNiMoN 25-7-4 (1.4410)

Les aciers fortement alliés pour trempe et aciers rapides spéciaux

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On utilise dans certains cas des aciers fortement alliés pour trempe. Notons par exemple des aciers au manganèse Hadfield (ou mangalloys), p. ex. X120Mn12 (1.3401), que l’on rend austénitique par hypertrempe. Lors de chocs, il devient martensitique (l'austénite métastable se transforme à l'écrouissage) ce qui donne une couche extérieure très dure et un cœur qui reste très ductile et tenace, donc résistant à la propagation de fissure. Cette transformation à l'écrouissage le rend difficilement usinable, il est donc en général utilisé moulé.

Mais la plupart des aciers fortement alliés pour trempe sont ce que l’on appelle des aciers rapides spéciaux (ARS) : ce sont des aciers pour des outils à forte vitesse de coupe (perçage, fraisage, tournage) ; ce sont des aciers martensitiques (pour la dureté) fortement alliés. Une vitesse de travail élevée implique un échauffement important qui peut provoquer une revenu, il faut donc qu’il conservent la trempe à haute température. On ajoute toujours les mêmes éléments d'alliages, donc la désignation commence par HS (high speed steel) suivi des teneurs en % de tungstène, molybdène, vanadium et cobalt (dans cet ordre W-Mo-V-Co). La désignation numérique commence par 1.32xx (avec cobalt) et 1.33xx (sans cobalt). Par exemple :

HS2-9-1-8 (1.3247) : acier rapide contenant 2 % de tungstène, 9 % de molybdène, 1 % de vanadium et 8 % de cobalt

Parmi les nuances courantes, citons aussi les HS6-5-2 (1.3343), HS6-5-2-5 (1.3243), HS6-5-3 (1.3344), HS6-7-6-10 (1.3241).

L'ancienne norme française utilisait la désignation des aciers fortement alliés classiques, par exemple

Z85WDKCV 06-05-05-04-02 (NF) = HS 6-5-2-5 (EN)

Il s'agit d'un chapitre destiné à donner une culture générale sur les différents types d'acier et leur élaboration. La partie métallurgie primaire permet de voir l’intérêt des sciences fondamentales (électrochimie, thermodynamique). Il n'y a donc pas à proprement parler d'éléments à mémoriser ; il s'agit plus d'un chapitre ressource à utiliser en situation.

Note didactique

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Le cours a été conçu pour des étudiants français, et met donc l'accent sur la désignation européenne et l'ancienne désignation française. Pour des étudiants francophones non français, et en particulier non européens, on adaptera les désignations utilisées.

  1. Lester Brown (Worldwatch Institute), Plan B 2.0, New York, W.W. Norton, 2006, p. 109 
  2. 2,0 et 2,1 logiciel CES EduPack 2007, Granta Design Limited http://www.grantadesign.com/
  3. Philibert et col. (1998) p. 744