Littérature de jeunesse en anglais : Eleanor Fortescue-Brickdale, Le conte de Fleur et Blanchefleur/Fausses funérailles

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Quittons Blanchefleur en route pour Babylone et retournons à la Cour du Roi Fenix et de sa Reine.

Le Roi fut enchanté quand les deux marchands lui remirent le trésor offert pour la vente de Blanchefleur mais la Reine était inquiète : « Notre fils va en mourir de chagrin si nous ne trouvons pas une solution. » Suite à cette demande de son épouse, le Roi eut l'idée de faire faire une très belle tombe en ivoire, en marbre et en cristal et d'y déposer un cercueil où étaient représentés deux enfants ressemblant à Fleur et Blanchefleur. Chacun d'eux portait une couronne d'or et sur celle de Fleur était incrustée une escarboucle étincelante visible de jour comme de nuit. Il avait aussi fait installer de longs tuyaux dans lesquels le vent s'engouffrait et semblait pousser les enfants à s'embrasser comme en jouant ; quand il n'y avait pas de vent, ils restaient immobiles, chacun d'eux tendant à l'autre un bouquet de fleurs et tout ceci avait l'apparence de la vie même.
Jamais on ne vit plus belle tombe car elle était incrustée de mille pierres précieuses, saphirs, calcédoines, améthystes, topazes, turquoises, jaspes, chrysolites, diamants et zircones. Elle portait en lettres d'or cette inscription :

« Ici gît Blanchefleur, qui aima le jeune Fleur
d'amour pur et tendre. »

Quand tout fut terminé, le Roi Fenix demanda à son peuple de ne pas dire un mot sur le fait que Blanchefleur avait été épargnée et n'était pas enterrée dans cette tombe ; il fit revenir son fils de Montorio. Ravi de revenir, ignorant tout ce qui s'était passé en son absence, Fleur revint au palais saluer ses parents ; mais, quand il demanda des nouvelles de Blanchefleur, personne n'osa lui répondre. Il se précipita dans la chambre de sa mère où il l'avait vue pour la dernière fois en lui demandant où elle se trouvait. Elle lui répondit :
– Fleur, j'ignore où elle se trouve.
– Vous plaisantez ? Où se trouve-t-elle depuis ces trois longues semaines où nous avons été séparés ?
– Elle est morte et enterrée, répondit sa mère.
À ces mots Fleur tomba à terre, comme frappé d'un coup de massue et, terrorisée, la mère de Blanchefleur poussa un cri qui résonna dans tout le palais. Le Roi et la Reine se précipitèrent, horrifiés de voir le corps de leur fils sans vie étendu sur le sol.

Quand il revint à lui, ni les prières, ni les menaces ne vinrent à bout de la violence de son chagrin. Il demanda à voir sa tombe et la Reine le conduisit au cénotaphe où elle était censée reposer. En lisant l'inscription en lettres d'or, il perdit connaissance à trois reprises et, quand il finit par revenir à lui, il se mit à genoux sur la tombe en pleurant :
« Hélas, ma Blanchefleur ! Pourquoi m'as-tu abandonné ? Nous qui avions vécu et aimé de concert, ne devions-nous pas mourir de même ? Pauvre de moi, qui demeure ainsi abandonné par son amour ! Oh, Mort cruelle, pourquoi as-tu emporté ma chérie ? Pourquoi tarder de la sorte ? Viens m'emporter ou bien je vais m'y rendre moi-même et rejoindre mon aimée dans les champs lumineux et brillants où repose l'âme de Blanchefleur parmi les fleurs ! »
Après ces lamentations, Fleur se releva et, saisissant un stylet d'or, s'écria :
« Ce stylet, ce cadeau de départ, est tout ce qui me reste de toi ma Blanchefleur, il sera mon seul réconfort en me séparant d'un monde où je ne puis survivre sans toi. »

En disant ces mots, il allait se poignarder le cœur quand la Reine sa mère lui arracha l'arme des mains en criant :
« Quelle folie ce serait de perdre votre vie par amour ! Ce geste ne saurait vous conduire aux champs de fleurs où repose Blanchefleur ; vous seriez envoyé dans l'enfer des chagrins éternels où les amants tragiques Pyrame et Thisbé furent condamnés à errer à jamais pour ce crime, sans trouver le réconfort qu'ils n'avaient pu trouver en amour. Courage, mon enfant, car j'ai le pouvoir de rappeler votre Blanchefleur à la vie. » La Reine, désespérée par le geste de son fils, s'en fut trouver le Roi et, en lui montrant le stylet d'or, lui dit : « Messire, ayez pitié de votre enfant, car il a failli se donner la mort avec cette arme si je n'avais retenu son bras à temps. Messire, c'est notre seul enfant, s'il venait à mourir, quelle perte irrémédiable ce serait pour nous deux ! Dites-moi sire ce qu'il faut faire ? »
Devant les supplications de sa reine, le Roi Fenix lui répondit : « Allez consoler Fleur en lui révélant que Blanchefleur est vivante. »

Ravie de cette décision et d'être porteur de ce message, la Reine se précipita pour annoncer la nouvelle à son fils ; elle le prit à part et lui confia :
« Cessez de pleurer mon enfant, la vérité est que votre amour est vivante et ne repose pas dans cette tombe. »
Elle ouvrit le cercueil vide et lui raconta comment ils l'avaient envoyé à Montorio pour l'aider à oublier Blanchefleur, cette esclave chrétienne, pour choisir à la place une épouse de race royale. Puis, constatant qu'il lui demeurait fidèle, son père avait décidé de la tuer, puis cédant aux prières de son épouse, il avait fini par l'épargner et la vendre à l'étranger contre son poids d'or.
Debout devant cette tombe vide, Fleur fut transporté de joie et fit le vœu de parcourir le vaste monde jusqu'à ce qu'il la retrouve ou d'en mourir.