La bureaucratie/Pensée et expérience
De l’observation de la société allemande sous le régime nazi, H. Arendt conclut qu’il est plus aisé de convaincre les gens d’accepter ou même de commettre des atrocités plutôt que de les amener à tirer des leçons de leur expérience de la réalité.
Les gens sont finalement peu enclins à admettre les expériences très concrètes qui contredisent les catégories de pensée qui sont profondément ancrées dans leur esprit.
Par exemple, beaucoup de gens pensent qu’il n’y a pas de sens à parler de répression politique en France. Cette opinion est sous-tendue par la représentation solidement ancrée de la France comme État de droit pleinement démocratique. C’est oublier qu’en la matière ce sont avant tout les faits qui comptent : criminalisation des représentants syndicaux et des manifestants ; utilisation d’armes qui tuent, blessent, mutilent à l’encontre des manifestants ; lois sur le renseignement, sur l’interdiction de manifester, sur la pénalisation des lanceurs d’alerte…
Notons que cette imperméabilité de la pensée aux informations contradictoires correspond sur un autre plan aux qualités procédurales et formalistes de l’action bureaucratique. Typiquement, le bureaucrate dispose d’un ensemble de règles qu’il doit appliquer à chaque nouveau cas particulier qu’il a à traiter. C’est ainsi qu’il préjuge de chaque nouvelle situation, sur la base de ce qu’il a acquis par avance.