Introduction à l'étymologie du français/Les différentes langues
Il s'agit désormais, passés ces principes généraux, d'examiner les différentes langues qui constituent le français.
Langues mères
[modifier | modifier le wikicode]Latin
[modifier | modifier le wikicode]Dans son Histoire du vocabulaire français, le médiéviste Olivier Bertrand consacre un chapitre au latin. Comme évoqué au chapitre 1, le latin se décline en forme populaire et forme classique. Les mots du latin populaire donnèrent souvent leur équivalent français (stella = étoile), là où les mots du latin classique donnèrent plutôt les mots plus scientifiques ou technique (sidus donne sidéral). Idem pour terra (terre) et tellus (tellurique). Certaines évolutions sont d'ordres phonologique : ainsi, -atio donne souvent -aison : c'est le cas dans raison, déclinaison. Il existe cependant ation (intubation…). Le latin chrétien est à l'origine de nombreux mots français : le verbe parler, qui se dit loqui (et qui donne "loquace") en latin classique, existe sous la forme parabola (une parabole désigne un récit, une fable racontée par le Christ). C'est bien le mot parabola qui donne le terme parler.
Il faut donc se souvenir que "latin" est un terme très générique, qui couvre une langue de grand empan historique et diffusée sur de nombreux territoires. Latin classique, latin populaire et latin chrétien constituent autant de matériaux de base pour le français. Le latin est à l'origine de la majorité du vocabulaire français.
Grec
[modifier | modifier le wikicode]Les mots d'origine grecque sont plus rares que ceux d'origine latine. Il s'agit plus souvent d'emprunts, de néologismes créés par des scientifiques que de mots parvenus à nous "naturellement". C'est le cas de "téléphone", par exemple. Un autre exemple de racine latine est iso- (égal) dans isocèle ou isonomie (avec nomos qui signifie loi, c'est l'égalité des citoyens face à la loi, notion de civilisation grecque). La racine -polis, la cité, se retrouve dans des termes géographiques comme métropole. Au sujet des mots cité et citoyen, Benveniste note qu'en grec et en français, le mot "citoyen" dérive du mot "cité", alors qu'en latin, c’est l'inverse : la civitas dérive du civis. Racines grecques et racines latines sont rarement mélangées, un contre-exemple serait "sociologie" (du latin socius et du grec logos, discours ou raison), créé par Auguste Comte. L'orthographe française est souvent fidèle au grec, comme le ph au lieu de f (racine phil-, dans philanthrope ou philosophie), ce qui n'est pas le cas dans les langues sœurs du français (filosofia en italien).
Ancien français
[modifier | modifier le wikicode]C'est la langue du huitième au quatorzième siècle. C'est l'ancêtre des langues d'oïl, dont le français (les langues d'oïl sont les langues régionales du Nord de la France, qui correspondent à la façon dont on disait "oui", par opposition aux langues d'oc du Sud, le toponyme (nom de lieu) Languedoc provient de ces langues d'oc). Son importance est très grande pour comprendre l'histoire du français, et, de fait, l'ancien français est une matière obligatoire au CAPES de français, aux agrégations de lettres (classique ou moderne) et de grammaire.
Gaulois
[modifier | modifier le wikicode]Le gaulois n'est pas si présent que cela en français, mais il reste que certains mots français sont d'origine gauloise. Le gaulois est une langue celtique indo-européenne, comme le breton ou le gaélique irlandais ou écossais. Le gaulois et le latin ont une parenté lointaine : ainsi le mot alto (gaulois) et altus (latin), ou rix (comme dans astérix !) et rex se ressemblent. Il existe environ cent-cinquante mots issus directement du gaulois (sachant que le gaulois influença aussi le bas-latin). Le vocabulaire de la botanique (chêne, bouleau…), des animaux (mouton, truie…), de la campagne (chemin, galet…), de l'artisanat et l'agriculture (jachère, charpente, charrue…), des vêtements (braie, béret), la nourriture (cervoise, crème…). Des toponymes français ont souvent des affixes hérités du gaulois : c'est le cas de Cambo- qui signifiait courbe, que l’on retrouve dans Chambord et Chambéry. Dans Brive-la-Gaillarde, briva signifie pont en gaulois.
Langues régionales
[modifier | modifier le wikicode]D'après le linguiste Bernard Cerquiglini, on ressence soixante-quinze langues en France métropolitaine et d'outre-mer. Il s'agit de dialectes, variétés linguistiques d'une langue. Le linguiste yiddish Max Weinreich fait connaître la citation "une langue est un dialecte avec une armée et une flotte", qui sous-entend qu'une langue est un dialecte comme un autre. En revanche, le mot "patois" désigne un dialecte voué à disparaître car peu appris ou parlé par les générations aînées uniquement. Le terme "patois" provient du verbe ancien français "patoyer", qui signifier "gesticuler" (de patte + -oyer). Il est assez péjoratif.
Plusieurs mots français proviennent de langues régionales. Le breton donne "bijou", le mot biz désignant un doigt et le mot bizou, l'anneau pour le doigt. Le mot "plouc" vient de toponymes bretons, c'est une manière péjorative de désigner les habitants des villes commençant par plou. Dans une vidéo, Monté de la chaîne Linguisticae énumère huit mots empruntés de l'alsacien (chope, chnoque…). Les langues d'Occitanie et le provençal donnent kézaco, dorade, salade, abeille et amour (de l'occitan amor).
Langues sœurs
[modifier | modifier le wikicode]Les autres langues romanes sont à l'origine de mots en français. L'espagnol (voir le Wiktionnaire ) est à l'origine de moustique (de mosca, petite mouche), de pacotille et de compliment. L'italien donne banque, de banca (le comptoir de vente), cantatrice, grotesque… Sans parler des réalités culturelles de ces langues (corrida, pizza…).
Autres langues
[modifier | modifier le wikicode]Certains mots proviennent de langues germaniques. On pense aux emprunts de l'anglais, comme baby-sitter ou ce que l'on appelle les anglicismes (ASAP…). D'autres langues, comme l'allemand (bivouac est issu du suisse allemand, calèche, zinc…) ou le néerlandais (kermis = messe festive, donne kermesse), sont cependant à l'origine de certains mots. Encore une fois, un mot peut être issu d'une langue car il décrit la culture de cette langue, c'est le cas de leitmotiv en allemand (motif musical notamment utilisé par Wagner). Ainsi, des mots comme yoga, geisha, ou vahiné ne se francisent pas. Le mot espéranto homaranismo (homo = être humain, -ar- = ensemble, donc ici humanité, -an- = membre, ism- = idéologie, o = marqueur de nom) correspond à une idéologie humaniste, d'amour universel et du fait de se sentir membre de l’humanité. Le français le traduit homaranisme, c’est un concept lié à la culture espérantophone. Une expression d'hébreu biblique, qui désigne le chaos originel, donna tohu bohu, qui acquit le sens de désordre en général. Plusieurs plantes et animaux ont des noms qui proviennent de langues amérindiennes, comme chocolat ou cobaye. Il existe de nombreux mots français issus de l'arabe. Les mots chiffre et zéro ont la même étymologie, dans cette langue. Le luth vient de l'oud, mutiler est aussi d'origine arabe (mot de même sens), sorbet aussi (bien que transmis par le turc). Le russe donne bistro, icône ou encore yourte.