Amphitryon 38/Acte I scène 5, commentaire no 1
Voir l'extrait et le plan du commentaire.
Introduction
[modifier | modifier le wikicode]En 1929, Jean Giraudoux, écrivain et diplomate français, publie Amphitryon 38. L'auteur, aujourd'hui connu pour ses pièces de théâtre comme La guerre de Troie n'aura pas lieu en 1935 et Electre en 1937, a écrit ce comédie en trois actes pour fournir la trente-huitième et dernière version du mythe d'Amphitryon, d'où le titre de la pièce. Dans la cinqième scène du premier acte, le dieu Jupîter métamorphose en être humain bien qu'ayant un dialogue avec son valet Mercure. Ce processus de transformation n'est pas seulement biologique mais aussi de nature spirituelle.
Questions possibles
[modifier | modifier le wikicode]- Quelles sont les objectifs de l’auteur dans cette scène de métamorphose ?
Une situation comique
[modifier | modifier le wikicode]Des dieux désacralisés
[modifier | modifier le wikicode]En premier temps, la situation comique peut être caractérisé par les dieux désacralisés, créant des personnages de comédie à partir des idoles vénérés. La hierarchie entre le maitre et son valet se trouve souvent dans les comédies classiques et, dans ce cas, est présent entre Mercure et Jupiter. L'usage des pronoms personnels à la deuxième personne « tu » pour désigner Mercure par Jupiter et « vous » pour désigner Jupiter par Mercure est un exemple de cette relation maitre-valet. La domination de Mercure sur la dialogue est définie par la pratique des phrases impératifs à la valeur de l'ordre comme « changez ces yeux de chat ! », « resserrez un peu votre sac humain » et aussi par des phrases averbales comme « à la peau maintenant ! » et « trop douce, votre peau… ». Ce dernier renforce l'idée que Mercure prévaut dans ce genre de discussion. Ceci est également prouvé par l’utilisation du langage familier comme « sac humain », « flottez », « oh ! oh ! » et « la ! la ! ». En revanche, les phrases interrogatives et même averbales par Jupiter démontrent que le roi des dieux n'est pas le maitre de son apparence, comme « Mes yeux sont bien ? », « les prunelles ? » et « À ma peau ? ». Ceci crée une dépendance sur son valet Mercure et rend Jupiter subordonné comme s'il soit étudiant.
La sensitivité de Jupiter par son apparence est en effet une préoccupation triviale et prosaïque, caractérisée par une vocabulaire concret du corps humain : « uniforme », « fixatif », « yeux », « prunelles », « peau »… Les phrases averbales dans les répliques de Mercure soulignent le fait qu'il est à l’aise, sans doute plus que son maitre, dans cette situation, par exemple : « plus lentement », « un peu vite ». Cette renversement de la dynamique de pouvoir crée un effet burlesque qui sert à ridiculiser les dieux et les réduire au niveau du peuple commun avec tous les défauts du comportement humain de manière comique.
Une métamorphose laborieuse
[modifier | modifier le wikicode]En second temps, il est clair dans cet extrait que Jupiter manque de maitrise, précisé par la présence du champ lexical de l'inconfort comme « gêne », « déagréable » et « très curieux » ; ce dernier désignant le fait qu'être dans un corps humain est très étrange et artificiel. Sa nécessité de Jupiter de se réaffirmer comme partie dominante dans le dialogue est marquée par son usage des phrases impératives par des négations pour limiter les actions de Mercure et réitérer son contrôle de la situation, par exemple « ne commandez pas », « n'ont là que », « ne preniez pas » et « ne disaient rien ». Par contre, Jupiter n'est pas capable de donner des ordres précis mais plutôt de manière arbitraire en utilisant des adverbes d'intensité comme « trop » et « peu ».
Le texte décrit progressivement, à travers le dialogue, une métamorphose laborieuse et lente pour Jupiter en devenant un être humain, du champ lexical du corps comme « yeux », « peau », « cœur », au vocabulaire de l'âme comme « esprit » et « psychologie ». L'usage des verbes modaux comme « peut », « doit », « faut » et « avoir à » exprime le fait que Mercure domine la conversation de manière épistémique en coordonnant la métamorphose de Jupiter. La présence d'énonciation, comme « maintenant » et « voilà », détaille en effet ce processus lent de manière chronologique pour souligner sa vitesse relative par rapport aux personnages Mercure et Jupiter.
Transition
[modifier | modifier le wikicode]Cette transition d'un dieu à un être humain permet aussi à Jupiter, et par extension à l'auteur, d’exprimer sa réflexion sur la condition humaine.
Une réflexion sur la condition humaine
[modifier | modifier le wikicode]Un corps mortel plein de faiblesses
[modifier | modifier le wikicode]Premièrement, le dialogue entre Mercure Jupiter cherche à critiquer le corps humain avec ses faiblesses intrinséques en le comparant avec l'animal commun. En effet, l'usage des antithèses permet d'établir un rapport entre ces deux êtres vivants que les dieux ne peut pas distinguer. Par exemple, « un peu vite »/« trop espacés » postule que l’être humain n’est pas parfait et ne le sera jamais. Un autre est « la lumière des yeux terrestres correspond exactement à l'obscurité dans notre ciel », qui remarque que ce que les humains percoivent comme bien est en réalité mauvais aux yeux des dieux.
Les propositions infinitives exprimées par Mercure et par Jupiter soulignent la passitivité humaine dans le corps métamorphosé de Jupiter en plaçant la partie du corps dans la position d'objet avant un verbe à l'infintif, le donnant donc le premier plan et réluguant l'âme mortel au fond. Par exemple, « voilà que je sens mon cœur battre » et « je vois vos cheveux pousser ». En effet, les organes sont plus actives que la personne et selon la réification de Jupiter, le fait qu'« [il se] sens devenir un filtre ».
Les dieux n'arrêtent pas de se rappeler que l'être humain est mortel. Il y a une dégradation permanente liée à l'effet du temps, décrite par l'usage du présent de l’indicatif comme « change » de vérité générale, « essayons », « vais » de futur proche et « vivez » d’énonciation. Une description du vieillissement est aussi présente dans cet extrait pour rappeler les dieux, ainsi que le spectateur que la mort est inévitable, par le chiasme « vos cheveux pousser, vos ongles s'allonger, vos rides se creuser… ».
Un esprit étriqué
[modifier | modifier le wikicode]Deuxièmement, les dieux considèrent l'esprit humain comme étriqué et inconscient. En effet, ils construisent des pensées peu élaborées par l'usage des pléonasmes dans les répliques de Jupiter lorsqu'il est métamorphosé en être humain. Par exemple, « l'air et l'air » et « simplement ». Ils répètent des termes qui n'apportent rien d'autre que le fait que les humains ont une compréhension limitée du monde qui les entoure. D'autre part, l'antithèse dans l'usage de « oui » et de « non » démontre que les humains sont indécis et renforce l'idée qu'ils ne peuvent pas développer leurs propres opinions constructives.
Par ailleurs, ils font valoir que les êtres humains sont orgueilleux et égocentriques. Ces caractéristiques sont exprimées par les comparatifs de supériorité qui servent à établir une relation hiérarchique entre des humains et des autres qu'ils perçoivent comme inférieurs qu’eux, par exemple « plus beau qu’Apollon, plus brave et plus capable ». La présence des hyperboles dans l'extrait élargit, de manière artificielle, l'image d'un être humain pour mettre en évidence leur complexe de supériorité inhérent, au point où ils prétendent être « maitre des dieux ». Avant cette déclaration, Jupiter, sous forme humaine, emploie l'accumulation « je me crois, je me vois, je me sens » dans la même phrase. Cette figure de style décrit comment un être humain formule leur avis de manière graduée et qu'il s'agit donc d'une question de critique par les dieux, que l'être humain ne se considère lui-même.
Fondamentalement, les défauts qu'on observe chez l’esprit humain sont basés sur deux aspects : la superficialité de son égo et l'inconstance de sa pensée. L'idée que les humains se soucient plus de ce que les gens voient à l'extérieur qu'à l'intérieur peut être résumée par la phrase « Avez-vous le désir de séparer vos cheveux par une raie et de les maintenir par un fixatif ? ». En effet, ils considèrent des décisions sur son apparence si trivial que par conséquent ils ne considèrent pas la complexité de construire une opinion. Ce dernier peut être aussi résumé par « Je n’ai jamais aimé personne ! Je n’ai jamais aimé qu’Alcmène. ».
L'éloge des imperfections humaines
[modifier | modifier le wikicode]Finalement, par opposition aux idées que les humains sont des corps plein de faiblesses et ont des esprits imparfaits, cette imperfection est aussi louée par les dieux. En effet, ils considèrent le corps humain d'être physiquement « sans défaut ». En effet, la forte présence des possessifs à la troisième personne comme « son » et « ses » et du proson personnel « soi-même » permettent de décrire un corps humain sous une lumière méliorative.
Ils voient aussi les humains comme tendres et compatissants. Ils décrivent métaphoriquement les yeux comme des « veilleuses » et des « aventurine[s] », les donnant une valeur lumineuse et précieuse.
Cependant, ce qu'ils considèrent comme étant la valeur la plus importante est la force de la pensée humaine qui refuse se laisser limiter. Cette interprétation est trouvée dans l'accumulation « je me crois, je me vois »
Conclusion
[modifier | modifier le wikicode]En conclusion, l'auteur souhaite à souligner la comédie de la situation aussi qu'une réflexion de ce qui signifie d'être véritablement humain. Cette dualité ressemble le principal primordial du mouvement classique, ce qui est placere et docere ou « plaire et instruire » ; ceci reflète la première pièce racontant ce mythe, la comédie classique Amphitryon par Molière en 1668. L'auteur a effectivement le but de moderniser mais aussi rendre l'honneur aux pionniers du théâtre classique en imitant le contenu mais en créant un style qui convient notre époque.