Utilisateur:Rastus Vernon/Notes/De l’origine des espèces

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Les notes qui suivent sont des extraits, parfois remâchés et simplifiés, de l’ouvrage de Charles Darwin l’Origine des espèces. Les extraits proviennent en partie de l’édition GF-Flammarion et en partie de la traduction d’Edmond Barbier de la sixième édition, disponible sur Wikisource.

Notes[modifier | modifier le wikicode]

Les extraits retenus sont présentés comme paragraphes divisés dans différentes sections qui correspondent aux chapitres de l’ouvrage. Ils sont présentés dans le même ordre que dans l’ouvrage.

De la variation à l’état de nature[modifier | modifier le wikicode]

Résumé[modifier | modifier le wikicode]

Ce sont les espèces les plus florissantes, c’est-à-dire les espèces dominantes, des plus grands genres de chaque classe qui produisent en moyenne le plus grand nombre de variétés ; or, ces variétés, comme nous le verrons plus tard, tendent à se convertir en espèces nouvelles et distinctes. Ainsi, les genres les plus riches ont une tendance à devenir plus riches encore ; et, dans toute la nature, les formes vivantes, aujourd’hui dominantes, manifestent une tendance à le devenir de plus en plus, parce qu’elles produisent beaucoup de descendants modifiés et dominants.

La lutte pour l’existence[modifier | modifier le wikicode]

La formation de groupes à chaque niveau de la classification et l’évolution d’un niveau à celui qui est au-dessus découlent de la lutte pour l’existence. C’est également elle qui fait que les variations utiles à l’individu, peu importe leur cause, tendent à se préserver et à se transmettre à leur descendance.

Le principe en vertu duquel une variation, si insignifiante qu’elle soit, se conserve et se perpétue si elle est utile s’appelle la sélection naturelle.

L’expression : lutte pour l’existence, employée dans le sens figuré[modifier | modifier le wikicode]

La lutte pour l’existence n’inclut pas que la survie : elle inclut aussi l’aptitude ou la réussite à laisser des descendants. Tous les individus laissant des descendants doivent être détruits pour éviter une surpopulation augmentant à une vitesse exponentielle.

De la nature des obstacles à la multiplication[modifier | modifier le wikicode]

Le nombre de prédateurs d’une espèce est un facteur particulièrement important : si l’on arrêtait de tuer le gibier mais également ses prédateurs, son nombre diminuerait.

La quantité de nourriture détermine la limite extrême de la population d’une espèce, alors que le climat détermine le nombre moyen de cette population. Les variations du climat ont un effet important sur la quantité de nourriture, qu’elle peuvent diminuer, ce qui fait d’elles un facteur important de la lutte pour l’existence. Lorsque le nombre d’une espèce diminue en raison d’une variation du climat, c’est souvent autant parce qu’elle a subi un préjudice direct venant du climat que parce que ses prédateurs ont été favorisés, facteur qui est trop souvent négligé. Dans les régions avec un climat peu propice, le climat agit principalement directement, alors que dans les régions propices, il agit surtout indirectement, en favorisant d’autres espèces.

La lutte pour l’existence est plus acharnée quand elle a lieu entre des individus et des variétés appartenant à la même espèce[modifier | modifier le wikicode]

La lutte est en moyenne plus forte, si on exclut les cas particuliers, entre les individus d’un même genre ou d’une même espèce parce qu’ils ont des caractéristiques communes : ils habitent au même endroit, ont besoin de la même nourriture et sont exposés aux même dangers.

La sélection naturelle ou la persistance du plus apte[modifier | modifier le wikicode]

L’homme agit sur les caractères extérieurs et visibles qui lui sont utiles. La sélection naturelle n’agit que sur les caractères que sont utiles à l’individu, ce qui exclut généralement les apparences.

Sélection sexuelle[modifier | modifier le wikicode]

La sélection sexuelle ne dépend pas de la lutte pour l’existence avec d’autres êtres organisés, ou avec les conditions ambiantes, mais de la lutte entre les individus d’un sexe, ordinairement les mâles, pour s’assurer la possession de l’autre sexe. Cette lutte ne se termine pas par la mort du vaincu, mais par le défaut ou par la petite quantité de descendants. La sélection sexuelle est donc moins rigoureuse que la sélection naturelle.

Du croisement des individus[modifier | modifier le wikicode]

Chez les animaux et chez les plantes, un croisement entre des variétés différentes ou entre des individus de la même variété, mais d’une autre lignée, rend la postérité qui en naît plus vigoureuse et plus féconde ; d’autre part, les reproductions entre proches parents diminuent cette vigueur et cette fécondité.

Il est une loi générale de la nature tendant à ce qu’aucun être organisé ne se féconde lui-même pendant un nombre illimité de générations : un croisement avec un autre individu est indispensable de temps à autre, bien que peut-être à de longs intervalles.

Les visites des abeilles sont si nécessaires à certaines fleurs que leur fécondité diminue beaucoup si l’on empêche ces visites. Il est à peine possible que les insectes volent de fleur en fleur sans porter le pollen de l’une à l’autre.

Si l’on place sur le même stigmate du pollen propre à la plante et celui d’une autre espèce, le premier annule complètement l’influence du pollen étranger. Ceci n’est vrai que pour les espèces : c’est en fait l’inverse dans le cas des variétés, car le croisement d’individus distincts de la même espèce est avantageux à la plante.

Circonstances favorables à la production de nouvelles formes par la sélection naturelle[modifier | modifier le wikicode]

Lorsque les croisements n’ont lieu qu’à de longs intervalles, les individus qui en proviennent, comparés à ceux résultant de la fécondation de la plante ou de l’animal par lui-même, sont beaucoup plus vigoureux, beaucoup plus féconds, et ont, par suite, plus de chances de survivre et de propager leur espèce. Si rares donc que soient certains croisements, leur influence doit, après une longue période, exercer un effet puissant sur les progrès de l’espèce.

Un grand continent, qui a subi de nombreuses oscillations de niveau, a dû être le plus favorable à la production de nombreux êtres organisés nouveaux, capables de se perpétuer pendant longtemps et de prendre une grande extension.

La sélection naturelle amène certaines extinctions[modifier | modifier le wikicode]

La sélection naturelle agit uniquement au moyen de la conservation des variations utiles à certains égards, variations qui persistent en raison de cette utilité même.

Grâce à la progression géométrique de la multiplication de tous les êtres organisés, chaque région contient déjà autant d’habitants qu’elle en peut nourrir ; il en résulte que, à mesure que les formes favorisées augmentent en nombre, les formes moins favorisées diminuent et deviennent très rares. La géologie nous enseigne que la rareté est le précurseur de l’extinction. Il est facile de comprendre qu’une forme quelconque, n’ayant plus que quelques représentants, a de grandes chances pour disparaître complètement, soit en raison de changements considérables dans la nature des saisons, soit à cause de l’augmentation temporaire du nombre de ses ennemis. Nous pouvons, d’ailleurs, aller plus loin encore ; en effet, nous pouvons affirmer que les formes les plus anciennes doivent disparaître à mesure que des formes nouvelles se produisent, à moins que nous n’admettions que le nombre des formes spécifiques augmente indéfiniment. Or, la géologie nous démontre clairement que le nombre des formes spécifiques n’a pas indéfiniment augmenté.

Les espèces qui comprennent le plus grand nombre d’individus ont le plus de chance de produire, dans un temps donné, des variations favorables.

Divergence des caractères[modifier | modifier le wikicode]

Un groupe d’animaux dont l’organisme présente peu de différences peut difficilement lutter avec un groupe dont les différences sont plus accusées.

Effets probables de l’action de la sélection naturelle, par suite de la divergence des caractères et de l’extinction, sur les descendants d’un ancêtre commun[modifier | modifier le wikicode]

Dans un genre quelconque, les espèces qui diffèrent déjà beaucoup les unes des autres tendent ordinairement à produire le plus grand nombre de descendants modifiés, car ce sont elles qui ont le plus de chances de s’emparer de places nouvelles et très différentes dans l’économie de la nature.

Comme, dans chaque pays bien pourvu d’habitants, la sélection naturelle agit nécessairement en donnant à une forme, qui fait l’objet de son action, quelques avantages sur d’autres formes dans la lutte pour l’existence, il se produit une tendance constante chez les descendants perfectionnés d’une espèce quelconque à supplanter et à exterminer, à chaque génération, leurs prédécesseurs et leur souche primitive.

Résumé du chapitre[modifier | modifier le wikicode]

Ce sont les espèces communes très répandues et ayant un habitat considérable, et qui, en outre, appartiennent aux genres les plus riches de chaque classe, qui varient le plus ; ces espèces tendent à transmettre à leurs descendants modifiés cette supériorité qui leur assure aujourd’hui la domination dans leur propre pays. La sélection naturelle, comme nous venons de le faire remarquer, conduit à la divergence des caractères et à l’extinction complète des formes intermédiaires et moins perfectionnées.

Des lois de la variation[modifier | modifier le wikicode]

La variabilité doit avoir ordinairement quelque rapport avec les conditions d’existence auxquelles chaque espèce a été soumise pendant plusieurs générations successives.

Les changements des conditions agissent de deux façons : directement, sur l’organisation entière, ou sur certaines parties seulement de l’organisme ; indirectement, au moyen du système reproducteur. En tout cas, il y a deux facteurs : la nature de l’organisme, qui est de beaucoup le plus important des deux, et la nature des conditions ambiantes. L’action directe du changement des conditions conduit à des résultats définis ou indéfinis. Dans ce dernier cas, l’organisme semble devenir plastique, et nous nous trouvons en présence d’une grande variabilité flottante. Dans le premier cas, la nature de l’organisme est telle qu’elle cède facilement, quand on la soumet à de certaines conditions et tous, ou presque tous les individus, se modifient de la même manière.

Il est très difficile de déterminer jusqu’à quel point le changement des conditions, tel, par exemple, que le changement de climat, d’alimentation, etc., agit d’une façon définie.

Effets produits par la sélection naturelle sur l’accroissement de l’usage et du non-usage des parties[modifier | modifier le wikicode]

L’usage, chez nos animaux domestiques renforce et développe certaines parties, tandis que le non-usage les diminue ; en outre, ces modifications sont héréditaires.

Acclimatation[modifier | modifier le wikicode]

L’habitude ou bien l’usage et le non-usage des parties ont, dans quelques cas, joué un rôle considérable dans les modifications de la constitution et de l’organisme ; ces causes se sont souvent combinées avec la sélection naturelle de variations innées et les résultats sont souvent aussi dominés par cette dernière cause.

Variations corrélatives[modifier | modifier le wikicode]

Les variations corrélatives sont des variations portant sur des caractéristiques qui sont liées à d’autres caractéristiques, parfois sans raison apparente. Il arrive que de telles variations ne soient pas utiles à l’espèce, mais qu’elles soient quand même préservées par la sélection naturelle lorsqu’elles sont corrélées à des variations qui sont utiles à l’espèce.

Compensation et économie de croissance[modifier | modifier le wikicode]

La sélection naturelle s’efforce constamment d’économiser toutes les parties de l’organisme. Si une conformation utile devient moins utile dans de nouvelles conditions d’existence, la diminution de cette conformation s’ensuivra certainement, car il est avantageux pour l’individu de ne pas gaspiller de la nourriture au profit d’une conformation inutile.

La sélection naturelle tend, à la longue, à diminuer toutes les parties de l’organisation, dès qu’elles deviennent superflues en raison d’un changement d’habitudes ; mais elle ne tend en aucune façon à développer proportionnellement les autres parties. Inversement, la sélection naturelle peut parfaitement réussir à développer considérablement un organe, sans entraîner, comme compensation indispensable, la réduction de quelques parties adjacentes.

Les conformations multiples, rudimentaires et d’organisation inférieure sont variables[modifier | modifier le wikicode]

Il semble de règle chez les variétés et chez les espèces que, toutes les fois qu’une partie ou qu’un organe se trouve souvent répété dans la conformation d’un individu, le nombre en est variable, tandis qu’il est constant lorsque le nombre de ces mêmes parties est plus restreint.

Les parties multiples sont extrêmement sujettes à varier. Cette répétition végétative est un signe d’organisation inférieure. Les êtres placés aux degrés inférieurs de l’échelle de l’organisation sont plus variables que ceux qui en occupent le sommet. Par infériorité dans l’échelle, on doit entendre que les différentes parties de l’organisation n’ont qu’un faible degré de spécialisation pour des fonctions particulières ; or, aussi longtemps que la même partie a des fonctions diverses à accomplir, on s’explique peut-être pourquoi elle doit rester variable, c’est-à-dire pourquoi la sélection naturelle n’a pas conservé ou rejeté toutes les légères déviations de conformation avec autant de rigueur que lorsqu’une partie ne sert plus qu’à un usage spécial. La sélection naturelle, il ne faut jamais l’oublier, ne peut agir qu’en se servant de l’individu, et pour son avantage.

Une partie extraordinairement développée chez une espèce quelconque, comparativement à l’état de la même partie chez les espèces voisines, tend à varier beaucoup[modifier | modifier le wikicode]

Il est bien entendu que cette règle ne s’applique en aucune façon aux parties, si extraordinairement développées qu’elles soient, qui ne présentent pas un développement inusité chez une espèce ou chez quelques espèces, comparativement à la même partie chez beaucoup d’espèces très voisines.

Lorsqu’une partie, ou un organe, se développe chez une espèce d’une façon remarquable ou à un degré extraordinaire, on est fondé à croire que cette partie ou cet organe a une haute importance pour l’espèce ; toutefois, la partie est dans ce cas très sujette à varier.

Les caractères spécifiques sont plus variables que les caractères génériques[modifier | modifier le wikicode]

On appelle caractères génériques les points par lesquels toutes les espèces d’un genre se ressemblent et ceux par lesquels elles diffèrent des genres voisins ; on peut attribuer ces caractères à un ancêtre commun qui les a transmis par hérédité à ses descendants, car il a dû arriver bien rarement que la sélection naturelle ait modifié, exactement de la même façon, plusieurs espèces distinctes adaptées à des habitudes plus ou moins différentes ; or, comme ces prétendus caractères génériques ont été transmis par hérédité avant l’époque où les différentes espèces se sont détachées de leur ancêtre commun et que postérieurement ces caractères n’ont pas varié, ou que, s’ils diffèrent, ils ne le font qu’à un degré extrêmement minime, il n’est pas probable qu’ils varient actuellement. D’autre part, on appelle caractères spécifiques les points par lesquels les espèces diffèrent des autres espèces du même genre ; or, comme ces caractères spécifiques ont varié et se sont différenciés depuis l’époque où les espèces se sont écartées de l’ancêtre commun, il est probable qu’ils sont encore variables dans une certaine mesure ; tout au moins, ils sont plus variables que les parties de l’organisation qui sont restées constantes depuis une très longue période.

Les caractères sexuels secondaires sont variables[modifier | modifier le wikicode]

Les espèces d’un même groupe diffèrent plus les unes des autres sous le rapport des caractères sexuels secondaires que dans les autres parties de leur organisation.

Les caractères sexuels secondaires sont très variables. La cause première de la variabilité de ces caractères n’est pas évidente ; mais nous comprenons parfaitement pourquoi ils ne sont pas aussi persistants et aussi uniformes que les autres caractères ; ils sont, en effet, accumulés par la sélection sexuelle, dont l’action est moins rigoureuse que celle de la sélection naturelle ; la première, en effet, n’entraîne pas la mort, elle se contente de donner moins de descendants aux mâles moins favorisés. Quelle que puisse être la cause de la variabilité des caractères sexuels secondaires, la sélection sexuelle a un champ d’action très étendu, ces caractères étant très variables ; elle a pu ainsi déterminer, chez les espèces d’un même groupe, des différences plus grandes sous ce rapport que sous tous les autres.

Il est un fait assez remarquable, c’est que les différences secondaires entre les deux sexes de la même espèce portent précisément sur les points mêmes de l’organisation par lesquels les espèces d’un même genre diffèrent les unes des autres.

J’en arrive donc à conclure à la connexité intime de tous les principes suivants, à savoir : la variabilité plus grande des caractères spécifiques, c’est-à-dire ceux qui distinguent les espèces les unes des autres, comparativement à celle des caractères génériques, c’est-à-dire les caractères possédés en commun par toutes les espèces d’un genre ; — l’excessive variabilité que présente souvent un point quelconque lorsqu’il est développé chez une espèce d’une façon extraordinaire, comparativement à ce qu’il est chez les espèces congénères ; et le peu de variabilité d’un point, quelque développé qu’il puisse être, s’il est commun à un groupe tout entier d’espèces ; — la grande variabilité des caractères sexuels secondaires et les différences considérables qu’ils présentent chez des espèces très voisines ; — les caractères sexuels secondaires se manifestant généralement sur ces points mêmes de l’organisme où portent les différences spécifiques ordinaires. Tous ces principes dérivent principalement de ce que les espèces d’un même groupe descendent d’un ancêtre commun qui leur a transmis par hérédité beaucoup de caractères communs ; — de ce que les parties qui ont récemment varié de façon considérable ont plus de tendance à continuer de le faire que les parties fixes qui n’ont pas varié depuis longtemps ; — de ce que la sélection naturelle a, selon le laps de temps écoulé, maîtrisé plus ou moins complètement la tendance au retour et à de nouvelles variations ; — de ce que la sélection sexuelle est moins rigoureuse que la sélection naturelle ; — enfin, de ce que la sélection naturelle et la sélection sexuelle ont accumulé les variations dans les mêmes parties et les ont adaptées ainsi à diverses fins, soit sexuelles, soit ordinaires.