Recherche:Trilogie pour un monde juste et sain/Une émancipation citoyenne
L'humanité est en crise et les nations font face à une crise de la gouvernance sans précédent. La littérature tout comme la production audiovisuelle abondent de documents dénonciateurs. Malheureusement, parmi tous ces documents, rares sont ceux qui présentent une perspective globale de résolution. Ce texte pourrait en être une.
Vers une humanité adulte
[modifier | modifier le wikicode]Un premier constat philosophique :
- « La modernité n’est pas en crise, elle est une crise : la crise d’adolescence de l’humanité. Et s’il est nécessaire de faire sa crise d’adolescence, il est également préférable d’en sortir un jour, pour devenir tant bien que mal un adulte. [...] L’âge adulte doit ainsi réaliser la synthèse entre les vérités de l’enfance et la liberté de l’adolescence. Ainsi par exemple les règles de la morale : d’abord acceptées passivement, ensuite rejetées violemment, elles seraient redécouvertes et voulues, réaffirmées librement par une conscience éclairée qui en saisit la nécessité et la bonté. De même, la nature politique de l’homme (sa nécessaire inscription dans une communauté) serait d’abord vécue spontanément, avant l’avènement de la conscience individuelle (« belle totalité grecque ») ; puis rejetée à l’âge moderne (libéralisme politique, théorie du contrat), et enfin retrouvée à l’âge adulte (état hégélien). À chaque fois le parcours est le même : éveil de la conscience libre, rejet de la norme (moins pour son contenu que pour la manière qu’elle avait de s’imposer qui faisait fi de la liberté de la conscience), redécouverte du contenu de la norme (débarrassé des scories inessentiels de la tradition), désormais librement voulue et acceptée. » (Guillaud 2005, p. 77 & 84)
Dans ce monde en crise où la population humaine a doublé en moins de cinquante ans, devenir adulte dans sa condition d’être humain pourrait bien devenir une nécessité pressante. Dans cette perspective, l'émancipation des peuples ne serait elle pas la clef de sortie à la crise globale que connaît notre humanité ?
Par définition, l'émancipation citoyenne repose sur trois principes :
- Une émancipation économique basée sur la fin des contraintes économiques comme conditions d’existence et de dignité humaine.
- Une émancipation politique basée sur la fin des tutelles politiques au bénéfice d'une gouvernance citoyenne.
- Une reconnaissance du citoyen comme responsable de la qualité de vie sur terre.
L'émancipation économique
[modifier | modifier le wikicode]Le XXIe siècle est une époque de « surabondances » pour certains et de pénurie pour d’autre (Tchibambelela 2009, p. 37) dans laquelle l’obsolescence programmée et la publicité jouent un rôle prépondérant dans la vie économique du citoyen.
- « Dans les années quatre-vingt, la politique se vendait comme des savonnettes. Aujourd'hui, ce sont les savonnettes qui vendent de la politique assure Robert Rochefort. Pour le directeur du CREDOC (Centre de recherche et d'études des coûts), la publicité pourrait se résumer à cette simple formule: « Un moyen de combler le vide de la société » . La crise politique et économique aidant, le vide s'accroît. D'où un recentrage des publicités, qui véhiculent aujourd’hui des valeurs dont le consommateur est frustré. Famille, environnement, sécurité ... « La plupart des campagnes publicitaires ont désormais tendance à montrer un bonheur dégoulinant. Un bonheur qui n'existe pas » , convient Bruno Delhomme, créatif chez BDDP, une des plus grosses agences de publicité, rachetée récemment par les britanniques. »[1]
- « Des trois formes d’obsolescence programmée, le recours aux techniques pour rendre un produit suranné, à la publicité pour nous convaincre d’acquérir de nouveaux biens dont nous n’avons nul besoin, le plus symptomatique et le plus pervers est le fait d’introduire dans les produits une pièce défectueuse pour en limiter la durée de vie. » (Latouche 2012)
Pendant que 36 marques publicitaires dépensent « plus d'1 milliard $ en 2012 »[2] pour encourager les citoyens dans leur consommation, une frustration économique naît de façon évidente parmi ceux qui ne peuvent répondre aux appels des campagnes de marketing.
- « L'économiste et ancien secrétaire général d'Ecolo Philippe Defeyt a estimé qu'un quart de la population "crève vraiment" et vit "le problème de savoir dès le 15 ou le 20 du mois quelle facture elle va pouvoir ou ne pas pouvoir payer". Les plus touchées sont les familles monoparentales. À côté de ces gens qui encaissent vraiment la baisse de pouvoir d'achat, il y a toute une frange de la population qui vit avant tout un sentiment de frustration par rapport à une série de nouveaux besoins et de nouvelles dépenses créés par notre société de consommation mais qui ne sont pas vraiment nécessaires, a jugé Philippe Defeyt parlant de "spirale d'achat". "Par exemple, si vous achetez un appareil photo, vous allez être tenté d'acheter une imprimante. Si vous achetez une imprimante, vous aurez forcément besoin de papiers spéciaux pour faire fonctionner cette imprimante. Et donc, en posant un geste de consommation, en fait, on est très vite entraîné à en poser d'autres" expliquait-il. »[3]
Quand son pouvoir d'achat est insuffisant pour répondre aux tentations publicitaires, le citoyen est alors poussé à se tourner vers le crédit à la consommation qui lui permettra quand même de consommer selon ses envies. Mais le service rendu par les banques commerciales n’est pas désintéressé et une accumulation de crédits peut placer le citoyens dans une situation de surendettement.
- « Au cours des dernières années et en 2013 notamment, la Wallonie (tout comme les deux autres régions du pays) a été confrontée à une augmentation du surendettement. Sans aucun doute, la conjoncture économique détériorée de ces dernières années explique, en partie, les difficultés financières rencontrées par les ménages ainsi que la hausse du surendettement. »[4]
Coincés entre la pression publicitaire et les dettes, les citoyens en viennent alors à manifester pour leur pouvoir d'achat auprès des autorités publiques. Un sujet qui deviendra d'ailleurs très porteur pour les campagnes électorales.
- « Je serai le président du pouvoir d’achat »[5]
- « Mon véritable adversaire, [...] c’est le monde de la finance »[6] ...
Mais les promesses non tenues[7] ou en attente de réalisation[8] ne font que maintenir le citoyen en état de frustration. Une frustration d'autant plus grande que le « piège de la dette publique » (Attac France 2011) est connu, tout comme le « scandale des paradis fiscaux » (Harel 2012) ainsi que les propositions pour « changer d'économie » (Les économistes atterrés 2012).
Heureusement, devant l’impuissance (ou la connivence diront certains[9]) du pouvoir politique face au pouvoir économique, les citoyens gardent la possibilité de se tourner vers des démarches alternatives. De fait, on assiste aujourd’hui à l'émergence, ou parfois à la réapparition, de nombreux systèmes de solidarité et d'entraide économique : villes en transition, systèmes d'échanges locaux, groupements d'achat, coopératives de consommation, jardins communautaires, potagers collectifs ou gratuits, cafés bricolage, communautés d'entraide au tourisme et au logement, friperies, autopartage, cohabitations, donneries, production communautaire, etc. Toutes ces idées reposent sur ce nouveau concept de consommations collaboratives (Botsman et Rogers 2011), qui pourrait selon certains « marquer la fin de l'âge de la propriété et de l'hyper consommation »[10]. Soutenus par plusieurs auteurs et organisations[11], des réseaux de consommation alternatifs sont en train de se propager de bouches à oreille, ou de clavier à écran, au sein des populations.
- « Juliet Schor démontre qu'un mode de vie qui privilégie l'épanouissement et la cohésion sociale plutôt que l'accumulation peut mener à l'équilibre écologique et économique. Cela passe tout d’abord par la réduction du temps de travail, et par une bonne utilisation du temps ainsi libéré : agriculture urbaine, bricolage, échanges, sont autant d'exemples explorés ici. Juliet Schor défend aussi l’idée que les innovations sociales et les nouvelles technologies peuvent simultanément améliorer nos vies et protéger la planète. Elle nous convainc ainsi que nous pouvons remettre en cause l’idée de déterminisme, notamment économique, auquel nous devrions nous soumettre et nous donne les moyens de sortir du cycle qui mène du travail aux dépenses et d'aller vers un monde riche de temps, de créativité, d'information et de lien social. » (Schor 2013, p. 4ème de couverture)
- « Serge Latouche interroge toutes les idées reçues en circulation et y apporte des réponses précises et argumentées pour mettre un terme aux inquiétudes fantasmagoriques qui l’entourent. Non la décroissance n’est pas synonyme de croissance zéro ; non elle n’est pas technophobe. Ce n’est ni un projet anti-moderne destiné à nous renvoyer vivre dans des cavernes, ni un programme visant à restaurer un ordre patriarcal communautaire, ni l’instrument qui ferait de nous des chômeurs. » (Latouche 2011, p. 4ème de couverture)
À côté des alternatives à la consommation sont aussi nés des mouvements Antipub qui organisent la résistance à l'agression publicitaire. Sans pour autant faire un lien direct avec ces mouvements sociaux, les sondages démontrent toutefois que les citoyens développent un regard de plus en plus critique sur la publicité.
- « La publicité, outil marketing par excellence, continue de voir son appréciation se dégrader, même si l'attention qu'on lui porte reste constante. C'est la preuve que la forme qu'elle prend, son contenu, sa présence, sont moins bien acceptés. En 2011, les publiphobes sont presque 3 fois plus nombreux que les publiphiles. En 2004, il n'y avait que 25% de publiphobes de plus que de publiphiles... »[12]
Du côté politique aussi les choses évoluent, même si les initiatives n'émergent pas forcément des représentants. Parmi les idées les plus radicales, et peut-être des plus prometteuses en termes d'égalité sociale, il existe le revenu de base inconditionnel et sa variante, défendu par Bernard Friot : le salaire à vie. Sans être une idée nouvelle, le concept de revenu de base se dit moderne et efficace par ses nouveaux promoteurs (Jörimann 2007), et son financement a déjà fait l’objet de plusieurs propositions (Jörimann et Kundig 2010). Autour de ces idées s'est constitué le Basic Income Earth Network, un réseau d'universitaires et d'activistes qui fut à l'origine de la création d'un mouvement citoyen plus large dont les actions ont déjà abouti à certains résultats. En effet, si leur campagne de lancement d'initiatives citoyennes n'a pu aboutir au niveau européen[13], elle a par contre permis le dépôt de 125 000 signatures auprès de la Chancellerie fédérale suisse[14]. D'ici 2015, et grâce à ces signatures, les citoyens helvétiques seront donc invités à se positionner par référendums sur l'opportunité d'intégrer les principes de revenu de base dans leur constitution[15].
Le débat autour des idées d'allocations universelles va donc se poursuivre au sein de l’opinion publique, où l’on peut d'ores et déjà observer un clivage de type progressistes et conservateurs.
Avec des propos similaires à ceux de Philippe Van Parijs du côté des partisans du revenu de base:
- « Pour améliorer nos modèles sociaux, pour les sauver même, il y a bien mieux à faire que de se cramponner à ce qui existe. Il faut les restructurer de manière à permettre un va-et-vient plus souple, tout au long de l'existence, entre l'emploi, la formation et les activités bénévoles au sein de la famille et en dehors. »[16]
Et des propos similaires à ceux de Mateo Alaluf du côté des opposants:
- « Je pense qu’il faut d’abord lutter pour renforcer les minima sociaux à savoir le revenu d’insertion, la grapa (garantie de revenu aux personnes âgées) et en ce qui concerne le chômage, combattre les mesures de dégressivité et la chasse aux chômeurs et agir pour l’augmentation des allocations. La réduction du temps de travail, l’amélioration des conditions de travail et la fixation d’un revenu maximal pour les riches constituent autant de champs de mobilisation prioritaire. »[17]
Au niveau de la finance, des alternatives existent également, soit au travers d'autres types de monnaies ou de financement tels que les monnaies complémentaires, locales ou fondantes et la finance participative; soit au travers de nombreux projets qui se développent autour du concept de finance solidaire : l'association internationale des investisseurs en économie sociale, le réseau de financement alternatif, la société coopérative de finances solidaires, Finansol, Cigales, La fédération européenne des banques éthiques et alternatives, Le réseau Financement Alternatif, Garrigue et puis cette initiative d'envergure de la banque coopérative NewB, lancée le 23 mars 2013, banque qui se dit participative, transparente, sobre et dédiée à l'économie locale tout en œuvrant pour l’intérêt général et en mettant le client au cœur de ses décisions[18] . Construit majoritairement sur des fonds citoyens et associatifs, ce projet a réussi, deux jours après son lancement, à rassembler 5500 coopérants[19]. Au cours du moi de février 2014, le projet a gonflé son capital d'un million d’euros sur base d'une campagne de récolte de fonds effectuée sans l'usage des méthodes de marketing traditionnelles[20]. Si ce succès continue, cette banque devrait entrer en fonction d'ici 2015.
Enfin, il existe déjà des communautés qui s'organisent dans une économie parallèle où les richesses sont mises en commun pour être redistribuées parmi les membres. C'est le cas de communautés de tailles diverses et informelles, mais aussi de communautés nationalement soutenues et reconnues, telles que les kibboutzs ou Auroville (plus de 2000 habitants). Vivre dans un monde sans argent avec une économie basée sur les ressources est aussi la vision d'un projet d'envergure planétaire très controversé intitulé Projet Vénus.
Ainsi, l'essor de la consommation collaborative, la désaffectation de la publicité, la défense d'un revenu de base inconditionnel, le développement de la finance solidaire, et l’existence de diverses communautés et projets apparaissent tel un ensemble d'indicateurs d'émancipation économique citoyenne. Au départ de ces nouvelles tendances, il faut espérer que les citoyens retrouveront une certaine sérénité économique et que par la même occasion, ils puissent reprendre goût à la gestion politique du monde qui les entoure. Dans une époque où la contrainte économique absorbe le temps et la pensée citoyenne, où l' « opinion publique se fabrique » (Chomsky 2003), où le « marketing politique » (Achache 1989) sait « comment manipuler l'opinion en démocratie » (Bernays 2008), un autre type d'émancipation citoyenne reste effectivement à faire.
L'émancipation politique
[modifier | modifier le wikicode]Au sein d'une population d'adultes, l’idée de tutelle prend sens dès le moment où les décisions politiques sont prises par un groupe restreint de citoyens. Tuteurs de la nation, ces représentants politiques reçoivent pour mandat d'assumer la responsabilité des décisions politiques, sans pour autant en assumer les conséquences.
- « Aujourd'hui, quand un politique dit « j'assume », il ne veut pas dire « j'en accepte les conséquences » mais « c’est comme ça, point barre » ! Or, l'exercice de responsabilités doit être assumé réellement et non de manière purement formelle. C'est vrai en corporate governance, ce doit l'être aussi en gouvernance politique. » (Monette et Laporte 2007, p. 126)
Quand la gouvernance politique se dit démocratique, l'accès à la représentation politique doit se faire au travers d'élections. Pour accéder au pouvoir, « Un acteur politique n'a d’autre choix que de chercher à se faire a.i.m.e.r. » (Eraly 2002, p. 27)
Si se faire aimer est une condition indispensable à l'accès au poste de représentant politique, c’est aussi une source de conflits d'intérêts. En effet, quand une décision politique est à la fois bonne et déplaisante pour les citoyens, en assumer la responsabilité représente pour un élu le risque de perdre la sympathie de son électorat et donc, par la même occasion, risquer sa place de représentant aux prochaines élections.
- « Dans l'élaboration d'une politique économique, les conflits entre objectifs d’abord, entre moyens ensuite, entre forces politiques, groupes d'intérêts, voire corps administratifs enfin, tiennent sans doute une place plus importante que les complémentarités. Les choix, qui viennent les résoudre, ne découlent que très partiellement d'un calcul économique rationnel quels qu'en soient par ailleurs les critères et la base sociologique de ceux-ci. » (Bénard 1962)
Ce conflit d'intérêt n’est pas le seul, puisque les représentants politiques sont aussi juges et parties dans la décision des règles qui les concernent. Ils peuvent ainsi s'octroyer des avantages sans accord préalable avec le reste de la population.
- «Chaque assemblée, chaque gouvernement, détermine dans son coin les règles de rémunérations. Cela aboutit à des différences qui sont assez difficiles à expliquer. Est-il logique qu’un ministre flamand gagne moins qu’un Secrétaire d’État bruxellois ? »[21]
Autre exemple, en Belgique « Les partis politiques s'attribuent 8 millions d'euros[22] supplémentaires » en août 2013[23], alors que deux ans auparavant on voyait « la Belgique épinglée pour son financement des partis politiques »[24] par l'agence anti-corruption du Conseil de l'Europe. Pour les partis politiques au pouvoir, ces 8 millions tomberont donc juste à point pour payer leurs campagnes de marketing politiques prévues pour les élections de 2014.
Dans ce contexte apparaît dès lors une concurrence déloyale envers les partis politiques émergents. En effet, les partis qui n'ont toujours aucun membre élu ne profiteront pas du transfert de ces 8 millions, pas plus que d'une quelconque aide en provenance de l'état. Par contre, pour se présenter aux élections, ces nouveaux partis se verront dans le devoir de récolter et faire valider dans chaque commune soit un nombre important de signatures en provenance des citoyens (5000 pour une liste européenne en Belgique), soit un nombre réduit de signatures en provenance des élus sortants (5 dans les mêmes circonstances)[25]. Mais il va de soi que les élus signeront au profit des dépôts de listes de leur propre parti et refuseront de donner leur signature pour un parti « adverse ». De cette situation injuste, découle ainsi la facilité pour les partis déjà en place de renforcer leur présence au sein des gouvernements et la difficulté pour les partis naissant d'entrer dans l'espace de décisions politiques .
- « Depuis 1952, avec la campagne d'Eisenhower qui le premier fit appel à des agences de publicité, le marketing politique a joué un rôle croissant dans les campagnes électorales. Sa pénétration en France, bien que plus tardive, est aujourd’hui à peu près totale. Tous les candidats importants à l'élection présidentielle de 1988 se sont adjoint les services d'une agence de publicité ou de conseil en marketing. C'est sans doute par manque de moyens financiers que les petits candidats n'ont pas eu recours à de tels conseillers. » (Achache 1989, p. 103)
- « Cette concentration du pouvoir dans les mains de quelques-uns et en dehors des règles prévues par la Constitution n’est pas saine. Il s'agit même d'une dérive dangereuse. En outre, on l'a vu, ce fonctionnement ne garantit nullement des décisions adéquates et cohérentes. Ce n'est donc pas parce que le gouvernement voire même un noyau au sein du gouvernement semble plus adapté pour répondre à la complexité et l'accélération du monde d’aujourd’hui qu’il faut en oublier les vertus de l'indispensable checks and balances et le supprimer ou le rendre purement formel, ce qui revient au même. Le principe du contre-pouvoir est le garant de la démocratie car comme le disait Montesquieu de manière fort juste, " seul le pouvoir arrête le pouvoir " ! » (Monette et Laporte 2007, p. 60)
- « Tout cela donne une mesure du travail qu’il reste à accomplir à ceux et à celles qui pensent que la démocratie doit être vécue au grand jour par des participants lucides et informés. » (Bernays 2008, p. 11 du pdf)[26]
Enfin, le système démocratique par élection pose aussi problème en termes de représentation.En effet, si un système électoral permet de désigner les représentants de la nation, ces derniers ne sont pas pour autant représentatifs, sociologiquement parlant, des populations qui les ont élus.
- « En plus d’une crise économique sans précédent, la France souffre actuellement d’une grave crise politique, marquée par un sentiment de coupure entre le peuple et ses élites politiques. Ce sentiment trouve pour partie son fondement dans un véritable déficit de représentativité de l’Assemblée nationale. Le profil type du député : homme blanc, de plus de 50 ans et issu des classes sociales supérieures, laisse hors de toute représentation des pans importants de la population. » (Keslassy 2012, p. 4ème de couverture)
Malgré toutes ses déficiences démocratiques, la tutelle politique s'est avérée utile à une époque où une grande partie des citoyens n'avait pas accès ni à l'enseignement, ni aux informations nécessaires à la compréhension du monde dans sa globalité.
- « Dans les pays politiquement les plus démocratiques, les plus libres, tels que l’Angleterre, la Belgique, la Suisse et les États-Unis d’Amérique, la liberté et les droits politiques dont les ouvriers sont censés jouir ne sont rien qu’une fiction. Esclaves de leurs patrons au point de vue économique, ils sont, au point de vue politique, également des esclaves. Ils n’ont ni l’instruction, ni le loisir, ni l’indépendance nécessaires pour exercer librement, et avec pleine connaissance de cause, leurs droits de citoyens. » (Bakounine 1910, p. 191 & 192)
Mais les choses ont bien changé depuis la mise en place des démocraties représentatives. Tout d’abord, Internet et ses moteurs de recherche toujours plus performants offrent aux citoyens d'aujourd'hui un accès sélectif à une information difficilement censurable et toujours plus abondante.
De plus, grâce à l'avènement du Web 2.0, et plus précisément de la « démocratie 2.0 » (Lejeune 2009) Internet ouvre le potentiel d'un réel espace de gouvernance citoyenne comme déjà en témoignent divers projets recensés dans le monde dans des pays tel que la France, l'Irlande, l'Islande, les États-Unis, le Brésil[27], la Belgique, l'Espagne, l'Italie, la Suisse[28], etc. Les citoyens ont aussi prouvé qu’ils pouvaient s'organiser en communautés auto gouvernées de toutes sortes, qu’elles soient centralisées comme dans les projets Wikimédia, OpenStreetMap ou décentralisées comme dans la blogosphère et les réseaux sociaux.
- « Le Web 2.0 a fait une entrée fracassante dans les sociétés arabes depuis quelque années, en particulier auprès des jeunes. Si le numérique a des effets politiques, notamment à travers le rôle qu’il a joué dans les soulèvements depuis 2011, il est avant tout un vecteur de reconfigurations sociales majeur. » (de Montbrial et Moreau Defarges 2013, p. 156)
Enfin, la démocratisation de l'enseignement a rendu la scolarisation possible, et même parfois obligatoire, dans toutes les couches sociales des populations, même si les résultats de l’Enquête faite par le programme PISA 2012 démontrent qu’il existe encore de grandes disparités[29].
Dans ce nouveau contexte, la dénonciation pertinente et documentée des incohérences ou du manque d'éthique manifestés par les dirigeants politiques ou leurs administrations devient chose fréquente. Sur Internet, fleurissent des sites que l’on pourrait qualifier de « veille citoyenne » tel que Wikileaks.org, agoravox.fr, cumuleo.be, députés godillot.info, Droitderegard.be, luiprésident.fr, zewerkenvoorjou .be dont la distribution des informations se voit amplifiée par les réseaux sociaux. Tous ces dispositifs spontanés de surveillance ne font d'ailleurs que renforcer le phénomène de désaffectation citoyenne à l'égard du politique observé par les instances européennes depuis plus de quinze ans déjà (Commission européenne 2000, p. 6).
- « PARTOUT, la désaffection des citoyens et la corruption des mœurs politiques sont les symptômes les plus flagrants d’une démocratie en crise, confrontée au défi de la mondialisation. »[30]
- « Les débats relatifs à la démocratie locale, sur un registre participatif, prennent corps au sein de sociétés dans lesquelles le rapport entre la société civile et le politique se délite progressivement. Plus exactement, c’est un type d’organisation du politique historiquement daté qui est en cause. En effet, il a longtemps été inconcevable de penser le politique en dehors de l’État, de ses institutions et de son territoire contrôlé par le biais d’un ensemble de frontières et d’instruments normatifs. Ce modèle politique a, semble-t-il, vécu, il est du moins remis en question. » (Jouve 2005, p. 317)
- « Avec 17% de vote Le Pen, c’est un vote d'opposition qui s'est structuré depuis la fin des années 1980. » (Le Vigan 2007, p. 374).
La perte de confiance envers les politiciens ne s'observe pas uniquement dans les urnes, elle se manifeste aussi dans les rues comme en témoignent de nombreux mouvements citoyens internationaux tels que les indignés, anonymous, Masse critique (mouvement social), Via Campesina ou nationaux tel que Ekta Parishad en Inde, le Mouvement des sans-terre au Brésil, Vidsich en Ukraine, Wutbuerger en Allemagne, occupy wall street aux USA. À côté de ces manifestations de masse, apparaissent aussi des organisations structurées et reconnues telles que le comité pour l'annulation de la dette du tiers monde et Démocracy International ou encore des initiatives citoyennes spontanées tel que Démocratie réelle.eu, constituante.be, Periferia les gentils virus et bien d'autres. À cela faut-il encore ajouter l'engagement de personnalités tel que Etienne Chouard au travers ces nombreux débats et conférences ou David Van Reybrouck avec récent livre intitulé Contre les élections qui fut l'un des principaux initiateurs de la plate-forme d'innovation démocratique G 1000. À l'image de certaines communes et cantons de Suisse où les décisions politiques se prennent à mains levées (Landsgemeinde), cette plate-forme rassembla 704 citoyens belges tirés au sort pour débattre des problèmes de société en pleine crise gouvernementale belge. De ce sommet est ressorti comme question principale : « avec ou sans emploi, comment aborder le travail dans notre société ? » (G 1000 2012)
- « On a tout réduit à une seule procédure : les élections. Cela a assez bien fonctionné pendant deux siècles mais entre l’époque où les élections ont été inventées et notre époque actuelle, beaucoup de choses ont changé notamment au niveau des médias… »[31]
Dans un autre contexte, des communautés d'internautes se sont aussi créées sur base de principes démocratiques directs et participatifs. La communauté de contributeurs de la distribution Debian et celle des projets Wikimédia en sont probablement les deux meilleurs exemples. Dans ces deux communautés comme ailleurs dans d'autres projets défendant les valeurs véhiculées par la culture libre, on parle déjà d'un nouveau concept de gouvernance appelé démocratie ouverte.
- « C'est un modèle particulièrement efficace qui facilite la prise d'initiative par le plus grand nombre. Ce système particulièrement est répandu dans l'univers des wikis, en particulier dans les sections les moins surveillées d'un wiki. Avec ce système, on s'appuie sur le principe que (hormis quelques cas de vandalisme) ce sont les experts sur la question qui vont avoir la motivation et prendre le temps d'écrire sur un sujet qui les intéresse. Cette hypothèse ou plutôt ce pari de l'auto-sélection semble se vérifier dans de nombreux cas, et sa facilité d'implémentation expliquerait l'actuel enthousiasme pour le recours aux wikis. »[32]
Un tel type de gouvernance combiné à une indépendance financière octroie à une communauté d'utilisateur telle que celle de Wikipédia une réelle souveraineté par rapport au contenu de son site. Cette souveraineté a d'ailleurs fait ses preuves lorsqu'une injonction faite par le ministère Français de l'intérieur accompagnée de menaces envers un membre de l'association Wikimédia France n'a pu aboutir à la suppression d'un article traitant d'une base militaire française[33].
De tous les faits pouvant servir d'indicateurs à un processus d'émancipation politique, le plus révélateur à ce jour, restera sans doute la révolution des casseroles islandaise. Pendant cette révolution relativement impressionnante pour un pays où la population ne dépasse pas 322 000 habitants, une nouvelle Constitution a été écrite au départ d'une assemblée constituante tirée au sort en 2011 pour être ensuite « assassinée par le Parlement » en 2013[34].
- « L’exemple islandais montre qu’une crise profonde peut conduire à des changements sociétaux rapides et majeurs, comme l’illustre la mise en route d’un processus constitutionnel tout à fait original et, plus largement, d’initiatives visant à assainir le système politique. Mais les développements actuels indiquent également qu’un tel mouvement, malgré l’engouement populaire qu’il a pu susciter, peut retomber de manière rapide si les forces qui le portent ne parviennent pas à l’inscrire dans la durée par exemple en faisant un enjeu politique primordial, ou en l’appuyant sur un mouvement social d’ampleur. Ce constat nous rappelle l’importance des rapports de forces en démocratie pour faire avancer une idée, un point de vue ou une réforme, ou au contraire pour les contrecarrer. » (Stéfanski 2013, p. 8 du pdf)
L'expérience islandaise nous informe que pour aboutir à une émancipation politique, un mouvement doit soit inscrire son action dans un cadre institutionnel fidèle autant que favorable, soit garantir son autonomie et son indépendance dans un mouvement social structuré et continu. Ce que l'exemple islandais nous indique aussi, c’est que dans le cadre d'une remise en question d'un système politique, les représentants élus en fonction n'hésitent pas à user de leurs prérogatives institutionnelles pour défendre leurs places et leurs intérêts. Il y a d'ailleurs de fortes chances pour que la nouvelle Constitution islandaise votée par le peuple reste dans ses cartons tant que les citoyens n'en assumeront pas eux-même la responsabilité de la mise en pratique.
Cette prise de responsabilités semble donc décisive dans le processus d'émancipation. Car prendre ses responsabilités, c’est aussi mettre fin au confort octroyé par l'encadrement et la tutelle. À l'image du jeune adulte qui décide de s'émanciper en quittant la maison familiale pour voler de ses propres ailes, devenir responsable de son propre destin représente une étape cruciale à franchir dans l'esprit de chaque citoyen.
Le citoyen responsable
[modifier | modifier le wikicode]Libéré de ses contraintes économiques et de sa tutelle politique, le citoyen émancipé se retrouvera face à ses responsabilités. Sans plus personne sur qui reporter la faute, les problèmes économiques, politiques ou écologiques deviendront les problèmes de tout un chacun. Pour les résoudre, il n'existera d’autre choix que de s'impliquer tous ensemble dans la bonne gouvernance du monde qui nous entoure. Dès lors, anticiper les conséquences de ses actes et de ses choix sera la seul manière de ne pas se retrouver un jour à la place de la victime ou du bourreau dans le cadre d'une mauvaise gouvernance. Bien plus qu'une réforme économique et politique, ce qu'apportera l'émancipation des citoyens sera un nouvel art de vivre ensemble.
Vivre ensemble comme on fait de la musique. Écouter ensemble tous les sons, toutes les voix, tous les musiciens. Décider ensemble de leurs places, du rôles et des fonctions de chacun, dans le but d'atteindre un idéal : une harmonie parfaite.
Notes et références
[modifier | modifier le wikicode]- ↑ E.F., « La Publicité perd le consommateur idéal mais garde le goût de séduire », L'Humanité.fr, 15 octobre 1996. Consulté le 2014-02-26
- ↑ LLLLITL, « Publicité : les 36 marques qui ont dépensé plus d’1 milliard $ en 2012 ! », llllitl.fr, 5 décembre 2012. Consulté le 2014-02-27
- ↑ Philippe Defeyt en interview sur BEL RTL, « Pouvoir d'achat: 1/4 de la population 'crève vraiment', les autres sont dans une frustration d'achat », RTL info.be, 7 octobre 2008. Consulté le 2014-02-16
- ↑ Caroline Jeanmart, « Le surendettement en Wallonie : quelques indicateurs pour l’année 2013 », L’observatoire du crédit et de l'endettement.be. Consulté le 2014-03-07
- ↑ C. Laborde, « Pouvoir ou pouvoir d'achat », Agoravox.fr, 31 janvier 2008. Consulté le 2014-02-19
- ↑ Reuters, « Hollande : "mon véritable adversaire, c’est le monde de la finance" », La Tribune.fr, 22 janvier 2012. Consulté le 2014-02-19
- ↑ Juan, « L'abécédaire des promesses non-tenues de Nicolas Sarkozy », Marianne.net, 28 décembre 2008. Consulté le 2014-02-19
- ↑ Maxime Vaudano, Clément Parrot et Corentin Dautreppe., « Taxe sur les transactions financières européenne », Lui Président.fr. Consulté le 2014-02-19
- ↑ Jean Gadrey, « Au-delà de Cahuzac : les liaisons dangereuses entre les politiques et le monde des affaires. », Alternatives économiques.fr, 13 avril 2013. Consulté le 2014-03-07
- ↑ Xavier de Lecaros Aquise, « The rise of collaborative consumption and the experience economy », The Guardian.com, 1er mars 2014. Consulté le 2014-03-07
- ↑ Juste comme exemple : Le RCR ou Réseau de Consommateur Responsable. Une liste à compléter de organisme de promotion des alternatives économique est disponible dans la partie annexe de ce travail
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Bibliographie
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- Bernard Tchibambelela, Le commerce mondial de la faim: stratégie de rupture positive au Congo-Brazzaville, Paris, L'Harmattan, 2009 (ISBN 9782296104938) [lire en ligne]