Aller au contenu

Recherche:Teutatès/Introduction

Une page de Wikiversité, la communauté pédagogique libre.

Afin d'apporter quelques éléments complémentaires à ce qui est compilé dans la version française de l’article consacré au dieu gaulois Teutatès (Toutatis), je me propose de compiler ici quelques éléments de réflexion concernant son étymologie ainsi que d'éventuels points de connexion avec des figures divines connues dans d’autres cultures.

En date du 18 mai 2022, la version française nous renseigne comme suit.

Dans la mythologie gauloise, Teutatès (parfois appelé Toutatis) est un dieu celte que l’on connaît par l’épopée Pharsale de Lucain, un récit de la guerre civile qui opposa Jules César et Pompée ; il est mentionné avec Ésus et Taranis.

Ce dieu est connu par des inscriptions sous la forme « Totates »[1] retrouvées au sanctuaire de Beauclair, à Voingt (Puy-de-Dôme), en territoire arverne. Teutatès est une forme archaïque ou une variante de Toutatis, il provient de toutā qui a évolué en t'e'utā et tōtā.

Le sens est « père de la tribu, de la nation »[réf. nécessaire].

La forme Teutatès est d'ailleurs un barbarisme venu d'une mauvaise lecture des caractères grecs utilisés par les Celtes[réf. nécessaire]. L'êta grec « η » était lu en grec comme en gaulois /e:/, un é long donc et pas un « ê » jusqu'au IIe siècle av. J.-C. inclus. Ainsi, le nom de la déesse Belisama s'écrivait-il « Βηλισαμα ». Lors du Ier siècle apr. J.-C. l'êta était passé à i « η ημέρα » = le jour et « αι Αθίναι » = Athènes passèrent de la prononciation /é éméra/ et / ay aθίnay/[Quoi ?] aux prononciations /i iméra/ et /è aθίnè/ toujours actuelles (en dehors de l'article du nom de la ville qui a changé). Entre les deux périodes, il y a eu un flottement dans l'utilisation des lettres grecques. Teutatis /tewtàtis/ qui a été mal lu par un hellénisant ne connaissant que la prononciation érasmienne du grec.

Dans la page de Discussion, un contributeur nous donne les précisions suivantes :

teuto-signifie « tout, tous » (sur un autre radical indo-européen, la métaphore est la même que celle qui relie plenus, plus, populus) et aussi « peuple », irlandais tūath, breton tud, gothique theud ; en faire le « père du peuple, de la tribu » est étymologiquement réducteur et la traduction de Pokorny, Landesvater, « père de la terre [i.e. de tout ici-bas] » est plus exacte. (13 mai 2011).

Lors de notre intervention (avril 2022) nous avions soulevé "une difficulté à déterminer le relais le plus proche, à savoir le proto-celtique teuta ou le proto-germanique *þeudō, \ˈθeu̯.ðɔː\, nom féminin signifiant « peuple, nation », qui de toutes manières viennent tous deux du proto-indo-eurpéen *tewtéh₂ signifiant « peuple, tribu ». La question soulevée initialement méritait d'être posée ; c'est une inexactitude dans laquelle nous étions également tombé, puisque le latin : tōtus (« tout ») vient de la même racine. C'est un point qui demande un travail d'analyse et de comparaison assez fastidieux. Pour prendre un exemple précis : le PIE *tewtéh₂ (peuple, tribu) a donné la racine *toutā dans les langues celtiques, qui a entre autre donné le breton tud dont le deuxième sens est « père », le troisième « parent, clan ». Pour le breton, nous avons une étrange curiosité (à comparer avec *tat *tatis > tad > dad, daddy d'un côté et le troisième sens « clan, tribu » > *toutā > *tewtéh₂). Nous sommes actuellement en train de mettre à disposition des données qu'on trouvera dans le Germanica Antiqua de Philippe Cluwer. L'étymologie d'un point de vue général n'est pas toujours une chose aisée à établir (notamment car basée sur de nombreuses données hypothétiques difficilement vérifiables), mais c'est encore plus vrai concernant les théonymes. On pourrait tout aussi bien considérer que Teutates, présenté comme « le premier des dieux gaulois par Lucain » pour reprendre une formule d'Arbois de Jubainville, compte tenu des éléments qui tendent à montrer son caractère syncrétique, est une "confection" celte imitée du *Dyēus ph2ter (cf. l'étymologie de Tiwaz entre autres). Teutates pourrait être considéré comme le « père de ce tout que nous formons en tant que peuple », un peu à l'image du patriarche Abraham qui porte son nom car « père d'une multitude ».

[…]

Concernant les éléments que nous a communiqués Grotius nous rapportions la citation suivante :

Tribus his versibus designantur Vates, qui sacrificia procurabantut sequentibus Bardi et Druidae. Diodorus Siculus lib. v. (c. 31. p. 354.) sunt, inquit, apud Celtas, ποίεται μελοινες Βάρδες ονομάζεσι. sunt philosophi et theologi ες Δρυιδας ονομάζεσι; sunt Μάντεις οι δια της ιερέιων θυσίας τα μέλλοντα προλεγεσι. Strabo similiter lib. IV. [p. 197. Casaub. p. scripti non habent sed ex tot, 302. Almd.] τρία φύλα των τεμομένων διαφερόντως έσι, Βάρδοι τε και Ουάτεις και Δρυϊδαι. Amm. Marcellinus XV. [c. 9. al. c. 24.] Apud Gallos viguere studia laudabilium narum, inchoata per Bardos, Vates, et Druidas. Mirum vero, cum diserte nominet Lucanus Bardos et Druidas; quod non et tertium genus Vates suo nomine appellaverit : atqui id, opinor fecit, si sua poetae scriptura restituatur:Et quibus immitis placatur sanguine diro / TEUT VATES, horrensque feris/altaribus Esus.

Celtarum enim Deus summus non Teutates vocabatur, sed Teut vel Theut, unde Teutones dicti sunt ; ut fuse ostendit in Germania sua Cluverius, cujus correctio est Vates."

Comparer avec les éléments suivants :

  • Burkhard Gotthelf Sturve, Syntagma Historiae Germanicae (texte établi d’après l’ édition de 1716)

Druidum genus a quibusdam dicuntur "Bardi", cum tamen antiquiores Scriptores Druides, Vates atque Bardos plane distinguant. Druides quidem sublimiori philosophiæ atque occultarum rerum contemplationi vacabant : Vates sacris præerant, & naturam rerum contemplabantur. Bardi vero sacerdotes non erant, sed sortia virorum illustrium facta, heroicis composita versibus, cum dulcibus lyræ modulis canticabant. Exinde etiam Festo Cantores dicti Scilicet, moris erat apud gentes, in publicis & festiuis congressībus, mercatibus, ludis & similibus poetas adhibere, qui Carmina sua in laudem heroum composita recitarent, quem Galli etiam atque Germani seruabant. Ex quo Germanorum Barritus ortum traxisse videtur, quo sibi in proelium ituri animos accendebant, futuræque pugnæ fortunam ipfo cantu augurabantur. Hæc autem carmina cum originem gentis, antiquitatesque, facta etiam heroum continerent, Annalium instar habebant. Hinc Valesio minime adsentimur, qui Bardos nihil aliud fuisse putat, quam parasitos, iisdemque similes, quos latini Scurras vocauerint , cum integræ omnino fuerint existimationis. uare etiam Carolus M. eosdem fuit imitatus, atque ab iisdem vetera Chronica Rythmica, cantus etiam poetarum, qui dici solent die MeisterSanger, suam trahunt originem. Licet etiam certa apud Germanos gens Bardorum fuerit, quorum opus Bardeuicum fuisse videtur.

  • Johann Ludwig PRASCH, Mysteriorum linguæ Teutonicæ, pars prima (1686) : requête "mercurius teutones"
  1. "Les découvertes d'inscriptions consacrées au dieu Toutatis sont rarissimes. Tout récemment ont été publiées des graffites arvernes sur poterie mentionnant« Totates » et provenant du vicus de Beauclair (communes de Giat et de Voingt). Les autres découvertes proviennent toutes de sites hors de Gaule : Rome, Seckau (Autriche) ; d'autres encore sont éparpillées sur le territoire des Icènes, des Trinovantes, et le long du mur d'Hadrien, où le nom du dieu, écrit notamment sur des bagues, est régulièrement abrégé en TOT. (Patrice Lajoye, « Une inscription votive à Toutatis découverte à Jort », in Études celtiques, année 2014, 40, pp. 21-28)