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Qu'est-ce que lire ?

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MEDITATIONS BARTHESIENNES[modifier | modifier le wikicode]

D.I.L. Droits Imprescriptibles du Lecteur. Un d’entre eux : celui qui saute les lignes du texte, les pages d’un chapitre trop long ou trop ennuyeux ; Pennac nomme ce phénomène « grappillage », dans Comme un roman. Le lecteur qui grappille, est selon moi celui qui opère des coupes dans le continu. Mais il faut reconnaitre que le continu a cet avantage sur le discontinu, que les ruptures sont potentiellement mouvantes ; celui qui se place dans la rupture se met dans la position d’un perpétuel balancement entre déterritorialisation et reterritorialisation, à la Deleuze.

Thèse/antithèse.[modifier | modifier le wikicode]

Barthes parle du plaisir « œdipéen » ; par cet adjectif néologique, il nous montre le roi thébain que peint en partie Cocteau dans La machine infernale ; non pas Œdipe comme un baiseur de mère et un tueur de père, mais comme un chercheur : son affaire, nous dit Barthes, serait de « connaitre l’origine et la fin ». Chercher des bribes chez Tirésias, chez Jocaste, chez le Sphinx, et tirer de tout cela un recoupement logique. Montrer Œdipe plus comme un Ulysse que comme un Atrée, un argonaute de la généalogie. Cela est très juste. En revanche, il se perd quand il nous parle de la « volonté de jouissance ». Il s’agit bien sûr d’un écho à la volonté de puissance, comme s’il associait ce concept central de Nietzsche à son idée atopique un peu floue, brouillonne. Car l’idée d’une volonté de jouissance se prend en étau entre une formulation nietzschéenne et une arrière-cour de sens plutôt schopenhauerienne : l’enfant qui pousse le père et la mère au sexe, afin qu’il puisse venir au monde ; le « vouloir-vivre » de l’espèce humaine pousse à la procréation, idée très belle mais complètement écartée chez Barthes, alors que c’est une idée de Schopenhauer très éloignée d’une passion négative. C’est ce qu’on reproche souvent à Barthes : son atopie, certes absence de lieu, de parti, de camp ; on reproche à Barthes de dire aux affrontements bipolaires : « La peste soit de vos deux maisons ! ». Oui, on reproche à Barthes de s’appeler Mercutio, qui après s’être battu renvoie son parti à ses propres bassesses. Il va plus loin : il refuse de se battre, il refuse la logomachie – puisque la machie est, forcément, anti-atopique. Mais on lui reproche surtout son absence de direction théorique commune, d’unité, et même – ce qu’on reprochait aussi à Nietzsche – de système.


Le risque du structuralisme réside peut-être dans l’idée que si une structure devient un empêchement, la signifiance et tout le reste s’effondre avec lui.


QUID LEGERE ?[modifier | modifier le wikicode]

Révolution.[modifier | modifier le wikicode]

Prêcher contre sa paroisse.[modifier | modifier le wikicode]

L’écriture est ironique. Ecrire, ce n’est pas faire « ceci » ou « cela », c’est signaler. Un auteur n’est pas un producteur de forme, c’est un producteur de signaux, agrégés finalement par le récepteur de la production (lecteur). Le tort de V. Hugo n’est pas d’habiller ‘‘de probité et de lin blanc’’, mais plutôt de faire croire que la magie de l’écriture, c’est autre chose que d'habiller de lin blanc et, par-dessus, de peindre tout de même des signaux immanquablement interprétés comme ceux de la probité et du lin blanc par le lecteur. L’ironie est là : l’auteur exploite le lecteur. L’auteur exploite dans le lecteur ce qu’il a de plus humain : la tragique carence des universaux, l’envie de Tout, d’Absolu, et sa nécessité. Pourtant, l’auteur ne discoure pas, ne fait pas sens ou ne rend pas cause ; l’écrivain n’est pas un philosophe. Il établie, produit des signaux, qui, par le moyen du manque d'universaux de signification et de cohérence du public, prend son sens. Si tout part d’elle, il n’y a peu de choses « dans » la production littéraire, peu de choses « dans » l’œuvre. Aussi l’on peut se laisser prendre au piège. Et pourtant, saisir complètement l’intention d’un texte, d’une pièce ou d’un film, n’est pas nécessaire : le sentiment de la direction du signal suffit. « L’intuition » précède le sens. Le lecteur est un électeur : il peut arriver qu’il choisît ce qu’il entend, qu’il préfère telle ou telle période, figure, style ou même déroulement de l’histoire, de la pièce. Le lecteur choisit de recevoir « pour de vrai » la flèche irréelle lancée par l’écrivain. Ecrire, c’est faire l’idiot ; c’est fabriquer de l’idiosyncrasie, du ripé, du grain aux engrenages ; écrire, ce n’est rien d’autre que d’expérimenter les agencements de sa parole, et, par l’entourloupe ironique des signaux, leur donner un semblant de réalité, comme d’un archipel tirer une nation insulaire ; et pour ceux en manque d’universaux, en manque de dieu, pour qui sans le sens, n’y pourraient sentir que de l’absurde, c’est leur donner à voir des discours avec une consistance propre.

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Avez-vous bien lu toutes ces règles dures ? Avez-vous senti ce qu’elles donnent de funèbre à la joie de lire ? Révoltons-nous contre cela. Que nous autres lecteurs, nous puissions nous battre contre tout cet abscons tintamarre. Car lire, au fond, cher Roland, qu’en dire, ô dieux, sinon : « quel bonheur » ! Malheur et infertilité mentale à celui qui n’eut jamais la sublime joie de découvrir une grande pensée, une haute plume avant tous ses amis, et qui venant à leur rencontre, leur dit : Ah, mes amis, quel jour de fête ! Ô camarades, j’ai ici un poète, foi d’animal, un vrai ! Qui fera danser à vos imaginations une danse d’apoplexie ! les grecs ne sont rien à côté, foutredieu ! Prenez, et lisez-en tous ; voyez, voyez : a-t-on jamais lu pareilles lignes en notre temps ? Ecrit-on encore ainsi ! Que sa mère soit bénie, et la mère de sa mère, et bénis les tétons qu’elles durent mordre pour grandir, et bénites les verges qu’elles durent endurcir pour venir en ce monde ! Tous, aïeuls qui en leur lits reposent, majestueux et médiéval ancêtre, et même singe originel de tous les hommes, soyez bénis d’avoir sortis de votre sein une pensée et une plume si haute et si noble ! » Voilà quels soleils et quels feux me dévissent le cœur lorsque j’ai sous les yeux une invention littéraire jamais encore advenue dans ce monde. Plaisir, jouissance, tout cela est beau. Mais voici l’épiphanie que Barthes et tout poète n’eussent point contesté : Je dis que le seul bonheur définit la lecture, et certains chefs-d’œuvres, encostumés dans un habit sacré, ne sont au dedans rien moins que chefs-d’œuvres, et certains textes romanichels, tant détestés de nos jours, ont tant de courage et d’allure que même Roumanie ne mérite. Mais il faut bien l’admettre aussi : le bonheur, ça s’ose. Alors continuons. Osons le paragraphe illicite et irrévérencieux.

Paragraphe des Trois Merde[modifier | modifier le wikicode]

Afin que nous nous révoltassions dans les règles de l’art, nous demandons, dans le but d’expliciter notre rapport à la lecture, que sans restriction l’on nous accordât ce que l’on permit aux dadas – le droit de tout flanquer par la fenêtre –, et ce que l’on permit aux cubistes – de rafistoler les bêtises. Aussi passerons-nous, ô tragique superbe, par un moment d’humeur, de bile et d’amertume pamphlétationnaire. Parfois, Barthes me révolte. (Nota bene pro ego : Penser à appeler les éditions du Seuil ; il y a une coquille p. 78, à la ligne 5.) Comment, monsieur Barthes : Sade, un hédoniste ? Vaste blague. Fort sombre bévue, du reste, car sa fascination pour lui m’agace. Aussi, je le dis sans altesse, car je ne serai pas a-bile : Merde à Sade. Et en passant : merde à Bataille. Mais non un grand M comme celui pour le fol et grand marquis, mais merde avec un petit m, car Bataille est une petite m***. G. Bataille est un criminel, et avec lui tous les surréalistes. Je cite une idée du Manifeste : l’acte surréaliste par excellence, c’est de tuer un inconnu. Ô Saint Camus, tu avais raison : ils sont tous devenus fous. Gertrude Stein l’avait dit, de toute façon. Comment, monsieur Barthes : l’hédonisme, oublié de la philosophie ? Et la lignée de l’école du Jardin, c’est une m ? Comment ! Vous dîtes que la joie est valeur noble du penser-philo ? c’est carrément faux : tous les eudémonologues sont dépréciés, raillés : Schopenhauer, Alain, Onfray… Vous de dire : « On ne nous parle jamais du Plaisir » ; moi de dire : « Encore un qui n’a pas lu Epicure ! » Car, cher et aimable et illustre et érudit et chevalier Roland B., vous qui écrivîtes un texte sur vous-même, ne vous voilez pas la face. Reconnaissez-le : le mot Epicurien, par glissement sémantique, n’est-il d’ailleurs pas devenu synonyme de l’excessif jouisseur ? Un épicurien n’est-il point un peu pantagruélique, prônant « bouffe, bite et barriques de vin » comme Gargantua son parent ? Et votre manie de tout transformer en problème du système marxiste : le désir comme idée de classe ? Non et non, chevalier Roland B., l’incomblabilité du désir se trouve déjà remarquée et critiquée chez les présocratiques. Héraclite, etc. Et puis c’est que le Roland est un tourmenté du Sigmund. Le « monument psychanalytique. » Ah oui, j’oubliais : MERDE à Freud. Quand on connait la psychanalyse, il est inutile d’en faire une ; on sait ce que l’on va entendre, on a des attentes. La psychanalyse ne marche, comme l’astrologie, que sur l’ignorant : les gifles de l’existence nous apprennent que quand on a des attentes, il faut s’attendre à avoir des déceptions.

A présent que la bile est drainée, nous pouvons à nouveau jouir de ce prompt soleil d’York. Reprenons nos pérégrinations dans le calme.


Cela a été.[modifier | modifier le wikicode]

Que dit le texte de fiction ? A la lettre, il dit ce qui n’est pas. Mais quelle sorte de mensonge ? Il exprime le paradoxe justement, de l’illusion. Si Horace a raison, et que ut pictura poesis, alors ce que Barthes dit de la photographie vaut pour le texte : écrire, c’est une parole qui dit en mentant : « cela a été ». Pourquoi aime-t-on le récit historique de la vie quotidienne ? Je pensais que c’était par pur plaisir de comparatisme. Le cheval en lieu de l’auto, la plume pour le stylo, le jabot pour la cravate. Mais montrer le cela a été, c’est peut-être une condition sine qua non à la représentation mentale du récit. Ce qu’il y a de plus difficile en philosophie, c’est qu’elle semble « nettoyé[e] de toute sensualité de langage » ; en somme ce qui nous fait défaut, c’est le manque de jalons, de pied-à-terre, et en philosophie, la jouissance nous parvient quand la structure s’effondre un peu, que la génétique est percée et que le relief nous réapparait, qu’il se dégage de nouveau. On peut entrer facilement par n’importe quel roman dans « La Comédie humaine » car elle laisse des ouvertures ; il est difficile de rentrer dans la Critique de la raison pure au IIIème chapitre. Il ne s’agit pas que le texte respire : mais que nous pussions respirer dans lui ; un épanouissement non vers nous, mais de nous vers lui, un « épanouissement-implosion ». Deleuze a raison : le mouvement doit être celui d’une vague (Logique du sens) Ce qui compte en littérature, en diplomatie littéraire (rapports entre auteur, texte et lecteur), c’est le plan d’immanence, que les lignes écrites ne soient pas des plaques de béton, mais des imprimés malléables, aussi malléables que la matière-page, pour suivre avec régularité et souplesse les flux du plan. C’est ce qui est exprimé en peu de mots dans l’incipit de Vendredi de M. Tournier : « Avec la rigueur d’un fil à plomb, le fanal suspendu au plafond de la cabine mesurait par ses oscillations l’ampleur de la gîte que prenait la Virginie sous une houle de plus en plus creuse. »

Le texte de jouissance ne parle pas de jouissance. Mais justement, que dire du porno ? La description sans concession, presque cruelle, du sexe, jusqu’à la tension insoutenable ? Si le texte porno a pour sujet et dessein de conduire à l’épanchement, à la masturbation, cette dernière n’est-elle pas cette même « précipitation mais dans l’ordre » qui conduit le lecteur à sauter des pages, afin de découvrir plus vite l’extase : un rebondissement – qu’on retrouve dans la soudaineté et l’inattendu de la saillie – ? : « on peut concevoir du désir pour un personnage de roman », dit Barthes.

Barbey d’Aurevilly et la vierge de Memling. Attention : un train peut en cacher un sale.


Une raison peut-être de douter du texte : sa « sourçation ». On y fait appel aux philosophes ; on les viole, on les idolâtre, on les massacre, on les comprend mal, ainsi que Kundera vole au Zarathoustra de Nietzsche. L’objet littéraire est un outil tranchant, un appareil, comme un microscope à facette, un prisme inversé : permettre de « reconstituer ». Leur principal objet, ce sont les affects – au sens de Spinoza. Il est en disant cela possible d’envisager une épistémologie littéraire : envisager la littérature comme un moyen de produire une connaissance sur le monde. Le roman est phénoménologique pour moi. Ralenti sur les évènements qui ont lieu trop vite pour les saisir au vol, en prendre conscience. Un instrument de détail à images de la formation des sentiments, de façon que nous pussions les voir toutes bien. Ainsi émerge l’intérêt pour le lecteur de se faire géographe littéraire, c’est se faire peintre pour fixer la chose lue. Le vrai roman de jouissance a une valeur cognitive, et peut presque intéresser l’épistémologie. Pour moi, la jouissance : ce doute sur ce qu’on lit trouvant un écho dans un doute sur ce que l’on sait, ce que l’on ressent, ce que l’on perçoit.

Que jouissons-nous dans le texte ?[modifier | modifier le wikicode]

Selon moi, je veux dire tel que mon cœur l’exprime, le premier plaisir du texte se situe à mi-chemin du territoire du divertissement et de la géographie : celui de se représenter les choses dites en choses vues en soi ; comme une sorte de mise en situation des personnages, qui débarquent dans votre esprit à l’appel de leur nom en disant : « Me voici ! » Il est si plaisant et si gai de géographiser l’évènement littéraire, de procéder à une redondance – heureuse celle-ci – de la description, se permettre de la redonner, de la rejouer en rêve ; c’est une petite gloriole inaccessible au grappilleur tel que le décrit Pennac, celui qui saute, qui tourne la page lourde. Pauvre et esseulé qu’il doit être, chaperon perdu dans l’inquiétant bois du livre : il ignore comme cette gaité nous allège, comme cette re-création est une récréation. Passif le lecteur. Oui, à condition qu’il fût simple témoin du crime, s’il est voyeur, pervers à vouloir tout prendre et en même temps pudibond et désinvolte en écartant les passages ennuyeux. Le lecteur passif, c’est forcément le boulanger normand dans Gemma Bovery : scène où l’anglaise rencontre l’étudiant-avocat au marché du village, et où Joubert voit toute la scène depuis l’huis de sa boutique ; assister à la scène, en la rejouant, la retouchant ; faire des tmèses, mais pas dans la grammaire : dans la narration garder les préfixes : « Il portait un vêtement… », et rajouter l’adjectif à son gré, et même tout le reste. Il me revient cette scène de Dans la maison, ce film de François Ozon, où un professeur de français recommande à son élève de réécrire sa copie de façon plus ‘‘réaliste’’. Le ton en était devenu bizarrement plus ironique encore, il jouait avec la consigne, elle ne le domptait pas. La seule activité possible pour le lecteur, c’est d’être libre ; sinon, il est juste assis un livre ouvert devant le chat, à regarder le livre-paysage passer sous ses yeux de gare en gare. Mais comment atteindre cette liberté grisante, ce si particulier plaisir devant un texte ? En se faisant soi-même auteur. Ce n’est pas de l’usurpation d’identité, ce n’est pas se fabriquer un petit Voltaire pour son Arouet ; c’est de l’empathie : c’est être à la place de, soi-même comme un autre (P. Ricœur) Dans cette situation, s’il on dit amen à tout ce qui est écrit, c’est que l’on a raté le coche, qu’on est de nouveau en train de regarder passer le paysage. Mais il arrive, au contraire, que l’on entre en opposition, que l’on soit en lutte contre le texte, contre un sort, une fin, contre un parti-pris, ou qu’on soit d’assez mauvaise foi pour transformer en lutte notre inattention à un rebondissement donné à l’action par l’auteur. Me souviens d’un roman jeunesse, en mon enfance, Le Pont de Térabithia. La petite fille meurt par accident (y a-t-il vraiment des accidents en littérature ?), alors que pleine de vie et de bontés pour le deutéragoniste. Aucun avis sur l’œuvre, sinon dire qu’elle est assez moyenne. Mais j’ai encore le souvenir alarmé de l’injustice de ce sublime et blond macchabée advenue sans crier gare. Désir de re-écrire le dénouement. Le livre est entré dans mon cœur par la déchirure ; pourtant, je n’ai jamais si bien compris un texte que quand j’ai fait l’adolescent contre lui, que quand je suis entré en révolte contre, contre comme on prend le maquis. Quand on est libres de sa révolte, on est proches, car nos yeux sont deux fois plus ouverts. Cette phrase de Gary-Ajar dans Pseudo : « Avec lui, nous avions en commun que nous étions contre. Contre et aussi tous contre. » Dans une interview de Laurent Gaudé, il confesse que son maitre en littérature lui avait demandé de revoir son texte avant la publication. Gaudé refuse. Pour être libre en tant qu’auteur, il faut toujours croire à l’intégrité de son texte, croire au solide du résultat de sa créativité ; pour être libre en tant que lecteur, il faut croire le contraire : le grand lecteur est un cartésien, usant comme méthode du doute (fallait-il bien écrire ce qui est écrit ?) et de la reformulation (comment aurions-nous pu l’écrire autrement ?). Mais il faut qu’il soit un cartésien passionné, un cartésien viscéral, qui saurait parfois se passer d’intellect ou de la pensée, jeter sur le doute le même doute que sur sa lecture. Rester, se placer au seuil de la chair (qui est violence, qui est tempête, qui se révolte, qui dit non) et au seuil de la tête, qui entre en résonnance avec le sens du texte. Pourquoi ai-je tant à cœur de mettre à nu dans le roman ce qui pourrait ne pas être ? Car le roman raconte ce qui n’est pas. Les personnages ne sont jamais vrais, l’oublier par l’effort de vraisemblance de l’auteur est un mal. La phrase de Brecht : « Acceptons que Madame Bovary n’existe pas, qu’elle n’est que de l’encre sur le papier ». Derrière les épisodes, sont moins des personnages incarnés que des théories animées : l’Amour devient la Figure qui aime, jusqu’au bout, dans son essence même de figure, la Trahison devient la Figure qui trahit – Claudius dans Hamlet par exemple.


Sentez-vous libres de vos révoltes, faites-vous géographes de l’évènement, et acceptez d’être un cartésien viscéral, à la Pirandello, parfois cartésien comme une poupée qui dit non, et là, là seulement, vous lirez un livre. A la lettre, à nouveau, osons le colloque sentimental.