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Recherche:Pastech/243-3 Train à vapeur

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            Ce travail est le résultat de recherches d’élèves de l’INSA de Lyon dans le cadre d'un projet nommé Pastech. Elle a pour but de retracer la trajectoire d'une invention, ici du train à vapeur, de manière multidisciplinaire.

            Nous avons décidé de travailler autour de la problématique suivante :


            Les changements dans le paysage français métropolitain du 19e sont-ils la cause ou la conséquence du développement du train à vapeur?


            Celle-ci nous a permis de restreindre notre étude dans le temps, et de limiter les domaines d’étude. Nous avions en effet hésité à travailler sur le rôle de l’Etat dans le développement du train à vapeur, mais avons préféré ce sujet permettant de nous concentrer sur l’aménagement urbain.

            Notre travail est séparé en quatre axes : nous présentons en premier l’arrivée du train d’un point de vue technologique. Ensuite, nous analysons le développement du train en nous focalisant sur l’aménagement urbain, puis en développant sur les politiques économiques qui ont permis cet essor. Nous terminons par une étude de cas, permettant d’illustrer ces phénomènes.

Définition du besoin

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            Au 18e siècle, les industries métallurgiques et textiles anglaises peuvent s’appuyer sur des savoir-faire et des productions diversifiées. Cependant la diversification et le développement de ses industries provoquent une augmentation notable de la demande en combustible, qui vient à manquer. Les forêts s’épuisant petit à petit, le prix du bois mais aussi du charbon de bois (qui servait alors de combustible dans les hauts-fourneaux) s'est mis à augmenter. La dépendance des industries anglaises envers les importations de fer suédois et russe devenait de plus en plus importante et donc problématique. L’idée de valoriser les ressources charbonnières nationales en remplaçant le bois par la houille s’est alors imposée à tous les secteurs, transition qui était déjà amorcée dans certains domaines tels que la verrerie ou la distillerie. Cependant l’utilisation de la houille dans la métallurgie de base va poser des problèmes techniques, que les anglais mettront plus d’un siècle à surmonter. Si, en 1709, l’utilisation du charbon transformé en coke est une grande avancée, ce n’est que vers 1760 que le charbon connaîtra le succès industriel, après une longue série d’efforts motivés par l’expansion du marché et par le prix élevé du fer importé.[1]

Des solutions avant l'arrivée de la locomotive/Améliorations menant au train/Premières utilisations

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Illustration du système de diligences

Les diligences

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        Avant l’arrivée des locomotives et plus généralement des machines à vapeur, tout déplacement entre 2 villes était fait à cheval quand il s’agissait de petits trajets, et en diligences pour les grands trajets. Les diligences sont un convoi de chariots tiré par des chevaux, qui se déplace en groupes d’une ville à l’autre. Ces dernières n’avaient pas d’horaires de départs fixes ni de lieu de rassemblement fixe, et à cause du temps de trajet entre 2 villes qui pouvait monter jusqu’à plusieurs semaines, elles n’étaient pas présentes tous les jours, dans les mêmes villes[2].

Le bateau à vapeur

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Illustration du bateau à vapeur

        La première utilisation de la machine à vapeur fut surtout pour l’amélioration des bateaux militaires et de marchandises. En effet, la rapidité des transports par voie fluviale est influencée par la météo: l’utilisation de la machine à vapeur dans les bateaux fut avant tout pour trouver un moyen de combattre facilement ces aléas météorologiques. Dès 1872, 2 types de propulsion pour le bateau à vapeur voient le jour : à roues ou à hélice (l’utilisation de l’une ou l’autre de ces méthodes est toujours source de débats)[3]. Pour les bateaux militaires, les hélices furent choisies, permettant d’atteindre de grandes vitesses malgré le temps, mais en réduisant énormément le confort à bord. Pour les bateaux de commerces, une utilisation mixte fut préférée : à voile et à moteur sans pour autant de choix fixe sur le moyen de propulsion, chacun ayant ses inconvénients et ses avantages. Grâce au moteur à vapeur, les paquebots arrivaient toujours à des jours et des heures fixes. Les bateaux traditionnels ne furent pas pour autant mis à l’écart. En effet, l'application de la machine à vapeur dans le domaine nautique ne s'est pas limité aux moteurs; des remorqueurs utilisant cette nouvelle technologie sont construits pour permettre à ces bateaux d’accoster en toute sécurité, quel que soit le temps (14 remorqueurs au Havre par exemple)[3].

Photographie du bateau à vapeur, La Mulatière

       Cependant, on peut noter qu’en France, c’est la flotte de combat qui se développe initialement plus rapidement que la flotte commerciale. Pour un total de 600 navires destiné au commerce en France, c’est plus de 1200 navires qui sont spécialisés dans un but militaire[3].

La vapeur : chronologie de l'arrivée du train à vapeur

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1673: Expérience de Christian Huygens

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            En 1673 Christian Huygens réalise à Paris une expérience sur le vide :

Dans un cylindre vertical coulisse un piston dont la tige sort vers le haut. À l'extrémité de celle-ci, on attache une corde suspendue à une poulie, qui retient, de l'autre bout, un contrepoids. Après mise à feu, dans le cylindre, d'une petite quantité de poudre, la dilatation des gaz soulève le piston et provoque la chute du contrepoids. Puis la dépression des gaz établit un certain vide : le piston retombe tandis que le contrepoids est enlevé.[4] .

1688 : Prémices de la machine à vapeur  (Papin)

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            Cette expérience inspira fortement Denis Papin dans ses travaux. En 1688, Papin renouvelle l’expérience d'Huygens. Il modifia le dispositif original en remplaçant la poudre par de l’eau. Il démontra ainsi que la condensation de la vapeur produisait des effets comparables à ceux de la dépression des gaz. Papin émit comme applications possibles de sa machine l’épuisement des mines et la propulsion des bateaux. Il se consacra d’abord à l’application minière de sa machine. Il développa un modèle expérimental destiné à évacuer l’eau des mines qui ne fut malheureusement jamais plus qu’un simple prototype.[5]

1698: Premier brevet sur une pompe à feu (Savery)

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          Thomas Savery obtint en 1698 un brevet d’exploitation de 15 ans pour une machine, une « pompe à feu », capable de remonter l’eau du fond des mines, en s’appuyant sur les Mémoires de Denis Papin et notamment de l’article « Nouvelle méthode pour obtenir à bas prix des forces motrices considérables » (publié dans Acta eruditorum, Leipzig, 1690). Ce brevet portait le titre : « Élévation de l’eau et mise en marche de machines, par le moyen de la force mouvante du feu, utilisable pour assécher les mines, alimenter les villes en eau, et faire travailler tous les types de machines partout où l’on ne dispose ni d’eau, ni de vents constants ». En 1702, Savery fit la promotion de sa machine « The Miner’s Friend » qui rencontra un véritable engouement auprès des patrons de mines. Cependant les services rendus par la machine ne furent pas à la hauteur des attentes des patrons. L’eau ne pouvait être remontée que sur une quinzaine de mètres, ce qui était insuffisant.[6]

1726: Premières véritables applications d'une pompe à feu (Newcomen)

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           Thomas Newcomen mit au point la première machine à vapeur fonctionnelle, en apportant des améliorations à la machine de Savery, dorénavant capable de pomper l’eau à près de 45 mètres de profondeur. Newcomen s’associa avec Savery et John Cawley pour obtenir en 1705 une patente royale, le brevet de Savery étant toujours actif. 7 ans plus tard, les machines de Newcomen entrèrent en usage et diffusèrent l’usage de la vapeur dans l’assèchement des mines. Le succès sera considérable en Angleterre et à l’étranger. La première machine de Newcomen en France fut mise en fonctionnement en 1726, et à partir de 1750, la France fabriqua ses propres machines de Newcomen. Cependant cette machine est encore une machine atmosphérique, une partie importante de la puissance thermique est perdue, et n’est donc pas exclusivement consacrée à l’effort moteur, la rendant très gourmande en énergie, la température devant à chaque cycle être rétablie dans la machine.[7]

Graphique de l'évolution du nombres de machines à vapeur en France depuis les années 1800

1765: Évolution de la pompe à feu vers la machine à vapeur (Watt)

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           En 1765, James Watt réussit à améliorer le rendement de cette machine en y ajoutant un condenseur séparé, supprimant les perpétuelles variations de températures qui rendaient la machine si gourmande, transformant ainsi la machine atmosphérique de Newcomen en une machine à vapeur. En 1767, James Watt s’associa avec le chimiste et industriel John Roebuck, et put ainsi en 1769 déposer le brevet de son condenseur grâce au soutien financier de Roebuck. Watt n’eut de cesse d’améliorer sa machine et déposa plusieurs autres brevets. Cependant même après 2 brevets déposés les applications restèrent limitées. Le succès industriel ne vint qu’après une longue série de perfectionnements, notamment dus aux progrès de la métallurgie. À partir de 1780 les commandes s’accélérèrent et la machine de Watt répond alors à des besoins de plus en plus diversifiés.[8]

Apparition progressive de la locomotive à vapeur

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Avant le train, le chemin de fer

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           Si c’est en 1804 que la première machine à vapeur circula sur des rails, le chemin de fer de son côté existait déjà bien avant. Déjà au XVIIe siècle on faisait circuler des wagons sur des voies en bois, dans les exploitations de charbon notamment. En 1798, à Wakefield, West Yorkshire, Angleterre, la ligne du Lake Lock Rail Road, est mise en service. Cette ligne est considérée comme étant la première voie ferrée publique au monde. La ligne est destinée à être utilisée par différentes entreprises afin de transporter leurs marchandises. A cette époque le chemin de fer est donc déjà bien né. Cependant le train n’existe pas encore, la ligne du Lake Lock Rail Road étant à traction hippomobile[9].

De la traction hippomobile à la traction à vapeur

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           En février 1804, le britannique Richard Trevithick a fait circuler pour la première fois sur des rails une machine à vapeur « voyageuse » (travelling engine). En 1808, Trevithick a fait une nouvelle démonstration de sa locomotive, baptisée Catch me who can. Cette locomotive sera un échec commercial.[10]

Évolution des locomotives et utilisation commerciale

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           Quelques années plus tard, George Stephenson posera un nouveau jalon dans l’histoire de la locomotive à vapeur. Stephenson apporte des améliorations à une chaudière à vapeur sur roues construite par John Blenkinsop. Il crée ainsi le Blücher, une machine capable de tracter huit wagons chargés de 30 tonnes de charbon à 6 km/h. Au cours des années suivantes Stephenson continuera d’améliorer ses machines, mécontent des performances du Blücher. En 1821 Stephenson est chargé de construire une locomotive à vapeur pour une future ligne devant relier Stockton à Darlington. Le 27 septembre 1825, 450 personnes sont transportées à 24 km/h par un train tiré par la locomotive de Stephenson sur la ligne Stockton-Darlington. Suite à cet événement Stephenson sera approché par des entrepreneurs souhaitant construire une voie de 64 kilomètres entre Liverpool et Manchester. En 1829, alors que la ligne Liverpool-Manchester est presque achevée, Stephenson présente la « Rocket » à un concours destiné à sélectionner la meilleure locomotive. Il remporte l’épreuve avec une vitesse de 39 km/h. Le 15 septembre 1830 est ouverte la ligne Liverpool-Manchester. À partir de cette date le nombre de voies ferrées va se multiplier en Grande-Bretagne, puis en Europe et en Amérique du Nord.[11]

           Le 24 août 1837 est inaugurée en France la première ligne de chemin de fer destinée au transport des voyageurs de Paris à Saint-Germain.

Le train, vecteur d'espoir dans la littérature

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           Avant même qu'elle n'ait eu lieu, pour les écrivains de l’époque, la révolution industrielle fait partie des outils indispensables à la réalisation d'une société fondée sur les principes d’égalités, de liberté de parole et d’opinion. Dès son arrivée à grande échelle, le train à vapeur permet de lier chaque ville de chaque pays et les écrivains voient en ce nouveau moyen de transport le début d’une nouvelle ère[12]. Il faut savoir que l’on voulut tout d’abord créer une locomotive pour la route. Malheureusement, la qualité déplorable du réseau routier du début du 19ème siècle et l’inexistence de moyens pour son entretien, ont provoqué l'abandon du projet et il fallut inventer un autre système. Se tourner vers le chemin de fer est alors apparu comme une évidence. Composé de 2 barres métalliques espacées par des blocs de bois, ce système réduit au maximum les frottements entre la roue et le rail, permettant de minimiser les efforts nécessaires aux déplacements de la locomotive mais aussi ne nécessitant que très peu d’entretien car solide et fiable. On pourra citer Cabet Étienne, philosophe et penseur politique, qui cite dans son livre Voyage en Icarie[12] :

« Et les chemins de fer ! Les chemins de fer transforment pour ainsi dire chaque empire en une seule ville dont les autres villes et les provinces sont les quartiers et dont les grandes routes sont les rues. »

ou encore Tony Moilin dans La ville de Paris en l’an 2000[12] :

« Les wagons qui desservent les chemins de fer de Paris sont vastes, commodes, ventilés en été, chauffés en hiver. On les a disposés de manière à ce qu’on puisse passer d’une voiture à l’autre et circuler dans toute la longueur du train. »

           Malgré la différence de style d’écriture entre auteurs ou de genre littéraire ou encore d’époque, toutes les sociétés se rejoignent sur ce même point : le train, c’est l’avenir. Il ouvre de nouvelles possibilités, autant sur le plan économique, que politique ou encore sur le plan social. L’économiste Constantin Pecqueur aborde ce sujet dans son livre Economie sociale[12] « Les locomotives font circuler 12 fois plus de marchandises et cinq à six fois plus vite les voyageurs et les objets légers et délicats ».

Deux types de trains

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           Dès 1864, ce sont plus de 31 millions de tonnes de marchandises qui sont déplacées grâce au chemin de fer et plus de 78 millions de voyageurs tandis que les bateaux ne transportent plus que 5 millions de tonnes de marchandises et 4 millions de passagers. Pour différencier ces 2 utilisations, il est alors créé 2 types de train, les express, construits avant tout pour être les plus rapides possibles, pour les voyageurs, et les autres, n’ayant pas de nom particulier, pour les marchandises, n’ayant pas besoin d’être rapide mais nécessitant plus d’espaces de stockage. En France des réglementations très strictes furent créées sur les dimensions et la puissance maximale de ces engins avec la création des ordonnances royales entre 1823 en 1843, obligeant toutes les compagnies à posséder les mêmes types de locomotives. Ces règles furent abolies en 1865, donnant aux compagnies plus de liberté, tant que la sécurité des passagers était assurée.

Constantin Meunier, Au pays noir
Constantin Meunier, Pays Noir, Borinage

          Constantin Meunier était un peintre et sculpteur belge du XIXe siècle. Il se tourna vers le monde du travail de la Belgique industrielle, représenta avec austérité son “Pays Noir”. On retrouve dans son tableaux “Pays Noir - Borinage” l’impacte de la machine à vapeur: la fumée pesante qui tapisse le ciel et les usines à perte de vue. On y retrouve aussi, au premier plan, un wagon seul. Cela réunit les deux ingrédients pour former le train qui apparaît ensuite dans “Au pays noir”, au même plan que les usines. Meunier rappelle l’origine minière de la locomotive à vapeur et la met au même plan que les usines, soulignant la similitude de la source d’énergie. Le train est une grande invention née dans un monde en pleine industrialisation.

Aménagement du territoire

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Une planification ferroviaire en plusieurs temps

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Carte schématique des lignes de chemin de fer en 1037 et 1850En 1850, présence de l’Étoile Legrand (en vert) selon le tracé prévu par la loi de 1842. Le Sud-Ouest de la France n'est pas desservi (en bleu).

Premier acte: la centralisation des chemins de fer autour de Paris

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            Force de constater le retard de la France sur les autres pays Européens, la loi relative à l'établissement des grandes lignes de chemin de fer en France est votée le 11 juin 1842[13]. Cette loi est une première dans le domaine ferroviaire pour plusieurs raisons.

             Premièrement, car elle instaure un régime de partenariats publics-privés : l’Etat est le propriétaire des terrains sur lesquels les lignes sont construites, et finance les infrastructures et travaux nécessaires. Il cède ensuite l’usage de la ligne aux compagnies, qui financent les superstructures, comme les rails, et les trains. Ces compagnies disposent ensuite du monopole d’exploitation sur leurs lignes[13].

             Deuxièmement, car elle reprend le tracé en étoile de l’ingénieur Alexis Legrand, conçu en 1838 sur le modèle des routes. Ce tracé prévoit sept lignes, centrées en étoile autour de Paris[13]. L’importance du choix de ce tracé n’est pas limité au domaine ferroviaire : en centrant les flux autour de Paris, Alexandre Legrand entend donner à cette ville un poids économique, financier et politique prépondérant. Les pouvoirs sont donc centralisés autour de Paris : l’Etat finance, récupère les bénéfices et réglemente les chemins de fer au travers des compagnies. Ce système sera repris en Angleterre avec Londres, ou encore en Russie avec Moscou. D’autres pays tels que les États-Unis ou l’Allemagne développeront un système de hub, permettant de fragmenter le pouvoir et reflétant leur système multipolaire.

             Il est aussi intéressant de noter qu'Alexis Legrand a pour ambition de construire un réseau qui limiterait le pouvoir des entreprises, dans l'ambition de créer un service publique: en 1837, il écrit en effet

"Les grandes lignes de chemin de fer sont de grandes rênes du gouvernement. Il faudrait que l'Etat pût les retenir dans sa main et si nous avons consenti à confier ces travaux à l'industrie particulière, c'est sous la condition patente, avouée, écrite dans la loi, qu'un jour le Gouvernement pourra rentrer dans la possession pleine et entière de ce grand moyen de communication, si l'intérêt du pays le requiert".

Deuxième acte : le plan Freycinet

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             La troisième République rompt avec les pratiques du Second Empire, et la planification urbaine ne fait pas exception à cette règle. Freycinet, ministre des Travaux publics et de la Guerre, dessine avec Gambetta et Say, alors ministre des Finances, les premières lignes d’un projet éponyme ayant pour but d’installer dans « chaque commune, une école et une gare »[14]. Une première loi est passée en mai 1878 afin de créer un réseau d’Etat incorporant plusieurs compagnies en faillite. Puis, le plan est officialisé en juillet 1879, : celui-ci prévoit la création de 181 nouvelles lignes, ce qui correspond à 8848 km de voies ferrées, reliant les différents départements entre eux[15]. La construction est assurée soit par le réseau d’Etat, soit par des compagnies privées financées en majorité par l’Etat[16].

           Le plan Freycinet est un projet républicain de répartition des services publiques sur le sol français, doublé cependant d’une ambition militaire et politique.

           En effet, seulement 9 ans auparavant, lors de la guerre franco-prussienne de 1870, les Allemands avaient envoyé 1 millions de soldats sur le sol français grâce au train. Freycinet a donc aussi comme objectif de préparer la France à un éventuel conflit[14] (ces lignes joueront d’ailleurs un rôle essentiel dans la mobilisation d’août 1914).  De plus, le plan Freycinet avait pour but la promotion de la Troisième République, en ralliant à celle-ci le monde rural, qui représentait une puissante base électorale[17].

Article 3 : L’exécution des lignes désignées à l’article premier aura lieu successivement, en tenant compte des intérêts militaires et des intérêts commerciaux engagés, ainsi que du concours financier qui sera offert par les départements, les communes et les particuliers[16].

           4 milliards d’euros ont été alloués pour l’exécution de ce projet, qui est presque entièrement complété en 1914.[18]

Des chantiers d'envergure

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           La construction des premières lignes de chemin de fer entraîne l’ouverture de chantiers en France, et en Europe. Ces nouvelles lignes gravissent les plus hautes montagnes, traversent les campagnes les plus reculées, et pénètrent aux cœur des grandes villes. Ces chantiers gigantesques recrutent par milliers des hommes en bonne santé. Ces derniers quittent leur campagne où ils ne trouvent pas d'emploi stable. Poussés par le besoin de gagner leur vie, même modestement, ils se joignent aux chantiers.

           Comparable à une armée, les ouvriers se déplacent par milliers. En haut de la hiérarchie il y a ceux qui calculent, dessinent, et étudient. En bas on trouve des bûcherons qui vont déboiser le terrain, et les terrassiers qui vont remuer les terres. La plupart de ces ouvriers proviennent des quatre coins de la France. Mais on trouve aussi des Anglais qui connaissent déjà les secrets du chemin de fer, ou des Italiens car ils ont des maçons spécialisés, ou encore des Allemands, parce qu’ils ont besoin de travailler. Les mots comme tunnel, locomotive, ou encore rail deviennent ainsi internationaux et, comme beaucoup d’autres termes ferroviaires, voyagent au-dessus des frontières[19].

La ville : agglomération de changements

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L'étalement urbain

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La question du rapport entre le train et l’étalement urbain est épineuse : elle revient en effet à remettre en question les liens de causalités souvent établis entre l’arrivée du train et la croissance urbaine.

           Deux écoles s’affrontent : ceux qui pensent que les petites villes, qui n’ont pas été intégrées au réseau en raison de leur taille, ont gardé ces caractéristiques à la source de leur déclin ; et ceux qui pensent que leur non-intégration a catalysé leur déclin déjà en marche.

           Plusieurs éléments nous permettent de confronter ces vues.

Le train, créateur à plusieurs échelles de nouvelles dynamiques urbaines.
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           Dans un premier lieu, il semble bien que le tracé des réseaux soit un facteur déterminant de la croissance économique et démographique d’une ville. Dans une étude menée sur 507 communes de 44 départements français, dont la population entre 1831 et 1911 a atteint au moins 2500 habitants, Denise Pumain montre effectivement que les villes desservies par le train ont crû de +0,5%/an, celles qui ne l’étaient pas ont diminué de - 0,3% /an[20].

           Parallèlement, nous avons pu trouver deux exemples où le train à été à l’origine de croissance urbaine, et cela à deux échelles différentes.

Nouvelles cités
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            Premièrement, à une échelle nationale, les gares de triage sont à l’origine de nouvelles villes.

             Les gares de triages ont pour rôle de recevoir des trains de marchandises provenant de diverses directions. Les wagons de ces trains sont alors triés par direction de destination, et des nouveaux trains sont formés. Le caleur s’occupe de manœuvrer les trains, ce qui est assez dangereux. A peine reconnu et payé, il place des cales ou sabots sous les wagons qui roulent pour que ces derniers s'arrêtent juste là où il le faut. Si le wagon s'arrête trop loin de sa rame en attente, c’est une perte de temps. S’il s'arrête trop proche, le matériel et la marchandise risquent de casser. Le caleur doit viser juste, sans se faire écraser.

La gare de triage est en général assez excentrée car ce type d’activité s’étend sur des kilomètres. C’est donc un quartier peu agréable qui se développe. Deux ou trois petits bistrots sont ouverts tard dans la nuit, et les matériaux de construction forment un arrière-plan industriel. Les caleurs logent chez l’habitant ou dans les environs, dans des conditions modestes. De véritables petites villes naîtront ainsi autour de ces gares, comme Perrigny près de Dijon, ou les Aubrais près d’Orléans[21].

          Les dépôts et ateliers ont aussi permis de créer une nouvelle dynamique urbaine à l'échelle des quartiers.

           L’implémentation d’un dépôt, peut avoir deux types de conséquences selon la taille de la ville dans laquelle il est implanté : dans les grandes villes, où ils sont en générale juxtaposés à des ateliers, les dépôts permettent de dynamiser des quartiers. Par exemple, à Nice, qui a connu une importante croissance urbaine au XIXème siècle, un petit quartier résidentiel pour les travailleurs du rail a été mis en place autour du dépôt à partir de 1860, et s’est intégré à la ville de part son étalement.[22]

Banlieue Parisienne
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           Deuxièmement, à une échelle plus locale, le train a permis de dynamiser les banlieues parisiennes.

           Traditionnellement des lieux de résidences réservées à la bourgeoisie qui cherche à s’échapper des centres villes fermés, elles se sont transformées après que les classes ouvrières se les soient appropriées au cours du XIXème siècle : à titre d’exemple, la banlieue parisienne voit sa population passer de 250 000 à 700 000 habitants entre 1861 et 1891. Nous pouvons cependant distinguer deux phénomènes : la majorité des nouveaux-banlieusards provient des zones rurales, et leur arrivée est due à l’industrialisation. Ils représentent plus de la moitié de la population des banlieues entre 1861 et 1891. Un deuxième phénomène est celui du départ des classes ouvrières des centres villes grâce au train, phénomène cependant minoritaire.

           En effet, avant les transports en communs, les ouvriers se déplacent jusqu'à leur lieu de travail à pied. En effet, la voiture ou le cheval coûtent trop cher.  Ils doivent donc habiter proche de l'usine, souvent localisée en ville. Le train se développe dans la capitale et permet de rejoindre la banlieue en très peu de temps. Les ouvriers ont alors un choix: rester locataire dans un immeuble avec parfois peu de place pour toute une famille; ou bien devenir propriétaire d'un pavillon avec un jardin modeste aux alentours de la ville. Ils optent pour la deuxième option, désireux d’augmenter leur niveau de vie. Une banlieue se développe alors, catalysée par des incitations gouvernementales empêchant la monopolisation de ces territoires par des hommes d’affaires sans scrupules. Celles-ci avaient pour but de désengorger les villes[23].

Cela a fonctionné. En 1896, seulement quatre lignes entre Paris et sa banlieue ont transporté environ 19 millions de voyageurs, les deux sens cumulés. Toutes les voies de Lyon, comprenant les grandes lignes et les lignes de banlieues, ont transporté seulement environ 1,6 millions de passagers[24].

Le train a donc été créateur de vie en banlieue. Les communes aux alentours de ruisseaux, lacs et plages accueillaient désormais les classes ouvrières. Ces zones plutôt rurales étaient auparavant réservées aux classes bourgeoises. En revanche, il faudra attendre ... pour réellement observer un exode de la ville vers la banlieue?

Ce tableau de Georges d'Espagnat illustre une scène banale dans une gare de banlieue.  Cette peinture est une illustration de l'adaptation des populations à l'usage du train, maintenant essentiel à certains travailleurs. Celui-ci a amené un changement de paradigme encore visible aujourd'hui. Changement qui, d'ailleurs, fut accéléré ensuite par l'arrivée de d'autres transports en communs ainsi que de la voiture.

Le train, héritier d’une dynamique urbaine préexistante
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           Cela étant dit, il est important de noter que la diffusion du chemin de fer a suivi la hiérarchisation préétablie des villes. Dans son étude Denise Pumain montre que plus une ville était grande avant l’arrivée du chemin de fer, et plus celui-ci est arrivé tôt, plus cette ville a connu une croissance importante et a formé un grand carrefour. Sur de larges périodes de temps, comme sur des unités plus faibles (par 5 ans), on observe toujours une croissance plus forte chez les villes qui sont desservies par le train. Cependant, en comparant la croissance des villes de même taille, ce lien est plus flou: les villes de même taille, qu’elles soient desservies ou non par le train, croient à la même vitesse. En fait, la différence de croissance est surtout visible pour les villes qui sont des carrefours (ce qui n'est pas une condition suffisante).

Claude Monet- Le pont d'Argenteuil

           Plusieurs facteurs ont influé sur la croissance des villes : la position des villes dans le maillage urbain, leur organisation et leur configuration antérieurement à l’apparition du chemin de fer ont déterminé l’implantation du réseau ferroviaire, qui s’est adapté à la hiérarchisation urbaine[20]. Les exemples cités à la partie [d] ne sont que des études de cas de dynamisation d’espaces urbains par le train, et il serait dangereux d’extrapoler ou de généraliser des dynamiques plus importantes à partir de ceux-ci.

             Claude Monet a peint le pont du chemin de fer à Argenteuil six fois entre 1873-74. Dans ce tableau portant ce nom, Monet contraste le pont et ses piliers en béton, au vert et bleu de la nature. L’angle choisi rend ce premier le sujet de la toile, marquant le paysage tel une tâche grandiose. Ces vues reflètent la colère de certains habitants d’Argenteuil face à ces constructions industrielles, intruses dans les paysages ruraux.

             En revanche, Monet montre aussi la cohabitation des deux mondes. Le pont enjambe la rivière qui reste paisible. La verdure est riche et sans signe de guerre. On ne remarque presque pas la locomotive traversant le pont sans perturbation, sa fumée se fondant dans les nuages.

             Monet a porté un intérêt particulier à ce pont car il a eu un impact positif sur le développement d’Argenteuil. Le train se faufile jusqu’aux confins de la campagne, suscitant la colère, l'espoir, ou l’indifférence. Mais les résultats sont indéniables, il apporte avec lui le développement économique.

Exemple de gare, la gare de Courseulles

Le lendemain, un dimanche, cinq heures du matin venaient de sonner à tous les clochers du Havre, lorsque Roubaud descendit sous la marquise de la gare pour prendre son service. Il faisait encore nuit noire [...]. Sous la marquise, les becs de gaz brûlaient toujours, pâlis par le froid humide de l’heure matinale ; et il y avait là le premier train de Montivilliers, que formaient des hommes d’équipe, aux ordres du sous-chef de nuit. Les portes des salles n’étaient pas ouvertes, les quais s’étendaient déserts, dans ce réveil engourdi de la gare[25]

Un important enjeu urbain
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             La gare est une création du chemin de fer. À ses débuts, elle était souvent improvisée dans des bâtiments préexistants, adaptés tant bien que mal à leur nouvelle fonction. Elle devient ensuite un endroit semi clos, avec des installations ferroviaires comme des voies principales, des cabines d’aiguillage, un dépôt etc…

             Son architecture souvent imposante et récurrente d'une ville à l'autre rend la gare un monument important de la ville, rivalisant même avec les clochers et les églises. En effet ils ne sont plus les seuls à avoir une dimension temporelle. L'horloge obligatoire de la gare donne l'heure de la journée. Cela change les notions du temps et de ponctualité des populations[26].

À la fin du 19è siècle, il n’y a aucune règle précise pour les questions de l’installation et du dimensionnement d’une gare. En effet, chaque gare est spécifique à son environnement. Or avec l’accroissement rapide du trafic, les gares seront saturées dès les années 1840-50. Les compagnies, avec les autorités locales ou régionales, prennent des dispositions pour normaliser les équipements afin de rendre les mises à niveau efficaces.

             (Pour aller plus loin: Quelques ingénieurs établissent alors un coefficient heuristique. Ils font le rapport de la surface couverte théorique par le nombre annuel de voyageurs en circulation. Ils multiplient ce nombre par 1000 et obtiennent le coefficient avec lequel ils peuvent tirer des conclusions pour savoir si les dimensionnements prévus sont justes. )[27]

             De plus, elle devient rapidement une interface entre le train et la société. Elle offre des installations spécifiques à cette fonction comme des locaux d'accueil et d’attente, des cours de chargements, et des quais. Le mélange entre transports, voyageurs et marchandises donne une structure complexe à la gare et rend sa gestion délicate. Pour superviser ces flux ferroviaires, le poste de chef de gare est créé. Ce dernier est ainsi responsable de la bienséance dans la gare à l'égard des autorités locales ou régionales[27].

Norbert Gœneutte - Le pont d'Europe la nuit

             Le train bouleverse le système postal: une lettre qui prenait une semaine à arriver peut maintenant prendre une journée. En 1837, on confie le transport du courrier aux chefs de trains. Mais le volume croissant d’année en année avec la Révolution industrielle qui voit multiplier les usines et les grandes entreprises. Ainsi, à partir de 1845, une voiture postale où travaillent les ambulants est mise en place. Ces ambulants triaient le courrier pendant de longues heures de trajet. Vers 1860, les centres de tris commencent à s’installer dans les gares parisiennes, ce que l'on appellera des "bureaux-gares". L'administration des Postes leur donne le rôle de faire un tri préparatoire qui sera ensuite achevé par les ambulants en cours de route. Vers la fin du 19e, elle ouvre des bureaux-gares dans d’autres grandes gares de provinces, puis dans celles de préfectures. Le système postal français s’est étroitement imbriqué aux systèmes ferroviaires et a renforcé cette idée que la gare est une interface entre deux milieux[28].

Illustration : le train au cœur des villes
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Claude Monet - Arrivée du train de Normandy en Gare Saint-Lazare

             Dans ce tableau de Norbert Goeneutte, Le pont de l'Europe la nuit, on observe le pont, des pâtés de maisons ou d’usines, et de la fumée. Les trains ne font que partie minime du décor. Pourtant, ces derniers sont omniprésents. La fumée qui envoûte le tableau rappelle la machine à vapeur tractant la locomotive, et les barrières métalliques du pont rappellent les gares et les rails.

             Le train a serpenté jusqu’au cœur de la ville. Il oblige cette dernière à se modifier par la création d’un pont. D’un côté, le peintre sépare le train et la ville en les posant dans des plans différents. Cela témoignerait du sentiment de rejet du changement que vivent certains français. D’un autre, il montre que les deux cohabitent, le pont symbolisant un certain compromis, un passage entre deux mondes, liant le plan urbain au plan ferroviaire.

             On retrouve aussi l'importance du train dans le tableau Arrivée du train de Normandie, gare Saint-Lazare 1877 de Claude Monet. Les couleurs froides contrastent et font ressortir les structures métalliques sombres de la gare, des wagons, et de la locomotive à vapeur. De plus, la fumée remplit les hauteurs et la silhouette de la locomotive réapparaît au quatrième plan: elle est omniprésente. Enfin, la locomotive est située au point d’or de la toile, presque seule au deuxième plan, attirant le regard. Monet transmet l’idée que le train ne s’impose pas qu’au regard de l’observateur mais aussi à la ville qu’il transforme.

             Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, le train a pris assez d’ampleur pour ne plus passer inaperçu. Il est maintenant ancré tel un symbole imposant de la modernité.

Des changements dans le quotidien

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             Dès 1830, le chemin de fer se heurte au problème de l’éclairage. La technique des lanternes à huile ou à pétrole est d’abord utilisée. Mais cette solution n’est pas optimale du fait du risque d’extinction inopiné. L’acétylène représente un progrès qui bénéficiera beaucoup au train, surtout en matière d’intensité et de stabilité.

             Les gares devaient être éclairées la nuit par Ordonnance Royale. Les compagnies pouvaient choisir la durée et l’intensité de leur éclairage en fonction du nombre de trains de passage, et le nombre de trains qui s'arrêtaient en gare. Elles pouvaient aller jusqu’à éteindre les lumières des quais, mais l’horloge devait toujours rester allumée. En effet, elle constituait un repère indispensable pour les équipes des trains qui franchissaient la gare[29].

             D’autres lieux sont à éclairer, comme les fosses à piquer[Notes 1] le feu, les cours et avenues des gares, certains passages à niveau, et bien sûr les trains eux-mêmes.

             Le train a subi la prolifération de l'éclairage et a bénéficié du domptage de la lumière.

Un nouveau rythme de vie

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             L’arrivée du train à vapeur fut aussi un grand bouleversement dans le mode de vie des populations. En effet, comme dit précédemment, les diligences, anciennement utilisées pour se déplacer de villes en villes, n’avaient pas d’horaires de départs fixes ni de lieu de rassemblement fixe. Le rythme de vie des populations était alors organisé autour du système jour nuit car s’éclairer la nuit coûtait cher. Avec l’arrivée des locomotives, la durée des trajets fut grandement raccourcie, ce qui permit de transporter plus de personnes, plus de marchandises mais surtout plus fréquemment. Dans le but de réguler ce trafic, le gouvernement et les compagnies de train décidèrent de créer un système d’horaires fixes pour les trains, se renouvelant tous les jours, et permettant aux populations de savoir exactement quand un train était disponible pour un trajet spécifique. Le système d’heure que l’on utilise encore aujourd’hui vit alors le jour. Pour permettre aux populations d’avoir accès à tout moment à l’heure, de grandes horloges remplacèrent les cadrans solaires tout en haut des clochers des églises et sur le fronton des gares. La vie des populations était alors rythmée par les deux midi » d’une journée. Les églises n'étaient alors plus seulement utilisées comme lieu de culte, mais aussi comme point d’information permettant de connaître l’heure. Grâce à ce système, les déplacements longue distance devinrent plus fréquents car plus accessibles à tous, ce qui permit aux villes de s’élargir et aux populations de vivre plus loin du centre, car un trajet précédemment long ne prenait désormais que quelques heures voire quelques minutes grâce au train[30].

             La compagnie de Saint Germain inaugura l’ère touristique du train le 26 août 1837 en ouvrant la ligne de transport passagers de Paris à Saint Germain. Son but : attirer les parisiens avec les parcours pittoresques de l’ouest de Paris pour les convaincre des bienfaits du train. En effet, au début les voyageurs prennent le train pour admirer le paysage défiler et pas forcément pour arriver à destination. Ces trains "plaisirs", après essais et échecs, deviennent rentables : seulement quelques jours après son ouverture, 20 000 passagers empruntent quotidiennement la ligne. Les désirs des individus de toutes classes de partir en vacances, ne serait-ce qu’un weekend, montrent un possible profit à la compagnie. La ligne est alors allongée jusqu’à Dieppe, Fécamp et Tourville[31].Similairement, en 1863, la ligne Paris-Lisieux est allongée jusqu’à Deauville, contribuant à la démocratisation du tourisme balnéaire[32].

             On peut en conclure que le tourisme a bien été un facteur motivant l’élongation des lignes et que le train a permis aux français de découvrir leur pays et de s'échapper des grosses villes.

             Schivelbusch, un philosophe étudie la relation entre passagers dans son livre "The Railway Journey"[33]. Outre ses idées peu fondées ou négatives, il propose une vision unique du changement visuel que le transport ferroviaire apporte à la société. Durant le trajet, le voyageur est assis en face d'inconnus. Il n'y a que ce moment avec l'Autre, mais pas assez de temps pour faire connaissance. Ainsi, les autres passagers anonymes deviennent le paysage eux-même. De plus, les panoramas se succèdent trop rapidement pour être étudiés. Il faut ainsi un court moment d'adaptation à la société pour apprendre à apprécier la vitesse de ce paysage défilant.

Paysage économique et financier

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La révolution du chemin de fer accompagne la révolution agricole

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« Florent, pour passer, dut s’appuyer contre un de ces sacs grisâtres, pareils à des sacs de charbon, et dont l’énorme charge faisait plier les essieux ; les sacs, mouillés, avaient une odeur fraîche d’algues marines ; un d’eux, crevé par un bout, laissait couler un tas noir de grosses moules. À tous les pas, maintenant, ils devaient s’arrêter. La marée arrivait, les camions se succédaient, charriant les hautes cages de bois pleines de bourriches, que les chemins de fer apportent toutes chargées de l’Océan… »[34]

             L’agriculture au XIXème siècle connaît sa propre révolution, amenée par la mécanisation des procédés de transformation et d'exploitation des sols. Un aspect souvent négligé de ces évolutions est le rôle du train : la révolution du train accompagne en effet la révolution agricole[14].

Le chemin de fer, moteur de l'ouverture de nouveaux marchés nationaux ...

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             L’utilisation du train dans le secteur agricole apparaît comme une évidence : elle permet le transport rapide et quotidien des denrées alimentaires vers Paris, ou d’autres villes mineures, ce qui permet l’expansion géographique des marchés agricoles. Les compagnies de chemin de fer s’en sont rendu compte immédiatement, poussant ainsi à la réglementation du transport des denrées alimentaires : des tarifs spécifiques sont créés en fonction de la nature du produit (produit de primeur et produit pouvant être transporté en vrac ne sont pas tarifés de la même manière par exemple), amendes pour des retards supérieurs à 6 heures ou encore très faible taxation des emballages des denrées[35]. C’est la création des « trains des primeurs ». Le train a ainsi contribué à la diversification des aliments consommés, à la libération des contraintes saisonnières ou encore au succès de certains produits[18].

             Ces effets sont soulignés assez rapidement : en 1856, Armand Husson écrit en effet :

Paris est, pour les fruits de saison de toute espèce, un centre d’approvisionnement et de consommation, dont l’attraction se fait sentir jusqu’aux extrémités du territoire, depuis surtout que la locomotion à vapeur, en se multipliant dans toutes les directions, a créé des moyens de transport puissants et rapides[36]

... mais aussi internationaux

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         Cependant, la création de nouveaux marchés n'a pas été limité à la France. En effet, la révolution du chemin de fer est un phénomène global en Europe, ce qui permet l'ouverture de flux d'échanges internationaux. A l'exportation, les principaux courants sont cités ci-dessous par André Lefèvre:

Les pommes de terre d'Alsace et de Lorraine dirigées sur la Grande-Bretagne par Dunkerque, Calais, Boulogne ou Saint-Valéry, de Lorraine expédiées en Grande-Bretagne par Dieppe, Fécamp, Le Havre, Honfleur ou Cherbourg. Le sucre de la région parisienne gagne le Grand-Duché de Luxembourg par Thionville, la Sarre par Forbach, le Palatinat par Wissembourg, le Grand-Duché de Bade par Strasbourg, la Suisse par Bâle; celui de Champagne, de Reims, atteint la Belgique par Givet, le Grand-Duché de Luxembourg par Thionville, le Grand-Duché de Bade par Strasbourg, la Suisse par Bâle; celui des Flandres, d'Artois et de Picardie est exporté en Sarre par Forbach, au Palatinat par Wissembourg, au Grand-Duché de Bade par Strasbourg, en Suisse par Bâle, enfin par Marseille; […]. Les vins et alcools du bordelais pénètrent en Belgique, dans le Grand-Duché de Luxembourg, en Sarre, en Rhénanie, au Palatinat, dans le Grand-Duché de Bade, le Wurtemberg et la Suisse; ceux du Libournais vont en Grand-Duché de Luxembourg, en Sarre, en Rhénanie, dans le Grand-Duché de Bade et en Suisse; ceux de l'Agenais sont dirigés sur la Belgique, la Sarre, la Rhénanie, l'Allemagne du sud, l'Autriche, les Principautés danubiennes, la Suisse. […] ; de Champagne sont expédiés en Grande-Bretagne et aux États-Unis[37]..

Une révolution qui ne profite pas à tous

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         Il est cependant intéressant de souligner que les agriculteurs n’ont pas été les premiers bénéficiaires dans ces changements : en effet, le modèle de tarification, basé sur le système allemand, est à l’initiative des compagnies, et ne laisse donc aucune marge de négociations aux agriculteurs. Cette organisation favorise l’émergence de groupeurs, qui assurent un flux régulier d’un certain tonnage de marchandises. Les grossistes sont donc les premiers bénéficiaires des changements, les agriculteurs pouvant seulement profiter de l’ouverture de nouveaux marchés.

         L’activité de certaines régions rurales a aussi été parfois concurrencée par d’autres à cause du développement du chemin de fer. Par exemple les régions rurales du Bassin parisien se sont mises à souffrir d’une crise démographique grave. Avant le chemin de fer, ces régions ravitaillaient Paris en légumes frais, en fruits, en viande, en vin et en bois, bénéficiant ainsi de leur proximité avec la capitale. Mais une fois le rail mis en place, tous ces produits pouvaient venir de plus loin et à moindre coût, car ils venaient de régions spécialisées qui bénéficiaient alors de tarifs spéciaux pour les forts tonnages. La région s’est alors orientée vers l’élevage, activité requérant moins de main d’œuvre et qui pouvait se développer grâce au tronc Paris-Lyon-Marseille[38].

Le train, objet d'espoirs financier

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        En 1844 démarre en Europe une spéculation intense sur le chemin de fer. En deux ans, 5 700 kilomètres de lignes sont construits en Angleterre et 960 kilomètres en France, par des sociétés privées. Une bulle spéculative se crée autour du chemin de fer qui représente alors en France la moitié du marché boursier, évalué à 2,5 milliards de francs. Cette bulle finit par éclater en 1847, causant l’un des principaux krachs du XIXe siècle[39]. Ce krach sera suivi, mais non lié, par la Révolution Française de 1848, qui conduira à la création de la Deuxième République la même année, puis à la restauration de l’Empire, suite au coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte de 1851.

Napoléon III, l'ère du libéralisme encadré

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        Napoléon III préconisait la direction par l’État du régime économique, ce qui lui permit d’emporter l’adhésion des Saint-Simoniens[Notes 2], et de rassurer le capitalisme inquiet. En effet il avait vécu à Londres (en prison) et avait ainsi pu observer le fonctionnement anglais. Il en déduisit que le libéralisme était bon économiquement mais qu’il devait être encadré par l’État qui devait à la fois fournir des financements et des règles économiques. Cette idée fut une des raisons du succès du coup d’état[40].

        La crise financière et la révolution de 1848 avaient révélé la fragilité du système bancaire français de l’époque, faisant apparaître la nécessité de le réformer et de mettre en place un système de banque moderne. A cette époque, la construction des chemins de fer et le développement des échanges nécessitent plus de facilité dans les paiements et une circulation plus fluide de l’argent. C’est alors que va s’opérer une véritable révolution bancaire. Deux groupes d’affaires principaux vont mener cette révolution : un premier conduit par les frères Péreire qui cherchent à réaliser un projet saint-simonien élaboré et réfléchi depuis des décennies, et un second, conduit par Armand Donon, promoteur de la banque de dépôts à l’anglaise[41].

        La principale réussite des frères Péreire fut la création du Crédit Mobilier en 1852. Il est intéressant de noter que la majorité des grands groupes bancaires fondés sous le Second Empire le furent par des saint-simoniens : le Crédit mobilier créé en 1852 par les frères Péreire, le Crédit lyonnais fondé par Henri Germain et Arlès-Dufour en 1863, la Société générale par Paulin Talabot en 1864. La contribution de ces grandes banques au développement du pays est indéniable : financement des chemins de fer, des grands travaux. Elles ont également permis des investissements à l’étranger et dans les colonies.[42] Ces évolutions conduisirent notamment au développement du crédit, comme le préconisait la doctrine Saint-Simonienne. Le Crédit Mobilier des frères Péreire jouera un rôle important dans la forte croissance économique à crédit de la période 1850 à 1857 qui s’acheva à la suite de la panique financière de 1857. Le Crédit mobilier disparut en octobre 1867[43].

        Le développement des crédits va profiter à l’État qui ouvre par décret des crédits pour l’exécution de travaux dont l’utilité publique est déclarée par l’Empereur, dont la reprise du programme de développement du réseau de chemins de fer fait partie[40]. L’enjeu politique du chemin de fer est très important. C’est pourquoi Alexis Legrand dessine l’étoile qui donne un rôle économique et politique prépondérant à Paris, système qui sera copié à Londres et à Moscou. C’est une conception toute particulière du territoire comparée à d’autres pays comme l’Allemagne ou les États-Unis qui ont un territoire multipolaire, c’est-à-dire qui présente une multitude de centres, de hubs. Les pouvoirs sont donc centralisés autour de Paris, de cette manière l’État finance, récupère les bénéfices des compagnies et donne également les règles du jeu.

Politiques économiques

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        A l’évolution du système bancaire et financier s’ajoutent des évolutions dans les politiques commerciales qui réduisent les droits d’entrée sur les fers, autorisent l’importation de rails en cas urgents, et abaissent les droits sur les rails (notamment grâce à des accords bilatéraux entre la France et la Belgique et entre la France et l’Allemagne). Les fers viennent principalement du Land de la Sarre ainsi que de la région de la Ruhr, de Suède et de Belgique. Les rails quant à eux viennent principalement de la Sarre. Construire de nouvelles lignes de chemins de fer est alors moins onéreux pour l’économie française et la longueur des lignes exploitées passe de 3 886 kilomètres en 1852 à 8 691 en 1858. La panique de 1857 va ralentir de manière importante ce développement qui se poursuit tout de même, la longueur des lignes exploitées passant à 17 466 kilomètres en 1870 (dont 13 600 construits sous le régime impérial)[40].

        Ces accords commerciaux établis et le développement du chemin de fer se poursuivant, les bénéfices sur le commerce extérieur commencent à apparaître. Grâce à ces accords commerciaux, les tarifs pour les transports de marchandises et de voyageurs sont les suivants :

« En 1866, le prix moyen du transport d'un voyageur à un kilomètre est de 0 fr. 055, celui d'une tonne à la même distance de 0,0598 (0 fr. 0362 pour la houille) au lieu de 0 fr. 20 à 0 fr. 25 par la route d’où une économie annuelle de 1.850 millions de francs ; »[40].

        Les capitaux brassés par le commerce extérieur sont conséquents, ils passent de 3.136 millions de francs en moyenne par an pour la décade 1847-1856 à 7.329 millions en 1864. Le libéralisme du régime économique de l’époque ainsi que le développement du chemin de fer sont les deux facteurs ayant permis d’obtenir de tels résultats. Si l’on compare au reste de l’Europe, on se rend compte des bénéfices apportés par le chemin de fer à l’industrie et au commerce européens :

« De 1855 à 1869, la longueur des voies ferrées exploitées passe de 1,414 kilomètres à 3.052 en Belgique, de 303 à 1.480 aux Pays-Bas et au Luxembourg, de 8.444 à 17.330 en Allemagne, de 2.979 à 8.037 en Autriche-Hongrie, de 1.188 à 7.685 en Russie, de 1.083 à 5.772 en Italie, de 290 à 1.380 en Suisse, de 508 à 5.407 en Espagne. Le prix de transport d'un voyageur à un kilomètre s'élève à 0 fr. 055 en 1864 en Allemagne, 0 fr. 054 en Belgique en 1863, 0 fr. 053 en Russie en 1864, 0 fr. 052 en Suisse en 1864, et à 0 fr. 059 en moyenne pour l'Europe; le prix de transport d'une tonne à un kilomètre ressort en 1864, à 0 fr. 113 en Suisse, 0 fr. 094 en Allemagne et en Russie, et à 0 fr. 07 en moyenne pour l'Europe qui réalise une économie annuelle, par rapport aux transports par route, de 8 milliards de francs. »[40].

Le train modifie certains monopoles

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      Le kilométrage est le nombre de kilomètres de voies allouées à un moyen de transport. Le bateau a détenu ce monopole jusqu’en 1850, avec 40% des voies à son effectif. En 1870, ce chiffre a baissé de 15%, concurrencé par le développement du train.

       La France a en effet choisi de développer son secteur nautique en tant qu’outil militaire plutôt que commercial. De plus, le développement dans les terres d’un système fluviale fut très lent. En effet, malgré de brillantes idées telles que la création d’immenses chaînes de fer, pouvant remorquer les bateaux dans les fleuves contre les courants les plus forts (avec plusieurs installations mise en place notamment entre Paris et Rouen), c’est le train à vapeur qui sera tout de même priorisé pour tout déplacement à l’intérieur des terres dû majoritairement au coût très élevé de la mise en place et de l’utilisation de ces solutions[44].

       Dans certaines régions, le train a d’ailleurs été implémenté dans le but de concurrencer le bateau, soumis aux trop forts aléas météorologiques et imposant des tarifs jugés trop importants. C’est notamment le cas de la ligne Andrezieux – Saint-Étienne, comme il sera discuté dans l’étude de cas.

      Jules Petiet, directeur de l’École Centrale avant de devenir directeur du Matériel et de l’Exploitation de l’important réseau du Nord participa au développement de locomotives innovantes, tout en élaborant une théorie du coût des locomotives et de leur exploitation. En 1847, il définit une politique de transport du charbon qu’il maintiendra et développera sous l’Empire:  Dans le calcul du tarif, il tena compte du prix de revient réel du transport et abandonna la tarification par des régimes de faveur. Il pense pouvoir faire payer la vitesse, régularité, et ponctualité du train plus cher. Cela le poussa à prendre un léger risque: il appliqua des prix en fonction de la navigation qui sont alors très élevés et le trajet ferroviaire de Mons à Paris s'aligne sur celui du canal. Ce dernier baissa aussitôt ses tarifs, preuve que le train est reconnu tel un concurrent digne de ce nom, et détruisit pendant un temps le monopole qu’avait le bateau sur le transport de marchandises[45].       

Les Cheminots: un nouveau corps de métier

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Une éducation spéciale

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        Les ingénieurs des Mines se sont occupés des premières installations industrielles importantes que sont, évidemment, les mines. Cela leur a naturellement permis d’obtenir des responsabilités dans d’autres domaines d’applications industriels au fur et à mesure qu’ils apparaissaient. Parmi ces derniers sont les premiers véhicules à propulsion mécanique, dont fait partie la locomotive à vapeur. Mais peu à peu, le domaine du rail prend de l’ampleur et demande une connaissance propre. La spécificité ferroviaire s’affirme, montrant que le train est devenu une puissance industrielle non négligeable[46].

        L'apprentissage avait toujours existé de manière officieuse. La loi de 1851 eut pour but d’encadrer tant bien que mal ce système de professionnalisation. Mais même si l'idée était bonne, elle était peu appliquée à cause de ses nombreuses failles (aucun contrôles, âge minimum inexistant....)[47]. L’apprentissage était tout de même un moyen de grimper dans la hiérarchie sociale, et de parvenir à un poste demandant des responsabilités. Un certain nombre d’ingénieurs ferroviaires ont ainsi fait leurs débuts en tant qu’apprentis, entrant à 14 ans dans le milieu, sans qualifications. Les compagnies ferroviaires, désireuses d’obtenir des ouvriers qualifiés, mirent en place un système éducatif interne qui formera une véritable élite ouvrière. Le train a ainsi beaucoup bénéficié de l'apprentissage et a même contribué à son expansion[48].

La hiérarchie

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        Très rapidement, une hiérarchie s'est mise en place au sein de la gare et du train.

        Dans la gare, le chef de station est en haut de la hiérarchie. Il a des rapports avec les autorités locales et surtout la police. En effet, le monde ferroviaire connaît beaucoup de crimes, d'où l'inspiration d'Agatha Christie, et le chef de gare doit dénoncer les délits et actes de malveillances dont il prend connaissance. De plus, il doit constater toutes les "affaires diverses". Cela peut aller de l'enfant qui a perdu ses parents au voleur qui s'est enfui dans un train sans payer l'addition du restaurant. Par ailleurs, le chef de gare est responsable des marchandises volées dans son entrepôt, sur ses quais, dans ses halles et ses cours de débords. Enfin, si on découvre qu'il a laissé passer des caisses n'ayant pas payer les taxes, il se retrouve complice de fraude[49].

        Dans le train, le mécanicien et le chauffeur se partagent la conduite de la locomotive. Ce premier est chauffeur avant d'être mécanicien. En effet c'est un expert de la locomotive ayant beaucoup d’expérience et connaissant parfaitement sa machine. Il est le plus haut placé hiérarchiquement jusqu'à l'arrivée du chef de train. Ce dernier poste apparaît plus tard, lorsque le monde ferroviaire prend plus d'ampleur. Il a des responsabilités spécifiques en cas d'accidents et doit avoir des connaissances en médicaments et premiers soins[50]. Parallèlement, le contrôleur est un membre important d'un train. A ses débuts, sa première mission n'était pas de contrôler les passagers, mais de contrôler ses collègues. Il devait rapporter si les membres de l'équipage étaient bien à leur poste et faisaient bien leur travail. Au fur et à mesure, sa mission changea et il finit par contrôler les passagers. C'était un métier dangereux car il n'y avait pas de passage facile entre deux voitures et plusieurs sont morts à cause de cela[51].

Garde-barrière

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        Aux débuts du train, le métier de Garde-barrière était simple. La tâche était de surveiller et de sécuriser les passages à niveaux. C'était un poste confié aux veuves de cheminots morts au travail. Cela leur assurait une petite maison et un salaire modeste.

        Ce travail devint de plus en plus compliqué du fait que les trains allaient de plus en plus vite et devaient freiner sur de plus longues distances. Pour savoir si un train arrivait ou pas, la garde conversait avec la gare grâce à un télégraphe. Ces femmes, pionnières, occupaient ainsi un poste aux responsabilités élevées dans le monde masculin du ferroviaire[52].

Déclin du train à vapeur

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        Après Napoleon III, le train à vapeur ne connaît aucune innovation majeure au niveau de l'augmentation de sa vitesse : les évolutions techniques concernent donc la charge (on résonne en tonnage par km à l’époque). En France, on recherche la rentabilité et la quantité plutôt que la vitesse à l’époque. A titre de comparaison, les anglais recherchent la vitesse: il y a organisation de courses entre Londres et Edinburgh par exemple. Ceci est dut à la différence entre les deux systèmes : en Angleterre on fait de la vitesse un produit de luxe. En France, on organise les trains en différentes classes qui déterminent le niveau de luxe.

Concurrence (train diésel, voiture)

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        Le train à vapeur a connu un déclin à partir du début du XXème siècle, concurrencé notamment par le train diesel et électrique, ainsi que la voiture.

Photographie de la première voiture automobile (1889)

        La traction diésel et électrique existaient déjà auparavant mais la traction à vapeur était de loin prédominante : en 1837, le train à vapeur assure 80% du trafic ferroviaire[53]. Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, le train à vapeur se doit de se renouveler, concurrencé par le train électrique qui apporte plusieurs avantages. Celui-ci est plus économique en maintenance, et nécessite moins de personnel pour fonctionner. De plus, la création et le développement du réseau électrique en France à partir de 1910 donne la possibilité au train électrique d'être mis en place. Le train à vapeur, qui utilisait du charbon dont le prix ne cessait d'augmenter, et dont le rendement ne dépassait pas les 7%, peina à amorcer la révolution sociale et économique dont il aurait eu besoin pour se démarquer[53]. La lenteur et le coût de la vapeur étant exacerbés, notamment après la Seconde Guerre Mondiale, une véritable bataille psychologique contre le train à vapeur est lancée . A cette même période, des recherches sur l'énergie atomique sont lancées en France afin de développer les différentes applications qu'on en connaît aujourd'hui, dont bien sûr la production d'électricité. Cette électricité produite à moindre coût sera un autre argument de poids en faveur de la traction électrique. La traction diesel, qui fonctionne à moindre coût s'ajoute aussi à la liste des concurrents de la vapeur.

        Il est important de noter que, quoique plus chère, la vapeur reste plus performante que ses concurrents. Quant à la traction électrique, elle est rentable si utilisée de manière continue. L'électricité ne pouvant, à l'époque, pas être stockée, l'électricité non utilisée était perdue. Les trains devaient donc circuler en continu pour ne pas faire perdre d'argent à la compagnie. André Cossié, ingénieur à la SNCF, dira que "la traction diesel est moins chère que la traction électrique comme une bicyclette serait moins chère qu’une automobile". Ainsi, la décision de remplacer la vapeur a été motivée purement par la nécessité, créée par les pouvoirs publics eux-mêmes, de faire des économies.

        Dans d'autres pays, où le charbon est plus facilement accessible (en Allemagne, Afrique du Sud ou Chine par exemple) le train à vapeur a d'ailleurs été utilisé plus longtemps: on pourra prendre comme exemple la Chine qui mit à la retraite son dernier train à vapeur en 2016.[54]

        Parallèlement, la voiture se développe avec la révolution du bitume. En effet, des lobbys poussent à la modernisation des routes qui pourront désormais accueillir des voitures. Celles-ci étaient auparavant bombées afin que les diligences puissent y rouler. L’émergence de l'autocar, qui permet plus de proximité avec ses utilisateurs, fait aussi de l'ombre au train à vapeur[14].

        Ainsi, le dernier train à vapeur est mis en arrêt en 12 juin 1969. Dans une chronologie dédiée à son histoire, la SCNF écrit :

C’est bientôt la fin de la vapeur avec le dernier voyage pour cette équipe de conduite, aux commandes de la légendaire « Pacific Flèche d’or ». Le mécanicien et le chauffeur ont le cœur serré, après vingt ans de service sur ce type de machine. Inauguré en septembre 1926, le service rapide train et bateau La Flèche d'Or reliait chaque jour Paris-Nord à Londres�Victoria en passant par Calais et Douvres[55]

Vestiges dans le monde d’aujourd’hui

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        On retrouve le train à vapeur à travers l’art et la vie commune même après son déclin.

        En effet, il existe encore des trains à vapeur, même s’ils ont été modernisés. L’Orient-Express, n’est pas qu’un moyen de transport, mais aussi une fin en soi. Les trains comme celui-ci génèrent beaucoup de profits, mais transportent peu de voyageurs. En 90 ans, l’Orient Express a transporté autant de monde que la SNCF moderne en 1 jour. Il existe aussi des trains de ville reprenant la forme de la locomotive à vapeur. Cela montre que cette dernière est bel et bien rentrée dans le domaine du passé et est devenue une attraction touristique[14].

        On retrouve aussi le train à vapeur à travers la littérature. Par exemple, Agatha Christie aura un impact énorme sur la popularité de l’Orient Express. Le train, quel que soit son type, est intéressant dans les romans policiers de par le monde fermé et compartimenté qu’il permet de créer.

        De plus, on les retrouve au cinéma, par exemple dans Harry Potter, Narnia, ou Laputa. Dans les deux premiers, il ajoute à l’atmosphère fantastique en créant une rupture entre les temps modernes et le nouveau monde que les personnages découvrent. Dans le troisième, il se fond dans l’univers presque steampunk de Miyazaki.

        Enfin, on retrouve la locomotive à vapeur dans le monde des enfants. Entre les jouets et Thomas le train, il a accompagné bien des individus à travers leur jeunesse.

        Le train à vapeur est donc aussi un objet de rêve, de rayonnement, de cinéma, de légendes. Il a inspiré bien des individus et reste gravé dans notre culture populaire.

Étude de cas : La Compagnie de Saint Étienne à Lyon : un exemple emblématique du développement d’une ligne de chemin de fer

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Contexte : désenclavement du bassin houiller stéphanois

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            Ouverte en 1827 sous l’impulsion de l’ingénieur français Marc Seguin, la ligne Saint-Étienne/Lyon reliant les deux villes éponymes est la deuxième ligne de chemin de fer en France, et la première à transporter des voyageurs. C’est aussi un lieu d’innovation pour son créateur, l’ingénieur Marc Seguin.

Un développement du bassin à deux vitesses

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            Le bassin houiller stéphanois est historiquement un des premiers bassins houillers à être exploité en France, « le bassin de la Loire est alors [de 1817 à 1831] le principal bassin charbonnier français : il concentre entre 30 et 40 % de la production nationale »[56]. L’acheminement du charbon vers d’autres régions de France, notamment Paris où il est utilisé comme combustible, se fait par voie fluviale, le transport terrestre étant rendu difficile par l’état des routes. Cette situation permet le développement et l’essor du canal de Givors reliant la Loire au Rhône, dont les propriétaires font fortune[Notes 3]. La situation géographique du Rhône rend cependant son accès difficile pour certains industriels, comme ceux autour de Saint Étienne qui ne bénéficient pas d’accès direct au fleuve : le transport se fait donc à dos de mule, ce qui augmente considérablement les coûts.

            Ainsi, le bassin stéphanois subit un développement à deux vitesses : alors que les mines de Rive-de-Gier, qui bénéficient d’un accès direct au canal, tendent à s’épuiser à cause de leur surexploitation, celles de Saint-Étienne peinent à se développer[Notes 4].

La concurrence comme moteur de la construction de la ligne

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Le désenclavement du bassin devient une priorité pour l’État au début des années 1820, qui veut encourager les initiatives privées[Notes 5]. En effet, le canal de Givors, qui n’est utilisable qu’une partie de l’année pour causes météorologiques, a des tarifs trop élevés. Cependant, les routes sont en trop mauvais état pour que le transport terrestre vienne concurrencer le monopole de la batellerie. De plus, l’État a engagé des travaux coûteux de modernisation et de construction de canaux (Plan Becquey), qui accusent d’ailleurs d'importants retards.

Des acteurs régionaux, tels que « les sidérurgistes rhodaniens Frérejean, le transporteur lyonnais Galline, les marchands de charbon de Givors,[ou encore] les établissements consulaires »[57] exercent aussi une pression importante pour le désenclavement du bassin.

Ainsi, un premier projet de ligne de fer entre Saint-Étienne et Andrézieux, porté par l’ingénieur Beaunier, est proposé en 1821. La ligne est construite entre 1825 et 1822, et utilise « les standards ferroviaires britanniques »[57]. La construction d’une seconde ligne à partir de 1826 entre Saint-Étienne et Lyon est non seulement la continuation de cette entreprise, mais aussi un projet technique ambitieux, porté par les frères Seguin. L’état concèdera d'ailleurs une troisième ligne en 1827.

Les frères Seguin s’associent à Brisson et Biot, deux ingénieurs, pour proposer à Becquey puis Villèle leur projet de ligne de chemin de fer. Villèle préfère concéder la ligne de fer par mise en concurrence des offres : le cahier des charges est rédigé en février 1826[58].

Trois groupes se forment pour présenter leur candidature, dont deux provenant de banquiers parisiens (Berard et La Panouse), et le dernier étant celui de Marc Seguin. Cette mise en concurrence permet à l’administration de faire baisser les tarifs de la ligne de train : l’offre initiale des frères Seguin proposait un tarif de 0,10 F/t/km à la descente, et 0,15 F/t/km à la montée, contre un tarif unique de 0,098 F/t/km[59] après mise en concurrence de l’offre. L’adjudication leur est accordée et est approuvée par ordonnance royale.

La compagnie Saint-Étienne / Lyon : exploitation et déclin

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Les difficultés de la mise en place du projet

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           Marc Seguin s’inspire des lignes de Liverpool ou Darlington, tout en utilisant des principes du génie civil français pour le tracé et la construction de la ligne (comme pour les rails par exemple). Il doit aussi faire face aux défis présentés par le relief de la région.

           Cependant, la construction de la ligne ne présente pas seulement des enjeux techniques, mais aussi financiers : le capital de 10 millions de francs se trouve insuffisant face aux dépenses liées non seulement aux rails, mais aussi à l’achat du terrain. Les travaux sont arrêtés en 1830 dans un contexte de crise financière nationale, puis repris en 1831. Une première section de 20 km avait pu être ouverte en juillet 1830 (avec 7 mois de retard) entre Grand’Croix et Givors, afin de tester le prototype de remonte par les machines tubulaires de Seguin.

           Le chemin de fer est ouvert dans son entièreté en novembre 1832 pour les voyageurs, et en 1833 pour les marchandises. « Le trajet [entre Saint-Étienne et Lyon] se fait en trois heures et demie à la descente, et en cinq heures et demie à la montée »[60], ce qui correspond à une vitesse moyenne comprise entre 11 et 13 km/h. A noter que le trajet ne s’effectue pas sans difficultés techniques : « les chariots s’arrêtent souvent dans les courbes de 500 mètres de rayon » et « les transports [ne sont] pas toujours très bien coordonnés »[61]

Exploitation de la ligne, et succès

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           Quoique passé "inaperçu des contemporains"[57], la ligne Saint-Étienne - Lyon a, malgré des difficultés techniques et financières, un succès commercial immédiat. Le transport de houille atteint son objectif maximal très rapidement : la ligne a transporté le plus grand tonnage de marchandises du monde entre 1833 et 1848. Un trafic important de voyageurs s'ajoute à ce succès. Cependant, le tarif trop bas de la ligne et les difficultés d'entretien font ombre à ce succès : les milieux financiers doutent de la rentabilité du transport ferroviaire, ce qui explique l'appel à l'aide de l’État de nombreuses compagnies en projet dans les années suivantes.

           Elle permet ainsi le désenclavement du bassin, ainsi que la baisse des tarifs du Canal de Givors : en 1831, il est baissé à 0,08F/t/km. Cependant, un monopole pour le transport de la houille ré-apparaît à partir des années 1940, lorsque les compagnies du canal et du chemin de fer se répartissent le trafic. La compagnie a aussi le monopole du transport de voyageurs entre 1834 et 1845, période pendant laquelle il n'existe aucune diligence entre Lyon et Saint-Étienne.

           La compagnie en tant que telle est fermée le 30 septembre 1853 : elle est en effet fusionnée avec les deux autres lignes du bassin pour former la Compagnie des chemins de fer de jonction du Rhône à la Loire[62], qui est elle-même intégrée trois mois plus tard à la Compagnie du chemin de fer Grand-Central de France.

Conclusion de l'étude de cas

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         L'étude de la ligne de Chemin de Fer de Lyon-Saint-Étienne permet d'illustrer plusieurs phénomènes mis en évidence lors de notre étude du train à vapeur. Premièrement, le rôle du train par rapport aux industries minières : la construction de la ligne a enfin servi au désenclavement du bassin stéphanois en permettant le transport de la houille. De plus, cette ligne est le fruit d'un partenariat public/privé, qui a permis de financer un savoir-faire français en devenir. Cette ligne a aussi évolué, permettant le transport de voyageurs. Enfin, l'intégration de la ligne dans une compagnie plus large permet d'illustrer la création d'un réseau national.

Conclusion générale

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         En définitive, le paysage français du 19e/début 20e a fortement été influencé par le développement du chemin de fer. Cependant, si le chemin de fer est à l’origine de changements majeurs, il est lui-même un produit des changements de sociétés de l’époque. Au niveau technique, la démocratisation de l’utilisation de la houille et les recherches sur les machines à vapeur ont pavé la route de la machine à vapeur. Bien sûr, les innovations techniques ne suffisent pas pour développer des infrastructures de cette ampleur. La création des lignes de chemin de fer s’est d’abord appuyée sur des capitaux privés, les entrepreneurs se sont les premiers tournés vers les nouvelles possibilités offertes par le train. Afin de rattraper le retard accusé par la France en matière ferroviaire, l’Etat a par la suite développé des politiques pour accélérer et généraliser ce développement. D’abord en instaurant des partenariats publics-privés, puis en allant puis loin avec le plan Freycinet. La politique d’Etat concernant le développement du réseau ferré s’est aussi appuyée sur le développement des grandes banques modernes et du crédit qui ont largement bénéficié au chemin de fer. En dehors des politiques de développement, les évolutions dans les politiques commerciales, avec l’abaissement des droits de douanes notamment ou les décisions prises pour fixer les tarifs de transport de voyageurs et de marchandises sont d’autres facteurs ayant contribué à faciliter le développement du chemin de fer. Ces changements dans les paysages politique, financier et commercial ainsi que les évolutions techniques nécessaires sont à l’origine du développement du chemin de fer.

         Le développement du chemin de fer a par la suite eu de nombreux effets sur les dynamiques économique, commerciale, démographique et sociale. Des villes se sont créées autour des gares de triages, la population bourgeoise des banlieues a été remplacée par une population ouvrière, qui pouvait habiter plus loin des usines, situées au cœur des villes, qu’auparavant grâce aux possibilités de déplacement offertes par le train. Les grandes villes par lesquelles passait le chemin de fer ont connu une importante croissance tant économique que démographique. Cependant le lien de causalité entre l’implantation du chemin de fer dans une ville et la croissance de celle-ci n’est pas à établir systématiquement, d’autant plus quand la taille des villes considérées diminue. Le train est aussi à l’origine de l’explosion du marché européen et même international, accélérant considérablement les échanges de personnes et de marchandises. Cette dynamisation du marché a également grandement bénéficié au secteur agricole. Les producteurs pouvaient alors vendre leurs produits partout en France et même à l’étranger plus rapidement et à moindre coût. En dehors de la croissance, le train a également eu des impacts sociaux. Il a créé une nouvelle classe de travailleurs, les cheminots, et il a modifié le rapport au temps de la société avec l’instauration d’horaires précis et la mise en place d’horloge sur le fronton de chaque gare.

         Si nous devions résumer notre conclusion, nous pouvons affirmer que si le train est né des changements dans le paysage français du 19e/20e siècle, il a indéniablement provoqué un changement de paradigme. Cependant, nous pouvons nuancer en remarquant que, entre les recherches que nous avons menées, et l’idée que nous avions du train avant celles-ci, la place du train dans l’imaginaire collectif est quelque peu surestimée.

Notes et Références

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  61. Revue universelle: bibliothèque de l'homme du monde et de l'homme politique, Louis Hauman et C°, 1833 [lire en ligne] 
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  1. Les fosses à piquer le feu sont ordinairement pratiquées à fleur de terre, sur les voies principales des gares, à proximité de la grue hydraulique et du quai à coke, soit sur les voies de service du dépôt des machines. Ces cavités sont destinées à recevoir le résidu du foyer de la machine, lorsqu'on pique le feu pour l'activer au besoin. Elles facilitent aussi la visite et le nettoyage des parties inférieures de la locomotive. La pente du fond doit être disposée du côté de la grue, de façon à profiter des moyens d'écoulement d'eau ménagés pour la grue elle-même.
  2. Le saint-simonisme est un courant idéologique reposant à l'origine sur la doctrine socio-économique et politique de Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon (1760-1825) dont il tire son nom. Cette pensée, qui repose sur le concept d'une récompense universelle, par l'industrialisme notamment (la confiance dans le progrès technique, la certitude que c’est dans une industrie morale que réside la condition du bonheur, de la liberté et de l’émancipation), publiée à travers des écrits assez épars et résumée selon Saint-Simon dans le Nouveau christianisme (ouvrage inachevé publié en 1825 à sa mort), a été souvent reformulée par ses disciples après sa mort, pour exercer finalement une influence tout à fait déterminante en France au moment de la révolution industrielle, et du développement de la société industrielle dans ce pays. Les disciples ou partisans de Saint-Simon sont qualifiés de « saint-simoniens ». […] Pour Saint-Simon, se référant à une nouvelle théologie, il est davantage question de repasser à une aristocratie de talents et non de naissance. Il propose donc un changement de société et préconise une société fraternelle dont les membres les plus compétents (industriels, scientifiques, artistes, intellectuels, ingénieurs…) auraient pour tâche d'administrer la France le plus utilement possible, afin d'en faire un pays prospère, où régneraient la solidarité, l'esprit d'entreprise, l'intérêt général, la liberté et la paix. (Saint-simonisme, Wikipedia,https://fr.wikipedia.org/wiki/Saint-simonisme)
  3. L'essor du bassin commence fin 18ème siècle, et connaît son apogée au début du 19ème, comme en témoigne cet extrait: "La prospérité du canal permit de distribuer aux actionnaires, de 1816 à 1820, un dividende total de 2.788.000 fr [...] De 1821 à 1829, [...] les actions [du canal ont] été cotées 200,000 francs." L-J Gras (Ancien secrétaire de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Saint-Étienne, Ancien Professeur à l'École des Mines), Le Forez et le Jarez Navigables, Théolier à Saint-Étienne, 1930, consulté en ligne le 22/04/2022, http://givors.69.free.fr/canal/Gras07.html
  4. "Ainsi, depuis 1812 jusqu'à 1825, l'exploitation a plus que doublé. On voit, par ces documents, que Rive-de-Gier, avec moins de mines que Saint-Étienne, extrait deux fois moins autant de houille. Cette différence ne pouvant être attribué à un défaut de qualité des houilles de Saint-Étienne, qui sont au contraire reconnues pour être supérieures, ne peut résulter que de la difficulté et du haut prix des transports" Seguin frères et Edouard Biot, gérants, Compte-rendu aux actionnaires du chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon, 1826
  5. « Villèle sera le prototype de l’homme politique de la Restauration favorable à ces initiatives privées résolument novatrices. Son arrivée à la tête du ministère [de l’équivalent du ministère des transports], en 1822, favorisera ce genre d’entreprises, celle des Seguin entre autres… » Michel Cotte, « Innovation et transfert de technologie, le cas des entreprises de Marc Seguin (France 1815-1835) » : thèse d’histoire, (p160), 1995