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Recherche:Coproduction des projets urbains

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Coproduction des projets urbains

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Nous souhaitons ouvrir un champ de recherche à propos de la co-production des projets urbains.


  • Commissions Villeneuve, 1968 à Grenoble
  • Atelier Populaire d'Urbanisme, Roubaix
  • Atelier Populaire d'Urbanisme, Villeneuve de Grenoble


Nous commencerons par évoquer le sens de la co-construction en reprenant les travaux de Madeleine AKRICH.

Un terme aux usages diversifiés

Le terme de co-construction a fait irruption de manière récente dans le langage courant : utilisé dans la presse écrite une fois par an avant 2003, une fois par mois en 2005, il apparaît presque quotidiennement en 2013. En règle générale, il sert à mettre en valeur l’implication d’une pluralité d’acteurs dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet ou d’une action. On relève deux contextes principaux d’utilisation : le premier, relativement circonscrit, renvoit à la coopération entre les autorités définies aux différentes échelles, de la commune à la région, dans l’élaboration de politiques territoriales ; le second, beaucoup plus vaste du point de vue des champs d’application, désigne, de manière spécifique et dans le cadre de certains processus, la participation d’acteurs « inhabituels » compte-tenu de la répartition convenue des prérogatives, des compétences et de l’expertise. Il peut s’agir d’associer les salariés à la détermination de la stratégie d’entreprise, les parents à une réforme de l’éducation nationale, les riverains à un projet de rénovation urbaine, les handicapés à la mise en œuvre de l’accessibilité, les jeunes aux politiques les concernant etc. : en somme, ceux qui figurent d’ordinaire parmi les destinataires d’actions engagées par des autorités compétentes se trouvent réinvestis de la capacité d’intervenir sur la définition de ces actions au même titre que ces autorités. Dans la littérature académique, ce terme a subi une évolution parallèle à celle que l’on observe dans la presse écrite : son occurrence dans les résumés des articles devient sensible essentiellement à partir des années 2000. Il est présent :

-en sciences du langage où il renvoit à la participation de plusieurs locuteurs dans la production d’un énoncé ou dans la construction de sens ; -en psychologie du développement où il manifeste le rôle des interactions dans la construction des identités ainsi qu’en psychothérapie où il traduit la participation des patients à la définition de la démarche thérapeutique ; -en sciences de l’éducation où il dénote la volonté de sortir d’une transmission verticale des savoirs en associant activement et de manière collaborative les élèves ou les étudiants à la production des contenus de l’apprentissage, notamment grâce aux technologies de l’information et de la communication ;

-en sociologie ou en science politique où il désigne l’existence d’une pluralité d’acteurs impliqués dans la production d’une politique, d’un projet, d’une catégorie, d’un dispositif technique ou de connaissances.

Ces différents exemples n’épuisent pas cependant la variété des usages, car le terme de co-construction, n’ayant nulle part valeur de concept, se trouve mobilisé dans des contextes diversifiés.

Co-construction et participation

À première vue donc, le terme de co-construction apparaît comme appartenant de plein droit à l’univers de la participation, son émergence récente signant en quelque sorte la progression de l’idéal participatif. Il ouvre vers l’idée d’un débouché concret qui matérialise en quelque sorte les efforts conjoints des acteurs impliqués, et ce faisant, il spécifie le contenu de cette participation. La sociologie des techniques permet d’illustrer ce point de manière particulièrement nette. Les travaux menés dans ce domaine ont montré comment les choix techniques sont analysés par l’ensemble des acteurs concernés, des concepteurs aux utilisateurs, comme des choix engageant une définition du monde dans lequel ces dispositifs sont supposés prendre place, de leur environnement matériel et social, des formes de relations existant entre les différents acteurs ou entités qu’ils sont censés mobiliser et de leurs compétences, ressources ou désirs (Akrich, 1989 ; Bijker, Hugues, et al., 1989 ; Callon, 1981 ; Latour, 1992). Le terme de co-construction est mobilisé de deux manières différentes dans la description de ces situations. En premier lieu, il s’agit de rendre compte des relations d’entredéfinition entre les entités qui composent le monde suscité par le projet : on parlera notamment de co-construction des dispositifs et de leurs utilisateurs pour marquer l’intrication entre ces termes et le fait qu’à une vision linéaire de l’innovation qui dissocierait l’élaboration technique de l’appropriation sociale, on substitue une série de configurations en évolution qui travaillent l’articulation entre techniques et usages. Le second sens de co-construction découle de cette conceptualisation du processus d’innovation qui ouvre la possibilité qu’à tout instant s’engage une discussion sur ce monde en devenir : les projets techniques prennent donc l’allure d’expérimentations dans lesquelles s’éprouvent, se négocient, se défont aussi, les montages socio-techniques sur lesquels ils reposent, et ce, sous l’action conjuguée de différents acteurs, convoqués par les concepteurs dans certains cas ou qui s’auto-saisissent dans les cas de controverses publiques. L’innovation serait ainsi en constante reconfiguration, obligée d’intégrer les points de vue des acteurs concernés pour survivre. Certains auteurs (Pestre, 2011) soulignent néanmoins le fait que la capacité des différents points de vue à être pris en compte dépend en partie de rapports de force pré-existants, ce qui limite de fait la portée de cette co-construction. Deux voies s’ouvrent à partir de cette analyse (Oudshoorn et Pinch, 2005). La première dessine un espace plus ou moins organisé de débats dans lequel les différents groupes concernés sont appelés à réfléchir sur les liens entre choix techniques et choix de société : dès les années 1990, aux Pays-Bas puis au Danemark, le Constructive Technology Assessment, tirant les leçons des travaux en sciences sociales, a proposé un cadre de pratiques visant à intégrer les utilisateurs, les consommateurs, les citoyens dans une réflexion se situant en amont des processus de conception (Schot et Rip, 1997) ; elle a pu déboucher dans certains cas sur la spécification d’un cahier des charges à destination des ingénieurs, offrant ainsi une traduction de préoccupations politico-sociales en termes techniques. La seconde voie oriente vers une redéfinition des activités de conception qui tire tout le parti possible des capacités innovantes des utilisateurs (Von Hippel, 2005 ; Mallard, 2011) pour le bien supposé de l’économie comme de la société : les modèles d’open innovation, appuyés sur des plateformes collaboratives, relèvent de cette perspective.

En tout état de cause – et c’est là la valeur ajoutée apportée par le terme de co-construction – les formes de participation qui s’y rapportent reposent sur une relative continuité dans les compétences et les rôles des acteurs impliqués : il s’agit toujours d’articuler les différentes dimensions des projets en cause et de spécifier des mondes possibles. De ce point de vue, la co-construction suppose des modes d’engagement des acteurs sensiblement plus forts que ceux qui sont associés à la concertation ou à la consultation.


Références en ligne

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Madeleine AKRICH, « Co-construction », in CASILLO I. avec BARBIER R., BLONDIAUX L., CHATEAURAYNAUD F., FOURNIAU J-M., LEFEBVRE R., NEVEU C. et SALLES D. (dir.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, GIS Démocratie et Participation, 2013, ISSN : 2268-5863. URL : http://www.dicopart.fr/fr/dico/co-construction.)