Recherche:Comment parler aux complotistes

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Comment parler aux complotistes?[modifier | modifier le wikicode]

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Comment parler aux complotistes

Depuis quelques jours, s'est posé la question dans les milieux sceptiques de la meilleure

manière de s'adresser aux "complotistes".

Cela s'est produit après que l'une des grandes figures de la Zététique en ligne ait publié

un vlog dans lequel elle s'indignait de la connerie des complotistes, après avoir assisté

à une manifestation anti-vaccin.

Le but de cette vidéo ne va pas être d'y répondre, ni même de rouvrir les débats

que ce vlog a entraîné.

J'aimerais simplement vous faire part de ce qui me semble à retenir.

J'ai déjà eu l'occasion de parler de théorie du complot sur cette chaîne, et ça m'arrivera

sans doute encore d'en reparler, donc si le sujet vous intéresse, d'avance, n'hésitez

pas à vous abonner.

Mais pour l'heure, revenons à notre question.

Comment parler aux complotistes?

C'est quoi une théorie du complot[modifier | modifier le wikicode]

Il est important de souligner que la notion de théorie du complot est elle-même assez

floue, ce qui complique pas mal les choses.

Dans la plupart des cas, on l'emploie pour parler de l'appel illégitime à un complot

pour décrire une situation sociale.

"Un petit groupe de gens puissants qui se coordonne en secret pour planifier et entreprendre une action illégale et néfaste, affectant le cours des événements." Knight, Peter. Conspiracy theories in American historiy 2003 [1]

L'exemple-type serait de dire : je ne retrouve pas mon canard en plastique.

Un petit groupe de gens puissants s'est concerté en secret pour me le voler, je ne vois pas

d'autre explication.

Le monde ne sera plus le même.

Si l'exemple que j'utilise ici ne vous semble pas très sérieux, et je vous prie de croire

que la disparition de ce canard est très sérieuse pour moi, c'est à dessein, car

on parle de théorie du complot pour décrire une hypothèse dont on a de bonnes raisons

de penser qu'elle ne correspond pas à la réalité.

Pour autant, ces "bonnes raisons" peuvent varier d'une personne à l'autre, et la limite

qui sépare théories du complot et vrais complots est parfois plus fine qu'on ne le

croit.

L'étiquette de "complotiste" est parfois utilisée pour dévaloriser la parole de certains

groupes, et il existe une longue histoire de rejet de la contestation sociale et politique

basée sur cette accusation.[2]

La figure du complotiste est alors assimilée à une personne malade, voire même dangereuse

pour la société.

Il est donc très important de faire attention à l'usage qu'on fait de cette expression.

Pour les besoins de cette vidéo, admettons qu'on parle bien ici d'une théorie du complot.

Mais alors, se pose la question de savoir qui y croit.

Les approches existantes[modifier | modifier le wikicode]

L'adhésion aux théories du complot se trouve dans toute la société et à différentes

échelles, même si certaines situations y sont particulièrement favorables.

On pense par exemple aux populations marginalisées et aux régimes autoritaires.[3], [4]

Comme cela est relevé par les chercheurs du réseau COMPACT :

"Contrairement aux stéréotypes véhiculés dans les médias, les gens qui adhèrent aux

théories du complot ne sont pas tous les mêmes, et le rôle que jouent ces théories

du complot dans leur vie peut être très différent.

Parfois, les théories du complot peuvent constituer une manière d’exprimer une opposition,

ou peuvent contribuer à créer un sentiment d’identité collective.

Nous devons donc comprendre pourquoi ces croyances importent pour ceux qui les détiennent."[5]

Il ne suffit donc pas d'apporter des preuves qu'une théorie du complot est fausse pour

y répondre efficacement.

Ils poursuivent :

"[...] les efforts de communications doivent distinguer les différents publics, et comprendre

comment les théories du complot fonctionnent dans des contextes individuels, sociaux et

politiques particuliers.

Il n’existe pas de solution unique et simple au problème des théories du complot [...]"[5]

Les sciences sociales nous offrent de nombreux outils pour comprendre les théories du complot,

et l'une des grandes leçons qu'il y aurait à en retenir est que qualifier les personnes

qui y adhèrent de cons, irrationnels ou incohérents est complètement à côté de la plaque.

Ces qualificatifs ne permettent pas de comprendre les raisons pour lesquelles des personnes

croient aux théories du complot, et on prend le risque en employant ces termes d'évacuer

le caractère politique et social de leur adhésion.

La littérature scientifique fait état d'un certain nombre d'approches pour répondre

aux enjeux posés par chaque situation particulière.

Avant même qu'il soit question de théorie du complot, une stratégie efficace consiste

à prévenir le risque qu'on y adhère.

Cela peut passer par l'éducation aux médias et à l'information,[6] ou par la transmission

des bases de la pensée analytique.[7]

Il s'agit d'apprendre à trier, organiser et évaluer l'information mais aussi à comprendre

les enjeux de sa diffusion.

L’adhésion à une théorie du complot peut être motivée par un sentiment de perte de

contrôle et de menace.[8]

Il est donc possible d’agir par ce biais , lorsque les autorités mènent des politiques

jugées équitables et en encourageant les personnes à se rappeler d’un moment de

leur vie sur lequel elles avaient du contrôle.[9], [10]

Dans le même ordre d'idée, il peut s'avérer efficace de présenter à l'audience les informations

permettant de réfuter une théorie du complot spécifique avant même que celle-ci leur

ait été présentée.[11], [12]

Cela a pour effet de réduire la croyance en cette théorie une fois que les personnes

concernées y font face, de manière bien plus efficace que le débunking.

Le principe de cette méthode repose sur l'idée selon laquelle l'esprit critique ne fonctionne

pas comme un muscle mais dépend assez largement du contexte, et se fonde en bonne partie sur

les connaissances dont on dispose sur un sujet donné.[13]

Cette méthode fonctionne sur de nombreux sujets,[14]–[18] et peut être déployée à large

échelle par le biais de dessins-animés[19] et de jeux[20].

Cependant, lorsque une théorie du complot est déjà présente dans les esprits, ce

type d'approche risque de n'avoir d'effet qu'à court-terme, pour finalement s'estomper.[21]

Il sera alors nécessaire d'en passer par une autre approche : le "débunking", qui

consiste à démystifier la théorie du complot de manière à la réfuter.

Plusieurs consignes existent quant à la manière de mener un "bon débunking".

Il est généralement recommandé de bien mettre en avant qu'une information est fausse

lorsqu'elle l'est [22], et de se concentrer sur les faits plutôt que sur le mythe, de manière

à ne pas familiariser l'audience à la désinformation.[23]


-- interruption 5:06

Quelques considération pratiques[modifier | modifier le wikicode]

Une démarche politique[modifier | modifier le wikicode]

Sources et références[modifier | modifier le wikicode]

(je dois avoir un truc pour exporter les citations aux modèles wikipédiens sous zotero, je pense aller au bout avant de wikifier les sources)

[1] P. Knight, Conspiracy theories in American history: An encyclopedia, vol. 1. Abc-clio, 2003.

[2] L. Boltanski, Énigmes et complots: une enquête à propos d’enquêtes. Paris, France: Gallimard, 2013.

[3] J. Giry et D. Gürpınar, « Functions and Uses of Conspiracy Theories in Authoritarian Regimes », 2020. [En ligne]. Disponible sur: https://hal.sorbonne-universite.fr/IDPSP/hal-02737282v1

[4] R. Imhoff et P. Lamberty, in Conspiracy theories as psycho-political reactions to perceived power, Routledge Oxon, UK, 2020. [En ligne]. Disponible sur: https://sites.pitt.edu/~jdnorton/teaching/HPS_2501_Philosophy_of_Science/HPS_2501_2020/conspiracy/Handbook_Routledge_2020.pdf

[5] COMPACT Education Group, « GUIDE DES THÉORIES DU COMPLOT ». Consulté le: août 31, 2021. [En ligne]. Disponible sur: http://conspiracytheories.eu/_wpx/wp-content/uploads/2020/06/COMPACT_Guide-French__.pdf

[6] L. Lutzke, C. Drummond, P. Slovic, et J. Árvai, « Priming critical thinking: Simple interventions limit the influence of fake news about climate change on Facebook », Glob. Environ. Change, vol. 58, p. 101964, 2019.

[7] V. Swami, M. Voracek, S. Stieger, U. S. Tran, et A. Furnham, « Analytic thinking reduces belief in conspiracy theories », Cognition, vol. 133, no 3, p. 572‑585, 2014.

[8] J. E. Uscinski et J. M. Parent, American conspiracy theories. Oxford University Press, 2014.

[9] J.-W. van Prooijen, « Empowerment as a tool to reduce belief in conspiracy theories », Conspir. Theor. People Who Believe Them, p. 432‑442, 2018.

[10] J.-W. van Prooijen et M. Acker, « The influence of control on belief in conspiracy theories: Conceptual and applied extensions », Appl. Cogn. Psychol., vol. 29, no 5, p. 753‑761, 2015.

[11] D. Jolley et K. M. Douglas, « The social consequences of conspiracism: Exposure to conspiracy theories decreases intentions to engage in politics and to reduce one’s carbon footprint », Br. J. Psychol., vol. 105, no 1, p. 35‑56, 2014.

[12] D. Jolley et K. M. Douglas, « Prevention is better than cure: Addressing anti-vaccine conspiracy theories », J. Appl. Soc. Psychol., vol. 47, no 8, p. 459‑469, 2017.

[13] Abdelkrim Hasni, « Réflexions sur le développement de la pensée critique à l’école : quelles orientations pour l’enseignement et l’apprentissage des sciences ? », BULLETIN du Centre de recherche sur l’enseignement et l’apprentissage des sciences, no 3, p. 29‑37, févr. 2017.

[14] J. Cook, S. Lewandowsky, et U. K. Ecker, « Neutralizing misinformation through inoculation: Exposing misleading argumentation techniques reduces their influence », PloS One, vol. 12, no 5, p. e0175799, 2017.

[15] M. A. Amazeen, « Resisting covert persuasion in digital news: Comparing inoculation and reactance in the processing of native advertising disclosures and in article engagement intentions », Journal. Mass Commun. Q., p. 1077699020952131, 2020.

[16] J. A. Banas et S. A. Rains, « A meta-analysis of research on inoculation theory », Commun. Monogr., vol. 77, no 3, p. 281‑311, 2010.

[17] J. Compton, « Inoculation theory », Sage Handb. Persuas. Dev. Theory Pract., vol. 2, p. 220‑237, 2013.

[18] S. Van der Linden, A. Leiserowitz, S. Rosenthal, et E. Maibach, « Inoculating the public against misinformation about climate change », Glob. Chall., vol. 1, no 2, p. 1600008, 2017.

[19] J. Cook, Cranky Uncle Vs. Climate Change: How to Understand and Respond to Climate Science Deniers. Citadel Press, 2020.

[20] J. Roozenbeek et S. van der Linden, « Fake news game confers psychological resistance against online misinformation », Palgrave Commun., vol. 5, no 1, p. 1‑10, 2019.

[21] B. J. Guzzetti, « Learning counter-intuitive science concepts: What have we learned from over a decade of research? », Read. Writ. Q., vol. 16, no 2, p. 89‑98, 2000.

[22] U. K. Ecker, S. Lewandowsky, et D. T. Tang, « Explicit warnings reduce but do not eliminate the continued influence of misinformation », Mem. Cognit., vol. 38, no 8, p. 1087‑1100, 2010.

[23] Cook, J. et Lewandowsky, S., The Debunking Handbook. 2011. Consulté le: août 31, 2021. [En ligne]. Disponible sur: http://sks.to/debunk