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Qualité de vie liée à la santé/Qualité de vie et problématiques suicidaires

Leçons de niveau 17
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Qualité de vie et problématiques suicidaires
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Chapitre no 11
Leçon : Qualité de vie liée à la santé
Chap. préc. :Qualité de vie et mucoviscidose
Chap. suiv. :Qualité de vie et épuisement des aidants
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Schaloc proposera dans son modèle de 1993, une intégration des concepts de Qualité de vie et d’actualisations de soi qui seront appréciés à travers trois aspects fondamentaux : le sentiment général de bien-être, la possibilité de développer son potentiel et le sentiment d’engagement social positif. Cette réflexion a été source d’inspiration pour concevoir et illustrer cette leçon ; nous demandons au lecteur de la garder en mémoire tout au long de la prise de connaissance de ce qui suit, et de s’en saisir comme second niveau de lecture pour identifier ce qui relève de chacun de ces aspects fondamentaux.

Épidémiologie

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Nombres d'articles publiés dans PubMed sur la qualité de vie et les problématiques suicidaires par années de publications des articles

La France est placée au 11ème rang du classement du taux de décès par suicide (chiffre 2010) dans l’Union Européenne, avec un taux de 25 à 30 pour 100 000 habitants, au-dessus de la moyenne de l’Union Européenne (ONS, 2014). S’agissant de la prévalence, les données de Santé publique France (2017), font état de 9 000 décès par suicide chaque année. Les jeunes sont particulièrement concernés, près de 7% des 18-75 ans déclarant avoir faire une tentative de suicide dans sa vie. Il existe une forte variabilité interrégionale, la situation étant la plus défavorable dans les Hauts de France, la Bretagne et la Normandie, alors que celle de la Région parisienne se trouve être la plus favorable. En France, les principaux facteurs de risque résident dans le fait d’avoir traversé un épisode dépressif, d’être célibataire, divorcé ou veuf, d’être en inactivité professionnelle, d’être exposé à des violences, d’avoir vécu des traumatismes durant l’enfance.

Comme vous l'indique ce graphique, construit par notre promotion, à partir des articles publiés au sein de la base de données PubMed, les thématiques de qualité de vie et de problématiques suicidaires ont été saisies par les chercheurs à partir de 1970, pour augmenter de manière exponentielle et atteindre 350 publications annuelles de nos jours, soit environ 1 publication par jour, démontrant l'intérêt porté à ce sujet et son importance du point de vue scientifique.

Facteurs de risque

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Les facteurs ayant une influence sur les comportements suicidaires étant très largement étudiés et innombrables, nous citons les 9 dimensions essentielles qui les caractérisent :

  • Facteurs de risques dits économiques : trait de personnalité, cognition
  • Facteurs risques psychiatriques : pathologie, comorbidité
  • Facteurs de risques sociaux : crise économique, surinvestissement professionnel
  • Facteurs de risques environnementaux : conditions atmosphériques, influence géodémographique
  • Facteurs de risques biologiques : ménopause, douleurs chroniques
  • Facteurs de risques familiaux : absence d’enfants, violence intrafamiliale
  • Facteur de risques historiques : expériences de vie malheureuses, placement en foyer
  • Facteurs de risques conjoncturels : interruption volontaire de grossesse, placement en institution

Tous ces facteurs influencent la qualité de vie sur des aspects objectifs et subjectifs, dans les composantes tant physiques que psychologiques et sociales.

Qualité de vie et risques suicidaires

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En France, certains groupes de population sont plus à risque, car plus vulnérables sur le plan de leur bien-être, de leur devenir et de leurs relations sociales. Les agriculteurs, les jeunes, les minorités sexuelles, les personnes âgées, les personnes détenues sont notamment identifiées pour les raisons que nous décrivons ci-après. Le choix supposant le renoncement, nous encourageons le lecteur curieux à poursuivre ces recherches sur d’autres populations à risque (e.g., policiers, schizophrènes).

Risques suicidaires des agriculteurs

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Des facteurs sociaux tels que la pénibilité du travail en raison de la démultiplication des tâches et du temps de travail, des facteurs économiques que sont les dettes et la pression financière mais aussi des facteurs biographiques comme le célibat ou le divorce, se combinent entraînant une baisse de qualité de vie des agriculteurs. Ainsi, les agriculteurs français connaissent une surmortalité par suicide, le taux de suicide s’élevant à 35 pour 100 000 personnes contre 24,7 pour 100 000 salariés tous secteurs confondus. Quatre configurations sociales seraient particulièrement suicidogènes chez les agriculteurs. Le mode de vie, de par l’imbrication des sphères privée et professionnelle, représente la première configuration. Les agriculteurs se trouvent être des médiateurs de conflits familiaux, partagés entre des attachements parentaux et conjugaux. La deuxième configuration est directement en lien avec l’âge des agriculteurs. Les taux plus importants de suicide chez les hommes de plus 45 ans s’explique par la non-perspective de transmission de leur exploitation lors du départ en retraite, ce qui engendre un sentiment d’une «  vie perdue » (Bourdieu 1990), un sentiment d’échec. La troisième configuration correspond à une distanciation au niveau professionnel, conjugal et familial, conduisant à un isolement et à un manque de soutien social. L’organisation du temps de travail peut en être la source, les agriculteurs ne comptant pas leurs heures. La quatrième configuration dépend d’événements conjoncturels, lors de crises agricoles qui conduisent à des difficultés financières à l’origine d’un sentiment de honte. Les éleveurs de bovins sont concernés au premier chef ; ils ont particulièrement souffert des crises laitières de 2009 et 2015.

Risques suicidaires des jeunes

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L’adolescence, période de vie où s’enclenche un bouleversement biologique et pubertaire doublé d’une quête identitaire, déstabilise l’individu. Première cause de décès chez les adolescents, 3% des 17 ans déclaraient une hospitalisation suite à une tentative de suicide. Les adolescentes sont particulièrement touchées par les tentatives et les idées suicidaires, avec pour facteurs associés, des symptômes dépressifs, le décrochage scolaire et la consommation de substances psychoactives. Parmi les jeunes, pour les personnes LGBTQ, les relations sociales sont entachées par une stigmatisation émanant des pairs. Basées sur des préjugés et de la discrimination, les désapprobations, brimades et injures à caractères sexistes, homophobes ou transphobes, génèrent un sentiment de victimisation et une dégradation du sentiment de bien-être. Des facteurs écologiques et systémiques, tels que les violences et conflits familiaux sont à l’origine de problèmes de santé mentale. Ces différentes atteintes induisent une augmentation des pensées et conduites suicidaires dans cette population.


Risques suicidaires des personnes âgées

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S’il l’on dénombre moins de tentatives de suicide chez les personnes âgées par rapport à de plus jeunes adultes, le taux de suicide avéré est en revanche plus élevé, en particulier chez les hommes de plus de 80 ans. L’adulte vieillissant perd en qualité de vie dans la mesure où sa sphère sociale se réduit, le conduisant à la solitude et à l’isolement ; les maladies et douleurs tant physiques que psychologiques sont plus fréquentes ; l’anticipation d’une déchéance crée une anxiété voire une angoisse. Les personnes âgées peuvent développer un sentiment d’inutilité et même la sensation d’être un poids pour leur entourage, l’image sociétale de la vieillesse y étant pour beaucoup. L’autonomie perdue progressivement, ou brutalement suite à un problème de santé, vient les placer dans une dépendance souvent mal vécue. Pour certains, la perte de leur conjoint entraîne un deuil compliqué, moins fréquemment une prise en charge que chez de plus jeunes sujets. Des facteurs de stress spécifiques tels que les troubles neurocognitifs, la maladie chronique, le handicap, l’anxiété de fin de vie, sont liés au désespoir, aux pensées et comportements suicidaires. Dans ce contexte, la question de l'euthanasie ou du suicide assisté est de plus en plus présente dans les débats sociétaux. La proportion de personnes âgées ayant une attitude positive envers l'euthanasie et la pilule de fin de vie a ainsi augmenté avec le temps. De ce fait, les comportements suicidaires des plus de 65 ans devient un enjeu majeur de santé publique, que ce soit en France ou dans d’autres pays ayant légiféré plus avant sur le sujet de l’euthanasie.

Risques suicidaires des personnes placées dans des établissement sécurisés

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En France, le taux de décès par suicide en établissement carcéral est 7 fois plus élevé qu’en population générale, celui en hôpital psychiatrique, 4 à 5 fois. Nous vous présentons ici, une étude allemande de Büsselmann &al. (2020), consacrée à la qualité de vie des personnes placées dans des établissement sécurisés, autrement dit des prisons ou des établissements de psychiatrie légale accueillant des personnes ayant commis un crime grave du fait d’un trouble mental. Trois modèles expliquent le fait que les suicides en prison soient plus élevés qu’en population générale. Le modèle de privation, le modèle d’importation et le modèle combiné n’est autre qu’une fusion des deux précédents. Le modèle combiné détermine que des facteurs de conditions de vie ainsi que des facteurs de vulnérabilité individuels interagissent. Ainsi, sont explorés au regard des comportements suicidaires, d’une part la qualité de vie des prisonniers reposant sur 12 dimensions (le respect, l'humanité, les relations entre le personnel et les détenus, le soutien, la confiance, l'équité, l'ordre, la sécurité, le bien-être, le développement personnel, les contacts familiaux et la décence), et d’autre part des facteurs de risque individuels (le fait d’être de sexe masculin, atteint d’une maladie mentale, enclin à une forte violence). Il a été démontré une corrélation entre la qualité de vie et la détresse psychologique, elle-même corrélée au taux de suicide en prison. Plus les dimensions de respect, relation, équité, clarté, sécurité et contact familial étaient évaluées positivement, plus la détresse psychologique des détenus était faible et plus le taux de suicide en prison était bas. Pour ce qui concerne les patients en psychiatrie légale, si les conditions d’accueil différents des conditions de détention d’établissement carcéraux, des points communs expliquent ici le parallèle effectué entre ces deux populations. En effet, les patients sont confrontés à des facteurs environnementaux propres à l’institution (privation de liberté, d’autonomie, de relations hétérosexuelles et de biens personnels) et importent des facteurs de vulnérabilité individuels (schizophrénie et troubles de la personnalité pour la plupart d’entre eux). L’étude a permis de montrer que la dépression et les idées suicidaires sont corrélées à la santé mentale de ces patients, elle-même corrélée à leur qualité de vie. Une admission en institution positive, des relations respectueuses avec les thérapeutes, des relations sociales positives et la qualité de l’hébergement sont autant de facteurs de protection des conduites suicidaires. Dans les deux environnement les pensées suicidaires dépendent de facteurs environnementaux. Ainsi, l’amélioration de la prévention du suicide et le bien-être mental des détenus et patients psychiatriques reposent sur les aspects de la qualité de vie.

Prévention du risque suicidaire

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La prévention des conduites suicidaires se confronte à la difficulté d’évaluer le risque dans des populations aux problématiques très disparates et multifactorielles. Une politique de prévention du suicide efficace s’appuie donc nécessairement sur des interventions complémentaires et différenciées, à plusieurs niveaux. La prévention universelle consiste à sensibiliser le public, par exemple par l’intermédiaire de campagnes dans les médias, de conférences et autres ateliers (e.g. sentinelles communautaires). Elle a pour objectif de déconstruire les représentations autour de ce sujet encore tabou et de rendre chacun plus attentif à soi et à l’autre. La prévention situationnelle a permis de restreindre au fil des années, l’accès aux méthodes de suicide, par l’installation de protection sécurisant les lieux sensibles (e.g. ponts), par la limitation à l’accès aux médicaments, produits chimiques et armes à feu. La prévention sélective dispense une approche globale en ciblant des groupes et des individus à risque. C’est l’objectif des interventions du dépistage (qui doivent toutefois veiller à ne pas stigmatiser) et de l’offre de soins en santé mentale par des professionnels formés. Enfin, la prévention indiquée mobilise les proches et les professionnels (hospitalisation, ligne téléphonique de soutien, thérapie, assistants sociaux…) travaillant en réseau pour un renforcement de la chaîne d’aide à la personne suicidaire.

Nous détaillons pour finir, les principaux facteurs de protection qu’il conviendra également d’investiguer dans l’évaluation du risque suicidaire. Mieux connaître les ressources de la personne suicidaire tout aussi bien que ses vulnérabilités, nous semble déterminant pour une prise en soin efficiente. Elle visera à soutenir l’individu, tout en incluant le plus possible son entourage, fort levier de prévention. Ainsi, des facteurs personnels, familiaux, socio-culturels et religieux participent à protéger de la crise suicidaire. Jehel & al. (2020) reprennent les éléments listés par Terra (2011) :

  • Soutien de relations familiales et sociales
  • Présence d’un membre de la famille, un conjoint, un confident
  • Grossesse, enfants vivant à la maison
  • Responsabilité familiale
  • Intégration dans la communauté et la société
  • Certaines croyances religieuses forte Culture qui punit sévèrement le suicide
  • Résilience et capacité de résoudre ses problèmes

Qualité de vie après une tentative de suicide

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Une personne suicidante est définie comme ayant eu recours à un comportement auto-infligé, non mortel avec intention de mourir ou non (autrement dit, une tentative de suicide vs suicide avéré, on parle alors de personne suicidée). L’individu n’existant pas seul, et une des dimensions fondamentales étant implicitement reliée à la relation au monde donc à l’autre et ses activités, nous nous intéresserons ici, aux conséquences de l’acte sur ces aspects primordiaux qui favoriseraient une qualité de vie relativement plus positive ou non des suicidants.

L’annonce, tout comme la découverte visuel et le scénario, de par leur caractère potentiellement traumatogène appellent le suicidant et ses proches à des réactions fortes face à ces situations.

Ajustements dysfonctionnels systémiques à la tentative

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Tabou de l’acte

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D’une part Evans et Abrahamson (2020) observent un phénomène de stigmatisation envers ces personnes et la formation de tabous, de mensonges sur la réalité des faits. Ces derniers entraînent une impossibilité d’expression d’aucune des parties à accorder son droit à ressentir, parler, évoquer ou revenir sur des événements majeurs directs ou indirects de leur vie ici ou ailleurs, avec n’importe qui. Le motif de cet interdit, la fausse croyance qu’éviter d’en parler limiterait le risque de réactiver des idéations ou des souvenirs douloureux associés, afin de cacher et ne pas partager la honte associée à la méconnaissance des enjeux de santé mentale et le regard social, pourrait être négatif face à cela.

Stigma et réduction à l’acte

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D’autre part, Abeyasekera et Marecek (2019) témoignent, dans leur étude d’une attention particulière portée par la famille aux signaux d’alertes de d’idées, voire d’intentions suicidaires, qui pourraient mener à une rechute. De telle sorte que les suicidants décrivent une qualité de vie, de la même manière, tout aussi, mais différemment altérée. Ici, l’expression du vécu, en particulier des membres proches du noyau affectif du suicidant est assumée, allant même jusqu’à la culpabilisation de ce dernier face à la vigilance extrême qu’il occupe depuis ce dernier événement. Une centralisation des échanges et la manifestation d’inquiétudes constantes vis à vis de toute thématique sont pensées comme pouvant réactiver des idéations et/ou comportements suicidaires mais ils exercent aussi une réduction de l’identité qui n’est plus représentée qu’à partir d’une définition liée à un événement aigue de la personne : sa tentative de suicide. On l’observe notamment chez les familles qui témoignent une tendance préalable à l’organisation contrôlante qui s’est renforcée depuis (Frey, 2016). Cette réaction est liée à une grande souffrance, « une crainte de perdre encore une fois », « ne pas avoir fait les choses correctement cette fois-ci », « ne pas s’être occupé de ... », ou « n'avoir pas bien joué son rôle de ... ». Ces manifestations réactionnelles sont notamment perceptibles lorsque la notion de responsabilité de l’autre est engagée, notamment chez les parents d’enfants suicidants, les enfants de personnes avancées en âge, au sein du couple, de la fratrie, en soit, dans l’ensemble des relations suffisamment proximales.

Quels choix alors pour s’ajuster ?

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De toute évidence, que ce soit la première possibilité où il n’y a non seulement pas d'espace mais aussi l’interdiction de chercher cet espace pour évoquer un événement et toutes les dimensions associées psychiques, émotionnels, sensitives ou que ce soit la seconde possibilité où l’expression brute sans nuance, unilatérale, blessante et culpabilisante, chacune est excessive et implique une qualité de vie plus que limitée, avec des facteurs à risques car laissant peu de place à l’expression des ressources de la personne, qui qu’elle soit (suicidante ou entourage proche). C’est pourquoi proposer un suivi, dans la posture du psychologue, qui est la nôtre, lorsque cela est possible, qui permette notamment à tous d’être respectés et entendus, dans leurs droits fondamentaux de personnes, est vivement recommandé. Pour cela, une indication particulière à l’accueil de chacun des membres en consultation serait à favoriser. Des thérapies de groupe usant de médiateurs (corporels comme le théâtre, la danse, artistiques et autres, adaptées selon les organisations particulières du groupe) ou bien des thérapies familiales (Silverman, 2020) peuvent constituer des pistes pour laisser à chacun la place de s’exprimer. A ce titre, il sera aussi possible de revenir ce sur qui a été formulé, y accorder la juste valeur qu’elle peut avoir dans la vie en communauté, accueillir ce qui est arrivé, le reconnaître, l’accepter et intégrer ce mode de communication dans les interactions du quotidien, réduire le risque d’isolement, de stigmatisation, de réduction des rôles de chacun (Downs, 2012). L’intention de ces outils serait également de proposer une méthode pour renforcer certains des aspects de la qualité de vie de ces personnes, favoriser leur tendance naturellement positive à s’épanouir (Rogers).

L’échec face à la tentative de suicide peut aussi être ressenti comme une preuve supplémentaire de contrainte « on ne me laisse même pas choisir comment mener ma mort, y a-t-il quelque chose qui m’appartienne encore ? », le plus souvent chez les personnes pour qui une dépendance majeure est vécue avec difficulté (chez la personne âgée en perte d’autonomie, les personnes avec un trouble qui nécessite une surveillance importante par exemple). Là où certains perçoivent la tentative comme un échec, d’autres évoquent une réussite vers une requalification du sens attribué à l’existence, qui n’a pu être possible que parce qu’il/elle a cherché à y mettre un terme. La tentative se révèle alors être une ressource, fruit d’un élan de vivre (Tedeschi & Calhoun, 2004).

Qualité de vie après un suicide avéré

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On parle de suicide avéré ou de personne suicidée lorsque la mort a été auto-infligée avec la preuve (implicite ou explicite) de son intention de mourir. La mort d’un individu est accompagnée d’un processus (généralement) normal de deuil qui est variable selon les dispositions psychiques, culturelles, environnementales, soutenantes de chacun. La qualité de vie peut alors être fortement liée à différents facteurs en fonction de la phase du travail de deuil dans laquelle l’endeuillé se trouve. On parle aussi de « survivant du suicide ». On relève un niveau plus bas de qualité de vie pendant la « phase dépressive », lorsque les survivants commencent à réaliser que la mort est réelle et que ce fait est définitif. Dans le cas où ce deuil se dirige vers une dimension pathologique, Bonanno et al. (2010) observent une comorbidité d’épisode dépressif caractérisé et un risque de développer un syndrome de stress post-traumatique, en particulier si le suicide était brutal et inattendu. Cette qualité de vie est d’autant remise en cause si la personne endeuillée rapporte des antécédents de proches suicidés et/ou la présence d’idéations suicidaires préexistantes de l’entourage (quelqu’en soit la raison). Elle est également corrélée à ce qu’il s’est passé avant le suicide entre la personne suicidée et endeuillée. Plus particulièrement, à la nature des relations entretenues avec la personne décédée, voire aux derniers échanges (qui fréquemment sont accompagnés de culpabilité « pourquoi ai-je dit cela ? Si je n’avais pas fait cela, serait-il/elle encore en vie ? Ai-je été suffisamment présent ? »). Elle sera plus ou moins impactée si ces derniers étaient en rapport avec des conflits et selon le sens attribué au passage à l’acte, notamment s’il est envisagé comme une solution par le survivant (Kõlves & Leo, 2014).

Ford (2017), évalue que la qualité de vie sera plus élevée pour les personnes qui rapportent avoir utilisé cette expérience de vie pour aider leur prochain. Ce comportement est expliqué comme une contribution du vivant pour déstigmatiser la personne perdue et sensibiliser aux enjeux de santé mentale.

Enfin, Castelli Dransart (2017) indique que la réaction familiale et la dynamique à la mort de la personne (soit de maintien dans des schéma dysfonctionnels ou de recherche de nouveaux équilibre) influenceront grandement les capacités d’adaptations des survivants. En effet, elle fluctuera selon le contrebalancement ou non du tabou qui régnait autour du sujet suicidant pour les familles contrôlantes et leur changement de paradigme. Penser que s’exprimer librement peut participer à l’acceptation progressive du deuil.

Il nous semble, qu’au cours de cette leçon, nous avons pu mettre en exergue l’importance pour tout psychologue, quel que soit le contexte, de garder une attention particulière à l’éventualité d’une problématique suicidaire chez le sujet. Cette dernière ne peut être limitée à l’attention individuelle des personnes à risques mais doit être envisagée d’un point de vue holistique, incluant l’influence du collectif. Le psychologue se doit d'évaluer la qualité de vie des personnes écoutées, en repérant d’une part les facteurs de vulnérabilité et d'autre part les aspects protecteurs qui favorisent une meilleure gestion globale de la situation. Nous enjoignons chacun à réfléchir à ses propres représentations s’agissant du suicide, à son niveau de tabouisation, à sa capacité à aborder le sujet avec les personnes en détresse. Cette revue ne saurait faire oublier que la question de la suicidalité se décline à tout âge de la vie, des enfants pouvant commettre l'impensable. Aussi, l’étude des trajectoires développementales de la détresse psychologique nous apparaît comme un champ d’investigation devant nous intéresser.

Afin de conclure cette leçon, nous invitons nos lecteurs à s'interroger sur la qualité de vie associée au suicide assisté et à débattre sur cet objet qui nous semblerait être plus prompt à être conçu comme la “qualité de mort”.

Abeyasekera, A. L., & Marecek, J. (2019). Embodied shame and gendered demeanours in young women in Sri Lanka. Feminism & Psychology, 29(2), 157–176. https://doi-org.docelec.u-bordeaux.fr/10.1177/0959353518803976

Bonanno, G. A., Brewin, C. R., Kaniasty, K., & La Greca, A. M. (2010). Weighing the costs of disaster: Consequences, risks, and resilience in individuals, families, and communities. Psychological Science in the Public Interest, 11(1), 1–49. https://doi-org.docelec.u-bordeaux.fr/10.1177/1529100610387086

Büsselmann, M., Nigel, S., Otte, S., Lutz, M., Franke, I., Dudeck, M., & Streb, J. (2020). High quality of life reduces depression, hopelessness, and suicide ideations in patients in forensic psychiatry. Frontiers in psychiatry, 10, 1014. https://doi.org/10.3389/fpsyt.2019.01014

Castelli Dransart, D. A. (2017). Reclaiming and reshaping life: Patterns of reconstruction after the suicide of a loved one. Qualitative Health Research, 27(7), 994–1005. https://doi-org.docelec.u-bordeaux.fr/10.1177/1049732316637590

Conejero, I., Olié, E., Courtet, P., & Calati, R. (2018). Suicide in older adults: current perspectives. Clinical interventions in aging, 13, 691.

Downs, M. F. (2012). Changing the meaning of help: Clinical approaches to reducing stigma among suicidal young adults. Families in Society, 93(1), 22–28. https://doi-org.docelec.u-bordeaux.fr/10.1606/1044-3894.4182

Eck, M., Scouflaire, T., Debien, C., Amad, A., Sannier, O., Chan Chee, C., Thomas, P., Vaiva, G., & Fovet, T. (2019). Le suicide en prison : épidémiologie et dispositifs de prévention. La Presse Médicale, 48(1), 46‑54. https://doi.org/10.1016/j.lpm.2018.11.009

Evans, A., & Abrahamson, K. (2020). The influence of stigma on suicide bereavement: A systematic review. Journal of Psychosocial Nursing and Mental Health Services, 58(4), 21–27. https://doi-org.docelec.u-bordeaux.fr/10.3928/02793695-20200127-02

Ford, N. F. (2017). Resiliency among widows who lost their husbands to suicide: An interpretative phenomenological analysis [ProQuest Information & Learning]. In Dissertation Abstracts International: Section B: The Sciences and Engineering (Vol. 77, Issue 11–B(E)).

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Tedeschi, R. G., & Calhoun, L. G. (2004). Target Article: "Posttraumatic Growth: Conceptual Foundations and Empirical Evidence". Psychological Inquiry, 15(1), 1–18. https://doi.org/10.1207/s15327965pli1501_01

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