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Pour un imaginaire juste et sain/Version imprimable

Leçons de niveau 16
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Pour un imaginaire juste et sain

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Note d'introduction concernant les sciences humaines et sociales

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Chapitre no 1
Leçon : Pour un imaginaire juste et sain
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Chap. suiv. :Qu'est-ce que l'anthropologie ?
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Parmi les soucis majeurs des sciences humaines et sociales, réside le fait que l'expérience humaine ou sociale restera toujours une expérience unique et non reproductible à l'identique. L'étude de ces phénomènes demande de plus une approche systémique dans le sens où chaque phénomène est étroitement lié et influencé par un environnement qui ne cesse de se modifier avec le temps et dans lequel se déroule un ensemble complexe d'interactions.

Pour cette raison, Jean-Claude Passeron parle des sciences historiques et d'historicité[1], afin de démarquer les sciences sociales du concept de réfutabilité avancé par Karl Popper[2]. Car pour ce dernier, ce qui fait science, c'est la possibilité de réfuter toute affirmation, hypothèse ou théorie suite à ré-expérimentation empirique. Or, à l'exception de certaines interactions sociales bien spécifiques, comme celles pouvant être soumises à un archivage tout aussi spécifique[3], on ne peut jamais expérimenter une seconde fois l'observation d'un phénomène social d'une manière tout à fait identique.

L'analyse de ce que Émile Durkheim appelait un « fait social »[4], est effectivement toujours influencé par le contexte historique et culturel dans lequel se trouve l'observateur. Il est fort à parier en effet que deux personnes qui assistent à un fait social à des siècles différents, dans des régions et cultures différentes, ou étant soumises à des relations de pouvoir différentes, interprèteront différemment ce qu'ils observent. Ceci contrairement à l'observation d'une pomme qui tombe d'un arbre. C'est là aussi la raison pour laquelle Donna Haraway parle de connaissance située[5], une expression qui, par ailleurs, concerne tout aussi bien les sciences dures que les sciences humaines et sociales.

À cela s'ajoute ensuite la difficulté d'isoler les phénomènes sociaux et culturels les uns des autres, dans le but de réduire la quantité d'informations à traiter lors de leurs analyses. Car c'est là en effet l'une des principales faiblesses du cerveau humain que de ne pouvoir disposer d'une mémoire de travail très limitée en comparaison aux mémoires vives aujourd'hui utilisées par les ordinateurs. La mémoire à court terme d'un être humain décroit en effet de façon exponentielle avec le temps[6] et semblerait ne pas pouvoir dépasser une durée d'une minute tout en étant incapable de traiter plus de dix informations en même temps.

Grâce à la mémoire dite opérationnelle cependant, la mémoire à court terme peut être mise en relation avec le contenu de la mémoire à long terme, qui chez l'homme est considérable, mais sans pour autant être infaillible[6]. Dans le cadre de certaines pratiques assidues, il serait alors possible de construire ce que certains appellent une mémoire de travail à long terme. Cette dernière n'aurait rien de comparable toutefois, en termes de durée et de quantité d'informations en temps réel, à ce qui se passe dans les traitements informatiques aujourd'hui capables de prédire, de manière toujours plus fiable, la météo de nombreux jours à l'avance.

Pour penser la complexité du culturel et du social, l'humain a donc besoin de simplifier arbitrairement les faits réels à l'aide de différents outils méthodologiques parmi lesquels on peut citer : la catégorisation, la classification, la typologie, l'idéal-type, l'analogie, la métaphore et l'échantillonnage. Ce à quoi on peut encore ajouter dans certaines disciplines des sciences humaines et sociales, un goût prononcé pour les analyses quantitatives reposant sur des calculs et représentations statistiques et probabilistes, dans le but d’atteindre une plus grande objectivité dans l'analyse des faits sociaux et culturels. Cependant, lorsque ces analyses n'ont pas eu la chance d'être recoupées avec d'autres analyses qualitatives, de type ethnographique par exemple, celles-ci peuvent alors souffrir d'une certaine décontextualisation et déshumanisation nuisible à la production de bonnes théories.

Voici sans doute pourquoi les sciences humaines et sociales ont beaucoup de peine à produire des théories inébranlables. Tandis que les rares lois existantes ne sont en réalité que des abus de langage offrant un surcroît d'importance à une théorie qui n'a rien d'universel en soi, mais dont le succès et l'adhésion est souvent lié à un contexte idéologique particulier. La loi d'airain de l'oligarchie par exemple, selon laquelle toute organisation sociale tend vers une oligarchie, n'a effectivement rien d'un principe universel puisqu'elle ne pourrait s'appliquer, ni chez les alcooliques anonymes, ni dans de nombreuses peuplades de chasseurs-cueilleurs.

Un autre souci majeur des sciences humaines et sociales réside ensuite dans cette obligation de travailler, non pas avec des concepts aussi précis que des chiffres, des vecteurs ou des quantités de matière (mole), ni encore avec des matériaux aussi palpables qu'une pierre, un burin ou un marteau, mais bien avec des mots issus de l'imaginaire humain et dont certains souffrent d'ambivalence. Le mot « travail » est un bel exemple, puisqu'il substitue bien souvent l'usage des termes plus appropriés que sont : l'emploi, l'activité, l'étude, la pratique, etc. Lorsqu'un discours ou un débat s'établit autour de ce genre de termes polysémiques, survient alors généralement une grande incompréhension entre les interlocuteurs, lorsque ceux-ci partagent des représentations différentes d'un même concept.

Le mot « pouvoir », en tant que substantif, est un autre exemple, puisqu'il n'aura pas non plus le même sens selon qu'il se situe dans un discours philosophe (une capacité au sens large), sociologique (la faculté d'imposer sa volonté) et politique (une assemblée investie d'un pouvoir sociologique). De plus la notion de pouvoir est fréquemment confondue avec celle d'autorité, alors que la politologue et philosophe Hannah Arendt distingue les deux concepts. En effet, pour elle, et contrairement au pouvoir, l'autorité s'établit sans coercition ni persuasion, mais repose sur une reconnaissance inconditionnelle envers la personne ou l'entité qui commande[7]. Une opinion qui bien sûr lui est propre et qui de fait ne fait pas l'unanimité. Sans compter qu'en sciences humaines et sociales certains auteurs établissent leurs propres définitions sur des termes définis autrement par d'autres ou dans d'autres contextes. La définition du terme habitus utilisé par Bourdieu en sociologie est en effet différente de celle utilisée par d'autres en minéralogie, en biologie ou en médecine.

Voici donc pourquoi, dans le cadre d'une leçon produite en sciences humaines et sociales, il est toujours bon de définir préalablement les principaux termes que l'on compte employer. Alors qu'avant cela, il est aussi toujours bon de définir précisément la science ou la discipline dans laquelle s'inscrit le discours que l'on souhaite transmettre.


Mot clefs : systémique - historicité - connaissance située - mémoire de travail & méthodes - abus de langage - absence de signifié & polysémie - pouvoir & autorité.



Qu'est-ce que l'anthropologie ?

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Chapitre no 2
Leçon : Pour un imaginaire juste et sain
Chap. préc. :Introduction
Chap. suiv. :Que faut-il entendre par prospective ?
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Le mot anthropologie, comme de nombreux mots et concepts utilisés en sciences humaines et sociales, est polysémique. Ce qui veut dire qu'on peut le définir de manières différentes, s’il n'est pas associé à un adjectif ou tout autre complément d’information.

Étymologiquement, le mot anthropologie se décompose en deux parties. La première, « anthropo- » est un préfixe issu du mot en grec ancien « ánthrôpos » qui se traduit par le mot « humain », tandis que la seconde : « -logie » est un suffixe qui fait référence au mot « lógos », toujours issu du grec ancien, et qui se traduit communément cette fois par le mot « discours ». D'une manière générique et lorsqu'il est utilisé de manière isolée, la définition du mot anthropologie la plus proche de ses racines étymologiques peut donc correspondre à un « discours sur l'être humain ».

Or, il faut bien reconnaître que l'on peut développer un discours sur l'humanité de nombreuses manières et en adoptant de nombreux points de vue. On peut le faire en se concentrant sur l'évolution physique et biologique du genre Homo à travers les âges, comme on le fait en anthropologie physique. On peut ensuite le faire d'une façon plus actuelle comme le fait la médecine, ou encore en se focalisant sur le psychisme à la manière des psychologues. Ceci alors que les sociologues préféreront quant à eux axer leurs discours sur l'organisation sociale des groupes humains contemporains, les économistes sur leurs organisations économiques, les politologues, sur les aspects politiques, etc.

Cependant, dans le milieu universitaire, il est très courant que le simple terme « anthropologie » soit utilisé pour parler d'anthropologie sociale et culturelle, ou autrement dit d'une discipline qui s'intéresse à l'humain sous le prisme de la culture et du social et pas seulement, précisons-le, dans une perspective contemporaine.

Afin d'étudier les aspects culturels et sociétaux des peuples humains, le chercheur en anthropologie sociale et culturelle, le socio-anthropologue comme diront certains, a pour habitude de recourir à l'ethnographie. Il s'agit là d'une pratique dont le but est de produire des observations et des analyses dans le cadre d'une participation active à la vie quotidienne des communautés étudiées. Cette méthode d'acquisition du savoir, est de fait très prisée en anthropologie et se désigne couramment par l'expression « observation participante ». Ceci alors que la discipline qui consiste à analyser et comparer les travaux ethnographiques s'appelle l'ethnologie. Elle a pour objectif de produire des théories plus générales sur l'être humain, selon une approche qui se veut plus englobante et souvent pluridisciplinaire.

Car il faut en effet tenir compte que l'ethnographie et l'observation participante sont des pratiques relativement récentes au regard du temps d'existence des êtres humains sur terre. Le terme ethnographie fut conçu en 1767 par Johann Friedrich Schöpperlin[8], alors que l'observation participante, en tant que méthode scientifique, n'aurait été expérimentée pour la première fois que lors d'un séjour de 1879 à 1884 fait par Frank Hamilton Cushing (1857-1900) au sein du peuple amérindien zuñi de Nouveau-Mexique. Suite à quoi le chercheur publia dans la revue Popular Science de l'année 1882, un article intitulé The Zuni Social, Mythic, and Religious Systems[9].

Bien avant cela et au cours de l'année 1800, Joseph-Marie de Gérando (1772-1842), un philosophe reconnu à ce jour comme l'un des précurseurs de l'anthropologie moderne, avait déjà publié au sein du journal de la société des observateurs de l'homme un article qui semblait déjà faire les éloges de l'observation participante. Son texte avait pour titre : Considération à suivre dans l'observation des Peuples sauvages et dans cet écrit tout à fait remarquable pour l'époque, on pouvait y lire que : « le premier moyen pour bien connaître les Sauvages, est de devenir en quelque sorte comme l'un d'entr'eux[10] ; et c'est en apprenant leur langue qu'on deviendra leur concitoyen »[11].

Cela dit, il fallut toutefois attendre le début du 20ᵉ siècle pour que la pratique de l'observation participante devienne populaire en anthropologie sociale et culturelle. À l'origine de cet engouement, il y eut sans aucun doute le succès d'un ouvrage écrit par Bronislaw Malinowski (1884-1942) et intitulé : Les Argonautes du Pacifique Occidental[12]. Dans ce livre publié en 1922, l'anthropologue polonais expliquait en effet comment il avait, des années durant, observé et partagé le quotidien des Trobriandais de Nouvelle-Guinée dans le cadre de ses recherches anthropologiques.

Environ trois cents ans de pratique de l'ethnographie et de l'observation participante ont ainsi permis de récolter une importante quantité d'informations sur la vie sociale et culturelle des communautés humaines. Cependant, 300 ans d'analyses représentent bien peu de choses. Les plus anciens fossiles de l'espèce Homo sapiens retrouvés sur le site de Djebel Irhoud datent d'environ 300 000 ans avant notre ère[13], ce qui explique donc pourquoi certains anthropologues se sont intéressés aux travaux d'historiens, dans le but de traiter des faits qui remontent bien au-delà de la période étudiée par l'ethnographie.

Les nombreux récits d'explorateurs, de conquérants, de colonisateurs, et autres aventuriers qui auront pris la peine de décrire la vie des peuples qu'ils ont rencontrés servent alors de documents historiques très précieux dans le cadre de l'étude sociale et culturelle de l'humain en des temps plus reculés. Ce à quoi on peut aussi ajouter tous les documents produits par d'autres personnes lettrées, qui ont pris le soin de décrire leurs propres cultures. Grâce à tous ces textes et selon les sujets qu'ils traitent, on peut alors confronter les données ethnographiques contemporaines à des observations plus anciennes. Cela permet ainsi de développer une argumentation plus solide durant la création de nouvelles théories, ou même dans certain cas, remettre en question les théories existantes.

Mais à nouveau, les plus anciens écrits déchiffrés à ce jour furent retrouvés en Mésopotamie sur des tablettes en argiles datées de 3 500 ans av. J. -C[14].. Ce qui signifie donc que l'histoire, en tant que science, ne s'intéresse finalement qu'à 1 % seulement du temps d'existence de l'humain sur terre. Les 99 % restant font en effet partie de ce que l'on appelle couramment la préhistoire, soit une époque qui se termine avec l'invention de l'écriture et qui commence avec l'apparition des premières traces humaines retrouvées lors de fouilles ou suite à l'exploration de zones peu accessibles.

Ces traces sont des os, des dents ou autres restes humains ayant résisté à la dégradation par le temps, ainsi qu'un ensemble d'objets fabriqués par l'homme, que l'on appelle artefacts. Parmi ceux-ci, on retrouve une diversité pouvant aller du simple éclat de pierre à des édifices de grandes complexités, en passant par tout un ensemble d'outils fabriqués dans des matières imputrescibles.

Et c'est alors à l'archéologie que revient la tâche d'en faire la récolte, l'inventaire et l'analyse, avec pour objectif de produire des affirmations et théories sur le passé des êtres humains et sans que ce passé ne se limite à la préhistoire. Sauf qu'en absence d'observation directe et de documents écrits, on court le risque de certains biais d'interprétation en « exagérant grossièrement l'importance de l'outil et minimisant celle du savoir-faire »[15].

Puis, lorsqu'il s'agit de temps plus reculés encore, où les traces de l’existence humaine se limitent à la présence de fossiles, c'est alors à la paléoanthropologie que revient la tâche d'étudier le passé des êtres humains. Ceci avec une aide précieuse apportée par la paléogénétique au même titre que l'archéogénétique viendra secourir les archéologues.

En 2014 par exemple, un séquençage complet du génome de l'homme de Ust-Ishim, un Homo sapiens décédé il y a 45 000 ans dans une vallée de Sibérie, a permis de découvrir que cet homme était physiquement très proche de notre apparence actuelle. À tel point que selon les estimations de Jean-Jacques Hublin, paléoanthropologue à la Société Max-Planck pour le développement des sciences⁣⁣, son « visage est celui d'une personne que vous pourriez aisément croiser dans le métro ou dans la rue »[16].

Une telle découverte permet dès lors de supposer que les changements sociaux et culturels qu'a connu notre humanité depuis 45 000 ans ne sont probablement pas tant dû à des changements génétiques, mais plutôt à des changements sociaux et culturels issus de variations dans les comportements, habitudes, coutumes et du savoir transmis de générations en générations. Car il est vrai que, chez les humains, ce transfert intergénérationnel que l'on désigne communément par le mot « culture » est extrêmement développé par rapport aux autres êtres vivants.

Cette faculté serait particulièrement développée chez l'humain en raison du caractère altriciale de son cerveau, dont le développement des capacités cognitives s'effectue en grande partie après la naissance[17]. Selon les recherches sur la stabilisation sélective des neurones[18], une compétence cognitive génétiquement présente chez le nouveau né, mais qui n'est pas stimulée durant sa croissance, disparaît à jamais. Un phénomène qu'illustrent parfaitement certains enfants sauvages ou séquestrés dont les retards cognitifs sont irrécupérables[19].

Tout ceci justifie donc l'importance qu'il faut accorder à la culture et aux évolutions culturelles dans le cadre de l'étude des êtres humains. Malheureusement, si les récoltes minutieuses et abondantes d'informations produites par les ethnographes permettent d'étudier en détails les variations sociales et culturelles des peuples, on ne peut pas dire autant des textes anciens et encore moins des informations récoltées par les archéologues et paléoanthropologues.

Plus on remonte dans le temps, plus l'information devient lacunaire et insuffisante pour établir des théories inébranlables sur les changements sociaux et culturels apparus chez l'homme. Il devient alors tentant d'utiliser les travaux contemporains produits par les ethnographes et ethnologues au sujet des communautés de chasseurs-cueilleurs pour établir des analogies avec les organisations sociales et culturelles des peuples préhistoriques vivant à l'époque paléolithique, du mésolithique et du néolithique.

Une pluridisciplinarité doit alors se mettre en place pour pouvoir apporter des significations sociales et culturelles aux objets et traces récoltées par l'archéologie et la paléoanthropologie. Ceci alors qu'en contrepartie, les informations récoltées par ces disciplines ainsi que celles produites par les généticiens sont généralement plus fiables et objectives que celles obtenues par le biais d'interviews ou de comptes rendus d'observation. Les traces laissées par l'humain, y compris dans son code génétique, resteront toujours plus objectives qu'un discours rapporté, qui toujours, sera sujet à une interprétation subjective.

Produire un discours complet sur l'être humain implique donc de faire un recoupement entre de nombreux savoirs récoltés au sein de nombreuses disciplines. Ceci notamment pour éviter toute spéculation, fabulation ou falsification d'un passé dans le but de défendre ou promouvoir certaines idéologies. D'ailleurs, grâce aux nouvelles informations fournies suite au progrès de la génétique, des techniques de datation, de télédétection et autres, de nombreuses croyances sur le passé des êtres humains doivent êtres revues.

En anthropologie, comme dans toutes sciences, il faut donc toujours garder un regard critique sur les arguments et théories produites, puisque de surcroît, il ne s'agit pas d'une science exacte. Pour bien l'accomplir, il faut donc s'efforcer de produire des logiques sans faille, basées sur des observations et analyses aussi minutieuses qu'objectives, destinées à fournir les arguments qui seront mobilisés dans la production de nouvelles théories.


Mots clefs : éthymologie - diversité des approches - anthropologie sociale et culturelle - période ethnographique, historique préhistorique - pluridisciplinarité par intérêts et époques - pièges heuristiques



L'imaginaire chez l'être humain

Combien de livres, combien de films, de reportages, de pages Web, m'ont déjà permis de découvrir les dysfonctionnements de l'organisation humaine ? Les indicateurs de crise et de déclin sont d'une telle ampleur qu'ils en deviennent spectaculaires. Quand aux solutions, elles semblent toujours se trouver à petites échelles, selon cette formule déjà populaire qui parle de « solutions locales pour un désordre global »[B 1]. Il reste ensuite à aborder les choses à cette échelle encore plus réduite du comportement et des choix personnels et qui se trouve être la discussion que je voudrais avoir dans ce dernier chapitre. Car pour moi, cette étape est sans doute celle qui demande le plus de courage, celle ou l'on arrête d'être spectateurs dans le but de devenir acteurs, sans quoi on tombe alors dans cette forme de catharsis qui peut se limiter à signer des pétitions, manifester le dimanche quand il ne pleut pas, partager des choses sur les réseaux sociaux, tout en continuant à vivre comme avant, réclamer plus de pouvoir d'achat quand ce n'est plus possible et continuer à voter pour des tuteurs politiques que l'on sait incompétents mais dont on se sert comme boucs émissaires.

Bien plus qu'une perspective inspirante, la découverte du monde Wikimédia fut d'ailleurs pour un parcours durant lequel j'ai déjà commencé à m'extraire du système économique marchand et immoral, oppressant et destructeur, et à me défaire petit à petit de toutes attentes envers des institutions politiques obsolètes défectueuses. Des institutions qui, avec leurs administrations bureaucratiques, plus embarrassantes qu'efficaces, sont de toute façon clairement incapables de stopper, ou même d'en ralentir, la machine économique qui est en train de détruire toutes les richesses d'un monde en prétendant en produire de nouvelles. C'est donc dans la direction opposée à tout ce non-sens que j'avance depuis des années déjà, et pas toujours d'une manière toujours très confortable il faut bien le dire, car comme je le disais en entamant ce chapitre de conclusion, une personne seule est peu de chose.

Et pourtant, tout est là. Il suffit juste de se pencher afin le ramasser. Mais qui au volant d'une voiture lancée à toute allure oserait quitter les yeux de la route ? Et surtout qui sont les gens qui ont cette présence d'esprit, de tout simplement ralentir le véhicule ou le stopper pour prendre le temps de faire les choses en toute sécurité. Impossible diront certains ! Ah bon, je leur répondrais. Et qu'est ce qu'il s'est passé durant la pandémie du Covid-19 alors ? Oui c'est vrai, mais tout est redevenu comme avant, dira-t-on. Ce à quoi je répondrais alors, que je ne partage pas cet avis aux vues du nombre de personnes qui rejoignent le monde alternatif que je fréquente. Ceci alors que depuis toujours, la plus grande force et la plus grande faiblesse de l'être humain fut toujours sa résistance au changement et son instinct grégaire. Deux choses qui combinées l'une à l'autre demande une énorme quantité d'énergie, mais aussi le plus grand des courages, pour affronter ce que nous devons faire pour résoudre les défis sanitaires, écologiques, climatiques et politiques de notre époque.

Car comment pourrions-nous honnêtement rester spectateurs et immobiles, devant tant de souffrance et destruction ? Certains avant d'autres, dans le mouvement Wikimédia comme dans bien d'autres mouvement sociaux, ne se posent plus la question. Ils constituent ainsi en ce jour une lame de fond encore invisible pour les plus distraits ou les plus têtus d'entre nous qui avance petit à petit vers un changement d'époque. Un changement des consciences et pratiques qui nous fait lentement basculer vers un autre monde. Et c'est donc sur cette impression que j'ai envie de conclure ce présent travail de recherche consacré à l'étude de Wikimédia. Mais en même temps, et alors que je pense avoir tout dit de ce que je sais sur ce mouvement, conclure ce travail de la sorte me laisserait sur un drôle de sentiment. Celui d'une tâche inachevée, non pas en ce qui concerne mon objet d'étude, mais bien par rapport au fruit que toute cette connaissance peut apporter à notre imaginaire. Voici donc pourquoi je n'ai pu m'arrêter d'écrire et qu'il me reste donc un dernier chapitre à offrir pour expliquer la façon dont j'essaie, avec modestie et non sans failles, de mettre en pratique le développement d'un monde juste et sain, et surtout qu’elles en ont été les prises de conscience qui m'auront permis d'y arriver.

Mais attention, je ne blâme ici personne ! Je constate tout simplement que l'on a du mal à prendre le problème à sa racine, à s'attaquer à « la cause des causes », comme le disait Etienne Chouard lorsqu'il débarqua en plein débat politique sans aucune expérience préalable[B 2], ou encore Alexis Haupt lorsqu'il compare l'être humain à d'autres espèces[B 3]. Car sans prendre cette précaution fondamentale, vient alors la surprise, et le découragement probable, de revoir le champ d'orties redevenu intact alors qu'on l'avait fauché quelques mois plus tôt. Or, j'ai pour grande conviction, que la cause des causes chez tous les êtres humains, se situe au niveau de l'imaginaire, de la façon dont on se représente le monde non pas comme il existe mais comme on le pense. Et c'est là ou réside me semble-t-il toute la résistance au changement, puisque de la pensée naît les émotions, et des émotions naissent les actes tout comme l'indique le mot latin « motio » qui en est la racine étymologique et que l'on traduit « mouvement » ou « action de mouvoir »[W 1].

De l'importance de l'imaginaire chez l'être humain

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L'imagination tout comme le jeu n'est sans doute pas propre à l'être humain, mais personne ne me contredira si je dis que chez l'être humain, cet animal[B 4] ou ce singe[B 5] dénaturé, cette faculté de se représenter les choses en dehors de la réalité et de la nature en quelque sorte est particulièrement développée. D'où sans doute cette opposition entre la nature et la culture[B 6] et cette nécessité d'y voir par-delà[B 7]. Et d'où aussi cette importance de voir l' « imaginaire comme tel »[B 8] au sein d'une « construction sociale de la réalité »[B 9], remplie de « dissonances cognitives »[B 10]. Et puis finalement comme le disait Milan Kundera, « cette incroyable capacité humaine à remodeler le réel à l'image de son idéal »[B 11].

Voir et comprendre les différences entre imaginaire et réalité me semble donc être une démarche incontournable pour comprendre objectivement, mais aussi sereinement ce qu'est en train de faire l'humanité de nos jours. Car au grand dam de la nature, l'imaginaire chez l'être humain prend souvent le pas sur la réalité. D'ailleurs, en 1938 déjà, William Isaac Thomas n'écrivait-il pas : « si l'homme définit les situations comme réelles, elles seront réelles dans leurs conséquences »[N 1][B 12]. Cette phrase devenue célèbre, Robert King Merton la transforma en théorème de Thomas et s'en inspirera pour produire le concept de prophétie autoréalisatrice[B 13] avec pour classique exemple celui d'une banque dont on dit qu'elle va faire faillite. Même si c'est un mensonge, mais que les gens croient à celui-ci les clients se précipiteront alors pour récupérer leur argent et la banque au finale fera effectivement faillite. En 1962, John Langshaw Austin, s'intéressera aussi à la construction du futur au départ du présent en produisant le concept de performativité qui apparait dans son ouvrage intitulé Things with Words[N 2][B 14]. Dans celui-ci, l'auteur explique en effet que la parole peut aller bien au-delà d'une simple description du réel, jusqu'à devenir un acte d'auto-réalisation, comme dans ce cas concret ou une personne qui en a l'autorité prononce à voix haute : « je vous déclare unis par les liens du mariage ».

Et l'une des choses les plus intrigantes dans l'imaginaire humain, c'est que dans celui-ci ce qui est tout à fait imaginaire peut devenir réel comme on vient de le voir, mais ce qui est réel peut tout aussi bien être vu comme imaginaire. L'écoumène numérique en est un très bel exemple, puisqu'on utilise bien souvent l'expression numérique et virtuelle ? Or, l'adjectif virtuel qualifie bien une chose qui se voit en puissance de devenir actuelle, ou autrement dit réelle dans l'instant présent. Mais quand on parle de numérique, on parle bien de l'espace informatique qui n'a rien de virtuel en soi, pas plus que toutes les lignes de codes enregistrées sur les différentes mémoires de masse qui précisément servent de substrat au développement de l'écoumène numérique. D'ailleurs, au même titre qu'une phrase située dans un livre rangé dans une bibliothèque, une ligne de code, situé sur le disque dur d'un serveur se trouve située de manière actuelle quelque part dans le monde. Et c'est là une comparaison tout à fait importante, car elle permet précisément de mettre de côté l'adjectif virtuel, bien trop problématique, pour laisser place à celui de fiction qui est bien plus proche du terme imaginaire en s'opposant toujours à celui de réalité.

L'histoire d'Harry Potter est en effet une fiction, mais pas les livres qui la racontent, ni tout autres supports sur lesquels le texte est enregistré, ainsi que les films pareillement. De manière équivalente donc, le monde de Warcraft, est aussi une fiction et pas un monde virtuel puisqu'il ne pourra jamais devenir réel pas plus que le monde d'Harry Potter dont personne ne dira d'ailleurs qu'il est Virtuel, tandis que pareillement aux livres et films d'Harry Potter, les serveurs qui hébergent le monde Warcraft sont bien réels. Par contre, si l'on veut parler de quelque chose de tout à fait virtuel, il faut alors parler de la richesse monétaire, ou pour le dire plus simplement de l'argent. L'argent n'a effectivement pas plus de valeur, qu'un morceau de papier, qu'une pièce de métal ou une ligne de code informatique sur le serveur informatique d'une banque. Et quelle est la richesse de l'argent, en tant qu'objet ou écriture, si ce n'est que de donner la puissance d'acquérir de vraies richesses ? Avoir beaucoup d'argent ne signifie donc pas être riche mais bien uniquement d'être virtuellement riche !

Lorsque l'on parle des fortunes de la planète, qu'est ce que cela peut « en réalité » bien dire ? Soit c'est de l'épargne, qu'une simple dévaluation d'une devise peut réduire à une peau de chagrin. Parler en amateur de BitCoin par exemple. Soit ce sont des investissements sous forme d'actions, ce qui revient au même dès que l'entreprise fait faillite, mais avec cette différence importante, c'est qu'en étant en possession d'actions au sein d'une entreprise, on est alors aussi en possession de pouvoir sur celle-ci. Et c'est là que l'argent devient quelque chose d'intéressant pour les riches, c'est que celui-ci leur donne du pouvoir, sur les entreprises, mais aussi sur les gens, à partir du moment où des hommes et des femmes acceptent de louer leur liberté et leur temps libre pour avoir leur part de virtuel. Un peu de virtuel avec lequel ils pourront à leur tour acheter la liberté et le temps libre d'autres personnes qui, en manipulant les seules richesses réelles que sont les idées et les matières premières, leurs fourniront nourriture, vêtements, abris, véhicule, etc.

Voici donc comment l'être humain est capable de vivre dans un imaginaire économique que l'on appelle le monde de la finance, et qui aujourd'hui a pouvoir de vie et de mort sur des millions d'individus et des milliards d'êtres vivants, en rendant possible le massacre d’innocents et la destructions de tout un pan de la nature. Et vous savez pourquoi ? Je vais vous le dire. parce que c'est plus simple. Tout faire transité par l'argent, la richesse, la vie, jusqu'à l'amour parfois est tellement plus simple. Plus besoin de comparer, de réfléchir, d'analyser, il suffit de savoir compter et de savoir quand est-ce qu'un chiffre est plus grand qu'un autre. Le succès de l'argent, repose donc ainsi sur la difficulté qu'éprouve l'être humain à penser les choses, ou plus précisément toutes les choses en même temps.

Car la complexité du monde ne réside que sur la superposition des processus basiques relativement simples qui ne devienne compliqués que lorsque ceux-ci s'additionnent et se combinent. L'univers informatique, celui qui apparait sans doute comme le plus compliqué pour beaucoup de gens, en est un parfait exemple, puisqu'il n'est composé dans son écriture la plus basique que de deux choses, un I et un 0, ou autrement dit un circuit ouvert et un circuit fermé. Et c'est d'ailleurs la seule chose que les machines comprennent, d'où cette expression d'ailleurs de « langage machine » pour mette un nom sur le code informatique dans sa représentation la plus simple d'une succession de I et de O. Et oui, l’intelligence artificielle n'a que deux mots dans son vocabulaire. Étonnant n'est-ce pas ?

Nous les hommes, réputés pour être intelligents, nous en avons des milliers avec comme plus grand alphabet celui du Khmer qui atteint les 74 lettres sans compter le chinois qui comporte plus de 5000 caractères dont certaines peuvent contenir plus de 30 trais. Mais alors, où réside les limites de l’intelligence humaine ? Et bien si c'est comparer à un ordinateur, l'être humain a une mémoire vive (RAM) très limitée. Ou autrement dit, il n'est pas capable de traiter d'une aussi grande quantité d'informations de manière simultanée comme peut le faire un ordinateur, les supers ordinateurs à l'heure actuelle notamment dans le traitement de donnée climatologique. La mémoire humaine à court terme, en opposition à la mémoire informatique volatile, nous oblige donc à appréhender les choses de manière simplifiée et structurée pour rester capable de les manipuler dans notre esprit. D'où certainement ce goût pour structurer nos pensées de manière dualisme, par opposition, bipolarisation, jusqu'à réduire une chose aussi complexe que la politique en notion de gauche ou de droite, la morale chose encore plus complexe en notion de bien et de mal, etc.

Et puis il y a les « intellectuels » comme on dit, qui s'efforcent de considérer le réel autrement qu'au travers d'une vision binaire. Ils le font dès lors au travers de la catégorisation, la classification, la taxonomisation, typoligisation et tous ces autres artifices qui facilite appréhension d'un grande diversité d'objet ou de faits au départ d'une mémoire à court terme limitée. Mais ceci toujours en ne pouvant traiter que d'un problème à la fois, tout en étant obliger de penser le monde, morceau par morceau, selon des représentations réduites, déformées, résumées, schématisées, et donc forcément imaginaires, puisque tout représentations n'est bien sûr qu'une image de la réalité.

Il y a ensuite des intelligences beaucoup plus mystérieuses puisqu'elle s'organise dans notre inconscient. On parle alors d'instinct, d'intuition, de réflexe, voir d'illumination, et dans tous les cas d'une intelligence capable de gérer des processus bien plus complexe que l’intelligence consciente et ne sont pas prêt d'être reproduit par la machine. Je pense ici par exemple à la danse, ou le sport, avec cette incroyable capacité de coordonner plus de 600 muscles en temps réel. Chose qui précisément est tout à fait impossible à réaliser au niveau de l'esprit conscient, comme le prouve par exemple les fréquents blocage qui surgissent lorsque l'on essaie de penser consciemment aux mouvements que l'on est en train de faire. Tout comme au niveau de la musique somme pour la plupart capable de transposer instantanément une mélodie d'un demi ton, sans avoir aucune conscience de la complexité que cela demande, mais dont on se rend vite compte lorsque l'on essaie de le faire au départ d'un instrument à vent.

De là aussi cette idée de faire de la préparation mental que l'on appelle aussi imagerie mentale au niveau des activités physique, et qui consiste précisément à penser consciemment les gestes que l'on va devoir faire, mais sans les faire. C'est donc là une autre forme d'imaginaire qui vient de nouveau à la rescousse de la complexité d'un monde ou il faut constamment faire des choix. Des conscients de manière fréquent, mais surtout des centaine de choix inconscients plus à chaque milliseconde - un par muscle et voir - et dont heureusement on peut vivre sans qu'il nous encombre l'esprit. Car il se fait que contrairement au choix inconscients qui sont généralement bienveillant pour soi-même et pour les autres, les choix conscient eux ne le sont pas toujours. Et c'est ici la raison pour laquelle il me plait pour ma part de parler d'imaginaire bienveillant et d'imaginaires malveillant, tout comme on parle aussi d'utopie[B 15] et de dystopie.

Dans l'imaginaire conscient ou inconscient - car ne dit-on pas « telle mère telle fille », ou encore, « les idées viennent en dormant » ? - classer les êtres humains peut en effet être utiles pour répondre à des besoins spécifiques, lorsque l'on veut prendre soin d'un enfant, d'un adolescent, d'un adulte ou d'une vielle personne. En revanche, classer l'humain d'un point de vue moral peut au contraire aboutir aux situations les plus dramatiques apparues dans l'historie telle que l'eugénisme ou le génocide. L'imaginaire n'est donc pas quelque chose dont on dois sous estimer l'importance, sans même se préoccuper de la qualité de son fonctionnement. Et c'est même tout le contraire qu'il faudrait faire si l'on veut se comprendre soi-même et comprendre les autres êtres humains qui nous entourent.

Car de l'imaginaire, naît les sociétés, les nations et les états, au sein d'imaginaires collectifs très variés, parfois antagonistes et souvent plus puissants que les imaginaires individuels, comme semble nous le dire de nombreuses théories de psychologie sociale, telles que celle de la spirale du silence[B 16], pour ne citer que celle-ci. Enfin, tout ceci pour dire que s'intéresser à l'imaginaire, est sans doute la chose à faire si l'on veut s'intéresser à la causes des causes, comme je le proposais précédemment, et prendre le problème par la racine. Ceci en sachant bien évidement que je ne suis bien sûr pas le premier à aborder le sujet et qu'il y a en réalité tant d'écrit sur le sujet que l'on pourrait s'y perdre, avec ici pour seul exemple en provenance de la socio-anthropologie quelques propos d'Arjun Appadurai que je reprend ci-dessous :

Dans Modernity at Large, j'ai mis l'accent sur le rôle de l'imagination dans la vie sociale à l'ère de la mondialisation. En m'appuyant notamment sur une compréhension du fonctionnement global des médias, j'ai suggéré que l'imagination est désormais un élément essentiel de la vie collective, sociale et quotidienne et qu'elle est également une forme de travail. En d'autres termes, la vie sociale quotidienne des communautés du monde entier a créé de nouvelles ressources pour le travail de l'imagination à tous les niveaux de l'ordre social. S'exprimant le plus fortement dans les modèles de consommation, de style et de goût, l'imagination n'est plus une question de génie individuel, d'évasion de la vie ordinaire ou simplement une dimension de l'esthétique. C'est une faculté qui informe la vie quotidienne des gens ordinaires de multiples façons : c'est la faculté qui permet aux gens d'envisager la migration, de résister à la violence de l'État, de chercher des réparations sociales et de concevoir de nouvelles formes d'association et de collaboration civiques, souvent au-delà des frontières nationales. Cette dimension de ce que j'ai appelé "le travail de l'imagination" n'est pas entièrement séparée de l'imagination en tant que faculté créatrice, reflétée dans les questions de style, de mode, de désir et de recherche de la richesse. Mais elle est aussi un creuset pour le travail quotidien de survie et de reproduction. Prophéties autoréalisatrices est le lieu où se rencontrent les questions de richesse et de bien-être, de goût et de désir, de pouvoir et de résistance. Cette analyse du rôle de l'imaginaire comme fait populaire, social, collectif à l'ère de la mondialisation reconnaît son caractère partagé. D'une part, c'est dans et par l'imagination que les citoyens modernes sont disciplinés et contrôlés, par les États, les marchés et autres intérêts puissants. Mais c'est aussi la faculté par laquelle émergent des modèles collectifs de dissidence et de nouvelles conceptions de la vie collective[N 3][B 17].

À la lecture de ceci, on comprend donc d'autant mieux pourquoi il faut prendre soin de son imaginaire personnel tout autant que de l'imaginaire collectif qui n'est finalement que l'agrégat des imaginaires individuels. Sauf que dès lors que l'on adopte une pensée complexe, on sait alors permanentant que ce qui vient d'être dit est à la fois vrai et faux, puisque l'imaginaire collectif possède une force d'attractive un peu comparable à la force gravitationnelle, qui permet au corps les plus massifs, de déplacer vers eux ceux qui le sont moins. Ce qui est là une autre façon peut-être de décrire l'instinct grégaires observé chez certains animaux et dont l'homme est loin d'être dépourvu. Et ce qui rend alors d'autant plus important de veiller à ce que l'imaginaire collectif soit préservé de toute pensées fallacieuses.

L'Espèce fabulatrice

Libérer l'imaginaire des dogmes fallacieux

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En quatrième de couverture l'ouvrage de Marie-Louise Duboin intitulé Les Affranchis de l’an 2000[B 18], il était écrit :

Et, si pour sortir de la crise, il fallait être capable d’innover au point de remettre en cause toutes nos habitudes économiques ? Si la survie de notre planète nous imposait une gestion commune mettant le profit au ban de la société ? S’il fallait aller jusqu’à changer la nature de nos monnaies en même temps que nos systèmes de financement ? S’il fallait même abandonner le salariat ? C’est à cet effort d’imagination que l’auteur s’est attaqué, considérant que les illusions, les mirages sont aujourd’hui du côté de ceux qui n’osent pas voir la mutation qui s’impose. À qui ferait peur la société conviviale dont les contours économiques et sociaux sont esquissés dans cet essai écrit à la façon d’un roman ?

C'était en 1996, soit près de 25 ans avant que Rob Hopkins publie à son tour et au cours de l'année 2020, un ouvrage intitulé : Et si... on libérait notre imagination pour créer le futur que nous voulons ?[B 19].

Voici donc une question qui le temps d'une génération est restée dans les esprits avant de devenir une question centrale de nos jours dans la recherche de solutions face aux nombreuses crises que doivent solutionner notre humanité. Mais avant de débattre ici de ce questionnement, sans doute est-il bon de se mettre d'accord sur ce que signifie « libérer notre imaginaire », et se demander de quoi et pourquoi faudrait-il le libérer ? Trois questions en une aux quelles je réponds en disant que libérer notre imaginaire, s'est rendre à toute ses capacités créatives en y replaçant certains dogmes infondés au rend de théories fallacieuses dans le but de retrouver une ouverture d'esprit indispensable à l'expérimentation et au changement.

Depuis un petit temps déjà, et par delà les observations réalisés depuis mon arrivée dans le mouvement Wikimédia, l'anthropologie anarchiste m'a effectivement permis libérer mon propre imaginaire de nombreuse fausse croyances sur les origine et le passer de l'être humain aussi bien que sur sa nature. Grâce à des auteurs tels que Marshall Sahlins, Pierre Clastres, James C.Scott, Charles Macdonald, David Graeber, Pierre Kropotkine et bien d'autres auteurs situés en dehors de la sphère anarchiste tel que Alain Testar, Edgar Morin, Elionor Ostrom, Michel Bauwens, etc., j'ai ainsi pu libérer mon esprit de tout une séries de croyances populaires non fondées, qui empêchent nos imaginaires d'accéder à d'autres représentations du monde et d'autres alternatives de vie.

Comme il serait trop long ici de les décrire en détails toutes les fausses interprétations produites au départ de l'observation de la nature et des traces laissée dans le passé par les êtres humains, je me limite donc à ne citer ici que quelques concepts fallacieux conservé dans nos imaginaires comme autant de fausses évidences. Je pense par exemple à la propriété, au troc, au don, à la dette, au marché, à l'héritage, à l'argent, à l'usure, etc. qui nous empêchent d'imaginer le partage comme un acte des plus naturel, mais aussi la hiérarchie statutaire, la bureaucratie, l'État, l'administration, les élections, l'emploie, le patriaracat, etc. qui normalise dans nos imaginaires la domination, l'exploitation et la coercition, et puis enfin la croissance, le développement, le progrès, le profit, ect. qui nous prive dl'imaginer le bonheur dans le présent le respect et l'équilibre.

Comme exemple plus concret, il y a par exemple cette croyance qui nous dit que « rien n'est gratuit dans ce monde » et que « tout travail mérite salaire », alors que c'est tout le contraire qui se passe dans le mouvement Wikimédia où tout ce qui s'y produit est gratuit : la connaissance, mais aussi du logiciel MediaWiki, des nombreuses formation à l'édition, et finalement toutes les informations nécessaires pour comprendre le fonctionnement du système de production, alors qu'en général les entreprises s'efforce de garder secret. Sans oublier qu'au niveau des projet en ligne, et pour une bonne part de ce qui se passe hors-ligne tout est géré par des bénévoles. Un bel exemple donc qui contraste avec cette habitude d'imaginer la gratuité comme inconcevable ou suspecte. Un peu comme si on avait oublié que la chose la plus importante pour la survie de chacun d'entre nous, celle en l’absence de laquelle on ne peut survivre plus de dix minute, est tout à fait gratuite et fait même l'objet d'un partage sans entrave au niveau planétaire avec le reste de la nature. Car l'air, tout comme l'eau, et leurs composants atomiques ne font effectivement que circuler dans la nature au cœur d'un partage perpétuel, tout comme les idées se transmettent d'une mémoire à une autre entre êtres humains, mais aussi entre être vivant. L'idée du papier n'est elle pas en effet une idée que les humains partagent avec les hyménoptères ? Tout le vole avec la chauve-souris, la flottaison avec le bois, et le béton avec la pierre ?

Un jour lors d'une discussion avec ma sœur et mon beau-frère qui avait abouti à mon départ inopiné tant notre échange devenait tendu, j'essayai d'argumenter le fait qu'il serait possible d'organiser un mon sans argent. Mais cette chose leur était tout à fait inconcevable et me valait d'être traité de doux rêveur en me rappelant que l'on ne vivait pas chez les « Bisounours ». J'aurai pu leur parler alors des nombreux peuples qui vivent sans argent, et qui le refuse même comme me le témoignait une connaissance qui avait vécu un temps chez des aborigènes qui ne savent pas quoi en faire d'un billet de banque. Mais sachant que ma sœur en est un grande utilisatrice via son smartphone, j'ai alors choisi de leur donné l'exemple de Wikipédia en leur informant que l'encyclopédie était entièrement produit par des bénévoles. Suite à quoi mon beau-frère s'est alors esclaffé en disant « mais qu'est ce que tu crois ! ». Et c'est là que j'ai à mon tour monté le ton pour dire que c'était quelque chose que j'étudiais depuis plus de 10 ans et que ce que j'étais en train de le dire n'était pas de l'ordre de la croyance, ni de l'imaginaire aurais-je pu ajouter.

La gratuité de Wikipédia comme celle des logiciels libre n’apparaît donc pas pour beaucoup de gens comme une chose de naturelle[B 20] et j'aurai toujours gardé un goût amère de cette discussion de famille. D'autant plus que quant j'ai proposé à ma sœur, qui lit beaucoup et qui aprécie les romans historiques, de lui fournir le livre de David Graeber intitulé Dette : 5000 ans d'histoire[B 21], elle me rétorqua que ce n'était pas leur genre de lecture et qu'ils ne le liraient pas. Un sentiment de solitude s'est alors emparé de moi. Je me sentais incapable de partager mon imaginaire et mes désirs d'un monde meilleur avec des personnes qui me sont des plus chères .

Au cours de cette même période, ce fut lors d'une rencontre informelle dans une brasserie de Louvain-la-Neuve que de nouvelle remarques m'auront particulièrement touchées émotionnellement. Elles provenaient cette fois de deux membres de mon laboratoire d'anthropologie. Nous étions en train de discuter de la publication de ma thèse de doctorat et de ma situation avenir. Les deux interlocuteurs en présence insistèrent tout d'abord sur l'important de mettre le mot « Wikipédia » dans le titre de mon ouvrage, alors que mon but, dès l'introduction est précisément de présenter tout ce qui se cache derrière l'encyclopédie. Sans certitude, j'ai alors pensé que c'était là une question de marketing de vente d'un livre, sauf que je sais pertinemment que la publication d'un livre profite avant tout à l'éditeur, pas à l'auteur excepté peut-être au niveau de la réputation et certainement pas aux lecteurs, qui devrons en payer les frais tout en étant privé du libre partage.

Mon désarroi fut encore plus grand lorsque l'on aborda la question de la suite de mes activités une fois la thèse terminée. Il était en effet question de me trouver un poste qui allait me permettre de gagner de l'argent. Cela me semblait présenté tel une finalité. Quand je leur fis part de mon désintérêt croissant pour l'argent, on me dit alors : Mais pour acheter une maison ? Ce à quoi je répondis que j'avais déjà fini de payer un loft à la campagne et qu'il m'apparaissait déjà trop grand. Le sujet de discussion fut ainsi suspendu par un silence meublé de regards dubitatifs. Suite à quoi, il était temps de partir et l'on m'offrit généreusement ce que je venais de consommer.

Ce fut pour moi un deuxième grand moment de solitude. Je réalisais que du monde ouvrier jusqu'à l'élite intellectuelle, l'argent avait pris le dessus dans un imaginaire commun, ceci alors que paradoxalement et tant au niveau de ma famille que de mes collègues, ce sont des gens qui ont le cœur sur la main. Aujourd'hui, j'ai juste envie de leur dire que je les apprécie tellement que l'un de mes souhaits les plus chers serait de les voir arrêter d'imaginer le monde au travers de l'argent. C'est là une phrase que je voudrais dire à tout le monde en fait, de la même manière que je souhaite à tout grand fumeur d'arrêter de fumer. L'argent est effectivement une drogue qui me semble aussi puissante que la cigarette ou l'alcool. Une fois qu'on s'y est accoutumé, on ne sait plus comment imaginer vivre sans et cela devient vite une obsession. Socrate appelais déjà ce mal la chrématistique...

Cette réflexion personnelle que j'ai par rapport à l'argent n'est qu'une parmi d'autres réflexion qu'il me semble important de développer en raison du fait que l'imaginaire peut grandement être influencé par de mauvaises croyances issues de ce que Donna Haraway appel des « savoirs situés ». Une expression que j'assimile pour ma part comme : fausses représentations de la réalité basées sur des observations biaisées, des argumentations subjectives et polluées par des intérêts personnels qui aboutissent finalement à des raisonnement fallacieux, et donc des constructions théoriques présentées comme des vérités inébranlables, alors qu'ils ne s’agissent que de savoir situés. Les exemples sont ainsi nombreux avec des des processus de création déjà identifier par des auteurs telle que Vinciane Despret[B 22], qui se sera spécialement intéressé à ce qui s'est passé au niveau des théories éthologiques.

Ceci alors que Donna Haraway, au départ de son propre savoir situé de cyberféministe, nous dit qu'« Une des principales voies de la reconstruction de la politique féministe socialiste passe par une théorie et une pratique qui traitent des relations sociales de science et de technologie, et en particulier des systèmes mythiques et sémantiques qui structurent nos imaginaires. »[B 23] en précisant que « Les États modernes, les multinationales, la puissance militaire, les appareils de l'État providence, les systèmes satellites, les processus politiques, la fabrication de notre imaginaire, les systèmes de contrôle du travail, la construction médicale de nos corps, la pornographie commerciale , division internationale du travail, et l'évangélisme religieux, dépendent intimement de l'électronique »[B 23].

Tout ceci pour dire en fin de compte, que l'on devrait alors penser à repenser notre avenir de manière « uchronique » en décidant de réinvestir l'écoumène numérique pour y poursuivre le partager toutes les connaissances et en l’absence de toute discrimination tel que cela est proposé par le mouvement Wikimédia. De cette pratique nous pourrions alors revisiter tous ces dogmes fallacieux apparus par le passés et qui auront déterminer l'histoire de notre humanité jusqu'à ce jour, pour les comparer ensuite à des savoirs autrement situés, et donc finalement d'autres opinions, Haraway précise[B 23] elle-même que :

« Ces faits contingents, ces « connaisses situées » sont sont construits de façon à avoir la capacité extraordinaire de fonder - objectivement, littéralement - l'ordre social. Cette séparation du savoir expert de la simple opinion, cette construction d'un savoir légitime faite sans appel à une autorité transcendante ou une certitude abstraite d ' aucune sorte, est l'un des gestes fondateurs de ce que nous appelons la modernité ».

Une modernité dont il nous faut donc repenser le futur sur des bases plus saines et plus proche d'une réalité que je qualifierais de naturelle en opposition à celle présente dans l’imaginaire collectif d'une humanité dont on nous dit qu'elle cours à sa perte. C'est là une chose importante pour garantir la qualité de notre futur bien entendu, mais aussi pour celle d'un présent qui se voit particulièrement angoissant par le simple fait que l'on a aucune idée de ce que nous réserve l'avenir.

Le mensonge et la propagande comme crime contre l'imaginaire

Débattre de la banalisation du mensonge et de la propagande volontaire.

Quand tu ne sais plus où tu va, regarde d'où tu viens

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« Quand tu ne sais plus où tu vas, regarde d'où tu viens. » Cette phrase m'a été dite un jour par une amie Hongroise à qui je faisais part d'une crise existentielle. J'ai donc longtemps cru que cette phrase était un héritage de la philosophie Magyar. Sauf qu'en voulant vérifier ce qui n'était finalement qu'une supposition, je finis par trouver sur le Web qu'il s'agissait d'un provenance Africains. Comme quoi, on a vite fait d'imaginer quelque chose en dehors de la réalité.

Mais donc, en repensant à cette maxime dans le cadre de ces nouvelles questions existentielles que je me suis posé en tant qu'espèce vivante dans les cadres de mes recherches, je me suis mis alors à regarder derrière moi, non pas dans mes souvenirs cette fois dans ses souvenirs, mais dans certaines de certaines lectures. Même si, j'ai la peine d'écouté l'ouvrage Sapiens : une brève histoire de l'humanié[B 24] puisque l'on m'en parlait tant, je préfère prendre du recule par rapport à ce type d'ouvrage de vulgarisation écrit par des personnes qui tout comme moi, ne sont pas paléontologues.


Au départ de la sélection naturelle de Charles darwin[B 25], on imagine alors une sélection artificielle dont découlera différentes formes d'organisation sociale dites darwinismes sociales, dont l'une des formes les plus extrêmes sera l'eugénisme qui dans son paroxysme conduit au génocide.

Mais alors que certain voit dans la nature de la compétition, d'autre tel que l'anarcho-communiste Pierre Kropotkine, y verra de l'entraide[B 26]. On serait alors en droit de regretter que personne n'eut l'idée d'imaginer un « Kropotkinisme scocial » qui aurait pu inspirer une organisation sociale non plus basée sur la recherche de profit au sein d'un marché compétitif, mais par exemple sur le respect de la règle d'or et du partage dont le paroxysme, pour peu qu'il puisse exister, nous reste inconnu. Et si du Kropothinisme était né le partagisme ? Peut-être serions-nous en train de vivre dans un paradis terrestre telle qu'il aurait existé avant le premier péché originel qui n'est autre selon le mythe chrétien que le premier don d'un fruit défendu entre semblable ?

Plus encore que la compétition, la propriété n'est-elle pas non plus le fruit d'une imagination désireuse d'appropriation ? Car comment prétendre à la possession de quelque chose alors que nous ne possédons pas même notre propre existence ? Comment peut-on même se croire propriétaire de notre corps alors que de toute évidence nous n'en somme que le locataire le temps d'un bail qui peut se voir suspendu à tout moment ? Autant de questions qui nous pousse à parler droit d'usage au lieu de propriété et de devoir de partage plutôt que de vol. Sans propriété, il n'y aurait effectivement plus de don et plus de vol non plus. Et sans le don c'est alors la dette qui disparaîtrait, ainsi que l'argent qui en est le produit. L'absence de l'argent entraine quant à elle la disparition de la notion de produit, ce qui rend dès lors l'organisation du marché puisque. Nous savons effectivement que troc originel n'a jamais réellement existé, alors que de toute manière il n'aurait par permis l'exploitation. Et qui dit absence d'exploitation, dit absence de servitude, d'esclavage, de prolétariat, et de salariat. Sans ce continuum de causes à effets, il ne resterait alors que le partage et le volontariat. Deux mots clefs qui devrait sous-tendra toute organisation humaine et toute intention individuelle.

société achrématique et société à richesse (testart)

Barbars mercenaires esclavagiste creusant leur propre tombe (Scott)

En sciences sociales, le don se conçoit précisément tel un « espace imaginaire normatif »[B 27] qui s'oppose au marché pour le bien fondé de l'esprit. Un peu à l'image de Jésus qui, dans ce qui apparait comme son unique emportement, aura chassé les marchands du temple, lui qui n'a pas hésité à tendre l'autre joue et donner sa vie pour le salut des hommes. Peut-être avait-il déjà compris, lui ou les rapporteurs de son histoire, que le marché finirait un jour par devenir un dogme plus puissant que l’existence de Dieu.

Car combien d'organisation sociale ou de religion ou n'ont-elles pas été fondées sur un don initiale dont découle une « dette de vie »[B 28] ou une dette primordiale que nous devons à Dieu[B 21] ? Un don premier dans tous les cas qui engendre tout un imaginaire remplis de récits cosmologiques et ontologiques souvent en contradiction flagrante avec ce que l'on peut observer au sein de la nature. Une nature où précisément tout circule au travers d'un partage perpétuel dans lequel rien ne se perd et tout se transforme.


Anarchogrégaire : pas de statut, non religieux, pas de société ni état mais des communautés,

« Les dernières décennies ont connu à l'échelle mondiale un nouvel épisode d'utopie libérale caractérisé par une réactivation de la croyance dans les vertus bénéfiques et autorégulatrices du système de marché, un véritable culte de la concurrence (sous la forme de la compétitivité) ainsi qu'une poussée inédite de la marchandisation du monde. Des contre-mouvements protecteurs, limités mais effectifs sont apparus sous diverses formes. Une seconde “grande transformation”peut-elle encore se produire ? »

— Karl Polanyi, Subsistance de l'Homme, op. cit. p. XIX

L'économie de marché moderne, où le commerce est réglé par le marché, où les différents usages de la monnaie sont intégrés sous l'hégémonie du moyen d'échange, est bien le fruit d'une discontinuité historique, d'une rupture radicale, et non l'aboutissement d'un processus millénaire d'évolution graduelle, fondé sur la prétendue propension “naturelle” de l'homme à troquer et échanger. »

— Karl Polanyi, Subsistance de l'Homme, op. cit., p. XIV

« l'économie constitue un domaine d'activité inséré ou encastré dans les autres relations sociales (de parenté, politiques, religieuses) et ce, dès la préhistoire, et qu'elle s'en émancipe lors du bouleversement qui instaure l'économie et la société de marché au XIXe siècle. »

« représentation intersubjective » (harary)

Subjectivation - Statut - contrat

Henry Sumner Maine

H. Sumner Maine (trad. J.G. Courcelle-Seneuil), L'ancien droit considéré dans ses rapports avec l'histoire de la société primitive et avec les idées modernes [« Early law and custom »], A. Durand et Pedone Lauriel, 1861 (réimpr. 1874 pour la traduction en français) 

« la grande innovation dans le monde moderne c'est la substitution de la relation contractuelle au lien statutaire qui prévalait dans les sociétés archaique. Le mouvement progressif des sociétés jusqu'à nos jour a été un mouvement du statut au contrat »

Les chasseurs-cueilleurs de l'écoumène numérique

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Il est interpellant je trouve, de voir certaines similitudes entre le développement de l’écoumène numérique et celui de son homologue géographique longtemps observé par les anthropologues. Comme premier exemple apparait cette pratique courante, voire récurrente, de séparation des communautés numérique, les forks comme on dit dans le milieu du développement de logiciels. Nous l'avons observé au sein des projets Wikimédia avec l'apparition d'une multitude de projets frères et de versions linguistiques. Mais cette tendance est encore plus impressionnante lorsque l'on s'intéresse à ce qui se passe au niveau des logiciels libres. Pour s'en rendre compte, il suffit de jeter un coup d'œil sur l'interminable liste[W 2] des différentes distributions du système d'exploitation GNU/Linux. Cette liste est tellement longue que, faute de place, je dois me limiter ici à présenter un graphique qui ne reprend que la soixantaine de distributions dérivées du projet Ubuntu.(voir figure 2.21 ci-contre), alors qu'elles ne représentent qu'environ un cinquième de toutes les distributions disponibles à ce jour[N 4].

Arbre des différentes distributions GNU/Linux basées sur le projet Ubuntu.
Fig. 2.20. Arbre des différentes distributions GNU/Linux basées sur le projet Ubuntu.

Si l'on reporte cette observation à ce qui se passe au sein de l'écoumène terrestre, on s’aperçoit qu'une telle aptitude à la scission a aussi existé au sein des communautés humaines. Car si l'écoumène numérique se caractérise aujourd'hui par un espace informatique démuni de toute frontière étatique, et si son extension n'est pas près d’atteindre son apogée comme le prédit des théories similaires à la loi de Moore, il fut aussi un temps sur terre où les premiers êtres humains vivaient dans des conditions géographiques similaires[B 29]. Cette période de l’existence humaine qui porte le nom de paléolithique, fut une période importante de l’existence humaine puisqu'elle occupe plus de 98 % des trois millions d'années environ que couvre la Préhistoire du genre Homo et qui s'acheva avec l'apparition de l'écriture en Mésopotamie vers 3 300 av J.C[B 30].. Au sein des populations humaines, cette période se caractérise aussi par un mode de vie que l'on nomme chasseurs-cueilleurs.

Alain Testart, pour ne faire référence qu'à cet auteur francophone spécialisé dans ce domaine, nous rappel à ce propos que la « facilité de scission ou de déplacement [...] des chasseurs-cueilleurs nomades, [était un] thème largement développé par l'anthropologie »[B 31]. Tant dans l'espace géographique que numérique, cette pratique a en effet pour avantage certain de mettre fin à toutes tensions persistantes au sein d'une communauté. Alors que comme deuxième avantage à plus long terme, elle permet ensuite de favoriser la diversité de manière respective : au niveau de la culture, des contenus pédagogiques et des logiciels informatiques.

En plus de corroborer cette première similitude, cette citation de Testart est aussi l'occasion de se rappeler que les peuples responsables de l'extension de l'écoumène terrestre, étaient essentiellement des peuples nomades. Ce nomadisme apparait donc comme deuxième similitude si l'on se réfère à l'expression « nomadisme numérique » utilisée pour décrire la capacité de se déplacer dans l'écoumène terrestre tout en restant présent au sein de l'écoumène numérique. Ceci sans compter qu'au sein même de l'écoumène numérique, il est possible de passer d'un logiciel, d'une fenêtre, d'un site web ou d'une page web à l'autre, en l'espace d'un seul clique, ou autrement dit, d'un endroit à l'autre de l'écoumène numérique en un seul instant.

Pour Testart qui fut adepte d'une vision évolutionniste modérée[N 5] des sociétés humaines, le mode de vie originel des chasseurs-cueilleurs, qualifié de « communisme primitif » par certains[B 32], se caractérisait aussi par un partage que rendait possible la propriété « usufondée » qu'il décrit comme « fondée sur l'usage continu à travers le temps et pour autant que cet usage puisse être démontré » et l'absence de propriété « fundiaire » qu'il décrit cette fois comme « fondée sur la considération du fonds, indépendamment du travail qu'il suscite ou de l'usage qui en est fait »[B 33].

Parmi ces trois nouvelles descriptions du mode de vie des chasseurs-cueilleurs, la première, celle du partage, ne manquera pas de nous interpeller puisqu'elle correspond au principe de base sur lequel repose toute la philosophie du Mouvement Wikimédia. La seconde par contre, la propriété fundiaire pour rappel, ne pourrait faire lieu d'une quelconque similitude puisque au sein de l'espace numérique, tous les bien sont non rivaux et que par conséquent, l'utilisation d'un bien (article encyclopédique, logiciels informatiques, photo, musique, vidéo etc.) ne prive personne de l'utilisation d'une copie. Ceci alors que la troisième caractéristique, la propriété fundiaire, trouvera son équivalant au niveau des bien placés sous copyright, étant donné que son propriétaire, même si ce type de bien est non rival, peut en interdire l'utilisation à d'autres, ou établir des conditions d'utilisations, tel qu'une rétribution financière par exemple, sous forme d'achat, d'abonnement, ou autre.

Sans aller jusqu'à parler de néo-tribalisme[B 34], il semble cependant clairement existé au sein de l'écoumène numérique des tribus informatiques qui se regroupent chacune autour d'une passion commune[B 35]. Le mouvement Wikimédia tout comme celui des logiciels libres seraient donc en ce sens un rassemblement de tribus de chasseurs-cueilleurs numériques, rassemblé autour des projets aussi nombreux que sont les versions linguistiques des projets Wikimédia ou les divers projet de développement de logiciels libres. En pensant à des tribus de chasseurs-cueilleurs, il est ensuite bien tentant de se remémorer le célèbre ouvrage de Pierre Clastre intitulé La société contre l'État. Au départ de celui-ci, on pourrait en effet établir une nouvelle comparaison entre les stratagèmes de résistance établis par les peuples premiers pour contrer l’émergence de l'état au sein de leurs sociétés, avec la posture d'opposition des projets et de la fondation Wikimédia à l'encontre les ingérence ou injonction en provenance des États-nations. Cependant, ma thèse est tout autre, car ce que je vois pour ma part à travers cette opposition, n'est pas une société qui s'oppose aux états, mais bien des états numériques qui s'opposent à des états géographiques.

Cette propriété privée et ce don qui empèche le partage

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Alors que la question du don fut débattue en long et en large parmi les sciences sociales avec la revue du Mauss si en est même venu à se spécialiser dans tout ce qui concerne le « paradigme du don », la question du partage, me semble-t-il, ne fut jamais abordée avec tout le soin qu'elle mérite.

un article d'Étienne Autant au propos peu convaincants suite à l'analyse qui vient d'être faite. L'auteur prétend en effet que « Si donner c’est toujours partager, partager ce n’est pas seulement donner. ». Or, ici réside toute la confusion puisque selon ma propre analyse, l'acte de partager ne devrait pas être ni confondu, ni assimilé, à l'acte de donner. Chose que l'auteur ne fait absolument pas lorsqu'il écrit ceci :

Dès lors, au lieu d'opposer les trois grands paradigmes qui s’efforcent de rendre compte de la vie économique et sociale, ne serait-t-il pas préférable de reconnaître qu’ils peuvent se compléter ? Chacun des trois paradigmes n’éclaire vraiment qu’un domaine particulier : l’individualisme, le marché ; le holisme, les interventions de l’État ; le paradigme du don, les relations de personne à personne. Ne serait-t-il pas intéressant, alors, de situer ces trois paradigmes dans le cadre plus vaste de ce qui pourrait devenir un paradigme du partage, puisque le partage est leur point commun[B 36] ?

le terme d'échange déjà utilisé par d'autre me semble bien mieux approprié pour regrouper au sein d'un seul terme générique autant l'échange de produit marchant, l'échange de sévices publics, que l'échange de don (tiers secteur) et ceci dans le but de libérer le terme de partage dans le but de l'utiliser dans un quatrième secteur qui serait celui du partage de biens non rivaux. Et si pour certains le terme partage ne semble pas approprié à la cause des biens non rivaux, puisque au niveau étymologique, le mot partage désigne la constitution de part à distribuer et que c'est dénué de sens dans le partage de bien non rivaux. Faut-il alors inventer un nouveau terme qui permet de comprendre dans une simple prononciation qu'il s'agit bien de partager des copies d'un bien qui restera entier dans les mains de chacun et non de partager des morceaux d'un bien suite à quoi chacun repartira avec un moreau seulement ?

On pourrait dans ce cas se référer à cette histoire bien connue au sein de la culture judéo-chrétien qui est celle de la multiplication des pains par Jésus de Nazarette. Un miracle didactique s'il en est puisqu'il illustre à lui seul la différence entre bien rivaux et non rivaux au travers cette impossible multiplication d'un bien rival représenté par le pain. Mais au terme multiplication que je préfère laisser au domaine des mathématiques, je préfère pour ma part utiliser le mot reproduction dont l’étymologie indique en effet la nécessité de produire à nouveau. Une indication importante me semble-t-il puisque contrairement au miracle de la multiplication des pains, la reproduction d'un bien nécessite un certain travail et temps de travail.

En tout cas, cette piste de réflexion permet déjà de sortir l'impasse du don agonistique en se tournant cette fois vers les théories d'Alain Testart, et en particulier celles présentées dans la dernière œuvre magistrale qu'il publia de son vivant et qui s'intitule Avant l'histoire, L'évolution des sociétés, de Lascaux à Carnac[B 37]. Tout comme Marcel Mauss, dans cette Testart s'inspire de l'observation des peuples de chasseurs cueilleurs sur base d'études ethnographiques qu'il complète contrairement à Mauss par des d'autres données en provenance de l'archéologique pour finalement considérer que :

les sociétés néolithiques seraient des sociétés où la propriété de la terre est « usufondée », c’est-à-dire fondée sur l’usage et non sur la considération du fonds – cas de la propriété « fundiaire » –, ce qui n’en fait donc pas un enjeu majeur, voire pas même une source de revenus. L’origine de cette forme de propriété remonterait très probablement au temps des chasseurs-cueilleurs du Paléolithique, de sorte que l’auteur fait se succéder trois grands ensembles, ou « trois mondes »:« un “monde I” [de] sociétés sans richesse et tout au plus propriété usufondée ; “un monde II” [de] sociétés avec richesse et propriété usufondée ; un “monde III” [de] sociétés avec richesse et propriété fundiaire »[B 38]

Après avoir rendu compte de la grande distribution spatiale des peuples de chasseurs-cueilleurs et de leur principe coutumier, Testart distingue alors deux types de structures sociales parmi ceux-ci. D'un côté, se trouvent les peuplades de « type A », dont il cite pour seuls représentants contemporains les aborigènes d'Australie, où la conception usufondée des richesses naturelles empêche les chasseurs et les cueilleurs d'être propriétaire des biens qui collecte. Le chasseur n'est en effet ni maître de la répartition de la viande de son gibier, ni maître dans le choix des bénéficiaires[N 6]. De l'autre, se situent les peuplades de « type B », des chasseurs cueilleurs quant à eux propriétaire de la nourriture qu'ils trouvent et maître de son usage et de son partage. De la pratique de ces peuples de type B, découle alors la pratique don agonistique avec le potlatch au niveau de la forme la plus ostentatoire, ainsi que le désire de poursuivre la recherche de nouvelles techniques qui permettront d'accroître la production de biens matérielle et le prestige que cela apporte au travers de leurs dons[B 39]

Appliquée au mouvement Wikimédia, cette différenciation des peuples de chasseurs cueilleurs permet alors de reconnaître au sein des contributeurs bénévole les caractéristiques des communautés de type A, et non celles de type B. De plus, l'adoption par le mouvement Wikimédia des licence libres présentée en cinquième section du chapitre 3, empêche selon leurs natures d'attribuer une quelconque propriété sur ce qui est produit par la communauté d'éditeurs bénévoles au sein de projets Wikimédia, qui tout comme les peuples de type A à nouveau, exprime très peu d'intérêt, voir occasionnellement des résistances, face à l'évolution technique du logiciel MediaWiki qu'ils utilisent. Pendant ce temps, et du côté de la fondation et de ses mécènes, le paradigme du don apparaît et même de manière quelque peu agonistique, puisque comme cela a été vu dans la onzième section du précédemment chapitre consacré à la dérive de la mission Wikimédia, le projet Wikipédia apparaît comme le projet phare de la fondation profitant d'une promotion disproportionnée et non justifiée en comparaison aux autres projets Wikimedia « rivaux ».

Comme on la vut précédemment dans la première section du troisième chapitre consacré aux logiciels libre, que ce fut Richard Stallman qui implémenta le paradigme du partage lorsqu'il justifia la démarche du logiciel libre en disant que : « si j'apprécie un programme, je dois le partager avec d'autres personnes »[W 3]. Cette règle de base sur laquelle repose toujours aujourd'hui, comme nous allons le voir, la motivation des éditeurs Wikimédia débouche donc sur une réciprocité sociale non pas basée sur ce Jacques Godbout décrit comme une « dette mutuelle positive », dans laquelle « les acteurs valorisent le plaisir dans le don »[B 40], mais plutôt comme un partage altruiste réciproque[B 41]. Puisque les contributeurs des projets Wikimédia ne donnent pas, ils partagent alors quelque chose dont ils ne se sentent pas propriétaires et dont la maîtrise dépend de la communauté tout entière selon des règles sophistiquées qui seront abordées plus tard dans le prochain chapitre.

En résumé, nous voyons donc apparaître d'un côté, un groupe d'acteurs, les contributeurs, qui œuvrent dans le paradigme du partage en interdisent l'attribution de toute forme de propriété sur la connaissance. Pour ce faire, ils partagent cette connaissance sous format numérique et sous licence libre de telle sorte à ce qu'elle puisse devenir un biens anti-rival par excellence. Ils rendent aussi l'usus de la connaissance reproductible à peu de frais et sans conséquence sur la qualité et la quantité du bien d'origine avant et après partage[N 7]. De l'autre côté, les lecteurs donateurs se voient tenus à l'écart du mouvement et de son idéologie de partage par les dons qu'ils offrent dans un acte que Alain Caillé qualifierait de « péché originel puisqu’il crée cette séparation entre moi et autrui »[B 42].

Grâce à ces explications, nous pouvons donc à présent, mieux comprendre pourquoi les lecteurs qui donnent de l'argent au mouvement Wikimédia, ne rejoigne pas la communauté d'éditeurs. Comme cela a été vu en quatrième, cinquième et dixième section du précédent chapitre, le lancement de la récolte de dons au sein même des projets a en effet démarré peu de temps avant le déclin de la rétention des nouveaux contributeurs. Suite à ces nouvelles explications théoriques, il apparaît donc maintenant presque évident qu'en donnant de l'argent au mouvement en gratitude d'un partage originairement inconditionnel, mais transformé en produit marchand par les actions marketing de la fondation, les lecteurs des projets Wikimédia se libèrent de l'idée de donner de leurs temps pour développer les projets Wikimédia en rejoignant leurs communautés de partage. Une perversion d'un partage originel donc que je baptiserais contre-don asymétrique, puisqu'il n'est ni un don agonistique, ni un don de réciprocité, ni même un don créateur de lien.

Comme conclusion à tout ceci, on peut donc dire que c'est bien la notion de propriété qui distingue le don du partage et la connaissance du produit marchand dans le cadre du mouvement Wikimédia. Et il est ainsi remarquable que cette propriété est tout aussi absente chez les aborigènes d'Australie faisant partie des peuples de type A décrit par Alain Testart, que chez les éditeurs bénévoles au sein du mouvement Wikimédia. Une telle absence de propriété nous renvoie d'ailleurs vers la notion de communs ou res communis, très en vogue actuellement si l'on en juge du foisonnement littéraire qui tourne autour et qui fut déjà répertorié dans un ouvrage de synthèse intitulé Dictionnaire des biens communs[B 43]. C'est donc dans cette direction que pourra se poursuivre le débat, alors que pour ma part je me limiterai à conclure en disant que toute forme de connaissance, même nouvelle, est, et sera toujours le fruit d'un partage de connaissances antérieures et qu'en ce sens, transformer la connaissance en don, en lui attribuant un titre de propriété, n'est rien d'autre qu'un acte d'enclosure d'un bien précieux que chacun est en droit de recevoir et en devoir de partager

Le bénévolat comme passage de la servitude volontaire au volontariat serviable

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Étant assimilée à la condition d'esclave, la servitude involontaire, n'est pas une chose à débattre en tant que telle au sein du mouvement Wikimédia. Mais avant de laisser cette idée de côté, rappelons toutefois que l'abolition de l'esclavage bien qu'il fut essentiel au niveau de la reconnaissance des droits civiques, n'aura pas abouti pour autant à l'abolition de la stigmatisation des personnes anciennement esclave, comme en témoigne par exemple l'attribution de nom de familles saugrenus, dégradants ou injurieux tel que « Passavoir - Crétinoir - trouabal » etc. répertorié par l'administration[B 44] ni l'abolition de leur exploitation. Comme l'explique remarquablement une vidéo humouristique[W 4] cette abolition ne fut dans bien des cas qu'un transfère de la condition d'esclave vers une nouvelle forme de servitude, non plus imposée par la violence corporelle et la mise à mort, mais bien par une violence structurelle fondée sur le contrat et la prison, dans ce que l'on pourrait concevoir comme un transfère des individus concernés depuis le marché des esclaves vers le marché de l'emploi qui dans les deux cas reste un marché du travail.

« Le don est l'étude de ce qui circule, mais dans un modèle où le sens de ce qui circule (son aspect symbolique) est nécessairement pris en compte. De ce point de vue, la caractéristique essentielle de cette sphère du don aux étrangers, c'est le refus du rapport instrumental à autrui, le refus du désenchantement du monde. Le geste bénévole est un geste de réenchantement du monde. Une chose est certaine : il est impossible d'en comprendre la spécificité avec un modèle d'analyse utilitariste, qu'il soit d'inspiration marxiste ou marchande. En d'autres termes, le sens des gestes posés par ces millions de personnes qui donnent à des étrangers ne s'épuise pas dans le rapport d'utilité matérielle de ce qu'ils reçoivent en retour (profit), ou au contraire de ce qu'ils ne reçoivent pas (exploitation). Le sens de leur geste est à rechercher dans le geste lui-même, dans la relation voulue pour elle-même et non instrumentale» gotbut 103

En revanche, le concept de servitude volontaire débattu à maintes reprises au fils du temps et de la littérature apparait être une porte d'entrée très intéressantes pour débattre des enjeux que suscite les différents types d'activité au sein du mouvement.

j'ai décidé d'adhérer soit de mon plein gré soit par consentement. Car comme beaucoup de personnes, j'ai en effet accepté de signer tout une série de contrats qui me soumettent à des réglementations multiples produite par des organisations publiques ou privées. En essayant de ne pas en oublier, je pense ici par exemple à mes compagnies assurances privées et ma compagnie d'assurance sociale, à mes employeurs ou l'office national de l’emploi selon les époques avec le syndicat professionnel ou la caisse auxiliaire de paiement des allocations de chômage qui en découle, à mon Université où je suis à la fois souscripteur d'un contrat d'étudiant et d'un contrat de location et enfin des banques.

À tort ou à raison, je suis considéré comme geek au sein de mon laboratoire d'anthropologie et spécialiste, voir professionnel de Wikipédia comme le dira un jour Pierre-Joseph Laurent lors d'un séminaire qu'il co-présidait. Être reconnu comme professionnel me fit sourire intérieurement. Il n'y a pas de professionnel parmi les éditeurs des projets Wikimédia, nous sommes tous ici en principe tous bénévoles.

La rémunération d'un travail aux sein les projets éditoriaux Wikimédia, qu'elles proviennent d'un tier ou d'une institution, est même plutôt mal vue par la communauté de contributeurs qui a choisi délibérément de nier toute rapport monétaire au sein des projets. Le mouvement Wikimédia illustre en ce sens une illustre une économie du don unique en son genre.

Le troisième type de digital labor repéré dans l’ouvrage a trait à ce que A. Casilli appelle le « travail en réseau » ou encore l’activité des « produsagers ». Pour le dire simplement, c’est ce que nous faisons tous lorsque nous participons à la production de contenus, à l’enrichissement de données ou à leur correction, via les médias sociaux (Instagram, Facebook, etc.) ou des sites spécialisés (de traduction, par exemple). Là encore, des contributions fragmentées, plus ou moins complexes, mais parfois fortement chronophages, sont mobilisées pour améliorer les performances des plateformes. Mais cette fois, le lien avec un « travail » paraît plus ténu puisque nombre de produsagers se satisferont de gratifications symboliques, réputationnelles, peut-être même simplement narcissiques. On retrouve ici le débat déjà ancien sur la compréhension de ce que l’on a pu désigner comme un « travail gratuit ». A. Casilli nous y replonge pour se prononcer sur les approches antithétiques en termes de « travail » ou de « loisir », « travailliste » ou « hédoniste » selon sa terminologie, et pour nous rappeler que des stratégies commerciales de la part des géants du Net sont à l’œuvre qui vont rendre indistinctes les contributions bénévoles des contributions commandées et rémunérées[B 45].

Involuntary servitude De la servitude involontaire au salariat : la subjectivité au travail contre l'esclavagisme | Cairn.info

Classiquement, le salariat peut se définir comme un échange contractuel marchand entre une personne, le salarié qui met à disposition sa force du travail, à une autre personne, l’employeur, en contrepartie d’une rémunération sous forme d’un salaire. Le rapport est inégal car, comme le souligne M. Weber, il faut qu’une « classe de non-possédants » soit « dans l’obligation de vendre sa capacité de travail », c’est-à-dire que cette classe ne peut vivre sans travailler (éd. 1991, p. 196.) Cette situation d’inégalité fait du capitalisme un « système absurde » qui exige une certaine part d’assujettissement volontaire pour beaucoup d’entre nous contemporains.

[...]

Le paradoxe pourrait s’exprimer ainsi : un salarié s’engagerait librement à soumettre sa volonté à celle d’un autre (l’employeur) en contrepartie du paiement d’une rémunération. Cette création juridique paradoxale ne peut pour autant se comprendre sans en référer à une situation de fait d’inégalité. C’est la contrainte de la nécessité de la survie, l’absence de moyens propres pour survenir à ses besoins, qui poussent à vendre sa force de travail. Même Max Weber avait conscience des limites de la liberté de travailler. Il soulignait ironiquement que, dans le capitalisme moderne, les travailleurs « s’offrent de leur plein gré » – du moins formellement – car, ils le font, « en fait, contraints par l’aiguillon de la faim » (Weber, éd. 1991, p. 298)[B 46].

Une autre dimension primordiale dans les relations collectives de travail est celle de la reconnaissance. S’investir dans une activité de travail implique beaucoup de compromis et d’efforts, et la rétribution matérielle ne peut constituer à elle seule la raison principale au fait de travailler. Le jugement des pairs sur notre travail est aussi sinon plus important, car il donne du sens à notre activité de travail. Il permet l’expression d’un sentiment d’appartenance à un collectif. Ce qui est reconnu dans le travail d’autrui c’est sa valeur au sens large, c’est?à-dire ce qui importe à la personne. La psychodynamique du travail distingue alors deux types de jugement qui contribuent à la reconnaissance du travail. Tout d’abord, le jugement d’utilité porte sur la contribution du travailleur sur le plan social, économique et technique. Il est le plus souvent le fait des autorités hiérarchiques. Ensuite, vient le jugement de beauté qui émane des pairs, « c’est un beau béton », « c’est un beau tableau électrique », « c’est une belle soudure », etc. La reconnaissance porte ainsi sur le travail accompli et non sur la personne en elle-même. Elle est primordiale dans le travail car elle « peut transformer la souffrance en plaisir »[B 21].

Face à ce constat et puisque nous avons bien réussi à abolir la servitude involontaire, ne serait-il donc pas temps aujourd'hui de penser à mettre fin à toute forme de servitude volontaire ? Ne pourrions-nous pas imaginer un monde basé sur le volontariat plutôt que la servitude ? L'être humain est de nature sociale et non économique[B 47] et sa liberté tout comme son corps[B 48] n'est pas une marchandise que l'on peut vendre ou louer. Voici donc l'une des premières chose qui nous revient à l'esprit lorsque l'on observe le fonctionnement du mouvement Wikimédia.

De la servitude involontaire au salariat : la subjectivité au travail contre l'esclavagisme | Cairn.info

« Welcome, new slaves! » (Jemielniak, 2014, p.46)

Cette première faille du monde du travail me touche particulièrement lorsque je repense à mon statut de chômeur que certains n'hésitent pas à assimiler à celui de « parasite de la société ». À l'époque où je nourrissais mon existence d'activités artistiques et de voyages, un tel qualificatif était effectivement facile d'usage pour ceux qui estimaient devoir payer des impôts pour rétribuer des personnes comme moi qui n’apportent rien à la société. Mais combien de ces personnes moralisatrices estimaient que leur vie professionnelle ne rimait à rien ? Et combien d'entre-elles ne faisaient qu'exprimer leurs frustrations d'être employées par un système qui les empêche de s’épanouir ?

De plus, en prolongeant certaines conversations, j'apprenais que certaines de ces personnes n'hésitaient pas engager des travailleurs non déclarés ou sous payés pour réaliser leurs travaux domestiques ou de restauration. Je découvrais ensuite que le travail de l'une d'elles consistait entre autres à refuser le financement de projets informatiques géniaux, mais économiquement non rentables, ou qu'une autre encore travaillait dans le développement d'un site web de vente d'armes de guerre. Dans d'autres contextes, je vis aussi que pour gagner de l'argent et quitter la honte d'être au chômage, une personne de mon entourage accepta de se mettre au service d'un marchand d'arme peu scrupuleux et mal honnête, tandis qu'une autre me confia un jour, qu'après être sortie de prison, elle avait trouvé du travail dans une usine de fabrication de bombes située non loin de mon village natal.

Sans aborder ici tout ce qui tourne autour des activités écocides, de la production et de vente de substances toxiques, de la maltraitance d'êtres vivants, tous quelques témoignages suffise pour comprendre à quel point l'argent peut inciter des gens sains de nature, à se lancer dans des activités immorales et néfastes au bien être commun. Sans l'argent ni le marché de l'emploi qui ne sont finalement après la force par les armes, les deux principaux outils de l'aliénation humaines, tout ceci ne pourrait exister. Alors que jadis, c'était la liberté de millions de personnes qui était vendue sur le marché de l'esclavage, de nos jours, c'est la liberté de milliard de personnes est allouée sur le marché de l'emploi.

un cadre indépendant qui régit les activités humaines[B 61].

Il existe effectivement une voie prometteuse pour opérer ce changement et qui repose sur l'adoption d'un revenu de base, individuel, universel et inconditionnel. Il s'agit là d'une rémunération que justifie le simple droit moral d'exister et qui serait alors budgétisée par une taxation des transactions financières, de telle sorte à ce qu'on en arrive petit à petit à préférer l'échange direct des services et le partage des biens, au système économique actuelle qui dénature toute chose, y compris la liberté humaine, pour en faire une marchandise.

Imaginer le monde politique comme bénévole serait aussi et comme cela ne serait pas au goût de tous de réfléchir au bien être de ses concitoyens, cela justifierait alors un tirage au sort pour la réalisation de certaine tâche administrative, en laissant le loisir à tout les citoyens qui le désire de participer au décisions, là où il se sente concerné et là où il se sentent compétant, avec dans le cas contraire, la possibilité de déléguer son vote à un proche ou quelqu'un de confiance. Un monde où la politique serait affaire de tous et où par conséquent la transparence sur tout ce qui concerne les affaires publiques deviendrait une conséquence naturelle, tandis que le renforcement de l'intimité dans la sphère privée pourrait devenir le souhait de tous.

Si l’État ne gouverne plus, que fera-t-il ? Il deviendra une association volontaire, qui organisera le travail, le fabricant et le distributeur de ce qui est indispensable à l’existence. l’État fera ce qui est utile. L’individu ce qui est beau. — (Oscar Wilde, L’Âme humaine, 1891. Traduction de Nicole Vallée, 2006. p. 35.)

L'anthropologie prospective comme questionnement fondamentale

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Si la philosophie tente de répondre à la question « pourquoi » et la sociologie à celle de « comment », alors l'anthropologie essaie à son tour de comprendre le « pourquoi du comment ». C'est en tout cas en cela que je distingue pour ma part cette discipline que je pourrais aussi décrire telle une sorte de philosophie appliquée, ou basée sur des constats empiristes. Tout le monde ne sera pas forcément d'accord avec moi, mais ce qui est sûr, c'est qu'après avoir été formé quelque peu dans ses trois discipline, je peux affirmer que la sociologie, comme beaucoup de sciences sociales, tente de répondre à des questions dans lesquelles il me fut clairement indiqué qui le mot pourquoi ne pouvait jamais apparaitre. Ce qui fait donc sans doute cette particularité de l'anthropologie de non pas se poser des questions de départ, mais d'aboutir en fin de recherche à des questions d'arrivées, aux-quelles d'ailleurs, l'anthropologue, contrairement au philosophe, n'a pas la prétention de répondre. La question du pourquoi étant une question d'ordre morale, c'est donc aux citoyens d'en trouver la réponse et non aux scientifiques, ni même finalement aux politiciens qui bien souvent ne font que suivre la doctrine de différentes philosophies politiques.

C'est donc dans ce contexte de pensée bien précis que je voudrais parler de l'anthropologie prospective, non pas tellement comme une science ou une pratique scientifique, mais plutôt comme une sorte de raisonnement citoyen dans lequel chaque être humain devrait se sentir concerné. Une pratique qui serait loin d'être nouvelle puisque l'expression « anthropologie prospective », au niveau de la langue française, apparaissait déjà en 1888 dans un cours de science politique enseigné Georges Vacher de Lapouge[B 62], alors que son concept, celui auquel je fais présentement référence, ne fut formulé qu'en 1955 par Gaston Berger[B 63]. Pour ce philosophe et haut fonctionnaire français, l'anthropologie prospective était en effet « une méthode nouvelle [la prospective] qui réconcilie savoir et pouvoir, finalités et moyens, en donnant à l'homme politique la possibilité de transformer sa vision de l'avenir en actions, ses rêves en projets. »[B 64]. Au sein d'une humanité encore inconsciente d'un réchauffement climatique naissant, Gaston Berger observait effectivement déjà que le monde était soumis à une dangereuse accélération :

L'homme est devenu capable d'actes irréversibles[B 65]. Par ailleurs, cette accélération n'affecte pas tout, ni tout le monde, de la même façon ; des " décalages ", des tensions, apparaissent un peu partout, qui renforcent encore ce sentiment de transformation du monde[B 66].

Définie par son auteur comme science de « l'homme à venir »[B 67][B 64] l'anthropologie prospective avait donc pour objet d'« élaborer de nouvelles formes d'études prospectives, qui auraient comme sujet les différentes situations dans lesquelles l'homme pourrait se trouver dans l'avenir […] Ces études devront s'attacher à dégager les structures profondes des phénomènes, puis faire jouer l'imagination pour esquisser les premiers schémas des situations à venir »[B 64]. Dans l'esprit de Gaston Berger, « Cette " mission " devra être confiée à des spécialistes de divers horizons (psychologie, sociologie, économiste, pédagogue, ingénieurs, médecin, statisticien, démographe, etc.). »[B 64].

Pour coordonner ces travaux interdisciplinaires, un « Centre International de la prospective » fut créé en mai 1957, trois ans avant le décès de Gaston Berger qui en était le premier président[B 64]. D'autre centres naîtront ensuite en réponse à cette même impulsion tel que le Centre d'études prospectives[W 5], ou encore le centre d'anthropologie prospective de Rouen, qui produira en 1973, une première et dernière publication[W 6]. Celle-ci portait sur le thème « La psychanalyse d'aujourd'hui »[B 68] et présentait l'anthropologie prospective comme un « projet d'unification et de synthèse »[B 69].

Par la suite, Gaston Berger sera de moins en moins cité dans la littérature durant les vingt années qui suivront son décès[W 7], pendant que le concept de « prospective » quant à lui continua son chemin jusqu'à marqué les esprits dans une nouvelle mouvance intellectuelle qui sera à l'origine de nouvelles organisation dont la plus connue fut sans aucun doute le club de Rome. C'était un groupe de scientifiques, économistes, fonctionnaires et industriels de cinquante-deux pays, tous préoccupés par l'avenir des sociétés humaines. La notoriété de se groupe se sera principalement forgée au départ du célèbre rapport Meadows portant sur Les limites à la croissance[B 70], et qui marqua les débuts de préoccupations sur les crises écologique et planétaire qui ne cesseront de s’amplifier jusqu'à ce jour.

Le concept d'anthropologie prospective quant à lui disparu de la littérature est sera même absent en 1979 dans un ouvrage de la collection Que sais-je pourtant intitulé : « La prospective »[B 71]. La seule exception à cette disparition fut l'ouvrage de Annick Barrau intitulé Quelle mort pour demain ? : essai d'anthropologie prospective, dans lequel elle réitère l'expression selon une approche que l'on peut illustrer par ce présent extrait :

Ainsi, une approche prospective des conduites socialisées liées à la mort [...] sera tentée afin, tout à la fois, d'aider à comprendre le présent, d'anticiper le changement et surtout, peut-être, de mieux préparer (et nous préparer) à affronter un future déjà en marche. [en précisant que : ] Alors, par la porte entrouverte de l'avenir, nous verrons que se profile un Nouvel Âge dans lequel l'être-homme, régi par le principe d'autonomie (du grec "auto" et "nomos" : qui fixe sa propre loi), devient à lui-même le lieu de tous les possibles, sa mesure et son temps, son origine et sa destinée. Grâce à se nouvelle conscience du Singulier-Universel et affranchi des transcendances de jadis, l'Homme se dessine comme avenir de l'homme : demain sera le temps de l'« homme-monde »[B 72]

Il fallut ensuite attendre jusque 2001, pour que le concept réapparaisse soudain dans le titre de la revue Recherche Sociologique de l'Université Catholique de Louvain. Sous la direction et la plume de Mike Singleton, un article intitulé « anthropologie prospective » marquait ainsi le lancement d'un laboratoire d'anthropologie prospective (le LAAP) dont je suis actuellement membre actif tout en réalisant mon doctorat. Réinventée quarante-cinq ans plus tard et de façon « inédite »[B 73], comme le croyaient ses nouveaux fondateurs, le concept d'anthropologie prospective fut donc soumis à une « réincarnation »[B 73], non pas de l'anthropologie de Gaston Berger, dont il ne connaissaient pas l’existence, mais bien d'une anthropologie en tant que prolongement d'une science « rétrospective » dont « on prédisait sa mort imminente »[B 73][B 74].

Mais au lieu d'indiquer une nouvelle forme d'interdisciplinarité comme l'avait fait Gaston Berger, le concept d'anthropologie prospective servit cette fois à nommer un nouveau lieu de « "trans"disciplinarité »[B 73]. La stratégie du Laap consiste effectivement à rassemblement autour d'une pratique anthropologique commune, des personnes issues d'horizons scientifiques très différents tel que le droit, l'agronomie, l'histoire, l'économie, la communication, l'astrophysique, etc. Tout ceci de sorte à concevoir l'anthropologie non plus tant telle une discipline rigide et étanche, mais plutôt comme un « fait d'anthropologues »[B 73]. Mike Singleton écrira un jour en effet qu' « on ne fait pas de l'anthropologie prospective pour satisfaire sa curiosité théorique […] mais pour activer l'énergie humaine »[B 75].

Au-delà de cette première implication, et tant pour le LAAP[B 76] que pour le centre de Gaston Berger[B 77], l'anthropologie prospective fait enfin appel à une nécessaire réflexivité. Une démarche sans lequel l'être humain serait alors incapable de remettre en cause sa propre personnalité et sa propre culture, dans le but de précisément rendre le changement possible. Et puisque nous avons vu que c'est au sein même de notre imaginaire que se situe la source de tout mouvement et le siège de nos émotions. L'objectif à poursuivre suite à cette ouvrage est bien de tirer profit de l'enseignement Wikimédia pour se débarrasser des concepts fallacieux qui paralysent notre imaginaire individuel et collectif, dans le but de s'ouvrir et surtout se mettre en action vers la création d'un monde meilleur. C'est là me semble-t-il l'essence même de l'anthropologie prospective en tant que science, discipline ou art de vivre, que chacun est en droit de s'approprier.

La mise en pratique d'un imaginaire débridé

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Je suis d'une nature profondément athée, moniste et idéaliste. Pour l'athée que je suis, théorie et théologie ne sont effectivement que deux expressions de l'imagination humaine. Ensuite, le moniste que je suis ne fait pas non plus de distinction entre l'esprit et la matière. Pour moi, l'un comme l'autre sont des énergies vibratoires. Au niveau de la matière, cela peut comprendre par la théorie des cordes candidate à la théorie du tout au départ du principe vibratoire, alors qu'au niveau des idées, tout semble converger vers la notion d'onde sur laquelle reposent de multiples phénomènes propres à l'esprit, la pensée et la conscience. Je pense ici plus particulièrement au son et à la lumière, qui sont les deux principaux vecteurs de transmission de la pensée utilisés de nos jours. Mais je me réfère aussi aux ondes cérébrales qui nous permettent de faire des avancées dans la compréhension du cerveau. Autant de convictions profondes qui font donc de moi un idéaliste, mais pas au sens platonicien du terme, puisque contrairement à Platon, je pense que tout est immanent, que tout n'est qu'une et même chose, que tout n'est qu'onde, chaleur, vibration ou énergie quartes signifiants issus d'un seul signifier.

Dénoncer l'injustice ou tout autre dysfonctionnement de la société est une belle contribution au mieux vivre ensemble, proposer des solutions est une autre étape plus audacieuse encore qu'il faut à nouveau saluer, mais comme déjà dit précédemment, s'arrêter en chemin pour contempler les désastres et poursuivre sa participation à la déchéance est une posture que je trouve inadmissible. Cela décrédibilise tout, transforme un savoir en littérature et tout argumentaire en fables. Voici donc ce que je veux éviter en finalisant un travail et une réflexion qui sont le fruit de dix ans d’existence, voire de tout une vie, si je tiens compte des remarques de ma mère pour qui j'ai toujours été un enfant curieux. Un enfant aux questionnements profonds comme le disait ma professeur de catéchisme, un enfant incompris comme je l'écrivais sur un tableau le jour de ma communion, juste avant que cela devienne un sujet de plaisanterie dans ma famille. On disait de moi que j'étais le Calimero de la famille, l'enfant qui trouvait le monde trop injuste. Quarante ans plus tard, qui oserait encore dire le contraire ?

Après avoir atteint l'âge de raison, l'un de mes premiers choix fondamentaux fut de mettre fin à mon adhésion au catholicisme en refusant de faire ma confirmation. Je n'aurai jamais pour autant nié toute forme d'existence transcendantale, ni celle d'un au-delà inaccessible par nos sens. Mais à part l’intuition qui est pour moi une forme d’intelligence à la foi inconsciente et instinctive, je suis resté retissant à tout type de transcendance, qui en viennent à brider l'imaginaire et diviser les êtres humains. Pour tout dire, je trouve en fait le monde immanent tellement vaste et complexe que je ne vois pas l’intérêt immédiat de m'encombrer de croyances qui ne feront que biaiser mes observations et ma compréhension des choses. Si vraiment je possède une âme, si elle persiste après ma mort et qu'elle me donne encore l'occasion de penser, alors le temps sera venu de m'intéresser à l'au-delà et tout ce à quoi je n'aurai jamais eu accès auparavant. Mais avant cela, je préfère honnêtement me concentrer sur ce qui est accessible et compréhensible de mon vivant, en me disant qu'à chaque état d’existence suffit sa peine.

Après avoir été volé, j'ai aussi rejeté toute intention de vol, et après avoir été trahi, toute idée de mensonge. Mais alors qu'il me fut facile de vivre sans voler, choisir de ne plus mentir, même par omission, fut un choix extrêmement difficile à assumer. Dans un monde où l'honnêteté ne paie pas, ou le mensonge est banalisé et la franchise souvent vue comme une maladresse qu'il vaut mieux éviter, rien ne nous encourage dans cette voie. Or, en ce qui me concerne, l’honnêteté n'est autre que le respect des avoirs d’autrui lorsqu'elle se concrétise en actes, et de la liberté de savoir, lorsqu'elle se situe dans la parole. Et en utilisant ici le verbe avoir, je le distingue bien entendu du verbe posséder, au même titre que les « sociétés de type A » dans lesquelles Alain Testar observe une « propriété usufondée ». C'est là un principe que je préfère définir tel « un avoir fondé sur l'usage » de telle sorte à éviter toute confusion et amalgame et qui, selon les explications de Testar, ne peut être personnel que le temps de son usage, pour retourner ensuite parmi les avoirs collectifs, chose dont on a déjà longuement parlé.

Comme tout le monde et sans doute plus que certains, j'ai aussi accompli beaucoup d'activités bénévoles. Il y eu déjà deux mouvements de jeunesse dans lesquels je me suis investi jusqu'à devenir responsable de plaines et séjours pour enfants, après avoir été animateur et participant. Ce à quoi je peux encore ajouter des chantiers internationaux, du Woofing, des séjours pour personnes handicapées, de l'aide dans un jardin d'enfant, etc. De mes séjours Scout et Patro, j'ai gardé le souvenir d'un bonheur en toute simplicité. Celui de vivre avec peu d'objets dans la nature, se laver à la rivière, parcourir les campagnes et les bois, passer ses soirées au coin du feu en chantant, riant, tous captivés que l'on étaient par la danse des flammes.

C'était là une forme de félicité que j'ai retrouvée plus tard en participant à des rassemblement Rainbow que je continue à fréquenter à chaque fois que l'un d'entre eux se déroule dans mon pays. C'est une expérience incroyable. Celle de vivre pendant un mois en communauté, sans électricité ni aucune forme de pollution chimique, sans nécessité absolue d'argent, sans aucune forme de subordination non plus. Juste le plaisir d'être ensemble, de partager un mois de vie, ses plaisirs et ses quelques tâches nécessaires au maintien du fonctionnement de la rencontre, telle que la collecte du bois, la cuisine, l'entretien des sanitaires. Une autre leçon de vie durant laquelle on se rend compte qu'il ne faut pas grand chose pour être heureux et que le peu d'argent que l'on peut offrir quotidiennement et facultativement dans un chapeau qui fait le tour du cercle des participants en chantant, s'avère la plupart du temps excédentaire à nos besoins.

Au niveau du volontariat, il y eu ensuite deux ans en Afrique, qui m'ont permis de me rendre compte de tout ce dont je n'avais pas besoin en Belgique à commencer par la télévision, la radio, les journaux. Suite à mon retour, j'avais préféré investir dans l'achat de mon premier ordinateur personnel à une époque où Internet n'existait pas encore. Je m'en suis toutefois très vite lassé, vu que je ne l'utilisais que pour mettre à jour mon curriculum vitae, pratiquer certains jeux et explorer des DVD interactifs. Des activités qui me sont rapidement apparues extrêmement répétitives et rapidement ennuyantes pour quelqu'un qui aime la découverte et l'apprentissage. Mon ordinateur bon marché qui devint rapidement obsolète fut donc rapidement oublié au profit des voyages, de la musique, et des sports d'aventures.

Après avoir expérimenté le vol en ULM, la plongée sous-marine et la navigation maritime à la voile, tout en continuant à pratiquer la moto, j'ai alors commencé tout doucement par développer une conscience écologique. Petit à petit, j'ai acheté les produits neufs par les produits d'occasions et les produits bon marchés, mais leurs équivalents écologiques et biologiques. Ce fut aussi l'époque où j'ai arrêté de fréquenter les boucheries, mais sans pour autant m'interdire de manger de la viande quand l'occasion se présente.

À côté de cela, mes nombreuses expériences de courtes durées dans le monde de l'emploi m'auront toujours déçues. La plus longue fut celle d'un post de cartographe à l'Institut nationale géographique de Belgique. Pendant deux ans, j'étais dans un service de récolte d'information sur le terrain et je n'oublierai jamais cette discussion avec l'un des délégués syndical qui me faisait remarquer que je réalisais plus d'hectare que les cartographes expérimentés. Suite à quoi je compris que je devais réduire ma productivité pour ne pas que l'on croie que mon travail était bâclé. J'ai dû alors trouver une série d'artifices pour déplacer mon véhicule muni d'un tachygraphe pour pouvoir justifier des heures de travail que je ne pouvais donc plus réaliser.

C'était le genre de boulot que l'on n'est pas sensé quitter un jour. Non seulement il était payé correctement avec tous les avantages dont bénéficient les fonctionnaires, mais en plus, il permettait de faire beaucoup d'heures supplémentaires pour les récupérer en hiver lors de congés qui pouvaient varier entre deux et trois mois. Par contre, c'était un travail solitaire qui ne demandait aucune prise d'initiative. En raison de ma lassitude, j'ai alors demandé ma mutation vers un quatre cinquième temps au service d'encodage. Un service dans lequel on travaillait sans pose et six heure durant, soit en commençant tôt en matinée, soit en terminant tard le soir. Pendant l'absence de supérieurs, c'était vraiment très relax, et je garderai toujours en mémoire ce collègue qui s’habillait, démarrait sa moto et mettait déjà son casque avant de pointer question de prolonger de quelques minutes son temps de travail.

J'avais eu mon poste de cartographe sur en signant un contrat de remplacement d'une personne qui était partie en pause carrière. Après un an de travail dans les bureaux et peut-être avant de connaitre un boreout, expression encore inconnue à l'époque, je me suis rendu au service du personnel pour remettre ma démission. Elle fut accueillie avec soulagement, non pas qu'ils étaient content de me voir partir, mais parce que la personne que je remplaçais était partie en pension et que, suite à une nouvelle de loi, je n'avais plus le diplôme suffisant pour signer un nouveau contrat. Je me suis donc retrouvé au chômage pendant plus de dix ans, entrecoupé de petits contrats dans l'animation puis le spectacle avant de reprendre des études universitaires.

Mon contrat de cartographe m'avait donné l'occasion d’investir dans l'achat d'un logement. Enfin. D'une grange sans jardin pour dire les choses plus précisément, dans laquelle j'ai alors travaillé dix ans, tout à mon aise pour en faire un loft d'une centaine de mètres carré, surplombé d'une charpente à l’ancienne. J'aurais pu acheter un logement tout fait, ou simplement demander quelques aménagements comme le faisait tout le monde autour de moi. Mais j'avais compris que c'était alors me soumettre à un endettement de long terme qui m'aurait privé de liberté pendant vingt ou trente ans. À la place, j'ai préféré investir dans quatre mur de moellons calcaire de 40 cm de large et un taux remboursable en 10 ans et avec le montant juste assez élevé pour pouvoir bénéficier d'une déduction fiscale. Le bâtiment comportait déjà un WC, un raccordement à l'égout, un compteur électrique, et d'un compteur d'eau. Juste de quoi camper dans les débuts et pouvoir y élire domicile.

J'étais donc chez moi, sans l'être vraiment puisque le bâtiment est resté jusqu'à ce jour en indivision, avec mon cousin et sa femme qui avaient acheté une moitié de la grange avec moi dans le but d'ouvrir un théâtre en-dessous de mon appartement. Nous étions donc copropriétaires de tout le bâtiment tout en nous occupant chacun de sa moitié. Et cela ne m'a jamais importuné, au contraire. L'important en fait est d'avoir un domicile fixe et de pouvoir grâce à cela s'insérer dans le système administratif de son pays et de sa commune de la manière la plus simple et la plus avantageuse.

J'ai ensuite toujours partagé mon logement, avec des connaissances pour un loyer dérisoire lors de mes absences, mais aussi avec des inconnus, via le site Web couchsurfing tout d'abord et jusqu'à ce qu'il soit racheté par une entreprise commerciale. Suite à quoi je me suis désinscrit pour passer sur bewelcome et plus tard sur Trustroots. Malgré le fait que loger chez moi était gratuit, je ne pense pas avoir eu plus d'une demande par an. D'autres personnes qui utilisent le site payant RBNB ont reçu beaucoup plus de demandes que moi. C'est à n'y rien comprendre.

Plus tard, je me suis investi en politique, en découvrant le parti pirate et en m'inscrivant comme candidat aux élections communales. Ce fut ainsi l'occasion de découvrir par la pratique le système électoral belge. Une expérience qui m'aura convaincu de la perversité d'un système dont, à nouveau, les personnes en place tirent profit tout en sabotant de manière consciente ou inconsciente l'entrée de nouveaux arrivants. J'y ai perçu également un système d'infantilisation du citoyen (Harrary, Graeber), qui se voit mis en position de choisir en secret ses tuteurs politiques, pour ensuite devenir cet enfant capricieux qui en veut toujours plus en en faisant toujours moins. Une organisation dans laquelle le citoyen se décharge de toutes responsabilités pour se plaindre ensuite auprès des responsables quand ils n'ont pas ce qu'ils veulent. En manifestant pour un plus grand pouvoir d'achat par exemple, pour pouvoir consommer encore plus sans tenir compte des conséquences écologiques et géopolitiques, dont ils se plaindront plus tard à une autre occasion.

Comme mon compatriote David Van Reuibrook, j'en suis donc venu à me positionner contre les élections, en préférant de loin d'autres formes de démocratie basées sur une participation directe, rendue possible par le pouvoir de proposer des initiatives politiques actuellement confisquées par les élus par respect de la constitution belge. Comme je l'ai inscrit sur mon bulletin de vote la dernière fois que je me suis rendu aux urnes, je voudrais ensuite que chacun puisse voter, s'il le souhaite, en faveur ou en défaveur des nouvelles lois ou changements politiques. Le système électoral fut conçu pour empêcher la mise en place d'une démocratie, les historiens le savent très bien et il est incroyable que jusqu'à ce jour, les choses sont restées inchangées.

En poussant la simplicité volontaire à l’extrême, j'en suis arrivé à vivre seul à la campagne sans voiture, sans télévision, sans même un téléphone portable, mais juste une connexion Internet et un ordinateur que j'ai fini par équiper entièrement de logiciels libres. C'était mon retour dans la sphère du numérique, mais aussi une période d'isolement de plus en plus grande, jusqu'à me retrouver au seuil de la dépression. Je perdais le goût d'une vie que je considérais comme terminée, dans une habitation que j'avais déjà fini de payer et construire, seul sans goût pour un emploi ni réelle perspective d'avenir. Une crise qui a ainsi duré jusqu'à cette nuit étrange ou n'arrivant pas à dormir, je me suis dit : "Si ta vie est finie, tu n'as qu'à en recommencer une !"

Quelques jours plus tard, je me rendais à l'office national de l'emploi pour savoir si je pouvais garder mon chômage tout en reprenant des études universitaires. La fonctionnaire qui ne savait pas ce qu'était l'anthropologie me dit, suite à mes explications : "Ah ben cela m'étonnerait beaucoup ! Ce n'est pas du tout un métier en pénurie..." J'aurais pu repartir là déprimé, et je ne sais vraiment pas ce qui serait advenu alors. Sauf que j'ai eu la présence d'esprit de lui dire : "Excusez-moi, c'est important pour moi, et je vois que votre réponse laisse planer un certain doute. Vous ne voudriez pas vous renseigner près d'une personne pour être sûre ?" Elle se leva, contrariée. Disparut un instant et revint sans grande expression pour me dire : "Ha ben vous avez de la chance ! En tant que chômeur de longue durée, vous pouvez reprendre les études que vous voulez." Ma vie venait de basculer.

Mes cinq ans d'études ont été pittoresques. Je les ai commencés à Bruxelles, et la première année, il m'arrivait souvent de dormir dans la camionnette de ma mère que j'avais aménagé pour éviter de faire le trajet de plus de 80 km qui séparait Bruxelles de mon domicile à la campagne. J'ai adoré refaire le monde, en me servant parfois de mes 38 ans d’existence pour nourrir certain cours. J'ai ensuite fêté mes quarante ans au cours d'un érasmus d'un an à Coimbra avant de changer d'université pour poursuivre en master. Deux belles années, riches en apprentissage de nouveau, à la fin desquelles j'appris que j'allais devenir père et ensuite découvrir que la vie de famille avec la mère de mon fils était impossible. Un nouveau basculement.

D'apprenti anthropologue, je suis alors devenu apprenti avocat dans le but de défendre mes droits sans me ruiner financièrement. De la plus belle période de ma vie, j'étais tombé dans la plus sombre. Après avoir imaginé d’enchaîner la réussite de mes études universitaires avec une vie de famille pleine d'amour, j'étais de retour à la cas départ. Seul, dans mon appartement à la campagne, avec de nouveau l'envie d'en finir, sauf que cela m'était interdit en raison de l'enfant. J'avais la sensation de vivre en enfer, empli de souffrance, mais incapable de mourir pour y mettre fin. De nouveau, je me suis senti incompris. Personne ne semblait partager ma souffrance, ni comprendre mon souhait de m'occuper de l'enfant.

Deux ans plus tard, je fus exclu du chômage, faute de n'avoir pas fait semblant de postuler à des offres d'emploi qui ne m'intéressaient pas. Je leur disais : Pour postuler à un travail que je ne veux pas, il faudrait que celui-ci soit le seul moyen pour que je trouve l'argent nécessaire afin de vivre. Or, cet argent, vous me le donner." Ils ont donc vite compris. Sauf qu’après mon exclusion, j'ai préférer m'octroyer une rente locative en louant mon appartement plutôt que de le vendre sur le marché de l'emploi. J'étais devenu le rentier le plus pauvre de Belgique, un statut très agréable à vrai dire qui me permit d'ailleurs de refaire quelques longs voyages sans avoir de comptes à rendre à personne. Mais j'ai alors commencé à avoir la garde de mon fils de plus en plus souvent et mes voyages se sont transformés en déménagements, jusqu'à ce que je sois en situation de demander de l'aide afin de pouvoir offrir une chambre à mon fils.

Le CPAS, après avoir lu mes extraits de comptes, m'octroya alors plus d'argent que ce qui m'était nécessaire pour louer une deuxième chambre. Suite à quoi, je finis par trouver enfin un travail qui me convenait au sein de coopératives, dans le cadre d'un programme de réinsertion à l'emploi qui permettait à l'employer de ne quasi rien payer. J'avais enfin acquis la possibilité de postuler là où je voulais travailler. Après deux coopératives, j'ai ensuite rejoint deux ASBL dont la dernière me permit d'entreprendre le démarrage de ma thèse de doctorat, que j'ai alors pu poursuivre une fois de retour au chômage et en prenant le soin de faire semblant de chercher un emploi jusqu'à ce que la pandémie de Covid-19 fasse son apparition. Dès ce moment, il me semblait clair qu'au yeux de tous, la question de l'emploi avait définitivement perdu tout son sens. Chose que la lecture de l'ouvrage Bull shit job ne fera que confirmer.

J'allais ainsi réaliser cinq ans de parcours doctoral durant lesquels je finis par avoir la garde alternée de mon fils. Une situation qui m’incita à investir dans un smartphone, à reprendre la voiture de ma mère à mon nom suite à son choix d’arrêter de conduire et un appartement d'étudiant fourni à prix réduit par mon université pour loger proche de l'école de mon fils et de mon laboratoire d'anthropologie. Ma situation de parent à mis temps me poussa donc à retomber dans un mode de dépense et de consommation que j'avais tant bien que mal à éviter auparavant. Cependant, je n'avais pas encore dit mon dernier mot.

Grâce à un petit héritage, j'ai effectivement pu m'acheter une voiture au gaz naturel que j'approvisionne aujourd'hui dans une ferme équipée d'un complexe de bio méthanisation. Quand à mon smartphone acheté d'occasion, j'ai réussi à le faire fonctionner sans Google et entièrement au départ de logiciels libres ou presque grâce au système d'exploitation /e/OS[W 8] fourni par la fondation de même nom. Quant à mon fournisseur d'accès, j'ai alors rejoint la coopérative Neibo[W 9] qui se veut transparente et démocratique avec des décisions stratégiques prises de manière égalitaire par l'ensemble de coopérateurs dont je fais partie.

La voiture sans carburant fossile et l'usage d'un smartphone sans me soumettre au capitalisme de surveillance, ni encourager des entreprises non démocratiques, furent ainsi deux belles occasions de me prouver qu'il est toujours possible d'imaginer par la pratique un monde meilleur. Tout ceci a pris un certain temps pour se mettre en place, mais à force de recherche et de persévérance et pour répondre à mes convictions, j'ai pu aussi rejoindre d'autres coopératives toutes situées en Belgique tel que NewB[W 10] banque citoyenne transparente étique et participative, Nubo[W 11] un hébergeur Web pour ma boîte aux lettres électronique et mon cloud personnel, et enfin Énergie 2030, qui me fournissait en électricité 100 % verte, juqu'à ce qu'elle dut arrêter ses activités suite à la crise de l'énergie de début 2022[W 12].

J'aurai aussi rejoint le projet Duniter[W 13], qui propose une cryptomonnaie alternative générée de manière égalitaire au départ de dividendes universelles. C'est là somme toute la première application mondiale d'un système universel de revenu de base inconditionnel. Plus récemment, j'ai aussi rejoint le mouvement Mocica qui œuvre en faveur d'un monde sans argent et une organisation démocratique Globale. Un projet risible aux yeux des personnes incrédules[B 78], mais dont je serai curieux de savoir ce que l'on en dira dans plus de vingt ans et constater peut-être que tout comme l'encyclopédie Wikipédia, les avis auront bien changés.

Voici donc un parcours de vie atypique qui me permet d'affirmer qu'au delà de ce que l'on peut observer au niveau du mouvement Wikimédia, ce sont en fait une multitude d'initiatives qui non seulement prouvent qu'il est possible d’imaginer un autre monde, mais aussi de le mettre en pratique. L'heure est à la transition, et à tout ceux qui diront que le nouveau monde que laisse entrevoir les volontaires du mouvement Wikimédia ne pourra jamais exister, je répondrais alors qu'il existe déjà, mais que peu de gens encore sont capables de le voir ni même de le concevoir. Une vie de coopération volontaire et d'entraide par le partage n'est pas une utopie. C'est un monde qui, à la lenteur de toute révolution, est en train de se développer.

Notes et références

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  1. Texte original en anglais : If men define situations as real, they are real in their consequences »
  2. L'ouvrage fut traduit sous le titre Quand dire, c'est faire.
  3. In Modernity at Large I placed a special emphasis on the role of the imagination in social life in this era of globalization. Drawing particularly on an understanding of the global workings of media, I suggested that the imagination is now a critical part of collective, social, everyday life and is also a form of labor. That is, the everyday social life of communities throughout the world has created new resources for the workings of the imagination at all levels of the social order. Expressed most strongly in patterns of consumption, style and taste, the imagination is no longer a matter of individual genius, escapism from ordinary life or just a dimension of aesthetics. It is a faculty which informs the daily lives of ordinary people in myriad ways: it is the faculty which allows people to consider migration, to resist state violence, to seek social redress, and to design new forms of civic association and collaboration, often across national boundaries. This dimension of what I have called ‘the work of the imagination’ is not entirely divorced from the imagination as a creative faculty, reflected in matters of style, fashion, desire and striving for wealth. But it is also a crucible for the everyday work of survival and reproduction. It Prophecies autoréalisatrise is the place where matters of wealth and well-being, of taste and desire, of power and resistance come together. This analysis of the role of the imagination as a popular, social, collective fact in the era of globalization recognizes its split character. On the one hand, it is in and through the imagination that modern citizens are disciplined and controlled, by states, markets and other powerful interests. But it is also the faculty through which collective patterns of dissent and new designs for collective life emerge.
  4. Rappelons-nous, encore une foi, qu'une telle fourchette de projets ne fut rendu possible que parce que le projet d'origine a été placé sous licences libres qui rendit ensuite possible à un groupe de personne suffisamment motivés, voir à une seule personne si elle s'en sent capable, de récupérer gratuitement le code informatique d'un projet, voir de plusieurs projets similaires quand c'est possible, pour en lancer un nouveau qui répondra à des désirs particuliers.
  5. La vision d'Alain Testart est en effet modérée pas le fait qu'elle n'est ni téléologique ni ethnocentrée.
  6. La fonction de partage et de distribution est en fait assurée par des conventions complexes qu'il serait trop long d'expliquer ici et pour lesquelles je redirige les personnes intéressées vers l'ouvrage en question.
  7. La démarche de partage altruiste du mouvement Wikimédia est en ce sens toute contraire à celle des maisons d'édition qui transforment la connaissance en un bien rival grâce à sa publication sous copyright et aux clause d’exclusivité signées par les auteurs.

[B]ibliographiques

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  1. Coline Serreau et Coline, Serreau, Coline, Serreau, Coline Serreau, Solutions locales pour un désordre global, Actes Sud, 2011 (ISBN 978-2-7427-8954-2) (OCLC 730866228) 
  2. Étienne Chouard, Notre cause commune: Instituer nous-mêmes la puissance politique qui nous manque - Essais - documents, Max Milo, 2019 (ISBN 978-2-315-00919-0) 
  3. Alexis Haupt, Old Tjikko: La Cause des causes, Editions Edilivre, 2017 (ISBN 978-2-414-09461-5) 
  4. Vercors, Les animaux denaturés, Le livre de poche, 2000 (ISBN 978-2-253-01023-4) (OCLC 964272919) 
  5. Jean Rostand, Pensées d'un biologiste., Paris, 1939 (OCLC 503734956) 
  6. Claude Lévi-Strauss, Les structures élémentaires de la parenté, Mouton, 1967 (ISBN 978-90-279-7293-4) (OCLC 899032132) 
  7. Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Editions Gallimard, 2015-09-08 (ISBN 978-2-07-262185-7) 
  8. Cornelius Castoriadis et Arnaud Tomes, L'imaginaire comme tel, Hermann, 2008 (ISBN 9782705667412) (OCLC 635542978) [lire en ligne] 
  9. Peter Berger, Thomas Luckmann, Pierre Taminiaux et Michel Maffesoli, La Construction sociale de la réalité, Armand Colin, 1996 (ISBN 9782200014711) (OCLC 37110578) [lire en ligne] 
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  11. Milan Kundera, Œuvre: Risibles amours, Gallimard, 2011, 352 p. (ISBN 978-2-07-011935-6) 
  12. W. I. Thomas, The Child in America, Рипол Классик, 1938 (ISBN 9785872900658) [lire en ligne], p. 572 
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  14. J. L Austin et Gilles Lane, Quand dire, c'est faire, Éditions du Seuil, 1970 (ISBN 9782020027380) (OCLC 16051061) [lire en ligne] 
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[V]idéographiques

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[W]ebographiques

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