Nouvelles figures de l’utilisateur dans une économie de l’attention/Capital attentionnel

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"Il faudra donc biaiser. Aller à la fois beaucoup trop vite et beaucoup trop lentement. Faire des phrases incomplètes et pourtant déjà trop longues. Rentrer dans des détails et ignorer des points essentiels. Être à la fois trop rigide, trop prétentieux, trop savant, et trop cavalier." (Citton, 2014)[1]

Le capital attentionnel d'un individu correspond à une réserve (plus ou moins limitée) d'attention. Ce stock d'énergie mentale se répartit selon les activités exercées en simultané ou non et selon l'importance que leur accorde l'individu. La gestion de l'attention dépend de processus mentaux, tels que les processus automatiques, contrôlés, aussi appelés système 1 et système 2[2] par Daniel Kahneman. Un consensus est établi quant à la définition de ceux-ci :

"Les processus automatiques sont généralement caractérisés par au moins une de ces quatre caractéristiques : (a) ils sont déclenchés de façon non intentionnelle ; (b) ils réclament peu de ressources cognitives ; (c) ils ne peuvent pas être stoppés volontairement ; et (d) ils se produisent en dehors de la conscience. À l’inverse, les processus contrôlés sont caractérisés comme étant ceux qui (a) sont initiés intentionnellement ; (b) demandent une quantité importante de ressources cognitives ; (c) peuvent être stoppés volontairement ; et (d) sont élaborés par la pensée consciente[3]

La consommation de ce capital attentionnel dépendra donc de facteurs endogènes-propres à l'individu (ses pensées, ses émotions, sa mémoire, etc.) et de facteurs exogènes tels que l'environnement dans lequel il se situe ou les gens avec qui il se trouve. Pour étayer cette définition de capital attentionnel, nous pouvons dresser une situation où se mêlent les différents facteurs internes et externes à l'individu. Prenons par exemple un étudiant qui se rend à ses cours en transports en commun : il est dans le tram, il écoute de la musique, il scrolle sur ses réseaux sociaux et autour de lui, la foule. On peut diviser les facteurs qui modulent l'attention de cet individu comme suit : ses cognitions, ses actions et son environnement.

  • ses cognitions : ses pensées (par ex : faire des "to-do list", ruminer ses problèmes, exercer un jugement sur autrui), ses émotions (modulation de son attention selon les émotions qui le traversent[4], son état de fatigue[5], être heureux d'aller en cours,..) et sa mémoire (se souvenir des cours précédents, de ceux qu'il va avoir aujourd'hui, etc.)
  • ses actions : scroller sur son téléphone[6], écouter de la musique[7], être assis (lien entre posture et concentration[8]).
  • son environnement : la foule, stimuli sociaux[9],la température (l'impact de la température sur l'attention[10]), les sens-somesthésie, odorat, vue, ouïe, goût-car l'attention c'est aussi : "la mise en disponibilité de tous les canaux sensoriels orientés vers la recherche et l’enregistrement des informations susceptibles d’être utiles."[11]; Bégin,1992.


Mieux gérer la consommation de ce capital attentionnel permettrait de reprendre la main sur la gestion de notre temps et de notre attention et décider de ce sur quoi nous voulons vraiment nous concentrer ("concentration : réduction du champ de l’attention par un effort de volonté."[12]; Bégin, 1991). Plusieurs méthodes permettent de regénérer notre attention de façon plus qualitative et de nous ancrer dans le moment présent (plutôt que de se sentir dépasser par le flux constant de stimuli environnementaux); comme par exemple la méditation en pleine conscience[13] et notamment la méthode MBSR basée sur des travaux de Jon Kabat-Zinn. Même si celle-ci est une thérapie en réponse aux symptômes de stress, d'anxiété, etc. elle trouve toute son importance face au sentiment de dépassement ("overwhelming") dans lequel beaucoup d'entre nous se retrouvent. Les méta-analyses réalisées sur son efficacité présentent pour le moment des résultats assez prometteurs.  

Références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Yves Citton, Pour une écologie de l'attention, 2014 (ISBN 978-2-02-118144-9 et 2-02-118144-8) (OCLC 937868860) [lire en ligne] 
  2. Daniel Kahneman, Thinking, fast and slow, 2011 (ISBN 978-0-374-27563-1, 0-374-27563-7 et 978-0-374-53355-7) (OCLC 706020998) [lire en ligne] 
  3. Boris Cheval, Philippe Sarrazin et Remi Radel, « Processus automatiques et activités physiques bénéfiques pour la santé », L’Année psychologique, vol. 116, no  02, 2016-06, p. 295–347 (ISSN 0003-5033 et ISSN 1955-2580) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-11-16)]
  4. Daniel Lundqvist et Arne Ohman, « Emotion regulates attention: The relation between facial configurations, facial emotion, and visual attention », Visual Cognition, vol. 12, no  1, 2005-01-01, p. 51–84 (ISSN 1350-6285) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-11-21)]
  5. Jim Bizzocchi, « Le rôle de la narration dans les jeux et les simulations éducatifs », dans Jeux et simulations éducatifs, Presses de l'Université du Québec, (lire en ligne), p. 95–116
  6. Seung-Gon Kim, Jong Park, Hun-Tae Kim et Zihang Pan, « The relationship between smartphone addiction and symptoms of depression, anxiety, and attention-deficit/hyperactivity in South Korean adolescents », Annals of General Psychiatry, vol. 18, no  1, 2019-03-09, p. 1 (ISSN 1744-859X) [texte intégral lien PMID lien DOI (pages consultées le 2021-11-21)]
  7. Yi-Nuo Shih, Rong-Hwa Huang et Hsin-Yu Chiang, « Background music: Effects on attention performance », Work, vol. 42, no  4, 2012, p. 573–578 [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-11-21)]
  8. Xianmin Yang, Xinshuo Zhao, Xuesong Tian et Beibei Xing, « Effects of environment and posture on the concentration and achievement of students in mobile learning », Interactive Learning Environments, vol. 29, no  3, 2021-04-03, p. 400–413 (ISSN 1049-4820) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-11-21)]
  9. Hursula Mengue-Topio, Yannick Courbois et Pascal Sockeel, « Acquisition des connaissances spatiales par la personne présentant une déficience intellectuelle dans les environnements virtuels », Revue francophone de la déficience intellectuelle, vol. 26, 2016-05-18, p. 88–101 (ISSN 1929-4603) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-11-21)]
  10. Yoorim Choi, Minjung Kim et Chungyoon Chun, « Effect of temperature on attention ability based on electroencephalogram measurements », Building and Environment, vol. 147, 2019-01, p. 299–304 (ISSN 0360-1323) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-11-21)]
  11. Bégin, C. (2015). Le rôle de l'attention et de la concentration dans les études. v. 5, no 3, mars 1992, p. 16-17 Pédagogie collégiale.
  12. Bégin, C. (2015). Le rôle de l'attention et de la concentration dans les études. v. 5, no 3, mars 1992, p. 16-17 Pédagogie collégiale.
  13. (en) Juliane Eberth et Peter Sedlmeier, « The Effects of Mindfulness Meditation: A Meta-Analysis », Mindfulness, vol. 3, no  3, 2012-09-01, p. 174–189 (ISSN 1868-8535) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-11-21)]