Institutions de l'Empire romain/L'Empereur

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L'Empereur
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Chapitre no 1
Leçon : Institutions de l'Empire romain
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L'Empire[modifier | modifier le wikicode]

L'Empire romain à son apogée (116 — 117 apr. J.-C.)

Le terme Empire fait reférence à un ensemble d'entités politiques et territoriales centrées autour d'une seule autorité suprême. Lorsque l’on s'intéresse à l'histoire de Rome, le mot recouvre une réalité très vaste.

  • D'une part, sous la République, Rome dirigeait déjà ce que l’on peut appeler un Empire: elle possèdait de nombreuses provinces qui lui étaient soumises politiquement.
  • D'autre part, le mot Empire renvoie généralement au système politique mis en place par Auguste, auquel on donne alors le titre de premier Empereur romain (par opposition, la République était gouvernée par le Sénat).

Étymologiquement, le mot Empire vient du latin Imperium, qui signifie Commandement. La connotation militaire est évidente, et l'usage du mot à l'époque romaine ne correspondait pas à celui que nous en avons aujourd'hui. L'Empereur était acclamé Imperator lorsqu’il triomphait, mais son titre officiel était Princeps (Prince, Premier).

L'Empire est donc un ensemble très vaste, qui s'étend dans le temps et dans l'espace. Et même si toutes les parties qui le composaient étaient soumises à l'autorité de Rome, elles pouvaient être très différentes les unes des autres.

Deux provinces, deux réalités[modifier | modifier le wikicode]

Hispanie[modifier | modifier le wikicode]

L'Hispanie dans l'Empire romain

La péninsule ibérique a très vite mêlé son histoire à celle de Rome, puisqu'elle se trouve sur le seul chemin terrestre qui relie Rome à Carthage, et que cette dernière fut la première grande campagne militaire au cours des Guerres Puniques. En 197 av. J.-C., sous la République donc, toute la péninsule est divisée en deux provinces - Citérieure et Ultérieure - malgré une série d'insurrections qui rendront impossible sa pacification totale avant le règne d'Auguste. Celui-ci la divisera ensuite en trois provinces: Bétique, Tarraconaise et Lusitanie. De nombreuses colonies y ont été fondées, et ses habitants gagneront la citoyenneté romaine sous Vespasien. La province donnera même trois Empereurs: Trajan, Hadrien et Théodose Ier.

Dacie[modifier | modifier le wikicode]

La Dacie dans l'Empire romain

Sur la côte de la Mer Noire, la Dacie fut envahie par Trajan en 101 — 102. Son roi Décébale se plia, et l'Empereur reçu le titre de Dacicus Maximus (cfr. la Colonne Trajane). Décébale ne respecta pourtant pas le traité, et Rome s'empara du territoire dace en 106. Vingt ans plus tard, en 129, Hadrien le divisa en deux provinces, Dacie Supérieure et Dacie Inférieure; elles seront encore réorganisées en trois provinces sous Marc-Aurèle. Les tribus voisines (Carpes, Costoboces...) n'ont pas cessé d'attaquer la province romaine, et sous Aurélien, elle fut reprise par les Carpodaces.

Le pouvoir impérial[modifier | modifier le wikicode]

Le pouvoir vient donc exclusivement de Rome, et s'incarne dans la personne de l'Empereur. Il est caractérisé par le terme latin Imperium. À l'origine, il s'agit du pouvoir détenu par la monarchie, et qui sera transmis inchangé sous la République puis sous l'Empire. Il est en réalité divisé en deux:

  • Imperium domi: pouvoir civil, généralement intérieur;
  • Imperium militiae: pouvoir militaire, généralement extérieur.

Sous la République, donc, deux consuls sont élus chaque année par le Sénat pour exercer le pouvoir et c’est grâce aux noms de ceux-ci que nous parvenons à reconstituer la chronologie de nombreux évènements (éponymes). Sous l'Empire, la tradition continue avec une subtile différence, selon laquelle c’est l'Empereur qui indique directement ou indirectement les futurs consuls. Lorsqu’il le désire, il peut également se faire élire lui-même, et il concentre ainsi tous les pouvoirs entre ses seules mains.

Toutefois, le pouvoir impérial romain n’est pas seulement exécutif. L'Empereur détient une série d'autres titres, tel celui de Dacicus Maximus gagné par Trajan après sa victoire sur les Daces. On peut lire tous ces titres pour chacun des Empereurs sur différents monuments:

La Colonne Trajane (113 apr. J.-C.)
Inscription de la Colonne Trajane

Senatus Populusque Romanus | Imp(eratori) Caesari Divi Nervae F(ilio) Nervae | Traiano Aug(usto) Germ(anico) Dacico pontif(ici) | maximo trib(unicia) pot(estate) XVII imp(eratori) VI co(n)s(uli) VI p(atri) p(atriae) | Addeclarandum quantae altitudinis | mons et locus tant(i) [super]ibus sit egestus.

« Le Sénat et le peuple romains [ont élevé ce monument] à l’Empereur César Nerva Trajan Auguste, fils du divin Nerva, vainqueur des Germains et des Daces, [déclaré] Grand Pontife [investi de] la puissance tribunitienne pour la 17e fois, [acclamé] empereur et désigné consul pour la 6e fois et Père de la Patrie, afin d’indiquer à quelle hauteur se trouvaient la colline et le lieu qui ont été creusés par de si grands travaux. »
L'arc de Septime Sévère à Rome (203 apr. J.-C.)
Inscription de l'Arc de Septime Sévère à Rome (CIL VI 1033 = ILS 425)

Imp(eratori) Caes(ari) Lucio Septimio M(arci) fil(io) Seuero Pio Pertinaci Aug(usto) patri patriae Parthico Arabico et | Parthico Adiabenico pontific(i) maximo tribunic(ia) potest(ate) XI imp(eratori) XI, co(n)s(uli) III proco(n)s(uli) et | imp(eratori) Caes(ari) M(arco) Aurelio L(ucii) fil(io) Antonino Aug(usto) Pio Felici tribunic(ia) potest(ate) VI co(n)s(uli) proco(n)s(uli) [ p(atri) p(atriae) | optimis fortissimisque principibus ] | ob rem publicam restitutam imperiumque populi Romani propagatum | insignibus uirtutibus eorum domi forisque S(enatus) P(opulus)Q(ue) R(omanus).

« Le Sénat et le Peuple romain (ont érigé cet arc) à l'empereur César Lucius Septimus Severus Pius Pertinax Auguste, fils de Marcus, père de la patrie, vainqueur des Parthes arabes et des Parthes adiabènes, grand pontife, détenteur de la puissance tribunicienne pour la onzième fois, acclamé imperator pour la onzième fois, fait consul pour la troisième fois, proconsul, et à l'empereur César Marc Aurèle Antonin Auguste Pius Felix, fils de Lucius, détenteur de la puissance tribunicienne pour la sixième fois, consul et proconsul, père de la patrie, princes très bons et très forts qui ont restitué l'État et ont agrandi l'empire du peuple romain par leurs vertus extraordinaires, en paix et en guerre. »

Comme on peut le constater, tous ces titres se déroulent derrière le nom de l'Empereur: non seulement ses victoires militaires (Germanicus, Parthicus Arabicus ou Adiabenicus), mais aussi ses pouvoirs ou décorations honorifiques (Pontifex Maximus, Pater Patriae). Ceux-ci sont soit renouvelés annuellement, soit octroyés à vie.

La titulature impériale[modifier | modifier le wikicode]

Dans les inscriptions officielles, on faisait donc reférence à l'Empereur avec une série de titres qui évoluaient avec le temps. Par exemple, la puissance tribunicienne lui était renouvelée chaque année: grâce au numéro qui est présent dans le texte, on sait donc en quelle année il a été gravé. Dans l'inscription ci-dessus, Septime Sévère avait reçu onze fois ce titre, ce qui correspond à l'année 202 apr. J.-C. (ayant accédé au pouvoir au début de l'année 193, il a reçu le titre à nouveau en décembre de la même année, puis annuellement).

Parmi les titres les plus importants, on retrouve les suivants:

  • Grand Pontife: l'Empereur préside au collège des Pontifes. Il dirige donc la religion romaine, et nous verrons l'importance de ce titre au Chapitre 3.
  • Puissance tribunicienne: sous la République, elle était détenue par des Tribuns du Peuple, avec droit d'intercession dans les débats publics. Les Tribuns pouvaient donc bloquer une décision du Sénat, ou protéger un citoyen attaqué en justice.
  • Imperator: les salutations impériales sont octroyées une fois à l'accession au pouvoir, puis après chaque victoire. Il existe une différence entre le titre Imperator et celui qui est inclu dans le nom officiel de l'Empereur, et qui est dès lors définitif comme s'il s'agissait de son prénom.
  • Père de la Patrie: titre honorifique.
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Lorsqu’il détenait tous ces titres, l'Empereur avait donc entre ses mains non seulement tous les pouvoirs politiques, mais aussi la main-mise sur les symboles et la religion romaine. L'importance de cette dernière n’est pas à négliger, puisque sous l'Empire, la religion imprègnait toutes les décisions publiques (on parle en effet d'une religion publique). L'Empereur pouvait donc intervenir à tous les niveaux.

Évolution du pouvoir impérial[modifier | modifier le wikicode]

La période impériale romaine est généralement divisée entre Haut-Empire et Bas-Empire, Antiquité classique et tardive, ou encore entre Principat et Dominat. En quoi consiste cette différence ? À l'origine, il ne s'agit que d'une séparation chronologique, qui s'est rapidement muée en frontière qualitative - le Dominat marquant le début du déclin de l'Empire. Toutefois le concept d'Antiquité tardive n’est pas limité à Rome, puisqu’il étend son champ d'investigation aux VI et VIIe siècles.

Principat (27 av. J.-C. à 284 apr. J.-C.)[modifier | modifier le wikicode]

Statue d'Auguste sur le Forum

Sous le Principat, c'est-à-dire à partir du règne d'Auguste jusqu'au troisième siècle, les institutions républicaines sont maintenues en apparence. Légalement, l'Empereur est le Princeps Senatus, c'est-à-dire le Premier Sénateur, une charge républicaine alors dénuée de pouvoir qui consistait à peine à pouvoir prendre la parole en premier au Sénat. Il se fait cependant accorder un Imperium Maius par ce même Sénat, c'est-à-dire un Imperium supérieur à celui des autres magistratures, qui lui confère en fait tous les pouvoirs politiques.

Si dans les faits c’est donc l'Empereur seul qui domine toute la structure politique romaine, l’ensemble des institutions classiques est maintenu, y compris les magistratures:

  • Consul: sommet de la carrière romaine (le cursus honorum), le Consulat est accordé par le Sénat romain à deux citoyens pour une durée d'un an. Sous l'Empire, la magistrature est quelque peu vidée de son contenu puisque c’est l'Empereur qui est doté de l' imperium maius.
  • Prêteur: celle-ci ne change pas. Il s'agit toujours de présider aux tribunaux.
  • Édile: à l'origine, l'édile gérait une série de tâches urbaines (cérémonies religieuses, distributions de nourriture, état des routes et bâtiments...). Peu à peu, les édiles seront remplacés par des Préfets nommés directement par l'Empereur.
  • Questeur: première magistrature du cursus honorum. À partir de Claude, ils seront de plusieurs types, avec différentes tâches: Quaestores augusti pour représenter le Prince au Sénat, Quaestores urbani pour l'împot de la ville...

Bref, ces magistratures existent toujours sous le Principat, mais la tendance générale est de recentrer leur nomination sur la figure de l'Empereur.

Dominat (284 apr. J.-C. à 476 apr. J.-C.)[modifier | modifier le wikicode]

Statue des Tétrarques, Venise

À partir du règne de Dioclétien, s'entame la période appelée le Dominat. Comme en témoigne l'évolution de son nom, l'Empereur n'est plus Princeps, mais il est désormais Dominus, maître.

On trouve dans cette évolution de nombreuses influences orientales (Perse, Égypte...). Les fondements républicains du pouvoir impérial, encore plus ou moins respectés jusqu'alors, sont balayés. les Empereurs ne reçoivent plus leur pouvoir du Sénat, mais à l'image de Dioclétien lui-même, directement des dieux (il est fils de Jupiter). Avec la Tetrarchie, l'Empire lui-même est réformé en quatre territoires et ses institutions modifiées (création de diocèses, nomination de préfets prétoriens appartenant à l’ordre équestre...) et, malgré le fait qu'elle n'ait duré que jusqu'en 313, son influence sur la fin de l'Empire reste importante.