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FRA3826/EDN6001-ProjetEditionNumerique-Harry-Potter:lire-et-écouter

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Harry Potter : lire et écouter

Alexandra Auclair
30 novembre 2023
Université de Montréal
Français
Outil : Soundcite
Corpus : Harry Potter
Résumé : Édition d’une version numérique augmentée de la série Harry Potter qui offrirait à la fois une version textuelle et auditive de l’oeuvre.
Mots-clefs : littérature, audio, lecture
Harry_Potter_Book_and_Wand
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Introduction

Présentation du Corpus

La série des livres Harry Potter de J.K. Rowling est un phénomène mondial. Traduits en près de quatre-vingts langues et vendus en plus de quatre cents millions d’exemplaires selon le site Babelio, les livres ont également été adaptés au cinéma et en livres audio. Harry Potter suit les aventures du jeune sorcier et de son entourage durant ses sept années d’études à l’école de sorcellerie Poudlard et son combat contre le grand mage noir Lord Voldemort.

Il y a donc, aujourd’hui, plusieurs façons de consommer les aventures du jeune Harry. La pluralité des adaptations de cette histoire et les nouvelles technologies liées au numérique permettent de penser qu’il serait possible de combiner ces différentes adaptations afin de produire une version enrichie des livres. Comment pourrait-on éditer une version numérique augmentée de la série Harry Potter en offrant à la fois une version textuelle et auditive ?

Projet d’édition numérique

Objectifs

Une version numérique d’Harry Potter combinant contenus textuels et sonores permettrait d’attirer un public plus large en rassemblant deux lectorats, celui qui préfère les livres classiques et celui qui préfère les livres audio, et en leur offrant une lecture enrichie qui met ensemble les deux modes de consommation de l’œuvre littéraire. Il serait aussi intéressant de voir s’il existe une version audio dans toutes les langues dans lesquelles les livres Harry Potter ont été traduits afin de possiblement offrir cette édition à tous les lecteurs à travers le monde.

Outil numérique

Présentation

L’outil Soundcite se trouve sur Knight Lab, une plateforme qui a été créée par une communauté composée d’étudiants, de professeurs et de professionnels de l’Université de Northwestern dans le but de développer les espaces journalistiques[1]. C’est un outil d’édition numérique qui permet d’insérer des segments sonores dans un texte.

Fonctionnement

L’outil requiert que les segments sonores que l’utilisateur souhaite utiliser soient téléchargés sur le web, par exemple via une plateforme comme Soundcloud. L’utilisateur doit ensuite ajouter l’URL du segment dans l’outil Souncite. Le segment sonore peut être téléchargé en entier directement dans Soundcite, celui-ci permettant de sélectionner une section ou une autre du fichier sonore. L’outil crée ensuite un lien et un code qui peuvent ensuite être copié/collé dans le texte pour y inclure l’effet sonore. En cliquant sur un mot ou une suite de mots dans le texte, l’outil Soundcite donne accès au contenu auditif associé.

Application

Il serait donc possible de proposer une version numérique d’Harry Potter dans laquelle le lecteur, tout en lisant le texte, aurait accès à des effets sonores et musicaux et aurait la possibilité d’entendre les dialogues. Ce projet nécessiterait l’acquisition de segments sonores créés pour les adaptations cinématographiques ainsi que les dialogues enregistrés pour les adaptations en livres audio. Les enregistrements sonores des films donneraient accès, par exemple, aux applaudissements, aux musiques (qui sont évoquées dans les livres), ou encore aux rugissements des dragons et autres créatures fantastiques. Il serait toutefois difficile de prendre les enregistrements des dialogues issus des films, puisque ceux-ci sont souvent modifiés ou écourtés pour correspondre aux modifications effectuées lors de l’écriture du scénario. Les narrateurs des livres audio, quant à eux, reprennent mot pour mot le contenu du texte. Les segments sonores des dialogues représentent donc exactement ce que le lecteur lit et seraient donc plus appropriés pour l’élaboration de ce projet.

Problématiques éditoriales

Remédiation

La réalisation de ce projet implique une très grande quantité de contenus et requérait donc un grand travail de recherche. Il serait nécessaire de choisir les divers éléments sonores qui seront intégrés au texte pour ensuite de les convertir, si besoin il y a, dans un format pris en charge par Soundcite. Pour les éléments issus des adaptations cinématographiques, il y aurait à choisir parmi les différents sons qui représentent un même effet sonore. Certaines scènes des livres n’ont pas été représentées dans les films. Par exemple, la scène de la mort de Fred Weasley, dont Harry est témoin, est racontée en détail dans le septième tome alors que, dans le film, Harry n’apprend la mort de Fred qu’à la vue de son corps inanimé entouré de sa famille endeuillée. Durant ce passage du livre, Fred se réjouit de l’humour de son frère ainé avant d’être rapidement tué dans une bataille, « le fantôme de son dernier rire toujours gravé sur son visage » (Rowling, 2007, p.681). Il serait intéressant d’intégrer ce dernier rire au texte. Cette scène n’existant pas dans l’univers cinématographique, il faudrait alors choisir un des nombreux rires de Fred issu d’une autre séquence d’un des films, mais lequel ? Un choix s’impose également quant aux dialogues, qui eux seraient issus des livres audio. Alors que certains sons évoqués dans les livres n’existent tout simplement pas dans les films, il y a plusieurs narrateurs qui ont narré les livres dans la même langue. Si on prend les versions anglophones, la version américaine du livre audio a été narrée par Jim Dale et la version anglaise par Stephen Fry. Plusieurs options sont possibles : offrir deux versions de cette édition enrichie par les deux narrateurs, choisir un seul narrateur, ou encore recréer les dialogues avec un ou des nouveaux acteurs.

Interopérabilité et accessibilité

Il faudrait ensuite prendre en compte les aspects techniques liés au projet. Cette édition des Harry Potter pourrait être créée pour n’être consultée qu’en ligne. La façon dont l’outil Soundcite fonctionne limite son utilisation aux contenus publiés sur des sites web. Le lecteur ne pourrait lire cette édition qu’avec un appareil qui peut se connecter à internet et qu’aux moments où une connexion internet est disponible, ce qui pose un premier obstacle quant à l’accessibilité. Le support sur lequel le site est consulté doit aussi être pris en compte : « le travail d’édition ne se limite pas (ou plus) au site en lui-même. La dissémination des contenus, l’éditorialisation élargie, fait elle aussi partie intégrante de la mission éditoriale. La déclinaison du site sur d’autres supports (téléphone intelligent et tablette) et sa présence sur d’autres plateformes doivent ainsi être anticipées afin de maximiser les modes d’accès aux contenus et leur visibilité » (Beauchef, 2014). Afin de proposer une version plus accessible, ce projet pourrait requérir la création d’une plateforme ou d’une application adaptée qui prendrait en charge tant le contenu textuel que le contenu sonore, soit en adaptant Soundcite à un autre modèle numérique que le web, soit par la création d’un nouvel outil proposant une utilisation semblable. La première option pourrait se révéler impossible puisque les données du format de Soundcite pourraient n’« être utilisées que par leur application d’origine, ce qui [poserait] de nombreux problèmes de compatibilité » (Boulétreau & Habert, 2014). La création d’une application avec laquelle l’œuvre serait accessible hors ligne et prennant en charge le texte et les contenus sonores serait donc essentielle à la réalisation de ce projet. Cette application devra aussi être disponible pour les différents appareils de différentes marques de produits électroniques. Il serait également important de produire cette édition pour que son format corresponde à l’enjeu de l’interopérabilité, qui est « essentielle non seulement si l’objectif est de partager un document avec d’autres utilisateurs, mais également dans une perspective de préservation sur la durée, puisqu’elle permettra d’exploiter un document avec d’autres dispositifs si celui d’origine devenait obsolète » (Boulétreau & Habert, 2014). Le choix d’un format le plus universel possible, qui serait plus facilement adaptable aux nouvelles plateformes et technologies, permettrait d’offrir cette version augmentée d’Harry Potter sur plusieurs plateformes et ainsi faciliter son accès aux lecteurs ainsi que d’assurer sa pérennité.

Chaîne éditoriale et droits

La réalisation d’un tel projet soulève d’abord des enjeux légaux. Cette édition numérique augmentée serait composée de contenus déjà existants, ce qui nécessiterait l’acquisition de droits auprès de plusieurs personnes et compagnies. Il y a évidemment l’acquisition des droits d’auteur pour le texte, mais il faudrait aussi obtenir des droits auprès de la compagnie de production des films pour les effets sonores et de l’éditeur des livres audio pour la narration des dialogues. La notion d’auctorialité est déjà bouleversée par l’utilisation du numérique et certaines questions se posent quant à la relation de l’auteur avec son texte : « Quel rapport l’auteur qui utilise les nouvelles technologies entretient-il avec son texte ? Quel rapport d’appropriation est-il à l’œuvre, à quel point le texte est-il aisément susceptible d’être relié à son auteur » (Neeman & Clivaz, 2012, p.25). Ce n’est donc pas que la question des droits légaux qui doit être abordée, mais également la question du rapport de l’autrice avec son œuvre. Bien qu’elle ait déjà accepté l’adaptation de son œuvre sous différentes formes, le fait d’incorporer des éléments de ces autres formes au texte pourrait bouleverser le rapport qu’elle entretient avec son texte.

Il y a finalement l’aspect financier qui est en envisager. En plus de l’enjeu légal, qui à lui seul représente un enjeu monétaire important, la création d’une plateforme nouvelle pour supporter ce type de contenu implique le travail de plusieurs professionnels du numérique, sans compter le ou les éditeurs responsables de la conception du projet : « En effet, la révolution technologique voit le numérique pénétrer toutes les filières de contenus, tandis qu’apparaissent de nouveaux supports de lecture (tablettes numériques, Ipad, Kindle, e-book, etc.) […] Enfin, le bouleversement économique permet l’entrée de nouveaux acteurs dans la chaîne de production (on parle de désintermédiation et de réintermédiation de la filière du livre) » (Méadel & Sonnac, 2012, p.102). La réalisation de ce projet d’édition numérique nécessiterait, entre autres, en plus du travail d’un ou des éditeurs, un travail de recherche afin de choisir et regrouper les effets sonores qui seront utilisés et de choisir aussi quels éléments du texte seront accompagnés de ces effets sonores. Elle nécessiterait aussi le travail d’un ou des programmeurs afin de créer l’application ou la plateforme sur laquelle le projet se retrouverait et le recours à des avocats chargés de s’occuper des enjeux légaux cités plus haut.

Interactivité et lisibilité

Cette édition nécessiterait évidemment une implication plus active de la part du lecteur : « Le texte électronique se caractérise aussi bien par son contenu que par la navigation qu’il impose au lecteur » (Kayser, 2019, p.9). Le fait d’insérer des éléments sonores qui ne seront entendus qu’en cliquant sur le texte place le lecteur dans une position participative. Ce format lui laisse toutefois la liberté de choisir ce qu’il veut entendre, ce qu’il choisit d’ajouter à sa lecture, les effets sonores ne lui sont pas automatiquement imposés. Il faudrait cependant s’assurer que les sons ajoutés au texte ne créent pas un effet de surcharge, qu’ils n’apportent pas une lourdeur au texte, qu’ils rendent l’œuvre augmentée intéressante sans pour autant entraver la lecture. Un autre enjeu sur la lisibilité est celui du temps, plus précisément le temps de lecture juxtaposé au temps d’écoute. Pauline Habran souligne dans sa thèse sur le doublage et le sous-titrage dans les films Harry Potter que « le temps revêt une grande importance dans le sous-titrage. Quel que soit le niveau d’éducation du lecteur, il lui faudra toujours plus de temps pour lire que pour parler : la compréhension d’un message oral sera plus rapide que la compréhension d’un message écrit » (Habran, 2020, p.54). La vitesse d’élocution du narrateur des dialogues pourrait potentiellement déranger la lecture. Est-ce que le lecteur ajustera sa vitesse de lecture à celle de la narration ou est-ce que la narration perturbera sa lecture ?

Bibliographie

  • Beauchef, H. (2014). «Concevoir un projet éditorial pour le web». In M. E. Sinatra & M. Vitali-Rosati (Éds.), Pratiques de l’édition numérique. Montréal. Les Presses de l’Université de Montréal. http://parcoursnumeriques-pum.ca/1-pratiques/chapitre13.html
  • Boulétreau, V., & Habert, B. (2014). «Les formats». In M. E. Sinatra & M. Vitali-Rosati (Éds.), Pratiques de l’édition numérique. Montréal. Les Presses de l’Université de Montréal. http://www.parcoursnumeriques-pum.ca/Les-formats
  • Habran, P. (2020). Analyse comparative du doublage et du sous-titrage dans les films Harry Potter : Dans quelle mesure les contraintes respectives du doublage et du sous-titrage ont-elles influencé la traduction des dialogues de Dumbledore ? Genève. Université de Genève.
  • Kayser, C. (2019, avril). Déconstruction et spatialité dans Patchwork Girl de Shelley Jackson. Sens Public. http://sens-public.org/articles/1380/
  • Méadel, C., & Sonnac, N. (2012). L’auteur au temps du numérique. Esprit, Mai(5), 102 114. Cairn.info. https://doi.org/10.3917/espri.1205.0102
  • Neeman, E., & Clivaz, C. (2012). Culture numérique et auctorialité : Réflexions sur un bouleversement. A contrario, 17(1), 3 36. Cairn.info. https://doi.org/10.3917/aco.121.0003
  • Rowling, J. K. (2007). Harry Potter et les reliques de la mort. Paris. Éditions Gallimard Jeunesse. 810 p.

Notes

  1. About us, sur le site Knight Lab. Consulté le 2 décembre 2023. https://knightlab.northwestern.edu/about/.