Esprit capitaliste/Les affinités électives
Les principaux éléments de l'habitus capitaliste, tel que nous l'avons décrit précédemment, sont précisément ceux qui sont contenus dans l'ascèse puritaine du métier.
En premier lieu, le rapport au travail. Prescrit par Dieu, il est la fin en soi de la vie. Le croyant fait face à une exhortation permanente à travailler, sans relâche et durement.
La relation au temps. Dilapider son temps est le premier et le plus grave des péchés. Le temps de la vie est infiniment bref et précieux. Seule l'action permet de conforter sa propre vocation et d'augmenter la gloire de Dieu.
La volonté d'enrichissement. Elle n'est pas moralement condamnable. Au contraire, c'est le signe d'une bénédiction divine. Quand l'enrichissement provient de l'exercice du métier, il devient même un véritable commandement. La richesse n'est condamnable que lorsqu'elle incite à l'oisiveté et à la jouissance coupable des plaisirs charnels.
Le réinvestissement des gains, dans l'activité économique. L'éthique ascétique conjugue la restriction de la consommation et la libération de l'aspiration au profit. Cette conjonction favorise la constitution d'un capital et son réinvestissement, afin d'accroître les gains.
L'esprit ascétique puritain présente de surcroît deux autres homologies avec la mentalité capitaliste moderne.
La justification des inégalités. Par l'assurance réconfortante que la répartition inégale des biens de ce monde est l’œuvre de la Providence divine. Calvin a énoncé ce principe. Le "peuple", la masse des ouvriers et des artisans doit être maintenue en état de pauvreté, pour rester obéissante envers Dieu.
La justification des bas salaires. L'idéologie ascétique protestante donne une nouvelle portée à l'idée - déjà présente dans les autres confessions chrétiennes - que le travail assidu, même peu rétribué, agrée particulièrement à Dieu. Notamment, chez ceux auxquels la vie n'a pas offert d'autre chance.