Enfance dans l'histoire et la méthodologie de la psychologie/La psychologie clinique
Le terme de « clinique » vient du grec klincin, être couché c’est donc ce qui se fait près du lit du malade. Au XIXe siècle le terme de «psychologie clinique» venait de psychologues qui avaient fondé des cliniques psychologiques pour y soigner des enfants caractériels ou délinquants, des enfants déficients intellectuels, etc. (voir la partie 2. ci après).
• Qu’est ce qui différencie la méthode clinique de la méthode expérimentale ?
Contrairement à la psychologie expérimentale - qui travaillait sur le plus grand nombre de cas pour pouvoir présenter des résultats valides du point de vue scientifique - le psychologue clinicien se centre sur le cas du patient, de l'enfant malade ou en souffrance qu’il a devant lui et dont il cherche à comprendre le fonctionnement psychique afin de pouvoir le soigner.
On peut donc dire que la clinique est une « science » et un art qui a ses méthodes, ses règles, son code moral: elle s'oppose à l'empirisme (et donc à la méthode expérimentale). Mais dans l'observation il y a, outre la connaissance, une part personnelle fondée sur l'intuition et l'expérience qui constitue ce que l’on appelle le sens clinique.
L'examen psychologique
[modifier | modifier le wikicode]Certains outils de la psychologie expérimentale servent aussi au psychologue clinicien, tels les tests d'intelligence dont nous reparlerons ci-après. L'examen psychologique se voit de fait souvent caractérisé, en tout ou en partie, par l’utilisation de certains instruments: les tests, qu’il s'agisse de tests au sens strict du terme (tests d'intelligence également appelés psychométriques), ou par extension du terme (techniques ou épreuves projectives). L'utilisation de tests psychologiques dans l'examen de psychologie clinique est aussi appelée « clinique armée ou instrumentale». Mais «clinique armée» est à préciser: un psychologue ne met pas de but en blanc, chronomètre au poing, un enfant devant une tâche à exécuter, un problème à résoudre. Il prend d’abord contact avec lui, lui parle, le met à l'aise.
Le dessin libre et, chez l'enfant très jeune, le jeu sont utiles, voire nécessaires, à cette étape initiale et aussi à certains temps de repos. Prenons l'exemple des tests d'intelligence.
Dans quel but un psychologue clinicien utilise t-il des tests psychologiques avec un enfant ?
[modifier | modifier le wikicode]Le psychologue clinicien ne s'intéresse pas seulement à la performance chiffrée de l'enfant; le test est aussi un support d'observation afin d'appréhender les stratégies qu'utilise l'enfant devant une tâche à résoudre ou son comportement face à l'échec. De plus, le psychologue clinicien ne se contente pas du résultat chiffré du Ql ou QD, mais il analyse de façon qualitative les réussites ou échecs de l'enfant aux différents sous tests. Certaines erreurs ou façons d'échouer sont révélatrices de tel ou tel dysfonctionnement de l'enfant.
Quelques exemples: l'échec à la partie vertale et une réussite à la partie non vertale indiquent une anxiété non maitrisée de l'enfant face à une situation nouvelle - ici l'examen psychologique - et/ou une inSibition face au psychologue. Souvent c’est un indice de troubles névrotiques; le contraire (réussite à la partie vertale et échec à la partie non vertale) indique généralement une déficience du raisonnement abstrait qui est mal compensée par une aisance vertale apparente. Une analyse encore plus fine de tel ou tel échec de l'enfant peut porter sur l'orientation temporo spatiale (avec des indices soit de dyslexie soit de dyscalculie), sa latéralisation - pour ne citer que quelques exemples - et permet au psychologue clinicien de proposer des tests spécifiques portant sur ces secteurs de l'intelligence, toujours pour chercher à discemer le dysfonctionnement de l'enfant afin de pouvoir le soigner par la suite.
Avant d'aller plus loin dans la description de la démarche clinique en psychologie de l'enfant, il faut noter qu’il est très rare qu'un psychologue clinicien procède seul à l'examen psychologique d’un l'enfant. S'il y a examen psychologique du point de vue clinique - et non pas dans un but de recherche - c’est qu’il y a un symptôme chez l'enfant qui inquiète et que les parents l'ont percu et viennent consulter soit en CMPP (centre médico psycho pédagogique; secteur privé), soit en CMP (centre médico psychologique; secteur public).
La consultation auprès d’une équipe de pédopsychiatrie implique une rencontre entre les parents, l'enfant et le pédopsychiatre d’abord, puis les parents, l'enfant avec le psychologue clinicien ensuite. Ces consultations permettent que la demande des parents et de l'enfant soit entendue, qu'une évaluation diagnostique et pronostique des problèmes de l'enfant soit faite et qu'une indication thérapeutique soit posée.
(Dans les équipes des CMPP ou CMP il y a encore d'autres spécialistes comme des orthophonistes, des psychomotriciens, des rééducateurs scolaires, etc., qui peuvent être amenés, si besoin est, à rencontrer l'enfant afin d’établir un bilan. Nous ne retraiterons pas ici de cet aspect des choses.)
Outre l'aspect psychométrique, à quoi sert un bilan psychologique ?
[modifier | modifier le wikicode]Le bilan psychologique cherche à cerner le fonctionnement ou dysfonctionnement intellectuel de l'enfant amené en consultation (voir ci-dessus). Mais le bilan du psychologue clinicien aident également à la compréhension de la personnalité de l'enfant en termes de structure et de fonctionnement psychique afin de pouvoir situer le symptôme de l'enfant dans une perception globale des facteurs intellectuels et affectifs.
L'examen psychologique, dans sa partie psychométrique, fournit des indications d'autant plus nombreuses et précieuses que le psychologue a la ma^rtrise des instruments qu’il utilise et une expérience en psychopathologie.
On n'étudie pas les fonctions intellectuelles de l'enfant sans étudier l’ensemble de sa personnalité. Pour l'examen de la personnalité de l'enfant c’est surtout l'expérience du psychologue qui importe. Il a certes à sa disposition des épreuves de personnalité (plus couramment appelées « tests projectifs » à cause du mécanisme de la projection sur lequel se fonde leur fonctionnement). Mais leur utilisation et surtout leur interprétation est difficile; il ne s'agit plus de résultats purement chiffrés (et nous venons de voir toutes les nuances qu’il convient de leur apporter).
De façon générale on réserve le terme de « test de la personnalité» aux tests qui explorent les aspects non cognitifs de la personnalité. Si l’on prend « personnalité » au sens large, n’importe quel test est un test de personnalité; il est convenu cependant actuellement de réserva ce mot aux « tests projectifs ».
Quelle est la différence entre un test psychométrique et un test de personnalité ?
[modifier | modifier le wikicode]La différence essentielle entre tests psychométriques et tests de personnalité tient au fait que les premiers mesurent un rendement alors que les deuxièmes décrivent une structure et un mode de relation: il n'y a pas pour ces derniers de réponse bonne ou mauvaise, un tel jugement de valeur n'intervient pas pour l'appréciation des résultats.
Revenons à l'appellation test projectif: la projection est un concept psychanalytique qu’il est malaisée de définir sans avoir parlé de la psychanalyse auparavant (voir le chapitre suivant). Disons simplement que le sens de «projectif» n’est pas tout à fait superposable à l'acception psychanalytique du terme.
La projection au sens psychanalytique du terme signifie qu'un individu projette dans le monde extérieur quelque chose qui est à l'intérieur de lui-même. L'exemple le plus parlant est celui de la persécution: un individu qui se sent persécuté projette en fait sur les personnes ou phénomènes dont il dit qu’ils le persécutent un danger interne, intérieur qui n'a strictement aucun rapport avec la réalité des personnes ou phénomènes extérieurs.
~ Dans quel but a t-on conçu les tests projectifs .7 (12)
Alors que l'épreuve projective est justement conçue pour susciter une réponse émotionnelle, affective de l'individu, le support même du test projectif a été construit pour explorer le monde intérieur de l'individu à travers les réponses que suscite le test chez lui.
L'épreuve projective la plus connue est le test créé en 1921 par le neuropsychiatre suisse Herrnann Rorschach. Il s'agit d’un matériel varié, peu ou pas structuré, auquel le sujet examiné doit appliquer une structure. Le test de Rorschach consiste en une série de planches présentant des taches d'encre fortuites, sans forme définie. Il existe dix planches dont sept sont en noir et blanc et trois en couleurs. Chaque interprétation fournie par l'enfant est cotée en fonction d’un certain nombre de critères. Mais, de par le mode de perception même propre à l'enfance, l'interprétation du Rorschach chez l'enfant est nettement plus difficile que chez l'adulte et exige de la part du psychologue beaucoup d'expérience et une formation particulière.
Un autre test projectif très connu est le TAT (Thematic Apperception Test) de Murray (médecin et biologiste américain) où le sujet doit donner sens à une situation à signification ambiguë. Le matériel est constitué par une série d'images mettant en scène un ou plusieurs personnages dont l'attitude peut prêter à de multiples interprétations; le sujet est invité à raconter une histoire à propos de chaque image. Chez l'enfant on n'utilise pas le TAT au dessous de sept ans.
De la multitude des épreuves projectives apparues dans le sillage du TAT, on peut retenir:
- celle de Léopold Bellak: le CAT (Children Apperception Test) où les personnages sont remplacés par des animaux. On peut l’utiliser chez l'enfant à partir de trois ans;
- celle de Louis Corman, également destinée aux enfants, où l’on retrouve un petit cochon (Patte noire). Corman en a construit une version pour des enfants d'origine arabe où le cochon est remplacé par un mouton.
Citons encore le test du village ou « Jeu du Monde ». L'enfant dispose d’un matériel très varié (personnages, animaux, maisons, éléments de voirie, voitures, artres et plantes, etc.) et doit construire «son monde préféré» ou un « village qui lui plairait ». L'interprétation en devient tellement aléatoire qu’il est difhcile de parler encore de test (mais il s'agit d’un matériel excellent à utiliser pour la psychothérapie d’un jeune enfant).
Reste une question délicate dont nous ne dirons que quelques mots, qui est le compte rendu de l'examen psychologique. Il est important que le psychologue clinicien, à l'intérieur d’une équipe pluridisciplinaire comme l'est celle de pédopsychiatrie, parle clairement de ce qu’il a perçu et constaté chez l'enfant à la fois dans son fonctionnement et son rendement intellectuel et au niveau de la structure de sa personnalité, son fonctionnement psychique en général (en termes adaptatifs et défensifs) afin qu'une thérapeutique adaptée puisse être proposée à l'enfant et à ses parents. Il en va différemment dans le contact avec les parents :certains écrits de vulgarisation sur la psychologie ont atteint un large public (à travers les journaux par exemple) et beaucoup de parents ont entendu parler de « QI », de «personnalité», d'«épreuves projectives», etc., et interrogent le psychologue sur les «résultats» obtenus par l'enfant. Mais l’on ne communique pas un QI comme un taux de glycémie ou le fonctionnement d’une personnalité en devenir comme un conseil nutritionnel.
Donner un QI sans le replacer dans son contexte et aborder à la fois le symptôme de l'enfant et la thérapeutique adaptée n'a aucun sens; ce n'est, souvent, qu'au cours d’une réunion de synthèse que les différents professionnels ayant vu l'enfant échangent leurs points de vue et se mettent d'accord sur la thérapeutique à proposer.
Il faut donc souvent des trésors de diplomatie au psychologue pour renvoyer les parents vers la personne (le pédopsychiatre en général) chargée de leur parler de la vision globale de l'enfant et de la thérapeutique proposée.
Reste le contact du psychologue avec certains autres professionnels qui demandent des renseignements (par exemple le psychologue scolaire, I'inÉrmière PMI ou l'éducateur de prévention qui ont dirigé l'enfant et ses parents vers la consultation).
Il nous semble qu'une saine application du secret professionnel est encore la meilleure des solutions.
La rencontre entre la psychologie clinique et la psychanalyse
[modifier | modifier le wikicode]Se développant à peu près à la même époque (fin du x~xe, début du XXe siècle), la psychologie clinique et la psychanalyse ne pouvaient que se rencontrer et s'influencer mutuellement. La visée clinique en psychologie avait le même intérêt pour l'individu dans sa totalité et sa singularité que la psychanalyse. Cela est vrai pour la psychologie clinique en général et la psychanalyse pour les adultes telle que Freud la développa à Vienne dès 1895 (publication des Études sur l’hystérie). Dès 1909, époque où Freud publia Analyse d’une phobie chez un petit garçon de 5 ans, le petit Hans, lui et d'autres psychanalystes tentèrent de vérifier sur des « enfants réels » l’existence d’une sexualité infantile avec ses avatars, impasses et développements viciés possibles, comme les psychanalystes l'avaient postulé au niveau théorique en analysant les fantasmes, rêves, lapsus et actes manqués de leurs patients adultes lors des cures psychanalytiques.
Un « détour » par la psychanalyse est quasi obligatoire puisque la psychologie contemporaine de l'enfant serait impensable sans les apports de la psychanalyse.
Avant de parler de la psychanalyse essayons de replacer la psychologie clinique de l'enfant et l’application d'idées psychanalytiques à la compréhension de l'enfant (ce n'est que plus tard qu'on parlera de psychanalyse de l'enfant) dans leur histoire qui a plus d’un dénominateur commun: les méthodes pédagogiques reflètent assez fidèlement les conceptions psychologiques, sociales, philosophiques et éthiques d’une époque. Ce n’est pas un hasard si, sous l'influence des principes mêmes qui inspiraient la Déclaration des droits de l'homme, Itard entreprit l'éducation de Victor, l'enfant sauvage, et que d'autres médecins enlevèrent les châînes aux «fous» adultes et préconisèrent une réforme des asiles d'aliénés. La pédagogie «rééducative» du XIXe siècle visait à combler un déficit intellectuel ou une insuffisance sociale.
Au début du XXe siècle une perception plus vive des facteurs psychologiques qui déterminent le développement de l'enfant (naissance de la méthode clinique en psychologie et création des premières « cliniques psychologiques » pour des enfants présentant des troubles psychopathologiques; voir ci-dessus et plus lorn) entraina une attitude et une visée pédagogiques différentes. Le développement de la psychologie clinique et la naissance de la psychiatrie infantile démantelèrent les cadres nosologiques existants et scrutèrent avec davantage de discernement les données du développement psychologique de renfant.
L'introduction de nouveaux critères - surtout grâce à la psychanalyse - permit une perception plus fine de diverses manifestations telles que troubles du comportement familial, difficultés scolaires, particularité de certaines conduites, etc., autrefois négligées et considérées comme de simples accidents non spécifiques du caractère; cela modifia profondément la nosologie existante et l'aspect «rééducatif» de la pédopsychiatrie naissante. Les tentatives psychothérapiques - initiées par la psychologie clinique - prirent la place d’une visée purement rééducative et permirent ainsi de considérer les symptômes psychopathologiques de l'enfant comme des troubles de la ffconduite». Il ne s'agissait plus désormais de compenser un défaut intellectuel ou instrumental, ni de corriger les conditions extérieures défavorables, mais de dépister la cause latente d’une conduite, envisagée comme symptomatique d’une structure névrotique ou d’un trouble réactionnel. C’est ainsi que la psychothérapie acquit une place de plus en plus importante parmi mes mesures médicopsychologiques.
Cette assistance psychologique fut à la base de l'instauration des «child guidance clinics» (cliniques psychologique déjà mentionnées dans l'histoire de la psychologie clinique), destinées lors de leur création à dépister et à traiter les cas de délinquance juvénile. Mais leur champ s'élargit très rapidement et engloba les troubles du comportement, les troubles réactionnels de la conduite, les états prépsychotiques, les déficiences instrumentales, en somme une large part de la psychopathologie infantile.
Les premières cliniques psychologiques virent le jour au début du XXe siècle aux États-Unis. À Vienne, dans les cercles psychanalytiques, un intérêt croissant se manifesta pour la psychologie de l'enfant dès les années 1920. En 1924, un Centre de guidance infantile fut directement rattaché à l'lnstitut d'enseignement de la Société de psychanalyse de Vienne. Dès 1929 Anna Freud, fille de Sigmund Freud et future psychanalyste pour enfants (et bien d'autres psychanalystes suivirent son exemple), donne des cours aux éducateurs et instituteurs viennois.
Ceci fut d'ailleurs énoncé par Freud lui-même: devant l'impossibilité matérielle d'appliquer la cure psychanalytique à tous les hommes composant l'humanité (comme Freud l'avait pensé idéalement souhaitable à un moment de son cheminement théorique), il fallait chercher des principes psychanalytiques applicables à la pédagogie des enfants en guise de prophylaxie.
En France on trouve les premiers CMP (voir ci-dessus: centre médicopsychologique du service public; il dépend très généralement d’un service de pédopsychiatrie) dès les années 1930; les CMPP (voir ci-dessus: centre médico psychopédagogique, il dépend du secteur associatif privé) ouvrirent leurs portes après la Seconde Guerre mondiale.
On voit donc que dans les faits la psychanalyse appliquée à l'enfant et la psychologie clinique de l'enfant ont avancé de pair et révolutionné ensemble la psychiatrie de l'enfant; elles se proposent sous la forme de « psychothérapies analytiques » aux enfants et adolescents présentant des symptômes invalidants dans les CMP et CMPP.
Maintenant il nous faut aborder la psychanalyse; si l’on ne veut pas déformer sa pensée en simplifiant à outrance il faut s'y arrêter un instant: présenter à un public, quel qu’il soit, les données essentielles de la psychanalyse comporte des difficultés qui sont propres à cette discipline. Elles tiennent essentiellement au fait que ces données renvoient toujours, en fin de compte, à l'affirmation fondamentale qu’il existe des processus et des représentations inconscients. C’est là une affirmation dont le statut est tout à fait particulier, en ce sens qu'on ne peut ni l'étayer par quelque vérification expérimentale, ni se convaincre de son exactitude en recourant à l'introspection. En un sens elle est comparable à la démarche de savants qui, à partir de phénomènes observables, concluent à l’existence d’une cause dont ils sont en mesure de préciser les caractéristiques, bien que cette cause ne puisse pas être appréhendée ou perçue. Ainsi l'astronome Leverrier a t il affirmé l’existence de Neptune et calculé sa trajectoire à partir de perturbations jusque là inexpliquées d'Uranus. De la même façon, les éléments inconscients que dévoile la psychanalyse viennent combler les lacunes et éclairer de nombreux points obscurs de la théorie des névroses. Mais s'il est facile d'accepter qu'une planète existe, bien que les astronomes ne l'aient pas encore visuellement repérée, il est beaucoup moins aisé d'admettre qu'une idée, un désir, une représentation existent, qu’ils sont nôtres et développent en nous leurs effets sans que nous le sachions. La difficulté parâît d'autant plus grande que le rôle attribué à ces processus et représentations inconscients dans le développement de la personne, dans son caractère, ses attitudes et ses réactions, et ce tout au long de son existence, est considérable. Nous n'aurions, prétendent les psychanalystes, aucune idée des formations psychiques qui pourtant gouvernent notre vie.
Lorsque la psychanalyse affirme, par exemple, que la crainte d’être castré par son père a existé chez tout enfant de sexe mâle et que ses réactions à une telle crainte ont joué un rôle décisif dans l'orientation ultérieure de son existence, les réactions possibles d’un profane sont les suivantes:
- ou bien il demeure totalement incrédule et rejette en bloc une discipline dans laquelle se formulent pareilles inepties;
- ou bien il s'en remet à l'analyste, et le croit sur parole, en fonction du prestige qu’il lui accorde;
- ou bien il accueille cette assertion sur un mode intellectuel - éventuellement sous bénéfice d'inventaire - et il l'accepte dans la mesure où elle lui parâît avoir quelque valeur opératoire et pouvoir servir de support à une explication satisfaisante de certains phénomènes, qui faisait auparavant défaut;
- il peut enfin la saluer d’un « oui, bien sûr ! », acceptation blasée de celui qui entend n'être surpris par rien, qui masque l’opposition totale subsistant chez lui à un autre niveau.
Dans aucun de ces cas, le contenu de l'affirmation n'est reconnu par celui qui l'accueille, même favorablement, comme faisant partie, ou ayant un jour fait partie de son vécu personnel.
Comment peut on définir succinctement la psychanalyse :
- Recherche d’un sens. La psychanalyse peut être conçue comme une démarche visant à établir un sens là où il semble manquer, ou à le rechercher là où l’on ne songerait pas qu’il pût exister L'attribution d’un sens n’est pas superposable à l'attribution d’une cause, c’est pourquoi d'ailleurs la psychanalyse n'est jamais devenue une science que l’on puisse enseigner à l'université et que l’on n'a jamais réussi à « inclure » la psychanalyse dans des sciences voisines comme la psychologie ou la psychiatrie.
- Conflit. Cette affirmation (« il y a un conflit») est la plus fondamentale; elle est propre aux deux modèles de la vie psychique que Freud a élaborés successivement lors de son cheminement théorique (appelés aussi « topiques»; on parle de la première topique: inconscient, préconscient, conscient et de la deuxième topique: ça, moi et surmoi).
Retenons que la rencontre entre la psychologie clinique de l'enfant et la psychanalyse fut extrêmement fructueuse; nous avons vu comment elles ont - en interagissant - modernisé la psychiatrie de l'enfant; de plus elles font partie de l'arsenal thérapeutique disponible dans les consultations de pédopsychiatrie en France. De nos jours, la psychologie clinique de l'enfant a intégré les apports psychanalytiques sur le modèle pulsionnel, et au niveau de la genèse de la personnalité de l'enfant on prend en compte le développement psychosexuel orienté par l'entrée en jeu successive des différentes zones érogènes d’une part et la relation d’objet d’autre part (expression désignant les formes prises par la relation du sujet avec ses « objets », lui-même compris, au cours des différents moments évolutifs).
Si au niveau théorique on ne sépare plus l'aspect psychanalytique de la psychologie clinique de l'enfant, il reste toutefois une différence au niveau de la pratique du psychologue clinicien, entre analyste et non analyste. En effet, l'originalité foncière du psychanalyste ne peut venir d’un savoir théorique, même très poussé, mais reste, au contraire, la marque indélébile et irremplaçable dans son psychisme d’une expérience personnelle menée à bien sur un divan, expérience qu’il demeure, de ce fait, capable (et lui seul) de faire revivre à d'autres humains.
Articles connexes
[modifier | modifier le wikicode]Pour approfondir : Méthodologies cliniques