Discussion Département:Psychologie générale
Ajouter un sujetInternet et psycholinguistique ou Introduction à la psycholinguistique.
Toute langue se structure de manière à expliciter le plus économiquement possible les précisions nécessaires à ses schèmes préférentiels de pensée. Les langues indo-européennes ont un genre qui établit une opposition tranchée entre féminin et masculin, ce qui n’est pas le cas dans la langue basque, ni dans le hongrois, ni dans le finnois, ni l’estonien, ni le turc. Nous connaissons aujourd’hui une langue de l’Asie mineure dont le genre ne sépare pas encore le masculin du féminin, mais le sexué du non sexué. Il s’agit de la langue hittite qui appartient à la famille indo-européenne. La civilisation hittite ne porta pas ses dynamismes vers la construction d’énormes pyramides dont le volume concret alourdit encore nos imaginaires. Nous savons par contre que le dynamisme hittite se porta vers la connaissance pragmatique (scientifique dirions-nous aujourd’hui) d’une métallurgie capable de contrôler les 1500° C indispensables pour fondre le fer. Le genre de la langue hittite nous permet d’imaginer que leurs schèmes de pensée n’étaient pas encore obsédés par des oppositions sexuelles, puisqu’il se contentait de préciser s’il y avait un sexe ou pas. Le passage d’une première mixité originelle vers l’actuelle séparation stricte des sexes qui fait qu’on écrit si souvent « sexes opposés » au lieu de « complémentaires » est repérable un peu partout. Parfois le genre n’a rien à voir avec le sexe. Dans les langues amérindiennes le genre oppose souvent les êtres animés à l’inanimé. Les genres sont des traits que nos grammaires utilisent pour séparer des classes sémantiques.(1) En latin « « genus » veut dire origine. Le genre humain est ainsi écrit : « Hominum genus ». Ce H majuscule reste le sceau de l’asservissement féminin. Quant à moi, je ne me laisserai plus aller à écrire Homme à la place d’humain.
Le verbe pivot de la phrase.
Le classement opposant verbe et nom semble encore à certains une évidence propre à toute pensée. Pourtant dans beaucoup de langues non écrites que les linguistes ont décrit en cherchant à faire la différence entre des formes dites verbales et nominales, ce ne sont que des artifices permettant un semblant de traduction.
Le principal pivot structural de la phrase dans nos langues écrites phonétiquement est le verbe. En Chine les langues parlées ne font pas de distinction de genre. Dans le Mandarin écrit l’opposition des sexes est marquée par le pronom personnel de la troisième personne. Le monosyllabisme de langues d’extrême Orient est conséquence des convivialités très élargies. L’expression en français « il ne vient pas » sera traduite en chinois par « ta bu lai » ce qui mot à mot donnerait « lui pas venir ». Le verbe est utilisé comme un nom dans sa forme infinitive. Les exigences dynamiques qui ont donné les flexions internes de nos conjugaisons verbales n’ont pas opéré en Chine.(2)
Dans d’autres langues l’adjectif, par exemple, toujours présent dirige par sa puissance significative l’ordre des éléments et exige la présence d’autres traits indispensables à un énoncé minimal ou à toute une tirade discursive. Chez des peuples qui avaient une longévité qu’on a du mal à concevoir aujourd’hui la description en détail des plis de la peau était importante. Pour désigner l’automobile dans une langue très agglutinante comme le kalispel on disait « celui qui a des pattes grossièrement ridées ».(3)
Le fer que la civilisation hittite nous a apporté est devenu socle de charrue dans le développement de l’agriculture romaine ; il est devenu aussi glaive, pique et chaîne du plus institutionnalisé des esclavagismes.
L’isolement et la convivialité réduite de langues à transmission orale exclusive permit aux locuteurs de se donner le temps d’hésitation qui est à l’origine de toute vraie réflexion. Les plus anciennes langues sont restées ouvertes à la constante agglutination de préfixes et suffixes, par exemple, qui permet une multiplicité sans limite de combinaisons significatives. L’incorporation libre et souvent poétique de racines et monèmes est une autre caractéristique de ces langues.
Même avec une seule langue l’Être de parole est de toutes façons multiple. C’est en nous adressant des mots à nous-mêmes que nous précisons nos pensées.
Toutes les langues sont parfaitement capables d’exprimer l’action, bien sûr, mais les caractéristiques de certaines font que pour atteindre les précisions de nos conjugaisons il faut quelques secondes de plus. Quand on prend du recul pour comparer certaines évolutions linguistiques on se rend compte que les vitesses exigées par nos actuels moyens de communication ne sont pas une nouveauté.(4)
Pour quelques secondes de plus ou de moins, les langues par leurs transformations ont facilité la structuration des institutions typiques des guerriers d’abord, des esclavagistes concrets ensuite et des esclaves psychiques aujourd’hui. Bien entendu, les langues par leurs transformations ont aussi influencé l’évolution des croyances et vice versa. Dire que la vie est un combat est un préjugé guerrier parce que la vie est harmonie. Croire que tout agrégat humain a besoin d’être commandé par une élite est un préjugé esclavagiste. Prendre le pouvoir de l’argent comme une fatalité inexorable permet notre esclavagisme psychique.
La puissance des préjugés finit par rendre impossible l’ouverture vers de nouvelles conceptions. Par exemple, chez des peuples vivant en convivialité très réduite l’idée que le nombre de vies humaines pouvant s’épanouir avait été dépassé depuis longtemps a une fois pour toutes signé leur destin ; toute approche de groupes nombreux provoquait horreur panique. (les épidémies venaient fréquemment conforter leurs croyances). Le cueilleur de fruits sauvages ne devient pas impunément cultivateur de semences en série. « Ceux qui ont soumis la femme comme premier animal domestique ont fini par se domestiquer aussi eux-mêmes » (opinion de femme de langue jamais écrite).
Pour enchaîner les nouveaux esclaves de la mondialisation le dynamisme flexionnel interne de nos formes verbales peut devenir arme à double tranchant, comme le glaive romain. Nos sociétés sont capables d’un individualisme qu’on ne trouve nulle part ailleurs. De là une source d’indépendance d’esprit indéniable par l’écrit personnel. Avec l’écriture nos mondes symboliques augmentent leurs degrés d’abstraction et nos grammaires et lexiques fossilisent nos langages. Au dix septième siècle les précisions de notre langue permettaient une sorte d’escrime des esprits et la flexibilité de l’acier permettait la tradition du duel au fleuret (entre 1588 et 1608 près de 8000 gentilshommes meurent en duel) summum d’arrogance absurde.(5) Ces symptômes sont pour moi précurseurs de nos actuels délires massifs.
Un genre révélateur de soumission féminine et un verbe indicateur d’activisme névrotique. Le pire est encore peu-être devant nous.
Pour l’instant j’écris sexes complémentaires et je bannis toute idée d’opposé près du mot sexe.
Le mot démocratie est devenu pour moi un mot suspect. Veut-on signifier le gouvernement du peuple ? Profitons d’Internet pour aligner tous les mots qu’il faut pour bien préciser ce que nous voulons dire.
Nos techniques électroniques peuvent nous réconcilier avec la notion d’humains.
Notes : (1) w:Genre_grammatical
(2) La langue chinoise. Henri Maspero. Paris 1933
(3) The Kalispel Langage.Hans Vogt. Oslo 1940
(4) http://www.scienceshumaines.com/-Oales-nouveaux-territoires-de-la-psychologie
(5) http://jfgajewski.free.fr/tcms_04.htm