Cendrillon (Arthur Rackham)/L'invitation

Leçons de niveau 5
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L'invitation
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Chapitre no 6
Leçon : Cendrillon (Arthur Rackham)
Chap. préc. :Comment Lise devint Cendrillon
Chap. suiv. :La marraine fée
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Pendant deux ans environ, Cendrillon mena la même vie. Elle ne parlait que rarement à son père. Celui-ci n'ignorait pas de quelle indigne façon sa fille était traitée, mais il affectait de ne rien voir afin de n’avoir pas à intervenir. À la vérité, il avait tellement peur de sa seconde femme qu'il n'osait pas proférer un mot devant elle. Il se confinait de plus en plus dans sa bibliothèque, et Cendrillon apprit par ses sœurs qu'il écrivait un livre.
« Il écrit sur les Grecs, dit Euphrasie, des êtes bizarres qui vivaient dans des tonneaux et qui regardaient avec des lanternes les honnêtes gens. »
C'était là une réminiscence de l'histoire de Diogène et de sa lanterne, que Cendrillon lui avait racontée un jour, et que son ignorance défigurait à plaisir.
Un jour, le Baron surprit Cendrillon en train de balayer l'escalier. Il lui posa la main sur la tête, et la contempla avec un regard empreint d'affection, tel qu'il faisait autrefois. Il entrouvrit même la bouche pour prononcer quelques mots, lorsque la voix de sa femme retentit en haut de l'escalier. Alors, il disparut dans sa chambre, tel un lièvre peureux.

Cendrillon avait maintenant seize ans, et, malgré la dure vie qu'elle menait, elle était devenue une très belle jeune fille. Ses jolies robes étaient cependant usées ou devenues trop petites pour elle, et elle était habillée des défroques de ses sœurs. Il était difficile pour elle de paraître à son avantage, car ces haillons hors d'usage étaient de couleurs criardes et très ridicules. Ainsi, Euphrasie mettait le soir une robe jaune à raies noires qui lui donnait l'air d'un zèbre. Imaginez l'effet de ces couleurs avec ses cheveux rouges et ses joues fardées. Charlotte, elle, préférait le rouge et le vert, et l'assemblage de ces deux teintes produisait le bariolage le plus extraordinaire. Mais ces robes n'étaient données à Cendrillon qu'usées complètement. Il lui fallait accomplir un véritable tour de force pour ne pas sembler vêtue de morceaux bigarrés ; et, malgré ses misérables habits, elle était mille fois plus belle que ses sœurs.

Alors il arriva un événement considérable dans la vie de Cendrillon. Vous vous souvenez du Prince charmant que Lise avait vu passer en voiture en compagnie du Roi et de la Reine devant le jardin de son père ? Il atteignit à cette époque sa vingt et unième année et, à l'occasion de l'anniversaire de sa naissance, on prépara de grandes réjouissances. Cendrillon entendait ses sœurs parler de ces fêtes. Pendant des semaines, il ne fut plus question d'autre chose le soir au salon. Elles négligeaient leur musique et ne s'intéressaient plus aux romans qu'elles lisaient.
« On dit que la ville entière va être illuminée, disait Charlotte, et des fontaines laisseront couler du vin afin que le peuple puisse se réjouir.
– Je me demande pourquoi le peuple a besoin de s'amuser, répondit Euphrasie avec mépris. Le Prince ferait mieux de s'occuper de la noblesse et des seigneurs du pays. De misérables paysans et des boutiquiers ont-ils besoin d'illuminations et de fontaines de vin ?
– Tous les enfants de la ville auront un présent, continua Charlotte, et toutes les petites filles une poupée. Ceci pour satisfaire au désir du Prince, qui aime particulièrement les enfants.
– Sentimentalité absurde, répondit Euphrasie en secouant la tête.
– Et il y aura au Palais une série de grands bals auxquels seront conviés les plus nobles seigneurs des environs. Nous serons naturellement invitées parce que nous sommes des gens importants.
– Oui, dit Euphrasie, nous recevrons sûrement une invitation. » et elle disait vrai.

Un après-midi, un courrier à cheval apporta une invitation enfermée dans une large enveloppe, scellée du cachet royal.
Oh ! Quelle agitation dans toute la maison ! Les deux sœurs passaient la moitié du jour à discuter sur leurs toilettes et l'autre moitié à se contorsionner devant leurs miroirs. Tous leurs costumes furent tirés des garde-robes, et Cendrillon appelée à les admirer et donner son avis.
« Je pense que je mettrai ma robe de velours rouge garnie de points d'Angleterre, qui est si belle et si imposante et qui me va admirablement, dit Euphrasie.
– Quant à moi, dit Charlotte, je mettrai ma robe pourpre et mon manteau vert brodé d'or. La pourpre est la couleur royale et rien ne peut être plus approprié à un bal de la cour. »
Alors, elles revêtirent leurs robes et, dans leur chambre, multipliaient les saluts et les révérences.
À toutes les heures du jour arrivaient de la ville des porteurs chargés de paquets contenant des bijoux, des souliers fins, des parfums, des boites de mouches des meilleurs fournisseurs, des éventails, des gants, et des fleurs ; on aurait dit que cinquante personnes allaient au bal ! Cendrillon était occupée jusqu'à la nuit, repassant et tuyautant le linge et les dentelles.

Enfin, le grand jour vint, et Cendrillon fut mandée pour aider ses sœurs dans leur toilette. Le bal ne devait avoir lieu qu'à sept heures du soir, mais elles commencèrent à s'habiller immédiatement dès le petit déjeuner, après s'être levées à huit heures du matin, ce qui ne leur était jamais arrivé.
Cendrillon trouva leur chambre dans un désordre inimaginable. Il y avait des plumes et des chapeaux sur le lit, des jupons et des chemises de toutes sortes sur le plancher, des épingles et des fers à friser sur la toilette et des coffrets à bijoux sur les chaises. Euphrasie, assise devant son miroir, essayait d'arranger ses cheveux en un échafaudage compliqué qui se dressait au-dessus de son front, ce qui ne semblait pas une tâche aisée. Elle était déjà vêtue de sa robe de velours rouge, avec des bas verts, des souliers dorés ; elle ressemblait à un magnifique cacatoès.

De l'autre côté de la chambre, Charlotte laçait sa robe ; déjà une demi-douzaine de lacets avaient été cassés, car elle voulait se faire une taille d'une minceur excessive.
« Venez ici, petite paresseuse, cria Euphrasie dès que Cendrillon entra dans la chambre, venez et passez-moi les épingles pendant que j'arrange mes cheveux.
– Voulez-vous me laisser vous coiffer ? demanda Cendrillon, je suis sûre que j'y parviendrai très bien.
– Non, non, cria Charlotte, il faut que Cendrillon s'occupe de moi et me lace un peu plus serrée. Je ne peux pas arriver à agrafer mon corsage !
– Oh ! Vilaine égoïste ! Vous savez bien que tous les efforts du monde ne vous rendront pas plus belle. L'heure presse, il faut absolument que j'achève de me coiffer, sinon nous arriverons en retard au bal. »
Alors, elles commencèrent à se quereller et Cendrillon hésitait sur le parti à prendre ; arranger d'abord les cheveux d'Euphrasie, ou lacer la robe de Charlotte.
Elle prit entre ses doigts fuselés les cheveux d'Euphrasie et les roula si joliment que l'acariâtre créature voyant dans le miroir l'heureux résultat de son travail devint un peu plus gracieuse.
« C'est bien, dit-elle en tournant son cou maigre dans tous les sens. Les cheveux châtain clair sont justement à la mode cette année. Je ferai sûrement sensation. Ne désireriez-vous pas venir avec nous au bal, Cendrillon ?
– Pourquoi vous moquez-vous de moi ? répondit tristement Cendrillon, vous savez bien que ces fêtes ne sont pas pour moi.
– Vous avez raison, s'écria Euphrasie en ricanant. Voyez-vous Cendrillon au bal du Prince. Tout le monde en rirait ! »
Cendrillon eut envie de tirer les cheveux de sa belle-sœur ou de déchirer sa robe, mais elle se domina et sortit de la chambre.
« On raconte, dit Charlotte tandis qu'elle se fardait avec soin les joues, on raconte que le Prince veut choisir une fiancée parmi les plus nobles demoiselles qui assisteront au bal. Oh ! Ma sœur, s'il me distinguait !
– Peuh ! Quelle folie ! s'écria Euphrasie avec un mauvais rire. Comment pouvez-vous avoir de telles fantaisies dans la tête ! Le Prince pourrait aussi bien choisir Cendrillon. D'abord, il a des cheveux et des yeux noirs, et tout le monde sait que les hommes bruns n'aiment que les femmes blondes. »
Et, de nouveau, elles se querellèrent si violemment en criant et en trépignant que Cendrillon avait la tête rompue par leur vacarme. Enfin, leur toilette achevée, le carrosse s'avança devant le perron ; elles y montèrent et le cocher fouetta son attelage, tandis que la pauvre Cendrillon considérait tristement par la fenêtre le départ de ses sœurs.

Répondre à ces douze questions[modifier | modifier le wikicode]

  1. Que veut dire se confiner en langage soutenu ?
  2. Donner un synonyme de réminiscence.
  3. Comment le père peut-il être comparé à un lièvre peureux ? Comment s'appelle son défaut ?
  4. Donner un synonyme de défroques.
  5. La lecture de romans est présentée de façon implicite comme ___________________ .
  6. Le peuple / la noblesse : quel événement historique va bouleverser cette guerre des classes en France ?
  7. Que veut dire au sens propre tuyauter du linge ?
  8. Quelle est l'image qui représente cette scène ? Quel détail permet de la reconnaitre ?
  9. Pourquoi Euphrasie est-elle comparée à un cacatoès ? Est-ce un compliment ?
  10. Le conteur fait une remarque sarcastique sur l'heure du lever des belles-sœurs le jour du bal, laquelle ?
  11. Des doigts fuselés ?
  12. Est-ce que Charlotte prend la défense de Cendrillon quand Euphrasie se moque d'elle ?

Réponses[modifier | modifier le wikicode]