Autrui/Le Solipsisme

Leçons de niveau 13
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Le Solipsisme
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Chapitre no 1
Leçon : Autrui
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Le problème de l’existence d'autrui se pose avec le doute cartésien, qui établit l’existence d'un sujet pensant (« je pense »), mais qui rend difficile, voire impossible, la pensée d'un autre que moi en l'excluant de la certitude de ma subjectivité (de ce qui me concerne en tant que je suis un sujet) et en le plaçant au même rang que les objets extérieurs.

Le doute et la solitude du sujet pensant[modifier | modifier le wikicode]

Rappel du doute cartésien : Par un doute hyperbolique, Descartes suspend toutes les croyances qu’il peut remettre en cause, ainsi que sa croyance en l’existence d'un monde extérieur qui peut n'être qu’une illusion puisque les sens nous trompent parfois. Il reste cependant quelque chose dont il n’est pas possible de douter, quelque chose dont je peux être tout à fait certain, c’est ma pensée, le savoir que c’est bien moi qui pense et que j'existe en tant que sujet pensant.

Je sais donc qu'un sujet existe, moi-même comme substance pensante (par opposition à la substance étendue dont l’existence reste toujours douteuse). L'expérience que j’ai de ma pensée est par principe individuelle, car il n'y a qu'une seule substance pensante dont je puisse être certain : moi. La philosophie de Descartes ne peut donc partir que d'un « je », et ce « je » exclue d'emblée toute relation à autrui : ma certitude est celle d'un sujet isolé.

Autrui existe-t-il ?[modifier | modifier le wikicode]

Mais comment un autre moi peut-il exister dans ce cas, un autre moi différent de moi, puisque ce qui m'assure de mon existence, c’est l'intuition que j’ai de ma pensée ? Je n'ai pas en effet l'intuition de la pensée d'un autre moi ; autrui n’est pas de manière évidente une réalité pensante pour un sujet cartésien.

Dans ce cas, autrui n'existe pas plus pour moi que n’importe quel objet dont je peux douter : si le « je » est donné dans une intuition, je ne connais autrui que comme je connais les objets extérieurs, par l’intermédiaire de la perception, et cette dernière peut être trompeuse si par exemple un malin génie faisait en sorte que tout ce que je crois vrai soit faux sans que je sois en mesure de m'en rendre compte.

Ainsi, en partant du sujet pensant, Descartes ne peut parvenir qu’à la certitude de lui-même. Autrui, comme les choses du monde extérieur, n’a pas plus de réalité qu'un rêve. Cette idée que le sujet n'a que la certitude de lui-même est nommée solipsisme : le monde et les autres sont incertains.

Pour éviter ces incertitudes, Descartes, dans les Méditations métaphysiques, s'efforce de démontrer l’existence d'un Dieu infini et bienveillant, qui ne peut donc être trompeur. C'est ainsi Dieu qui doit me permettre d’être certain de l’existence du monde extérieur et d’autrui, et il devient possible, sur ce fondement, de bâtir une véritable connaissance, composée d'idées claires et distinctes.

Une solution insuffisante[modifier | modifier le wikicode]

Cette théorie, en faisant appel à Dieu, n’est pas très satisfaisante ; mais le problème est surtout que, même dans le cas où nous serions certains de l’existence d'autrui, autrui reste avant tout une chose extérieure :

  1. autrui est extérieur à moi : il est plus proche d'un objet que d'un moi qui me ressemble.
  2. tout au plus, je peux m'imaginer ce qu'autrui est, ce qu’il pense, sent, etc., mais cela reste hypothétique, et le fait qu'autrui soit comme moi (il sent et pense comme moi) demeure un mystère pour la philosophie cartésienne.

Texte[modifier | modifier le wikicode]

« Cependant je ne me saurais trop étonner quand je considère combien mon esprit a de faiblesse et de pente qui le porte insensiblement dans l'erreur. Car encore que sans parler je considère tout cela en moi-même, les paroles toutefois m'arrêtent, et je suis presque déçu par les termes du langage ordinaire; car nous disons que nous voyons la même cire, si elle est présente, et non pas que nous jugeons que c’est la même, de ce qu'elle a même couleur et même figure: d'où je voudrais presque conclure que l’on connaît la cire par la vision des yeux, et non par la seule inspection de l'esprit, si par hasard je ne regardais d'une fenêtre des hommes qui passent dans la rue, à la vue desquels je ne manque pas de dire que je vois des hommes, tout de même que je dis que je vois de la cire; et cependant que vois-je de cette fenêtre, sinon des chapeaux et des manteaux qui pourraient couvrir des machines artificielles qui ne se remueraient que par ressorts? Mais je juge que ce sont des hommes, et ainsi je comprends par la seule puissance de juger, qui réside en mon esprit, ce que je croyais de mes yeux. » Méditations métaphysiques, II

Ce texte illustre comment Descartes situe autrui dans le monde : comme un objet que je reconnais de la même manière qu'un autre à travers les changements que me font voir mes sens.

D'une manière un peu caricaturale, on peut dire que, pour Descartes, autrui est d’abord un objet affublé d'un chapeau et d'un manteau, et je juge ensuite qu’il s'agit d'un homme. Malgré ce jugement, rien ne permet réellement de dire qu'autrui ne serait pas une machine dépourvu de moi. Descartes ne se penche donc pas vraiment sur les problèmes posés par la notion d'autrui.