Artialisation

Leçons de niveau 15
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L’artialisation (Néologisme issu des écrits de Montaigne) est un concept philosophique, désignant l’intervention de l’art dans la transformation de la nature. Le philosophe Alain Roger a clairement défini, expliqué et illustré cette nouvelle notion philosophique dans son ouvrage intitulé, Le court Traité du paysage (1997). Puis, ce concept de l’artialisation a dérivé progressivement sur le terrain notionnel de la géographie, pour deux raisons majeures : une interaction notionnelle et conceptuelle accrue depuis les années 1990 ; une nécessité de repenser le regard paysager en géographie, en lien avec le paradigme sur l’organisation et la différenciation des espaces.

Ainsi, en géographie, le processus d’artialisation correspond à une intervention de l’art, dans la transformation du pays, en paysage. Cette lecture paysagère se décline selon deux volets :

  • L’artialisation in situ : dans ce processus, l’art est introduit sciemment et volontairement dans un site, un paysage, le métamorphosant en lieu emblématique, facilement reconnaissable. L’art prend la forme de monuments dans ce type de cas. On peut citer la Pyramide du Louvre, l’Arche de La Défense et dans une approche plus architecturale, la Cité internationale de Lyon. L’art, l’architecture, le design… sont les leitmotivs depuis sa création, de ce nouveau pôle excentré de l’agglomération lyonnaise.
  • L’artialisation in visu : dans ce processus, le paysage est érigé au rang d’œuvre d’art, pour ses caractéristiques intrinsèques ou ses aménagements typiques. Deux facteurs prépondérants influent dans la sélection et la classification de ce type de paysage : les référents artistiques, historiques et l’essor du tourisme. En effet, depuis la Renaissance, la peinture a orienté et façonné notre regard vers certains espaces, édifiant des modèles paysagers. Claude Monet, peintre impressionniste, livre une esthétique jouant sur la lumière dans ses peintures, mais contribue également à affermir nos représentations mentales de certains paysages. Le tourisme s’appuie et joue sur une typologie de paysages promus en modèles, ne serait – ce que le paysage – site comme le Mont – Blanc ou le paysage motif. Par exemple, le paysage provençal doit impérativement présenter les atours de la garrigue ou du maquis, laisser paraître quelques habitations en pierres, typiques du Sud, le tout incendié par un soleil lumineux.

Ces deux aspects de l’artialisation, loin d’être antinomiques, peuvent être étroitement liés. Le paysage du Mont Saint-Michel et de sa baie, jalousement conservé par les Français pendant la Guerre de Cent Ans (1337–1453) est un modèle, un archétype de l’artialisation in visu. Or, aujourd’hui, la logique de conservation patrimoniale additionnée aux impératifs touristiques, entraînent des travaux et des aménagements pour préserver ce site dans son état originel. Ce paysage devient une véritable œuvre d’art et on assiste à une transposition de l’artialisation in visu à l’artialisation in situ.

La notion d’artialisation exige de facto un élargissement du cadre de la réflexion, relatif au paysage et au regard paysager en géographie. Malgré une démarche rigoureuse et une exigence d’objectivité, le géographe reste tributaire des modèles paysagers édifiés. Ce cloisonnement est de surcroît impacté par des représentations mentales fortement ancrées dans la conscience collective. Maupassant ne dépeint–il pas Marseille, comme une ville cosmopolite, vivante, bruyante, baignée par le soleil et les odeurs de cuisine (Au Soleil, 1884). In fine, il est également difficile pour le géographe de tenir son esprit à l’écart des connotations inhérentes à certains types de paysages.

Cette notion complexe de paysage, aux acceptions plurielles, peut en géographie, être définie ainsi : « une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et / ou humains et de leurs interrelations »[1].


Références[modifier | modifier le wikicode]

  1. A. CIATTONI, Y. VEYRET, Les Fondamentaux de la géographie, Armand Colin, p 23.