Analyse des Logiques Subjectives/Retour aux "Molécules" - Les verbes

Leçons de niveau 15
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Retour aux "Molécules" - Les verbes
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Chapitre no 11
Leçon : Analyse des Logiques Subjectives
Chap. préc. :Retour aux "Atomes" (adjectifs simples)
Chap. suiv. :Le Parler "conservateur"
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Un rappel[modifier | modifier le wikicode]

Ce que l'A.L.S. nomme "Molécules", ce sont les éléments qu'elle retient comme lexique pertinent dans le texte à analyser une fois écartés les mots-outils (ou "poussière grammaticale") : noms, verbes, adverbes et adjectifs complexes (les adjectifs simples étant, eux, les Atomes listés dans les Séries A et B).

Dans le chapitre La notion de Série : les Molécules, dans le paragraphe Des raccourcis dans l'analyse - grâce à la grammaire, nous indiquions ceci :

Avant même que leur décomposition en Atomes aboutisse à un diagnostic ou un autre, les molécules se différencient par leur fonction grammaticale, ce qui permet d'aller plus vite dans leur analyse. Laissant de côté les noms et les adverbes nous insistons à nouveau sur la parenté entre les adjectifs et les verbes.

  • Les adjectifs complexes (tout comme les adjectifs simples, les Atomes) ont une fonction de prédicat[1]: ils qualifient le nom, soit comme épithètes, soit comme attributs (du sujet ou de l'objet). Ils partagent cette fonction prédicative avec les verbes.
  • Les verbes eux aussi "disent quelque chose" sur le nom (état ou action). Dans une langue comme le chinois, il existe d'ailleurs des "verbes qualificatifs" ou "adjectifs verbaux", fusion des deux catégories[2].

Ceci va avoir une incidence sur le fait qu'à côté des Atomes adjectivaux des deux Séries, on va pouvoir faire deux listes de verbes opposés directement rattachables à la série A ou à la série B, alors même que l'analyse d'un verbe en Atomes peut rencontrer des difficultés qui se posent beaucoup moins pour le nom.

Deux listes de verbes[modifier | modifier le wikicode]

Un aller-retour "dialectique" entre les constats empiriques obtenu par des recensements dans les textes (induction) et une série de déductions logiques à partir d'hypothèses faites sur les choix lexicaux des locuteurs en fonction de leur personnalité (ce qui sera exposé en son temps de façon développée) montre que les verbes opposés se répartissent en deux listes superposables aux Séries 'A' et 'B', que l'on va nommer cette fois Liste "Élimination" et Liste "Conservation".

On constate en effet, dans les textes analysés

  • un parallélisme entre les occurrences d'Atomes et Molécules de la série 'B' et les occurrences de verbes se rapportant à l'idée de conservation :
    • soit des verbes d'état indiquant qu'un objet perdure, donc se conserve (ou qu'on le conserve), en gardant dès lors une forme précise, bien définie et bien délimitée,
    • soit des verbes d'action concernant les moyens de conserver un objet et d'éviter qu'il soit dégradé ou détruit. Grosso modo :
      • Conservation
      • Protection
      • Dissimulation, non-exposition, voilement aux regards
      • Évitement des dangers dont la liste donnera en miroir la liste des verbes : eau -> imperméabiliser, feu -> ignifuger, etc.
  • et de même un parallélisme entre les occurrences d'Atomes et Molécules de la série 'A' et les occurrences de verbes se rapportant à l'idée d'élimination :
    • soit des verbes d'état indiquant qu'un objet est abandonné à sa dégradation naturelle, auquel cas il perd sa forme, qui devient imprécise, floue, vague, mal définie et mal délimitée, voire indescriptible, innommable, inqualifiable.
    • soit des verbes d'action concernant les multiples manières de se débarrasser d'un objet par des procédés soit destructifs , soit semi-destructifs (mauvais entretien pour le non-vivant, maltraitance pour le vivant), soit non-destructifs. Grosso modo :
      • Destruction, par tous les moyens envisageables qui brisent ou dissolvent l'unité de l'objet, avec pour but sa disparition
      • Maltraitance et fragilisation, parfois orientées vers le dépérissement et la destruction progressive de l'objet
      • Exposition aux regards ; exposition aux dangers : imprudence, accidents, voire mise en danger active
      • Expulsion non-destructive du champ des perceptions ou de l'espace proche. Don, vente, troc, abandon, perte, etc.

"Conservation" et "Élimination" : deux exemples[modifier | modifier le wikicode]

Pour gagner du temps, l'accent étant mis non sur la conduite en détail de l'analyse, mais plutôt sur les exemples d'emploi des deux listes de verbes, nous avons d'ores et déjà annoté le texte selon les conventions de l'A.L.S. : italique pour les mots de la Série A, gras pour les mots de la Série B, gras + italique pour les mots mixtes, souligné pour les mots valorisés, barré pour les mots dévalorisés.

Un exemple pris chez Serge Leclaire[3][modifier | modifier le wikicode]

Dans Démasquer le réel[4], ce psychanalyste cite deux rêves d'un de ses patients rebaptisé "Jérôme" (pseudonyme), en donnant des informations complémentaires :

« 1) Nous nous trouvons dans une vaste salle autour de laquelle court une galerie que coupe sans doute une loggia ; atmosphère de clair-obscur. Porté par quatre hommes, s'avance un sarcophage ouvert ; on distingue clairement et de_tout_près une momie parfaitement conservée dans ses bandelettes. Mais subitement, alors que la procession s'avance, la momie se liquéfie ; il n'y a plus dans le sarcophage qu'un jus rouge dont l'horreur se voile derrière la certitude que ce ne sont là que les onguents qui avaient servi à embaumer le corps". Jérôme parle de l'étonnement et de la satisfaction qu'il a de contempler la momie dans son apparence humaine ; témoin d'un passé vertigineux, immobile, protégée, conservée, elle est l'image même de ce qui perdure.

2) "Dans une grotte monumentale, il découvre un splendide gisant de marbre noir dont la contemplation le ravit. C'est l'image de la perfection d'une forme achevée, définitive, qui ignore_le_temps".

Jérôme n'est pas "impressionnable"; il s'était sans_hésitation dévoué pour se_livrer à la réduction des corps du caveau_de_famille. Le cadavre, ce n'est plus qu'une chose, un objet comme un autre... Pendant sa captivité, il en vit des gelés, qu'on empilait comme des planches : « ça me laissait froid », commentait-il. Mais ce q5u'il imagine de plus atroce, c'est de se trouver tout à coup, en ouvrant un placard, devant une chose informe, un objet inconnu, non_identifié, qui vous surprend avant qu'on ne l'ait nommé cadavre. Il pourrait, ajoute-t-il en voir sans_émotion une pyramide, en pleine_lumière, mais d'en découvrir un seul, dans une cave, sous le faisceau de sa lampe, chose sans_nom à la forme incertaine, c'est très précisément ce qu'il faut éviter à_tout_prix de voir. »

Dans leur grande majorité les mots retenus pour l'analyse sont

  • de type "B+" (ex : momie, sarcophage, contempler, apparence_humaine; témoin, passé, immobile, protégée, conservée, perdure, marbre, noir, contemplation, perfection, achevée, définitive.
  • et de type "A-" (ex : se_liquéfie, jus, rouge, horreur, informe, inconnu, non_identifié, sans_nom, incertaine).

Donc le Point-de-vue dominant est Introverti (I), et le contexte de l'observation clinique dans le livre de Leclaire indique qu'il l'est en permanence. Ce Parler 'I -> I', "conservateur" (traité en détail dans le chapitre suivant) coïncide avec la "personnalité obsessionnelle" décrite par les psychiatres, psychologues et psychanalystes.

Dans ce contexte "Introverti" apparaissent des verbes, soit à l'infinitif, soit au participe passé, soit contenus dans des substantifs dérivés formés sur leur racine. Homogénéisons leur présentation en les mettant tous à l'infinitif.

  • Verbes rattachables à la série B en rapport avec la Conservation active ou passive et avec la délimitation précise de la forme, qui est donc parfaitement identifiable :
    • distinguer, conserver, embaumer, perdurer, achever, définir, ignorer_le_temps, geler, nommer
  • Verbes rattachables à la série A en rapport avec l'exposition à la dégradation ou avec la destruction, regroupés sous l'intitulé Élimination :
    • se_liquéfier, ouvrir, découvrir, ne_pas_identifier, ne_pas_nommer

Deux verbes B (contempler, satisfaire) et deux verbes A (surprendre et horrifier - contenu dans horreur) seront rattachés à ces deux listes après une explication dans les chapitres suivants.

Quant au verbe éviter, il est mixte et non caractéristique, et on verra en effet qu'il peut se rencontrer dans chacun des quatre principaux Parlers.

L'exemple suivant va nous permettre d'enrichir ces deux listes de verbes opposés, Conservation / Élimination.

(dans ce texte comme dans le suivant, on ne peut que constater l'opposition bien tranchée entre les deux Séries A et B et les deux listes de verbes opposés, notamment avec des mises en contraste comme la phrase "Mais ce qu'il imagine de plus atroce, c'est de...")

Un exemple pris chez Hélène Cixous[5][modifier | modifier le wikicode]

Dans La jeune née[6], cette ecrivaine évoque avec un certain lyrisme ce qu'est selon elle la parole féminine, puis l'écriture féminine. Ce texte, très riche et très instructif pour progresser dans la compréhension de l'A.L.S., est aussi très long. C'est pourquoi nous n'en donnons maintenant que la deuxième partie. La première partie sera restituée dans le paragraphe suivant, à propos des verbes à la voix réfléchie ou pronominale.

« [1ère partie] ... Parler, lancer des signes vers une scène, faire usage de la rhétorique adéquate, c'est à quoi culturellement nous ne sommes pas accoutumées . Mais aussi à quoi nous ne trouvons pas notre plaisir : on ne tient en effet un discours qu'à un certain prix. La logique de la communication exige une économie et de signes — de signifiants — et de subjectivité. On demande à l'orateur qu'il déroule un fil sec, maigre, raide. Nous aimons l' inquiétude, le questionnement. Il y a du déchet dans ce que nous disons. Nous avons besoin de ce déchet. Écrire, c'est toujours en cassant la valeur_déchange qui maintient la parole sur son rail, faire à la surabondance, à l' inutile, leur part sauvage. C'est pourquoi, il est bon de laisser la langue s' essayer, comme on essaie une caresse, de prendre_le_temps qu'il faut à une phrase une pensée, pour se faire aimer, se faire résonner

Voix ! c'est aussi se lancer, cet épanchement dont il ne revient rien. Exclamation, cri, essoufflement, hurlement, toux, vomissement, musique. Elle part. Elle perd. Et c'est ainsi qu'elle écrit, comme on lance la voix, en_avant, dans le vide. Elle s' éloigne, elle avance, ne se retourne pas sur ses traces pour les examiner. Ne se regarde pas. Course casse-cou. Au contraire du narcissisme masculin, préoccupé, s' assurant de son image, d'être regardé, de se voir, de rassembler ses éclats, de se rempocher. Regard ramenant, regard toujours divisé retournant, économie du miroir, il faut qu'il s'aime. Mais elle : s' élance, cherche à aimer. Ainsi d'ailleurs l'a senti Valéry, marquant d'ambiguïté sa Jeune Parque se cherchant, masculine dans sa jalousie_d'elle-même : "'se_voyant se_voir", devise de toute la spéculation / spécularisation phallocentrique ; de tout Teste ; féminine dans léperdue descente plus bas plus bas où, dans le ressassement de la mer, se perd une voix qui ne se connaît pas.

Voix-cri. Agonie, – « parole » explosée, déchiquetée par la douleur et la colère, pulvérisant le discours […]

Voix : détachement, et fracas. Feu ! Elle tire, elle se_tire. Casse. Depuis leur corps où elles ont été enterrées, confinées, et en même temps interdites de jouir. De la féminité les femmes ont presque tout a écrire : de leur sexualité, c'est-à-dire de l'infinie et mobile complexité de leur érotisation, des ignitions[7] fulgurantes de telle infime-immense région de leur corps, non du destin, mais de l'aventure de telle pulsion, voyages, traversées, cheminements, brusques et lents éveils, découvertes d'une zone naguère timide, tout à l'heure surgissante. Le corps de la femme aux mille_et_un foyers d'ardeur, quand elle le laisserafracassant les jougs et censuresarticuler le foisonnement des significations qui en_tous_sens le parcourt, c'est de bien_plus d'une langue qu'il va faire retentir la vieille langue maternelle à un_seul sillon.

Dans leur grande majorité les mots retenus pour l'analyse sont

  • de type "A+" (ex : infinie, mobile, complexité, fulgurantes, aventure, voyages, traversées, cheminements, brusques, éveils, surgissante)
  • et de type "B-" (ex : logique, exige, économie, sec, maigre, raide, valeur, maintient).

Donc le Point-de-vue dominant est Extraverti (E), et le contexte de la biographie de l'auteure indique qu'il l'est resté au fil des décennies. Ce Parler 'E -> E' ou "changement destruction" apparaît ici sous la première de ses faces

  • la version "soft", "bénigne", "créative" (ici artistico-littéraire), socialement compatible et souvent à terme reconnue : la face "changement",
  • ... alors que l'autre face, la version "hard", "maligne", débouche sur des comportements antisociaux, délictueux voire criminels : la face (auto-)"destruction".

Nous verrons, dans le chapitre consacré à ce Parler, que la différence entre les deux faces tient à ce que dans la première tout le vocabulaire de la série A (valorisée), notamment les verbes, est mis en jeu à travers des métaphores qui restent métaphoriques (ex : "mettre le feu") alors que dans la seconde face ces mêmes métaphores A+, notamment celle des verbes d'Élimination, sont agies, passées à l'acte (ex : mettre réellement le feu) ...

Dans ce contexte "Extraverti" apparaissent des verbes, soit à l'infinitif, soit au participe passé, soit contenus dans des substantifs dérivés formés sur leur racine. Homogénéisons leur présentation en les mettant tous à l'infinitif.

  • Verbes rattachables à la série B, ici dévalorisés, en rapport avec la Conservation active ou passive, le maintien a l'identique ou le retour au même :
    • tenir, maintenir, revenir. se etourner examiner regarder, se préoocuper, s''assurer rassembler , se rempocher se regarder, ramener, retourner, enterrer, confiner, interdire, censurer
  • Verbes rattachables à la série A. Ici valorisés, en rapport avec l'exposition à la dégradation, avec la prise de risque, ou avec le changement ou la destruction, regroupés sous l'intitulé Élimination :
    • inquiéter, questionner. casser, laisser, essayer, se lancer, s'épancher, s'exclamer, crier, hurler, tousser, vomir, . partir, perdre, s'éloigner, courir, se casse le cou, s' élancer, exploser, déchiqueter, pulvériser, détacher, fracasser. tirer, se_tirer. casser, enflammer (ignitions) fulgurer, voyager, traverser, cheminer, éveiller, découvrir, surgir, laisser, fracasser, articuler, foisonner, parcourir, retentir

Dans cet exemple comme dans le précédent, on constate l'opposition bien tranchée entre les deux Séries A et B et les deux listes de verbes opposés, ici avec des mises en contraste comme la phrase "Au contraire du narcissisme masculin...", suivie d'une grappe de verbes dont les contraires seront mis, dans les paragraphes suivants, au compte de la position féminine...

Penchons-nous à présent sur une nouvelle caractéristique de ces deux listes de verbes : le fait qu'ils se rencontrent dans les textes aux trois "voix" : active, passive et réfléchie.

Les verbes aux trois 'voix' : active, passive et réfléchie[modifier | modifier le wikicode]

Voix active[8][modifier | modifier le wikicode]

Ex : "on jette cet aliment périmé à la poubelle"

Forme générale : X + VA [verbe_d'action] + Y

Dans nos deux exemples :

"Il découvre un splendide gisant de marbre noir" (X = "Il", VA = "découvre", Y = " un gisant...")

"Nous aimons l'inquiétude" (X = "Nous", VA = "aimons", Y = "l'inquiétude)

Voix passive[9][modifier | modifier le wikicode]

Ex : "cet aliment est jeté à la poubelle (par...)"

Forme générale : Y + est + PP [participe passé du verbe_d'action] (+ par X)

Dans nos deux exemples :

"La momie est (parfaitement) conservée" (Y ="La momie", PP = "conservée")

"Elles ont été confinées" (Ÿ = "Elles", PP ="confinées"]

Voix réfléchie ou pronominale[modifier | modifier le wikicode]

Ex : "il se jette à l'eau"

Forme générale : X + VA (verbe_d'action) + X (remplacé par le pronom réfléchi "se" ou "s' '")

Dans nos deux exemples :

"L'horreur se voile" (X = "L'horreur", VA = "voile)"

""Elle s'éloigne" (X = "Elle", VA = "éloigne")

N.B. : " Certains grammairiens considèrent que les verbes pronominaux forment une voix verbale spécifique, et parlent de voix pronominale ou de conjugaison pronominale "[10]

Attention aux "faux réfléchis"[11] : tout verbe pronominal n'est pas réfléchi !

  • Dans des exemples comme "X se bat avec Y", il s'agit d'une forme mutuelle où X bat Y et Y bat X, et non d'une forme ou X se bat lui-même (X bat X). Cette action mutuelle et parfois explicitée à l'aide d'un préfixe, comme dans les verbes "s'entretuer", "s'entredéchirer" ou "s'entredévorér".
  • Dans les verbes comme "s'évanouir", on ne peut pas détacher le "s' ". Il n'existe pas (en principe) de verbe "évanouir", on ne dit pas "X évanouit Y". Cependant la malice populaire ou l'inspiration poétique peuvent très bien créer des formes comme "On l'a suicidé" ou "Envole-moi"...
  • En français, le pronom indirect à la même forme que le pronom direct , on peut confondre leur fonction, qui est différente : dans "se servir un verre", "se" est indirect, signifie "À soi-même", l'action de servir porte sur le verre et pas sur soi-même, il ne s'agit pas ici d'un verbe réfléchi. Seuls sont dits réfléchis les verbes où "se" est complément d'objet direct..

Jusque-là rien d'extraordinaire ni de spécifique à l'A.L.S., et le lecteur serait en droit de se demander le but de ce rappel, puisqu'il est parfaitement habituel de trouver dans tout texte des verbes conjugués à chacune des trois voix.

Ce qu'avance l'A.L.S., sur la base du constat empirique fait sur de nombreux textes analysés, et qui trouve une explication dans les hypothèses dont nous parlerons dans quelques chapitres, c'est ceci :

*** Lorsque le locuteur fonctionne "en mode subjectif", on rencontre dans ses énoncés un même verbe (soit valorisé, soit dévalorisé) conjugué aux trois voix, surtout quand le sujet de la phrase est le locuteur lui-même, ce qui est, nous le montrerons, inhabituel et peu compréhensible "en mode cognitif".


Avant d'en dire plus, nous allons montrer ce mécanisme à l'œuvre dans notre second exemple, dont la tonalité devrait apparaître à tout un chacun comme parfaitement subjective justement.

Retour au texte d'Hélène Cixous[modifier | modifier le wikicode]

Tout d'abord, rajoutons à la seconde partie (utilisée pour les verbes opposés) la première moitié du texte, pour travailler sur les nombreux verbes pronominaux que contient l'ensemble.

« D'une certaine manière l'écriture féminine ne cesse de résonner du déchirement qu'est pour la femme la prise de la parole orale, — "prise" qui est effectuée plutôt comme un arrachement, un essor vertigineux et un lancer_de_soi, une plongée. Écoute parler une femme dans une assemblée (si elle n'a pas douloureusement perdu le souffle) : elle ne "parle" pas, elle lance dans l'air son corps tremblant, elle se lâche, elle vole, c'est toute entière qu'elle passe dans sa voix, c'est avec son corps qu'elle soutient vitalement la "logique" de son discours : sa chair dit vrai. Elle s' expose. En vérité, elle matérialise charnellement ce qu'elle pense ; elle le signifie avec son corps. Elle inscrit ce qu'elle dit, parce qu'elle ne refuse pas à la pulsion sa part indisciplinable et passionnée à la parole. Son discours, même "théorique" ou politique, n'est jamais simple ou linéaire, ou "objectivé", généralisé, elle entraîne dans l'histoire son_histoire.

Toute femme a connu le tourment de la venue à la parole orale, le cœur qui bat à se rompre, parfois la chute dans la perte de langage, le sol, la langue se dérobant, tant parler est pour la femme — je dirai même ouvrir_la_bouche en_public, une témérité, une transgression.

. . . . .

Voici les verbes à la voie réfléchie relevés dans les deux parties du texte d'Hélène Cixous, en y incluant les périphrases équivalentes, et les formes tirées de substantifs dérivés :

  • (la femme) : lancer de soi, lancer dans l'air son corps, se lâcher, s'exposer, se lancer, s'éloigner, (ne pas) se retourner, (ne pas) se regarder, s'élancer, se chercher, se tirer
  • (l'homme) : s'assurer, se voir, rassembler ses éclats, se rempocher, s'aimer
  • (les abstractions) : le sol se dérobe, la langue s'essaye, une phrase/une pensée se fait aimer, se fait résonner, laJeune Parque se cherche, se jalouse elle-même, "se voyant se voir", une voix se perd et ne se connaît pas

Mettons déjà de côté les paires formées par un verbe à la voie active et ce même verbe à la voix réfléchie :

  • "L'écriture féminine résonne" - "une pensée se fait résonner"
  • "On essaie une caresse" - "laisser la langue s'essayer"
  • "Il faut qu'il s'aime" - "elle cherche à aimer" - "Une pensée se fait aimer"
  • "Elle cherche" - "La jeune Parque se cherche"
  • "Elle perd." - "Une voix se perd"
  • Et enfin, dans la même phrase: "Elle tire, elle se tire..", qui invite à prolonger le début de phrase qui suit "Elle casse." par un "Elle se casse" !!!

(Dans ce texte on trouve quelques verbes à la voix passive mais ils n'ont pas de répondant à la voie active ou à la voie réfléchie : "elles ont été enterrées, confinées, et en même temps interdites de jouir").

Le phénomène des trois voix repéré par L'A.L.S. dans les textes "en mode subjectif", et qu'il faut parfois un peu de patience pour mettre en évidence, est manifesté directement et avec une grande lucidité dans un texte par définition éminemment subjectif : un poème de Charles Baudelaire intitulé L'Héautontimorouménos[12]

Du côté de chez Baudelaire[modifier | modifier le wikicode]

Dans ce poème, dont le titre signifie en grec ancien "le bourreau de soi-même", intéressons-nous au sixième quatrain, que voici :

Je suis la plaie et le couteau !

Je suis le soufflet et la joue !

Je suis les membres et la roue,

Et la victime et le bourreau !

Le titre et le dernier vers du quatrain expriment de deux manières convergentes la forme pronominale sous-entendue qui pourrait s'ècrire, puisque la fonction du bourreau est de supplicier le condamné :

X supplicie X, puisque le bourreau et la victime sont le "je" (dédoublé) du poème.

En utilisant la forme "correcte", c'est-à-dire la voix réfléchie : X se supplicie,

là où la voix active dirait "X supplicie Y", et la voix passive "Y est supplicié par X".

Quant aux trois premiers vers du quatrain, ils expriment l'identité du bourreau et de la victime, représentés l'un par métonymie[13] (l'instrument du supplice manié par le bourreau) et l'autre par synecdoque[13] la partie du corps de la victime meurtrie par cet instrument).

L'A L.S. ne fait qu'indiquer ceci : cette présence des trois voix dans les énoncés subjectifs ne se rencontre pas que pour les verbes de la liste Élimination (et mauvais traitements !), mais également pour les verbes de la liste Conservation, que nous avons rencontrés dans notre premier exemple en positif chez le patient Jérôme, et dans notre second exemple en négatif sous la plume d'Hélène Cixous... Et donc, puisque les différents Parlers sont des combinaisons de Points-de-vue impliquant les Séries A et B (et les listes Élimination et Conservation), le phénomène du verbe conjugué aux trois voix va se rencontrer dans tous les parlers décrits par l'A.L.S.

Nous allons justement développer, dans les deux chapitres qui viennent, les deux "frères ennemis" : le Parler "conservateur" et le Parler "changement/destruction", en précisant en quoi leurs perspectives opposées sont comme une photo et son négatif (les valeurs attribuées aux Atomes des deux Séries étant renversées lorsqu'on passe de l'un à l'autre.

Différence avec le "mode cognitif"[modifier | modifier le wikicode]

[À RÉDIGER]

Un exercice "en musique"[modifier | modifier le wikicode]

Dans cette chanson de Sylvie Vartan[14],

  • recenser, une fois les mots-outils supprimés. le lexique pertinent pour l'A.L.S.
  • analyser les Atomes et les Molécules en utilisant les conventions de notation : italique pour la Série A, gras pour la Série B, souligné pour un mot valorisé et barré pour un mot dévalorisé
  • en appliquant la définition des Points-de-vue (qui combinent Série et Valeur), déterminer si le Point-de-vue dominant dans cet extrait est Extraverti ou Introverti. On peut éventuellement le mettre en rouge (pour le premier), ou en bleu (pour le second)
  • enfin et surtout, travailler sur les verbes de cette chanson :
    • les recenser, et le cas échéant les répartir entre la liste "Conservation" et la liste "Élimination"
    • analyser comment fonctionnent les verbes à la voix réfléchie, dans leur relation avec ces m^mes verbes à la voix active, y compris dans leurs formes sous-entendues plus précisément lorsqu'ils sont contenus dans les noms sous la forme des éléments (verbes ou adjectifs) qui font partie de la définition de ces noms.
  • [Corrigé dans le prochain chapitre]

L'amour c'est comme une cigarette

Quand tu es dans la lune, les idées en panne

Je me voudrais brune comme une Gitane

Me glisser entre tes doigts et puis me brûler

Me consumer pour toi, n'être que fumée

Quand tu es dans ce monde où tes rêves t'entraînent

Je me voudrais blonde comme une américaine

Être douce et sage ou sucrée

T'emmener sur mon nuage de fumée

L'amour c'est comme une cigarette

Ça brûle et ça monte à la tête

Quand on ne peut plus s'en passer

Tout ça s'envole en fumée

L'amour c'est comme une cigarette

Ça flambe comme une allumette

Ça pique les yeux, ça fait pleurer

Et ça s'envole en fumée

Je peux être française, en robe bleue

Anglaise, si tu le veux

Ou être à la menthe, en bague dorée

Ne crois pas que je mente, tout n'est que fumée

L'amour c'est comme une cigarette

Ça flambe comme une allumette

Ça pique les yeux, ça fait pleurer

Et ça s'envole en fumée

On fait tout un tabac

Quand l'amour s'en vient ou s'en va

On est des cigarettes

Qu'il roule quand il a envie

Et je deviens fumée

Pour t'intoxiquer de moi

Blonde ou brune, brune ou blonde

Je le serai pour toi

L'amour c'est comme une cigarette

Ça brûle et ça monte à la tête

Quand on ne peut plus s'en passer

Tout ça s'envole en fumée

L'amour c'est comme une cigarette

Ça flambe comme une allumette

Ça pique les yeux, ça fait pleurer

Et ça s'envole en fumée

L'amour c'est comme une cigarette

Ça flambe comme une allumette

Ça pique les yeux, ça fait pleurer

Et ça s'envole en fumée

L'amour c'est comme une cigarette


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Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. « Prédicat (linguistique) », dans Wikipédia, (lire en ligne)
  2. « L'adjectif prédicatif (ou adjectif verbal) », sur Etudier-le-chinois, (consulté le 20 mai 2023)
  3. « Serge Leclaire », dans Wikipédia, (lire en ligne)
  4. (en) « Démasquer le réel , Serge Leclaire, S... », sur www.seuil.com (consulté le 21 mai 2023)
  5. « Hélène Cixous », dans Wikipédia, (lire en ligne)
  6. « La jeune nee - Hélène Cixous », sur Babelio (consulté le 22 mai 2023)
  7. « IGNITION : Définition de IGNITION », sur www.cnrtl.fr (consulté le 23 mai 2023)
  8. « Voix active », dans Wikipédia, (lire en ligne)
  9. « Voix passive », dans Wikipédia, (lire en ligne)
  10. « Verbe pronominal », dans Wikipédia, (lire en ligne)
  11. Laurent Camus, « Pronominaux ni réfléchis ni réciproques », sur www.francaisfacile.com (consulté le 21 mai 2023)
  12. « L'Héautontimorouménos », dans Wikipédia, (lire en ligne)
  13. 13,0 et 13,1 « Synecdoque et métonymie », dans Wikipédia, (lire en ligne)
  14. « Paroles L'amour C'est Comme Une Cigarette par Sylvie Vartan - Paroles.net (lyrics) », sur www.paroles.net (consulté le 9 juin 2023)