États de la matière/Transitions de phases topologiques
La topologie étudie les déformations continues d'un objet en un autre objet. En topologie, un cube est équivalent à une sphère. Un tore est équivalent à une tasse à café ( 1 trou ). Le nombre de trous est un nombre topologique qui regroupe les surfaces équivalentes et ce nombre est donc un paramètre essentiel de la topologie d'un objet.
On a vu dans les chapitres précédents que pour définir des états, on pouvait considérer parfois l'ordre présent dans la matière (cristal) ou le désordre, parfois la présence de transitions de phase, ... La notion de symétrie peut aussi permettre de différencier des états de la matière.
Pour un matériau 2D ( i.e. un matériau en couche très fine ), l’agitation thermique même à très basse température devrait empêcher une transition de phase car cette agitation devrait détruire tout ordre dans le matériau. Il n'y donc pas de transition ordre-désordre dans des matériaux 2D. Cependant, la transition de phase BKT montre que l'on peut avoir une transition vers un état topologique équivalent. La topologie permet donc d'étudier les propriétés de la matière condensée.
Des matériaux topologiques, comme des isolants topologiques, des supraconducteurs topologiques, etc, pourraient déboucher vers l'élaboration d'ordinateurs quantiques.
Effet Hall quantique
[modifier | modifier le wikicode]Un courant électrique traverse un matériau bidimensionnel avec un champ magnétique B important à basse température et cela produit une tension électrique U perpendiculaire au champ. Si on fait varier de façon continue le champ magnétique, la conductance évolue par paliers, i.e. avec des valeurs discrètes.
Dans ces conditions, les électrons (d'un point de vue classique) suivent une trajectoire de cyclotron ( i.e. les particules placées dans un champ magnétique constant suivent une trajectoire en forme de spirale composée de demi-cercles successifs ).
Ces orbites sont quantifiées. L'énergie de ces orbitales est alors décrite par des valeurs discrètes données par:
où est la constante de Planck, est un entier naturel et est la fréquence de cyclotron.
Ces orbitales sont connues sous le nom de niveaux de Landau. Pour de forts champs magnétiques, chaque niveau de Landau est hautement dégénéré (i.e. il y a beaucoup d'états à une particule qui possèdent la même énergie Eν). En effet, pour un échantillon de surface A, plongé dans un champ magnétique B, le degré de dégénérescence est :
où gs représente un facteur 2 pour la dégénérescence des spins et Φ0 ≈ 2 × 10-15 Wb est le quantum de flux magnétique en Weber. Pour un champ magnétique B assez fort, chaque niveau de Landau possède tellement d'états que tous les électrons libres du système se retrouvent dans seulement quelques-uns de ces niveaux; c'est dans ce régime qu'il est possible d'observer l'effet Hall quantique entier.
à basse température
en fonction de l'induction magnétique B en Tesla (T).
La résistance de Hall RH prend des valeurs quantifiées :
où est la constante de Planck, est un entier naturel représentant le nombre de niveaux de Landau occupés ( dit parfois « facteur de remplissage » ) et est la charge de l'électron.
La conductivité de Hall σ est alors :
La conductance de Hall est un nombre topologique qui ne peut prendre que des valeurs entières. Les entiers qui apparaissent dans l'effet Hall quantique sont des exemples de nombres topologiques quantiques.
L'état d'un électron est représenté par un vecteur. L'ensemble des vecteurs de tous les électrons est une propriété topologique et les électrons forment un fluide quantique topologique. Ils présentent un mouvement collectif dont la topologie impose une variation de la conductance par paliers, à chaque fois qu’un « trou » se crée. C'est une phase topologique.
Les isolants topologiques
[modifier | modifier le wikicode]On a des états de la matière qui d'un point de vue topologique sont entre isolants et conducteurs électriques.
Isolants et conducteurs
[modifier | modifier le wikicode]Ce sont les électrons libres dans les matériaux qui provoquent le courant électrique. La mécanique quantique impose que les électrons qui sont des fermions, ne peuvent pas occuper à plusieurs le même état quantique ( principe d'exclusion de Pauli ). Les électrons sont donc dans des bandes d’énergie séparées par des « gaps » ou « bandes interdites ».
L'énergie la plus grande correspond au niveau de Fermi.
C'est la largeur du dernier gap qui va faire que le matériau est un isolant ou un conducteur.
Les isolants topologiques
[modifier | modifier le wikicode]Les isolants topologiques sont des matériaux qui sont des isolants « en volume » mais ce sont des conducteurs sur leurs bords. Ils ont une structure de bande de type isolant mais qui possède des états de surface métalliques.
Dans certains isolants topologiques, la conductance électrique ne peut prendre que des valeurs multiples de e²/h .
Cette propriété topologique est due à l'existence de guides d'onde au bords du matériaux.
♦ Topological Insulators, volume six in the Contemporary Concepts of Condensed Matter Series, Elsevier, 23 novembre 2013 - 352 pages lien books.google.fr
Application aux semiconducteurs spintroniques
[modifier | modifier le wikicode]Il existe une phase topologique où les états de bords existent par deux et se propagent dans une direction opposée. Chaque partenaire de la paire porte un moment magnétique intrinsèque ( spin ) qui est opposé à l'autre.
Le fait de contrôler le flux des charges et leur spin est important pour la spintronique.
On a obtenu cette phase dans des hétérostructures de mercure / cadmium / tellure (semiconducteur Hg1−xCdxTe - HgTe - Hg1−xCdxTe )[2].
Le tellurure de mercure-cadmium (HgCdTe), souvent appelé « mercatel » est un alliage de tellurure de mercure (HgTe) et de tellurure de cadmium (CdTe). Le premier étant un semi-métal (pas de gap) et le second un semi-conducteur binaire de gap 1,5 eV à température ambiante, le tellurure de mercure-cadmium est un semi-conducteur ternaire dont le gap varie entre 0 et 1,5 eV, en fonction de la proportion de mercure et de cadmium.
À 80 K, la mobilité des électrons d'un échantillon de Hg0,8Cd0,2Te peut être de plusieurs centaines de cm2/(V·s).
Phase topologique en 3D
[modifier | modifier le wikicode]Une phase topologique à 3 dimensions a été observée dans un matériaux à base de bismuth et d' antimoine (antimoniure de bismuth). Les électrons se déplacent à la surface. Ils se comportent comme si ils n'avaient pas de masse.
Phase topologique en 1D
[modifier | modifier le wikicode]Des phases topologiques ont été trouvées dans les chaînes de spin quantiques unidimensionnelles. Les systèmes unidimensionnels ont des propriétés très particulières. Il s’agit de particules de spin 1/2 situées sur les sites d’un réseau qui interagissent avec leurs voisins les plus proches.
- ♦ Chaînes de spins antiferromagnétiques: la « Conjecture de Haldane » , images de la physique 95/96, CNRS
- ♦ Dave Allen, Thèse Ph.D. , Étude des chaînes de spins par les méthodes de la théorie quantique des champs, Sherbrooke, Québec, (1998)
Notes
[modifier | modifier le wikicode]- Duncan Haldane, Michael Kosterlitz et David Thouless ont obtenus le prix Nobel de physique en 2016, pour leurs recherches théoriques sur les transitions de phases topologiques.
- David Thouless et Michael Kosterlitz (en 1973) ainsi que le soviétique Vadim Berezinski (en 1972) ont trouvé la transition de phase qui porte leurs noms ( transition BKT )
- Duncan Haldane (en 1988) a montré que les fluides quantiques topologiques pouvaient exister même en l’absence d’un champ magnétique. Ceci a été confirmé en utilisant des atomes ultra-froids en 2014.
- ↑ Differential Equations: A Dynamical Systems Approach. Part II: Higher-Dimensional Systems, John H. Hubbard , Beverly H. West , Texts in Applied Mathematics , volume 18, Springer , (1995) , isbn: 978-0-387-94377-0 , 204 pages , books.google.com
- ↑ http://web.physics.ucsb.edu/~phys223B/w2014/Science-2006-Bernevig-1757-61.pdf